Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons, à l’initiative du Sénat, ces deux propositions de loi, précédées du rapport de la commission d’enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l’organisation, de l’activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes.
Avec un rythme moyen de création de plus d’une AAI par an, ce rapport faisait état de leur prolifération croissante et de l’incertitude de leur périmètre. En effet, plus de trois décennies après l’apparition de cette nouvelle catégorie juridique, le mouvement de création et de renforcement des compétences des AAI semble incontrôlé. Nous comptons désormais quarante-deux autorités, aux caractéristiques très éloignées les unes des autres. Ces autorités fonctionnent sans corpus juridique ni déontologique commun, et parfois même sans avoir été qualifiées comme telles par un texte législatif. Il n’existe aucune liste officielle de ces autorités. Ainsi, plusieurs AAI sont actuellement reconnues du seul fait d’une mention au rapport public du Conseil d’État de 2001, et consacrées par la liste tenue sur le site Légifrance.
Pourtant, ces « objets juridiques non identifiés », qualifiés ainsi par le doyen Patrice Gélard, cité dans le rapport de la commission d’enquête, ont pris une place considérable dans le fonctionnement des institutions de la République, en marge d’un véritable contrôle démocratique. L’intervention du législateur était donc nécessaire, en poursuivant l’objectif d’une meilleure lisibilité des institutions.
Il était également primordial de rationaliser et de coordonner ces autorités, dont les compétences peuvent parfois être extrêmement similaires. Par exemple, quatre autorités interviennent pour la seule élection du président de la République ! La situation actuelle peut donc conduire à des conflits de compétences qui ne sont pas souhaitables, d’où la nécessité d’améliorer le pilotage entre les autorités.
Par ailleurs, les autorités administratives indépendantes ont parfois longtemps échappé au contrôle parlementaire.
Bref, ces deux propositions de loi soumises à notre examen prévoient de répondre à un certain nombre de ces problématiques. Parmi leurs principales dispositions, on peut citer l’attribution d’une compétence exclusive au législateur pour instituer des AAI et API, ainsi que l’inscription en annexe d’une liste officielle de vingt-six autorités. La proposition de loi fixe également le statut général des autorités administratives indépendantes en consacrant les garanties d’indépendance de ces autorités et de leurs membres.
En contrepartie des responsabilités exercées par ces autorités, un corpus déontologique exigeant mais nécessaire est institué, avec un régime d’incompatibilités comparable à celui des parlementaires, ce qui nous paraît être un gage de saine administration. Par exemple, un membre d’une API ou d’une AAI ne pourra plus exercer de mandat électif local durant son mandat. Notre commission a limité cette incompatibilité à la seule présidence de l’organe délibérant concerné : l’expérience d’élu local peut en effet être précieuse au sein d’une autorité administrative indépendante.