Intervention de Thierry Mariani

Séance en hémicycle du 28 avril 2016 à 9h30
Levée des sanctions imposées à la russie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Mariani :

Arrêtons-nous un instant sur ces accords de Minsk, puisque leur respect conditionne la levée des sanctions. Je tiens d’abord à dire, bien qu’étant dans l’opposition, que la conclusion de ces accords est un succès de ce gouvernement et de la diplomatie française, comme le fut la conclusion de l’accord de 2008 mettant fin au conflit géorgien, dont Nicolas Sarkozy fut l’artisan. Les accords de Minsk sont une étape vers la paix et c’est tout à l’honneur de la France que de les avoir rendus possibles.

Signer un accord, c’est bien, le respecter, c’est mieux ! Vous connaissez la situation, monsieur le secrétaire d’État : estimez-vous qu’aujourd’hui ces accords soient respectés ?

Ces accords prévoyaient un statut d’autonomie pour les régions de l’est de l’Ukraine, une loi électorale et de nouvelles élections, une amnistie, enfin un cessez-le-feu. Aujourd’hui le cessez-le-feu est bafoué allégrement des deux côtés, même si les accords ont permis de réduire sensiblement les pertes humaines et l’intensité des affrontements. On a même assisté cet été, pendant deux mois, à un arrêt quasi total des combats.

Cela a-t-il permis à Kiev de mettre en oeuvre les réformes promises ? Certainement pas. Jean-Marc Ayrault, notre ministre des affaires étrangères, en visite dans l’est de l’Europe il y a quelques semaines, aurait d’ailleurs, si j’en crois la presse, tapé du poing sur la table et demandé au gouvernement ukrainien de respecter sa parole et de mettre en place ces réformes.

S’agissant en effet du statut d’autonomie promis pour les régions de l’est, quasiment rien n’a été fait, sinon le vote d’une loi accordant une autonomie relative pour une durée de trois ans. Laurent Fabius lui-même avait déclaré devant la commission des affaires étrangères que cette réforme était bien en deçà de ce que les accords de Minsk prévoyaient. S’agissant de la loi électorale ou de l’amnistie, nulle avancée : rien de ce qui aurait dû être voté par le Parlement ukrainien ne l’a été à ce jour.

Soyons honnêtes : qui peut penser une seule seconde que la Rada ukrainienne votera la moindre réforme dans les années à venir ? Le dernier remaniement ministériel, en février, a montré l’extrême faiblesse de la majorité. Un bon connaisseur de la région avouait il y a quelques semaines à notre commission des affaires étrangères qu’on ne savait plus qui gouvernait à Kiev ! Pensez-vous une seule seconde, monsieur le secrétaire d’État, que les accords de Minsk pourront être respectés dans ces conditions et que ces lois seront votées ? Vous savez très bien que non.

Alors que les accords de Minsk sont dans l’impasse, nos agriculteurs et les entreprises françaises souffrent de sanctions totalement aberrantes. Saviez-vous, monsieur le secrétaire d’État, qu’un camembert est plus dangereux qu’un hélicoptère, qu’une carcasse de porc plus dangereuse sur le plan militaire que le spatial ? En effet, alors que nos produits agricoles sont frappés d’embargo, l’entreprise américaine Bell a toute latitude pour construire une usine d’assemblage d’hélicoptères dans l’Oural ! On ne peut pas exporter de carcasses de porc, mais Américains, Russes et Européens continuent de collaborer dans le spatial, qui, c’est bien connu, n’a aucune implication militaire !

Personne ne sait vraiment comment cette liste de sanctions a été constituée. En tout cas, elle l’a été au détriment complet des intérêts de la France et en préservant soigneusement ceux de certains pays.

Ces sanctions frappent aussi nos entreprises. La France, vous le savez, est en Russie le troisième investisseur et le premier employeur étranger, avec 1 200 entreprises françaises présentes dans ce pays. Du fait de ses sanctions, la confiance se trouve sévèrement ébréchée, de grands projets sont arrêtés. Ainsi les entreprises françaises étaient notoirement bien placées pour assurer l’établissement d’une ligne à grande vitesse entre Moscou et Kazan : aujourd’hui ce marché nous échappe au profit des Chinois.

En France, des projets d’investissement sont au point mort. Monsieur Pauvros, ici présent, se souviendra que, secrétaire d’État chargé des transports, j’ai participé au sauvetage par un investisseur russe de l’usine Sambre-et-Meuse, située dans sa circonscription. Depuis cet investisseur a dû se retirer parce que l’une de ses usines est en difficulté à cause des sanctions.

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