Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, si l’immensité de sa terre l’enracine aux confins des deux mondes, la Russie ne pourra pourtant jamais être un simple trait d’union entre l’Europe et l’Asie. Parce qu’il existe dans l’histoire de son peuple une force irréductible, une aspiration à la grandeur, une foi mystérieuse et profonde en ce vieil empire qui, sous la plume de Fiodor Dostoïevski, fait de celui qui a renié sa patrie un homme qui a renié son Dieu. Parce que la Russie est aussi quelque part européenne, quand Victor Hugo l’invite à se fondre étroitement dans une unité supérieure et à constituer la fraternité européenne avec toutes les nations du continent.
Ce lien ancien et singulier entre l’Europe et la Russie s’est tissé au fil des siècles, entre deux civilisations que le christianisme a façonnées et dont les destins se sont progressivement entremêlés, jusqu’à ce qu’elles partagent une histoire, des valeurs et une culture commune.
Nous, Européens, devons, à cet égard, prendre pleinement conscience que l’Union européenne et la Russie sont liées par une communauté d’intérêts, qu’elles ont besoin l’une de l’autre et que leur entente est indispensable aux grands équilibres du monde.
L’élargissement du 1er mai 2004 n’a fait que consolider cette relation, puisque l’Union européenne et la Russie comptent désormais 2 200 kilomètres de frontières communes et que Kaliningrad, enclave russe, est entourée par la Lituanie et la Pologne.
Pourtant, cette relation, si privilégiée soit-elle, est également parsemée de désillusions, de malentendus et d’incompréhensions, voire de profonds désaccords : il en est ainsi des vives tensions en Ukraine, qui enveniment considérablement les relations entre la Russie et l’Europe depuis le 21 novembre 2013 et le refus de Viktor Ianoukovitch de signer l’accord d’association avec l’Union européenne. Ce revirement, opéré sous la pression russe, conjugué au choix de ne pas libérer l’opposante loulia Timochenko, a signifié la volonté des autorités ukrainiennes de se tourner vers la Russie. Il a surtout fait basculer un pays tiraillé entre son histoire avec la Russie et son désir d’Europe dans un déchaînement de violences et réveillé les divisions profondes entre deux Ukraine, celle de la place Maïdan et celle du bassin houiller du Donbass. La fuite, puis la destitution du Président et son remplacement par Oleksandr Tourtchynov, n’ont malheureusement pas permis de poser les bases d’une transition politique sereine et durable. Au contraire, la crise ukrainienne s’est terriblement envenimée pour devenir une crise diplomatique majeure débouchant sur l’annexion de la Crimée par la Russie.
En réaction, l’Union européenne a fermement condamné l’annexion illégale de la Crimée, refusé de la reconnaître et a imposé, le 17 mars 2014, de premiers gels d’avoirs ainsi que des interdictions de circulation aux personnes impliquées dans des actions contre l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
Le 29 juillet 2014, après qu’un avion de la compagnie Malaysia Airlines a été abattu non loin de la ville de Chakhtarsk, l’armée ukrainienne et les séparatistes s’en sont mutuellement accusés. L’Union européenne a alors décidé d’imposer des sanctions économiques à la Russie, sanctions dont le champ n’a depuis cessé de s’élargir. Elles ont été prolongées une première fois le 22 juin 2015 puis une nouvelle fois, en marge du sommet du G20 d’Antalya, qui s’est tenu les 15 et 16 novembre 2015. Elles courent jusqu’au 31 juillet 2016.
Dans la perspective de cette échéance, l’Assemblée nationale examine aujourd’hui une proposition de résolution du groupe Les Républicains invitant le Gouvernement à demander la levée des mesures restrictives et des sanctions économiques imposées par l’Union européenne à la Russie.
Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants apportera son soutien à cette résolution, et ce pour quatre raisons principales.
Premièrement, notre groupe voit dans ces sanctions l’expression d’un revers diplomatique pour l’Europe et pour la France. Elles sont en effet en premier lieu la conséquence de l’absence de l’Europe aux côtés d’un peuple qui lui tendait la main, dont elle demeure l’horizon et dont l’aspiration à la liberté aurait dû faire écho à son propre projet. L’Europe a ici fait preuve d’une léthargie coupable en se montrant incapable d’endiguer l’escalade de violence et en marchant dans les pas des États-Unis, quitte à oublier ses propres intérêts.