Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 18 juillet 2012 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Pour répondre à M. Caullet et à M. Pancher, je rappelle que, si le Premier ministre a bien souligné que certains ministères seraient prioritaires et verraient leurs effectifs préservés, voire augmentés, les arbitrages relatifs au reste du budget reposeront, malgré un contexte difficile, sur les priorités définies par le Gouvernement. Il ne fait aucun doute que les engagements pris se traduiront par une mobilisation financière. Du reste, le Premier ministre a déclaré qu'il souhaitait que la présence sur les territoires fasse l'objet d'un soin particulier. J'ai déjà évoqué à cet égard l'importance de la présence humaine.

On peut tirer un bilan contrasté des mesures appliquées à La Poste, mais la gestion verticale, qui - peut-être justifiée pour certains territoires -, a pu provoquer dans d'autres le départ simultané d'un service de santé, d'un hôpital, d'une maternité, d'une caserne et d'un tribunal d'instance, avec des effets cumulatifs dévastateurs pour ces territoires. Le ministère de l'égalité des territoires doit avoir en la matière une vision émergente, qui parte des territoires et remaille les endroits qui ont souffert, durant la période précédente, de la concentration des moyens sur certains territoires. Il faut donc nous situer dans une logique de réparation, tout en retissant des liens au plus près du territoire.

Penser l'égalité des territoires trente ans après la décentralisation suppose de revisiter les liens entre l'État et les collectivités locales, dont certaines – comme les régions, les grandes intercommunalités ou les départements – ont mené des politiques novatrices et pertinentes en matière d'aménagement, qu'il convient de mutualiser et de reproduire sur d'autres territoires. L'État a dans ce domaine un rôle d'animation, d'impulsion et de stratégie, en lien constant avec les collectivités locales.

On ne peut plus aujourd'hui penser une logique d'aménagement du territoire comme on le faisait dans les années 1960 ou 1970, et cela d'autant moins que les moyens dont disposait alors l'État relèvent aujourd'hui en grande partie – à juste titre d'ailleurs – des collectivités locales. Il faut désormais élaborer un nouveau mode de relation entre l'État et les collectivités pour l'ensemble des politiques. Plusieurs de ces politiques sont transversales, mais, en pensant simultanément les politiques relatives à l'école, à la santé et aux transports, on traite plus efficacement chacune d'entre elles. Il s'agit donc d'un changement de logique, qui part désormais des territoires et permettra d'apporter des réponses plus utiles dans un contexte où les moyens de l'État et des collectivités sont contraints. Puisqu'on ne peut attendre d'amélioration de ces moyens, ils doivent être mieux affectés. Il est tout à fait possible, en revanche, d'adopter des logiques qui, mettant en synergie les politiques menées au niveau de l'État et des collectivités locales, les rendent plus efficaces.

Pour ce qui concerne la rénovation thermique, que votre commission a évoquée avec Mme Delphine Batho, le travail sera mené pendant l'été et une première phase sera annoncée lors de la conférence environnementale du début du mois de septembre. Cet enjeu majeur doit être financé, mais son financement peut passer aussi par des mécanismes existants. Nous travaillerons à la réorientation de l'activité de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui sous-consomme actuellement ses crédits du fait d'un dispositif qui n'apporte pas tous les bienfaits attendus. Nous nous appuierons également sur des dispositifs qui existent déjà dans certaines collectivités et permettent de financer des travaux de rénovation thermique sur la seule base des économies réalisées sur les charges pour les locataires, sans qu'il soit besoin de budgets supplémentaires. Nous travaillerons également à des dispositifs permettant aux copropriétés de s'engager collectivement dans ces travaux de rénovation thermique. Des actions destinées aux professionnels et aux artisans seront consacrées à la formation et au diagnostic rapide, et viseront à réaliser les travaux les plus efficaces avec le meilleur rapport possible entre l'efficacité énergétique et le prix – car des abus ont été observés. Cette efficacité doit permettre à la fois des économies d'énergie et des économies de charges, dans un contexte où le renchérissement du coût de l'énergie risque d'aggraver les situations de précarité énergétique, qui touchent déjà 13 % de la population française.

Monsieur Pancher, pour ce qui concerne la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), certaines communes parviennent très bien à construire – mais, bizarrement, pas de logements sociaux. La difficulté ne tient pas au manque de terrains, car les sanctions déjà appliquées concernent des cas flagrants de communes refusant d'engager les constructions requises. Tous les élus, quelle que soit leur appartenance politique, et toutes les associations d'élus que j'ai rencontrés sont très favorables à l'application de sanctions. Celles-ci seront quintuplées et versées non plus aux intercommunalités, comme le permettait l'article 57 de la loi, mais bien à la réalisation de logements sociaux. J'étudie actuellement la possibilité de recourir, dans certains cas d'exagération manifeste, à la substitution par les préfets pour la construction de logements sociaux dans des communes qui n'en construisent pas, alors qu'elles continuent de construire, parfois avec enthousiasme, d'autres bâtiments.

C'est là une volonté forte du Gouvernement, qui veut aussi soutenir les maires bâtisseurs et ceux qui font des efforts. Faute d'un dispositif incitatif assez développé, nous étudierons la perspective de cessions gratuites par l'État et nous efforcerons, comme nous l'avons fait avec le décret d'urgence d'encadrement des loyers, d'accélérer encore la mise en place de ce dispositif. De fait, certains projets sont aujourd'hui gelés car le montant demandé pour la cession des terrains n'est pas compatible avec le projet des collectivités locales ou des bailleurs, en particulier lorsqu'il s'agit de logement social à loyer accessible. Dans certaines agglomérations, il est difficile de parvenir à un niveau de loyer compatible avec les revenus des locataires. Dans le parc privé, un locataire sur cinq consacre au logement plus de 40 % de ses revenus mensuels, et cela dans un contexte de crise où la situation des ménages les plus modestes devient de plus en plus difficile. Au prix des loyers s'ajoute une augmentation significative des charges. Nous avons donc l'obligation de contenir les loyers dans le secteur privé tout en permettant le développement de l'offre du secteur locatif social, ce qui permettra une plus grande mobilité du parc social, les locataires pouvant évoluer vers le parc privé. Nous travaillons également à l'amplification des dispositifs de soutien à l'accession sociale à la propriété.

Pour ce qui est du budget du logement, aucune décision n'a encore été prise et les informations dont il a été fait état ne sont que des « fuites » dans la presse, pas toujours fiables. La feuille de route de la ministre chargée de l'égalité des territoires et du logement a été rappelée ce matin même en Conseil des ministres par le Premier ministre et par le Président de la République. Les engagements et la volonté du Gouvernement sont donc très clairs et les moyens qui permettront que ces engagements soient tenus seront évidemment au rendez-vous. D'autres acteurs seront mobilisés, notamment les bailleurs sociaux qui, sur certains territoires, sont prêts à travailler à la mutualisation des fonds propres. Lorsque les bailleurs ne peuvent construire parce qu'ils ne se situent pas en zone tendue, cette mutualisation permet à d'autres bailleurs de disposer de ressources financières nouvelles.

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