Les autorités indépendantes sont un vrai sujet politique, compte tenu du nombre des structures, de leur mode de mise en place, des 600 millions d’euros qu’elles coûtent par an, des problèmes de déontologie, des conflits d’intérêts. Les autorités administratives sont effectivement trop nombreuses. Elles accentuent un entre-soi sociologique qui freine tout changement – mêmes élus, mêmes grands corps, mêmes grandes écoles – en comptant trop peu de citoyennes et de citoyens venant d’horizons divers.
Dans les textes examinés aujourd’hui, le souci d’apporter une stabilité juridique, de renforcer la transparence, la déontologie et la lutte contre les conflits d’intérêts va dans le bon sens.
Le groupe écologiste dans son entier se réjouit que le médiateur national de l’énergie, le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires et la Commission nationale du débat public aient retrouvé leur statut mardi dernier en commission. L’indépendance et la liberté de parole du médiateur, qui oeuvre efficacement à la protection des consommateurs d’énergie, sont importantes, d’autant que nous venons d’étendre ses compétences dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Nous nous réjouissons aussi de la prise en compte de la très faible féminisation de la direction de toutes ces autorités administratives, aux trois quarts masculine. La parité votée en commission mettra enfin un terme à cet archaïsme inacceptable. J’ai noté que le Gouvernement proposait une nouvelle ordonnance pour les AAI oubliées. Cela nous semble bienvenu et va dans la logique de l’amendement que nous avons fait adopter en commission.
Nous devons aussi nous interroger sur la cohérence de notre analyse de l’administration avec le regard que nous portons sur la vie publique. Nous voulons limiter la durée des mandats exercés dans les autorités administratives et nous proposons que ces dernières connaissent un certain nombre d’évolutions. C’est bien, mais à quand l’application à la vie publique et politique de ce que nous préconisons pour l’administration, à quand la limitation à deux du nombre de mandats successifs dans le temps, que nous avons d’ores et déjà adoptée pour le Président de la République ? Il nous semble qu’il y a là une incohérence, qu’il reviendra au législateur de corriger en limitant le cumul des mandats électifs dans le temps.
Je me réjouis que ce soient les groupes Les Républicains, UDI-UC et RDSE du Sénat qui se soient préoccupés de cette limitation du cumul et de la transparence. J’espère que, lorsque ces sujets reviendront en débat sur le statut des parlementaires, ces sénateurs auront réalisé que ce qui est intolérable pour les membres des AAI l’est tout autant pour les parlementaires. Notre démocratie souffre gravement du manque de renouvellement, que ce soit dans les autorités indépendantes ou dans nos chambres parlementaires.
Au reste, nous nous étonnons de la position extrêmement rigide du Gouvernement qui par ailleurs veut simplifier le millefeuille des collectivités territoriales, supprimer des régions, réformer… Nous aimerions que ce zèle réformiste s’appliquât également aux autorités indépendantes. Je pense particulièrement à la HADOPI – Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet. Le candidat François Hollande avait promis de remplacer la loi Hadopi. C’est d’ailleurs l’une des promesses sur lesquelles je me suis engagée lors de mon élection en 2012. C’est pourquoi l’amendement no 8 prévoit une vraie réflexion sur le maintien ou non de cette haute autorité en 2022.
Nous porterons d’autres amendements en séance, principalement autour de trois sujets : la transparence, les liens entre les AAI et le Parlement, et la déontologie.
Sur la transparence, nous souhaitons garantir la publicité des avis des autorités administratives indépendantes sur les projets de loi. Au moment où la France vient de prendre la présidence du Partenariat pour un gouvernement ouvert, où le Gouvernement défend le projet de loi pour une République numérique au Sénat et où il vient de déposer un projet de loi sur la transparence qui vise à permettre une meilleure connaissance de l’empreinte législative, maintenir secret l’avis d’autorités indépendantes sur des textes législatifs n’est pas acceptable.
Sur les liens entre Parlement et AAI, il nous semble important que les Assemblées puissent faire appel aux autorités pour renforcer le contenu des propositions de loi.
Sur la déontologie, il nous semble important que chaque AAI ait ses règles propres, inscrites dans son règlement intérieur, et que tout manquement grave puisse être sanctionné. Nous souhaitons également modifier la loi sur la transparence de 2013 pour mettre fin à une difficulté sur le suivi du pantouflage par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.
En conclusion, nous reconnaissons l’avancée que permettront les textes dont nous débattons, nous saluons les questions légitimes qui sont soulevées, nous partageons un certain nombre de réponses qui y sont apportées. C’est la raison pour laquelle nous voterons probablement en faveur de ces textes – tout dépendra de la façon dont ils évolueront lors des débats.