À l’inverse, le maintien du statu quo ne réglera ni la crise ukrainienne ni les grands conflits de l’heure au Proche-Orient, où nous avons besoin de la Russie.
Pour le comprendre, il faut évaluer l’impact de l’embargo à l’aune des cinq questions suivantes.
L’embargo va-t-il mettre fin à l’annexion de la Crimée ? Aussi condamnable qu’ait été la décision russe de s’emparer de ce territoire par un fait accompli militaire, l’embargo n’aura aucun impact sur l’annexion de la Crimée.
Dois-je rappeler que ce territoire fait partie de l’histoire de la Russie depuis le XVIe siècle et que c’est en 1774 qu’a pris fin la souveraineté turque sur ce territoire ? Nous n’allons pas recommencer la guerre de 1853, à laquelle nous avions participé aux côtés des Britanniques et des Turcs contre la Russie. Pour dire les choses gentiment, je ne crois pas qu’un nouveau siège de Sébastopol soit d’actualité.
Deuxièmement, l’embargo a-t-il affaibli le Président Poutine et mobilisé son peuple contre lui ou contre sa politique en Crimée ou dans le Donbass ? C’est l’inverse qui s’est produit : les Russes ont serré les rangs face à ce qu’ils ont perçu comme une arrogance, une agressivité méprisante de l’Occident à leur égard.
Troisièmement, l’embargo nous aide-t-il à régler le problème de l’Ukraine ? Là encore, la réponse est non. Même les plus fidèles soutiens de l’Ukraine indépendante, dont je suis depuis le début de la révolution orange, doivent reconnaître aujourd’hui que le processus de Minsk est bloqué, non pas à cause de la Russie mais du fait de l’incapacité d’une classe politique ukrainienne totalement divisée et corrompue à appliquer l’accord, et en particulier à voter les textes sur la décentralisation nécessaire au règlement de la question du Donbass.
En clair, nous sommes devenus les otages de notre propre embargo. Tant qu’il dure, les dirigeants ukrainiens n’ont aucun intérêt à adopter les décisions difficiles qu’ils se sont pourtant engagés à prendre.