Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 18 juillet 2012 à 16h30

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Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu Mme Cécile Duflot, ministre de l'Égalité des territoires et du Logement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

C'est aujourd'hui la première fois que notre commission reçoit Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, et c'est, pour nous comme pour Mme la ministre, un moment important, car l'aménagement du territoire est l'une des compétences prioritaires de notre commission, et l'amélioration et la mise aux normes des logements restent l'un des enjeux forts du développement durable.

Permalien
Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement

Je suis très heureuse de me présenter devant vous et je souhaite inscrire l'action de mon ministère dans un lien étroit avec les travaux de l'Assemblée. Les dossiers relevant du ministère de l'égalité des territoires concernent en effet l'ensemble des territoires de notre pays, qui présentent une grande diversité de situations. Il est donc très important que ces questions soient débattues en profondeur dans le cadre parlementaire. Vous pouvez compter sur ma disponibilité. Je souhaite que le Parlement prenne toute sa place dans ces débats.

Il arrive que les compositions gouvernementales nous appellent à ouvrir des champs nouveaux, de nouvelles friches pour l'action publique. C'est le cas avec le ministère de l'égalité des territoires.

Ce fut déjà le cas en 2007, lorsque le développement durable, que nous étions nombreux à promouvoir depuis le sommet de Rio, vint prendre toute sa place et recevoir toute la reconnaissance qui lui revenait au coeur de l'action de l'État. Cela fut notamment encouragé par le processus novateur que fut le Grenelle de l'environnement.

En 2012, c'est l'égalité des territoires qui tient lieu de nouvelle mission pour l'action publique. Le Président de la République l'avait lui-même placée au coeur de ses engagements lors de la campagne présidentielle. Il a réaffirmé cette volonté après son élection, avant qu'elle ne soit confirmée devant vous, il y a quelques semaines, dans le discours de politique générale du Premier ministre. C'est dans la poursuite de cette intention et à partir des grandes lignes qu'ils ont esquissées que j'ai souhaité bâtir le projet que je viens vous présenter aujourd'hui. Il s'agit là de l'un des grands desseins de notre communauté nationale, d'un grand projet pour la République et pour le Gouvernement.

Cet horizon n'appartient pas à un clan ou à un courant politique : c'est l'ensemble de la représentation nationale qui doit s'en saisir. Ma méthode sera simple : je ne connais pas de bonne politique qui ne soit en permanence concertée et co-élaborée avec le Parlement, et donc avec chacune et chacun d'entre vous.

Nous partageons le même constat : le territoire national se trouve aujourd'hui fragmenté et parcouru par des ruptures – rupture sociale, rupture culturelle, rupture face à l'État. Aujourd'hui, la promesse d'égalité devant la République et devant l'action de l'État n'est pas tenue. Nombreux sont les Français qui vivent sur un territoire ayant connu ces dernières années la fermeture d'un bureau de poste, d'une école ou la délocalisation d'une entreprise. On a longtemps cru que l'abandon et la relégation étaient réservés à quelques-uns, abandonnés de la République : nous nous sommes rendu compte bien tard qu'elles nous concernaient tous, de près ou de loin.

Elles sont venues se conjuguer aux espoirs déçus : lorsqu'une ville attend depuis des années un tramway ou un train, la création d'une école nouvelle ou d'un musée, lorsque les projets sont sans cesse retardés, voire oubliés, c'est dans la capacité des élus à faire de bons choix et dans leur volonté de se mettre au service de leurs concitoyens que l'on cesse de croire.

Le premier tour de l'élection présidentielle a été un premier coup de semonce. L'extrême droite a remporté des résultats records dans des territoires que l'on croyait jusque-là préservés. À bas bruit, les électeurs et les électrices sont venus nous appeler à un nouvel esprit de responsabilité.

Dans les campagnes, dans les quartiers, dans les villes petites et moyennes, à la désespérance sociale qui naît de la crise vient se mêler un sentiment de relégation et d'abandon de la puissance publique. Il n'est pas de territoire épargné ou protégé mais, où que l'on habite – dans les villes, les zones périurbaines ou les zones rurales isolées –, il existe aujourd'hui des territoires meurtris. Ce sentiment d'abandon ne vient pas de nulle part. Au cours des dix dernières années, l'action de l'État s'est trouvée désorientée et les citoyens ont souvent été désarçonnés.

Les années 1960 avaient vu naître une vaste ambition planificatrice et très centralisée. L'État voulait changer la France et la mettre à l'heure de son siècle, la transformer pour la moderniser. Ce furent alors les grandes heures de l'aménagement du territoire vu depuis Paris, avec certains succès, mais aussi avec les impasses dont nous avons su tirer les leçons.

Vint ensuite l'ambition, chère à Pierre Mendès-France et à Michel Rocard, de « décoloniser la province », ouvrant la voie à la décentralisation qui a marqué, depuis trente ans, une transformation profonde de l'action publique. Les collectivités se sont affirmées et ont pris en charge le territoire grâce aux grandes lois de décentralisation, à commencer par les lois Defferre. Les projets des collectivités se sont multipliés et notre démocratie est devenue plus vivante.

Pourtant, à l'heure d'en dresser le bilan, l'action publique n'a pas fixé de nouveau cap. Les transferts de compétences sont venus se confronter aux retraits des dotations publiques. Le laisser-faire est devenu autant une règle qu'une méthode. L'État a laissé les collectivités faire face seules au désengagement et au renoncement. Les élus locaux se sont alors trouvés en première ligne, défenseurs de la parole de leurs citoyens autant que prisonniers de l'incapacité à faire émerger de nouveaux projets. Faute de volonté politique nouvelle, c'est le territoire qui s'en est trouvé abîmé et morcelé. Les politiques se sont alors juxtaposées, sans être marquées par le sceau de la cohérence.

Dans les zones rurales, encore ouvrières ou isolées, les citoyens attendent mieux que d'être traités comme les clientèles de telle ou telle catégorie professionnelle. Dans les zones périurbaines est apparu le sentiment qu'elles concentrent toutes les difficultés, faute d'appartenir à un régime particulier : puisqu'on n'est l'objet d'aucun, on concentre les maux de tous.

La politique de la ville et des quartiers s'est trouvée ballottée dans l'attente d'un horizon nouveau. Les plans se sont succédé et les promesses ont été égrenées. Pourtant, à Clichy-sous-Bois, sept ans après les émeutes de 2005, le tramway n'est toujours pas arrivé et les copropriétés dégradées n'ont pas été rénovées. Le volontarisme de la rénovation urbaine a parfois laissé entendre que le soin du béton pouvait amener à laisser de côté la prise en compte des citoyens, de la vitalité de leurs quartiers, de la réalité de leur vie.

C'est à ces maux que l'égalité des territoires vise à apporter une réponse nouvelle. Elle nous appelle tout d'abord à un retour de l'État. L'État n'a plus vocation à décider de tout et pour tous, mais bien au contraire à décider et à gouverner avec. Il n'a pas pour vocation d'être seulement pourvoyeur de crédits et de budgets, ni un décideur éloigné, indifférent au terrain. Il s'agit de formuler avec les collectivités une méthode nouvelle pour l'action publique, reposant sur un nouveau type de contractualisation partagée et équitable, où l'État et les élus coproduisent les politiques et co-élaborent les solutions. Cette méthode repose aussi sur le dialogue et la concertation avec les citoyens. L'heure est révolue où l'élu pouvait décider de tout au nom d'un bien commun défini par lui seul, sans faire approuver ou partager sa vision et ses choix par ses concitoyens. L'État devra donc savoir planifier et protéger. Son rôle est de permettre à chacun de s'accomplir et, pour cela, d'ouvrir les possibles.

Le rôle de l'État, c'est ainsi d'être le garant de l'égalité – non pas de protéger les uns plutôt que les autres, mais d'affirmer qu'il y a une place pour chacun dans le giron de la République. L'égalité, ce n'est pas dresser une nouvelle liste de privilégiés, mais donner à tous les citoyens un même accès et un même droit pour choisir sa vie. Il n'y aura pas, sous ce gouvernement, des territoires favorisés, mais une même volonté d'apporter des réponses adaptées à chacun. Parce que l'égalité n'est pas l'uniformité, il nous faudra prendre en compte les situations particulières et spécifiques. Chaque territoire doit définir son projet pertinent et façonner son avenir. La mission de l'État est de l'y conduire, et non pas de le décider à sa place.

Cette grande volonté de l'égalité des territoires s'accompagne de deux projets majeurs portés par le Gouvernement : l'acte III de la décentralisation et la transition écologique. C'est la raison pour laquelle vous trouverez dans mon propos de nombreuses propositions et de nombreux axes qui viendront recouper ces ambitions portées respectivement par Mme Marylise Lebranchu, ministre de la fonction publique, et Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Cela me donne l'occasion de rappeler qu'il ne peut y avoir d'égalité des territoires sans une pleine mobilisation interministérielle. Si le Gouvernement travaille en coordination permanente, les élus de la nation ont également la responsabilité de conserver une vision transversale et ambitieuse de ces chantiers. L'égalité des territoires n'est pas seulement l'affaire d'un ministère ou d'une ministre : comme en matière de développement durable, elle est un objectif pour l'ensemble de la communauté nationale. Il nous faudra donc toujours agir pour la prise en compte de cette orientation, qu'il s'agisse du débat sur l'école, de la lutte contre les déserts médicaux, des zones de sécurité ou de la mobilisation du Gouvernement face aux plans sociaux.

La feuille de route que je vous propose s'appuie sur trois chantiers : réparer les territoires meurtris, rénover le service public pour une nouvelle étape de la solidarité nationale et concrétiser la transition écologique dans les territoires.

Une politique de réparation est d'abord une politique de reconnaissance. Il ne me paraît pas excessif de parler de territoires meurtris. Que l'on vive en ville, à la campagne ou dans les zones périurbaines, la relégation est une vraie souffrance pour les populations et nous devons la prendre en compte. Ce sentiment d'abandon naît d'une désertion coupable : voilà ce qu'il nous faut réparer. Des décisions ont été prises pour organiser le retrait de l'État au nom d'une rationalité économique parfois inconséquente. Il s'agit de réparer le retard pris par l'action publique, ainsi que les effets pervers de certaines décisions politiques qui amènent aujourd'hui les citoyens à être victimes d'absurdités de notre époque.

Cette politique de reconnaissance passe par une réforme profonde et ambitieuse de la géographie prioritaire. Il existe aujourd'hui près de treize dispositifs de zonage différents, qui viennent se juxtaposer et sont parfois contradictoires. Il ne s'agit plus d'opposer le rural à l'urbain ou de multiplier les oubliés de la démocratie, ni de créer des quartiers déconnectés les uns des autres : je souhaite qu'une même politique vienne apporter des réponses plurielles. Seule une approche globale de chaque territoire peut nous permettre de traiter toutes les difficultés qui le traversent.

Cette révision de la géographie prioritaire sera bien entendu lourde de conséquences. Elle appellera entre nous des débats nombreux et peut-être houleux, mais notre ambition doit être de fonder l'action publique sur des critères nouveaux et objectifs qui ne mesureront pas le bonheur d'un territoire aux seuls indicateurs économiques, mais sauront prendre en compte la globalité de son développement et de sa bonne santé ou de ses difficultés sociales.

Notre premier objectif est de parler à la France des invisibles, aux oubliés de la démocratie qui, à force de n'appartenir à aucune catégorie et de ne faire l'objet d'aucune priorité, ont été progressivement délaissés par l'action publique. Je pense bien sûr aux zones rurales moyennes, où la vie active continue, mais où l'activité se fait plus rare et la culture plus lointaine. Les zones rurales à faible densité doivent aussi redevenir des pôles de développement et de vitalité citoyenne, où la qualité de vie peut se conjuguer avec un vrai sens donné à l'activité.

Je pense aussi à ceux qui, près de trente ans après le lancement des politiques d'aménagement décidées par l'État, n'ont toujours pas profité de tous les bénéfices qui avaient été annoncés. Je parle notamment des habitants des zones périurbaines, pour lesquels l'injustice n'est pas toujours sociale, mais parfois simplement spatiale. Lorsqu'on vit éloigné des services publics et des commerces de proximité, on est aussi en droit de réclamer une égalité entre les territoires, c'est-à-dire un même accès aux transports et à l'éducation. C'est aussi pour eux qu'un aménagement équilibré des territoires est nécessaire, pour que le mode de vie ne soit plus contraint, mais choisi – je pense notamment à la forte dépendance à l'automobile qui a été progressivement organisée et poursuivie. À tous ces citoyens, nous devons donner la possibilité de choisir leur manière d'habiter et de vivre.

Mais c'est peut-être dans les quartiers populaires que la politique de réparation est la plus urgente. De ce point de vue, l'action de François Lamy, avec qui je travaille au quotidien pour réformer la politique de la ville, sera déterminante. Il l'a déjà exprimé devant l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et lors de ses déplacements, mais, en la matière, notre seul objectif est de rétablir la justice. Il faut en finir avec les zonages qui stigmatisent et discriminent, c'est-à-dire sortir d'une logique de ghetto pour entrer dans une logique de projet. À cette fin, il nous faudra tirer le bilan de la rénovation urbaine tout en poursuivant le Programme national de rénovation urbaine (PNRU), mais aussi savoir mieux conjuguer l'urbain et l'humain, en nous appuyant sur le savoir-faire citoyen. Nous devrons pour cela – et vous savez que c'est notre souci permanent – conjuguer les efforts communs des politiques de sécurité, de l'emploi et de l'éducation.

Il est regrettable que les gouvernements précédents n'aient jamais su tirer les leçons des événements de 2005 et n'aient voulu y voir qu'une question de sécurité urbaine. Ma conviction est profonde et certaine : nous ne devons pas être naïfs ou ignorants sur les questions de sécurité – et je sais combien Manuel Valls, le ministre de l'intérieur, est vigilant en la matière –, mais il n'est pas de réponse soutenable qui soit uniquement sécuritaire. S'il faut assurément garantir la sécurité de nos concitoyens pour leur permettre de faire des projets et de construire leur vie, à nous également de savoir faire avec les habitants des quartiers, de rétablir le socle sur lequel ils pourront construire.

En deuxième lieu, la République doit assurer l'égalité devant le service public. Ce second chantier consistera à restaurer la solidarité entre les territoires et la cohésion nationale. Pour relever ce défi, il nous faut une politique de péréquation rénovée entre collectivités riches et pauvres, entre territoires aisés et fragiles – là encore, les débats pourront être houleux. La péréquation que nous devons mettre en oeuvre se situe, bien entendu, entre les territoires, mais aussi au sein même d'un territoire, d'une région, voire d'un département. Je sais que, en la matière, il est difficile de passer de la parole aux actes, et je propose donc que, pour la prochaine loi de finances, nous poursuivions, avec mes collègues Manuel Valls et Marylise Lebranchu, la montée en charge progressive des dispositifs de péréquation. Nous prendrons ainsi le temps de la discussion avant d'envisager, comme je le souhaite, une étape plus significative qui permette d'assurer l'équité de notre système et sa lisibilité. Il est anormal que les mécanismes de solidarité ne soient plus compris que par une poignée d'experts, et que personne ne sache quel est l'effet, territoire par territoire, des différents fonds de péréquation qui s'additionnent. Les propositions des associations d'élus sont nombreuses : nous saurons nous en inspirer.

Ce chantier va de pair avec la refonte de la fiscalité locale, qui est portée par mes collègues. Il nous faudra des mesures au service de la justice, qui favorisent l'initiative et l'investissement des collectivités et assurent une véritable autonomie financière des collectivités locales.

Réussir l'objectif d'égalité des territoires, c'est aussi donner toute sa place à une mobilisation générale des collectivités locales vers cet objectif. Marylise Lebranchu a fixé le cap et ses orientations sont claires. Sa réforme nous permettra de mieux articuler les niveaux de collectivité, de clarifier les compétences et de mieux organiser l'action publique locale. À l'issue de cette réforme, je souhaite engager le développement d'un nouvel outil de contractualisation.

Une véritable coopération entre les collectivités devra reposer sur des espaces de dialogue. C'est le sens de la création du Haut Conseil des territoires, annoncée par le Premier ministre devant les sénateurs. Ce conseil devra permettre de mieux coordonner et faire converger l'action des collectivités, mais surtout d'établir des relations plus équilibrées et un dialogue apaisé avec l'État.

Nous avons la volonté de réhabiliter le service public, en fonction des besoins propres de chacun des territoires, en y affectant les moyens de droit commun, territoire par territoire, à raison de ses spécificités.

Il faudra rétablir l'égalité non seulement devant les charges publiques, mais également dans l'accès au service au public. Je veux que les effectifs, ainsi que toutes les dépenses d'intervention de droit commun de l'État qui ne sont pas destinées aux ménages, soient affectés sur la base d'un diagnostic territorial, d'un dialogue, puis d'un contrat passé entre l'État et les collectivités pour que chacun s'engage sur les moyens attribués à chacun des territoires. La crédibilité du Gouvernement dépendra de sa capacité à rétablir l'égalité et la justice dans la répartition des moyens de droit commun, à affecter les effectifs et à flécher les dépenses d'intervention vers les collectivités les plus démunies, à partir d'un diagnostic partagé.

Un bouquet de services adapté au territoire doit être offert à l'ensemble des Français et garantir que le temps d'accès au service public de la santé ou de l'éducation demeure raisonnable pour tous. L'heure est venue de conjuguer présence physique de proximité et téléservices, de désenclaver les territoires par une politique adéquate de transports et de développement de la couverture numérique.

En matière d'égalité des territoires, nous avons trois défis majeurs à relever pour la solidarité nationale.

Le premier est celui de l'aménagement numérique, pour répondre à l'engagement pris par le Président de la République d'une couverture haut débit, puis très haut débit, pour tous. C'est une nécessité en tant que politique d'investissement public dans les réseaux et en tant que politique d'aménagement équilibré du territoire, mais aussi comme levier de développement de nouveaux services, notamment par le secteur privé, selon un modèle à inventer, mais qui pourrait être celui de la transformation d'une partie de l'administration en plateforme, grâce à l'open data, sur laquelle se grefferaient des opérateurs proposant des services élaborés à partir des données de l'administration.

Cette couverture nécessaire ne doit pas être le prétexte pour diminuer la présence des services publics, au contraire. Rien ne remplace la chaleur humaine et je ne souhaite pas la déshumanisation du service au public – je m'inspire à cet égard du rapport de M. Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental, qui insistait sur l'importance du lien humain : même si un service est parfaitement délivré par des moyens modernes, la présence d'une personne, la rencontre physique et l'écoute sont aussi importantes que l'administration de procédures.

Pour réussir, il nous faudra être aux côtés des collectivités qui planifient et déploient des réseaux, veiller à ce que les opérateurs tiennent leurs engagements et trouver des financements pour le Fonds pour l'aménagement numérique des territoires. Fleur Pellerin et moi y travaillerons.

Le deuxième défi consiste à assurer l'accès en un temps raisonnable aux services essentiels pour tous, en particulier à l'école et à la prise en charge de la petite enfance, à la santé et aux loisirs, pour pouvoir s'adapter à la spécificité des territoires, en particulier des territoires de montagne ou des territoires plus enclavés.

Je le sais, le temps d'accès ne suffit pas. Il ne suffit pas de pouvoir mettre un quart d'heure pour se rendre chez un généraliste : il faut encore qu'il soit disponible, donc que le nombre de médecins soit suffisant et qu'ils soient plus nombreux quand la population du territoire est plus âgée. Le Gouvernement travaille sur la disponibilité des soins généraux.

Plus largement, nous devons repenser les services publics de manière rénovée, sur l'ensemble du territoire. En 2000, le législateur a posé le principe de maisons du service public. En 2005, on en comptait 350 sur le territoire national, en y associant les relais services publics. Il est temps de tirer le bilan de cette expérience et, en améliorant ces établissements, d'en faire le point de départ d'une présence plus efficace et mieux répartie du service public. Nous devons aussi tirer les expériences de la présence de La Poste et des moyens de péréquation que cette entreprise met déjà en oeuvre sur le territoire. Penser l'égalité des territoires, c'est aussi savoir mieux répartir et rendre plus efficace l'action publique.

Enfin, la solidarité nationale, c'est aussi la mixité sociale, que nous devons renforcer pour aller vers plus d'égalité. Le premier pas en ce sens est le renforcement des obligations de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), mais aussi le renforcement de l'effectivité de la loi qui fixera une obligation de résultat, assortie de pénalités importantes. L'objectif est bien de construire des logements sociaux là où l'on en manque. Le niveau des sanctions sera désormais un facteur déclenchant pour les collectivités qui doutaient de la détermination des pouvoirs publics en la matière.

Je souhaite que nous réfléchissions également au levier que constituent les documents d'urbanisme pour favoriser la planification de la mixité sociale à l'échelle pertinente et éviter la ségrégation urbaine, ainsi que pour favoriser la densité et lutter contre l'étalement urbain. Plutôt que de majorer uniformément les droits à construire, au mépris des décisions prises par les collectivités pour organiser leur territoire, je préfère que chacune, à son échelle, élabore des documents d'urbanisme de qualité, concertés avec les populations.

Mais nous devons voir plus loin. Nous devons refaire la ville et prévoir une place pour ses habitants, jeunes et vieux : pour le geste architectural, en interrogeant la pertinence des normes ; pour la conception de quartiers qui prennent en charge dès leur conception la logistique et les services, ainsi que les relations avec le reste des espaces, urbains comme ruraux, en privilégiant les circuits courts qui s'appuient sur des réseaux de chaleur intelligents et sur des modes de transport durable. Je veux éviter le risque d'un urbanisme générique, d'une ville sans qualité et sans identité, d'une ville du court terme qui se plie aux seuls impératifs financiers et sécuritaires.

Le troisième chantier consiste à pérenniser le développement durable dans les territoires. Les lois Grenelle I et Grenelle II ont fait naître pour les collectivités et pour l'État de nombreuses obligations nouvelles, notamment en matière d'aménagement du territoire. Ces dispositions doivent être saluées, mais elles doivent être aujourd'hui pérennisées. Vous le savez, ma collègue Delphine Batho a une mission particulièrement ardue : conduire la France sur la voie de la transition écologique. Le rôle du ministère de l'égalité des territoires et du logement est d'accompagner ce grand dessein national et de le concrétiser dans les territoires. Telle est mon ambition.

Le sujet le plus évident est bien entendu celui de la rénovation thermique du bâti. Le Président de la République nous a fixé un objectif ambitieux, avec la rénovation de 1 million de logements par an. Nous proposerons dès le mois de septembre, au cours de la conférence environnementale, des mesures d'urgence pour que l'ensemble des professionnels du bâtiment puissent s'approprier cette mission de grande envergure.

À cet égard, j'ai délibérément choisi de ne pas aborder ici les enjeux de logement, qui ne relèvent pas des compétences de votre commission. Mais, comme ils sont l'un des piliers essentiels de l'égalité des territoires et de ma mission, je répondrai bien volontiers aux questions que vous me poserez à ce sujet. La régulation du marché locatif, la mise à disposition du foncier public, gratuite pour les collectivités locales qui ont des projets de logement social, et la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, sont les objectifs que le Gouvernement s'est fixés pour résoudre les crises du logement : ils devraient influer directement sur un aménagement équilibré et durable des territoires.

Cette politique ne saurait se limiter aux seuls bâtiments. Une politique raisonnée d'aménagement du territoire doit assurer la mixité sociale, la conciliation des espaces naturels, agricoles et urbanisés, et développer la capacité de chaque territoire à trouver le sentier de son développement. Je souhaite contribuer à la diversification des modèles de développement par le tourisme, par l'économie rurale, par l'économie sociale et solidaire et par la politique territoriale de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, qui sont autant de leviers pour articuler différemment au niveau régional les liens villes-campagnes autour de circuits courts, de solidarités nouvelles et de filières régionales créatrices de valeur autour d'un tissu de PME qui doivent être mieux accompagnées.

Je pense en premier lieu aux régions, dont le rôle d'instances de planification des stratégies de développement durable doit être renforcé. Je ne prendrai qu'un exemple. Demain, les services de l'eau doivent renouveler leurs infrastructures, alors même que la consommation baisse déjà et doit continuer de baisser, car l'eau est une ressource trop précieuse pour être gaspillée. Assurer dès aujourd'hui la fourniture d'eau potable pour tous à un prix qui incite à la sobriété sans grever le budget des ménages modestes est un défi. Dans ce domaine comme dans d'autres, il faudra inventer des solutions nouvelles. Je souhaiterais mettre en place des mécanismes de solidarité effectifs entre territoires d'un même bassin versant.

Je pense ensuite aux départements, dont le rôle d'appui aux communes et à leurs groupements en territoire rural est fondamental, notamment en matière d'ingénierie urbaine.

Je pense enfin à l'échelon de proximité, qui doit programmer les déplacements urbains comme l'aménagement dans une stratégie qui doit demeurer cohérente avec les dispositifs favorisant la cohésion sociale. Je n'ai pas de doute : l'avenir est à l'intercommunalité et à la coopération entre les communes, plutôt qu'à leur compétition. Les élus, au service de leurs habitants, doivent aborder la question du meilleur échelon pour une planification urbaine de qualité et favoriser le développement de plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI). Ce dispositif est lui aussi un sujet de débat important, mais il a permis d'apporter des réponses beaucoup plus confortables, y compris pour certains élus locaux.

Le rôle de l'État est de fixer les objectifs stratégiques, au coeur desquels se trouve bien sûr la transition écologique.

L'une de ces réalisations est aussi, et avant tout, le désenclavement des territoires, auquel mon collègue Frédéric Cuvillier et moi-même, qui travaillons beaucoup ensemble, notamment sur le Grand Paris, attachons une importance toute particulière. Notre outil le plus efficace en la matière est une politique de multimodalité, qui doit évidemment être menée avec les collectivités locales.

Un réel désenclavement suppose l'accès à un centre urbain ou économique en un délai raisonnable. Nous proposerons à cette fin des schémas régionaux. Aux régions de décliner les objectifs d'amélioration de l'accessibilité et de la desserte des territoires.

Il faut répondre dès aujourd'hui aux attentes des voyageurs. Le schéma national des infrastructures de transport (SNIT) comprend des investissements de 250 milliards d'euros : notre capacité de financement étant d'environ 2 milliards d'euros par an, il faudrait 125 ans pour le réaliser. Nous devons donc prioriser : c'est l'enjeu auquel s'attache le ministre des transports.

De la même manière, j'ai la responsabilité du Grand Paris, qui est un grand enjeu de désenclavement. Là aussi, il nous faudra à la fois favoriser les réseaux de proximité, fixer des priorités et dresser une gouvernance nouvelle qui donne toute leur place aux collectivités. Mais le Grand Paris n'est pas seulement un projet de transports : il s'agit, en ayant l'ambition de l'égalité des territoires, de dresser les contours d'un développement équilibré de la région capitale.

Enfin, au niveau national, il faudra donner un nouvel élan à une politique territorialisée de soutien à l'innovation et à la transition écologique, ainsi qu'aux outils d'anticipation et d'accompagnement des mutations économiques. Il faut pour cela structurer les métiers de l'aménagement du territoire et développer une ingénierie publique innovante, décentralisée et écologique. Il nous faudra tirer un bilan de la politique des pôles de compétitivité. Une évaluation solide des coûts et des bénéfices de telles politiques devra s'accompagner d'une réorientation de leurs activités. Nous devons faire en sorte que ces politiques soient mieux utilisées et mieux orientées vers l'objectif de transition écologique. C'est une condition nécessaire pour l'égalité des territoires, que nous devrons nous attacher à remplir tout au long de la mandature.

Vous le voyez, la feuille de route est vaste et ambitieuse. Elle s'inscrit dans le contexte difficile de la crise économique, qui la rend du reste encore plus nécessaire. Si notre feuille de route est claire, c'est parce que, malgré les contraintes liées au redressement des finances publiques, le Président de la République a fixé un cap précis : faire qu'en 2017 un jeune vive mieux qu'en 2012. Il nous faudra faire face aux contraintes du présent, mais en ayant toujours le souci de l'avenir et du lendemain.

Tel est le défi auquel je vous invite – auquel je nous invite. Je souhaite que nous partagions nos hypothèses et que nous élaborions ensemble des réponses adaptées et responsables. Pour chacun des sujets que j'ai évoqués, pour chacune des ambitions que j'ai tracées, je compte sur votre soutien, sur vos initiatives et sur vos propositions. C'est parce que la représentation nationale en prendra toute la mesure que l'égalité des territoires deviendra une réalité pour les Français.

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Merci, madame la ministre, pour cette feuille de route complète, ambitieuse et dynamique, qui nous appelle à un travail collégial, cohérent et partenarial. Sachez que nous y sommes prêts.

Vous avez constaté que l'égalité d'hier était une égalité dans l'abandon et j'ai noté que vous souhaitiez rendre pour demain à chaque territoire la possibilité de mettre en valeur ses atouts afin qu'il puisse participer au redressement du pays. Aucun de nos territoires, aucun de nos concitoyens ne doit être négligé dans ses capacités, ses potentialités et ses talents pour participer à l'oeuvre de redressement du pays dans la justice.

La présence des services publics et les conséquences de la révision générale des politiques publiques (RGPP), la mobilité physique et numérique et les moyens – en termes tant de services que d'infrastructures – qui devront être mis en place, les solidarités territoriales qui devront remplacer une compétition sans avenir et le logement doivent faire l'objet d'une réflexion globale qui s'exprime dans les lois sur l'urbanisme et sur les services qui peuvent être offerts à nos concitoyens. C'est là un enjeu capital, et les territoires et leurs habitants doivent retrouver confiance dans le rôle qu'ils peuvent jouer pour le développement de notre pays. Vous avez la forte volonté d'y participer.

Vous avez souligné la nécessité d'un travail collégial du Gouvernement et d'un partenariat avec l'ensemble des collectivités d'une France décentralisée et avec le Parlement. Nous y sommes prêts et le soutien du groupe SRC sera acquis au Gouvernement. Il y va de notre capacité à imaginer de nouveaux modes de vie, pour faire émerger avec nos concitoyens la notion d'une performance territoriale qui réponde aux enjeux globaux – environnementaux, climatiques, énergétiques, économiques et sociaux. C'est ainsi que nous déterminerons les moyens d'une politique efficace et leur affectation pertinente pour l'avenir.

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Votre intervention commençait plutôt bien, madame la ministre, puisque vous affirmiez votre volonté de travailler avec le Parlement, mais la suite inspire à notre groupe un jugement plus nuancé. Pour ce qui concerne l'élection présidentielle, nous souscrivons à votre souci de vigilance vis-à-vis de l'extrême droite, mais je tiens à souligner que les résultats de l'extrême gauche représentent eux aussi un « coup de semonce ».

En matière de logement, les députés de l'UMP formulent le voeu que vous ayez la capacité d'obtenir au sein du Gouvernement des arbitrages aussi importants que ceux qui ont été décidés, au cours des dix dernières années, en faveur du plan de cohésion sociale ou de la création de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Puissiez-vous rénover autant de quartiers que nous et construire autant de logements sociaux que nous en avons mis en chantier !

Nous vous souhaitons également d'être assez solide pour remporter des arbitrages en votre faveur face à Bercy, qui « lorgne » déjà sur des sommes importantes relevant du 1 % logement, et de maintenir la politique fiscale que nous avons su obtenir au sein de cette commission pour accompagner la rénovation thermique des bâtiments.

Nous connaissons vos positions historiques sur le Grand Paris et souhaiterions connaître plus en détail le phasage des opérations.

Nous prenons acte du fait que, tout en reprochant à la précédente majorité de s'être appuyée sur les collectivités territoriales, vous annoncez un acte III de la décentralisation, alors même que le Premier ministre a déjà annoncé un gel probable des dotations des collectivités territoriales sur les cinq prochaines années. Nous serons à vos côtés pour défendre le principe de la décentralisation, mais avec une grande vigilance afin que cette décentralisation ne se fasse pas au détriment des collectivités locales.

En tant qu'ancien président de l'Association nationale des élus de la montagne, deuxième association d'élus de France, président du Conseil national de la montagne et vice-président de l'Association des maires de France, je reviendrai sur deux exemples que vous avez évoqués. Nous avons su, tout d'abord, maintenir depuis un siècle les 17 000 points postaux présents sur le territoire national, avec la mise en place d'un Fonds de péréquation national décliné à l'échelle départementale, et la distribution en tout point du territoire six jours sur sept, qui figure dans la loi. Nous avons également créé avec le projet de loi de finances pour 2012 le Fonds de péréquation que vous avez cité, qui assure pour la première fois une péréquation horizontale entre les collectivités territoriales de notre pays.

Nous prenons acte de vos bonnes intentions, mais ne pouvons cacher notre inquiétude, car votre budget n'est pas de ceux que le discours de politique générale du Premier ministre a définis comme prioritaires. Nous sommes également très inquiets pour les grandes infrastructures de transport. Nous notons le décalage entre votre propos et ceux du ministre de l'intérieur, qui annonce déjà la fermeture de plusieurs sous-préfectures. Enfin, alors que le Président de la République a mis en place une commission chargée d'évoquer l'avenir, j'espère que nous pourrons compter sur vous pour que, lors de la modification des modes de scrutin ou des modèles d'élection dans les élections locales à venir, les nouvelles propositions relatives à la représentativité ne soient pas préjudiciables aux territoires ruraux.

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Madame la ministre, vous avez rappelé l'importance vitale d'une cohésion territoriale pour notre pays. Il est indispensable de redonner à la France un aménagement du territoire responsable et soutenable, fondement du mieux-vivre ensemble que nous voulons pour nos citoyens. Après des années de vision centraliste, politique qui déstructure les collectivités locales, met à mal les services publics de proximité, renonce à une égalité des territoires, donne la part belle aux territoires plus forts et plus riches, tournant ainsi le dos à ce qui fait la France – cette diversité, cette capacité à donner aux citoyens les mêmes droits dans tout le pays –, nous devons définir un axe nouveau pour une France de demain, fière de ses diversités locales, dans une solidarité nationale forte depuis les acquis du Conseil national de la Résistance.

Au vu du démantèlement subi depuis des années, tout est prioritaire. Aujourd'hui, les inquiétudes exprimées portent sur l'égalité des Français dans l'accès aux services publics – la poste, l'éducation, la santé, la justice, la tranquillité et les transports. Le monde évolue et la France doit s'adapter, mais elle ne doit pas oublier son identité, faite de ruralité, de pôles métropolitains, de cadres de vie divers entre quartiers résidentiels et quartiers populaires. Il n'est pas possible de laisser des campagnes subir une totale désertification et des villes se contenter de services publics vieillissants, qui ne correspondent plus aux besoins de la population. Modernité, efficacité et proximité doivent être les maîtres mots. Les commissaires membres du groupe écologiste comptent sur vous.

Il est également indispensable de revoir les organisations territoriales, de la nation aux communes et même aux quartiers, afin de fonder de nouvelles relations s'appuyant sur les bassins de vie, briques de la construction d'une nouvelle égalité des territoires qui s'appuierait sur la réalité de vie de nos concitoyens. Services publics, transports, emploi et logement doivent être conçus autour de ces bassins de vie. Nous pourrons ainsi répondre plus justement aux attentes différentes de celles et ceux qui vivent en ville, à la campagne, dans des quartiers denses ou des zones pavillonnaires.

Aménager le territoire, c'est aussi préparer la France aux défis environnementaux de demain – la raréfaction des ressources naturelles, le pétrole cher et les pollutions à réduire. En rapprochant les centres de vie, de travail et de production agricole, nous pouvons réduire la dépendance de notre pays et de nos concitoyens à l'égard du pétrole. Nous pouvons aussi rendre un sens territorial aux Français qu'a bousculés, au cours des cinquante dernières années, la transformation radicale de la France et qui ont parfois perdu leurs repères, comme vous l'avez rappelé et comme cela s'est malheureusement exprimé dans les urnes par un vote protestataire.

Ce sera aussi l'intégration de tous et toutes, ruraux ou urbains, immigrés d'autres régions ou d'autres pays, dans des territoires ayant une identité forte.

Le logement est un élément central de cette capacité à intégrer. Sans logement digne, pas de vie sociale, pas de partage avec l'autre, ni d'appropriation collective du territoire. Sans logement digne, ce ne sont qu'obstacles pour apprendre, travailler et s'insérer dans la société. Ces questions multiples et fortes concernent la politique que vous allez mettre en oeuvre dans votre ministère et qui est la clé de voûte de la nouvelle France du xxie siècle. Elles portent sur les services publics : quelle logique territoriale sera privilégiée pour développer cette vision d'une proximité retrouvée, tant dans l'espace que dans le lien avec les administrés ? Quelle réponse sera apportée à la demande des citoyens qui attendent que des services de l'État efficaces les accompagnent dans un monde de plus en plus complexe ? Comment faire évoluer un modèle de services publics né du CNR au sortir de la Seconde Guerre mondiale et qui doit s'intégrer aujourd'hui dans son temps ?

La raréfaction des ressources naturelles et la fin du pétrole pas cher nous inquiètent plus particulièrement dans le domaine de l'urbanisme et du logement. Ces quarante dernières années, la France a péché par des constructions énergivores et un étalement urbain déstructurant le territoire. Quelle vision d'aménagement du territoire allez-vous promouvoir pour répondre à l'enjeu d'une France moins étalée et conservant néanmoins sa qualité de vie renommée ? Quelles propositions allez-vous faire pour répondre au besoin croissant de logements ? Comment, enfin, aborder la problématique spécifique de la rénovation thermique ?

Nous avons la conviction que, pour répondre à toutes ces questions, il faut faire confiance aux collectivités locales et aux acteurs locaux – citoyens, entrepreneurs, associations –, qui sont les premiers concernés, car parties prenantes de leurs territoires. Nous voulons revenir sur la vision centraliste et passéiste de ces dernières années pour aborder ces enjeux dans une confiance partagée avec ces acteurs locaux.

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Pour ce qui concerne l'urbanisme, afin de réussir à honorer la promesse de construction de 500 000 logements neufs par an, vous vous appuyez essentiellement sur des mesures de mobilisation foncière – la cession gratuite de terrains par l'État, alors que le Gouvernement précédent, adoptant la même démarche, vendait à des prix préférentiels –, sur le renforcement de la coercition en cas de non-respect de la loi imposant 20 % de logements sociaux aux communes de plus de 2 500 habitants, avec des sanctions multipliées par cinq, sur la portée contraignante des schémas régionaux et sur la création de PLU intercommunaux. Toutes ces initiatives vont poser de nombreux problèmes.

La mobilisation de terrains publics ne sera pas suffisante, car ces terrains sont souvent occupés par des bâtiments existants qu'il faut traiter ou démolir. À combien estimez-vous les surfaces disponibles chaque année et quel sera le coût de ces mesures pour le budget de l'État ?

Les villes de la région parisienne qui n'ont pas de foncier disponible risquent d'être fortement sanctionnées. Dans ce cas, la mesure paraît confiscatoire et entraînera des hausses d'impôts locaux.

Quelles concertations avez-vous déjà engagées en matière d'urbanisme avec les grandes fédérations d'élus locaux ? Priver les communes de leurs compétences dans ce domaine, c'est méconnaître qu'il s'agit pour elles d'une des rares marges de manoeuvre dont elles disposent en termes de développement.

Il est étonnant que vous souhaitiez promouvoir l'habitat écologique et contribuer au désenclavement des territoires par le ferroviaire ou par la couverture numérique, car vous ne disposez d'aucune compétence en matière de transports et le grand ministère du développement durable a été disloqué. Comment allez-vous piloter ce chantier, qui nous paraît essentiel?

Je n'évoquerai pas les sujets qui ne concernent pas notre commission, comme la protection des locataires par l'encadrement des loyers. Quant à la rénovation thermique, pour laquelle vous prévoyez un vaste programme de 600 000 logements anciens chaque année, elle commence par une douche froide, votre collègue Jérôme Cahuzac, ministre du budget, entendant prélever 1,8 milliard d'euros sur le 1 % logement cette année, puis 1,5 milliard par an à partir de 2014, à quoi s'ajoutent 3,2 milliards d'euros sur trois ans destinés au financement de l'ANRU : cela revient à annoncer la disparition du 1 % logement. L'Union sociale pour l'habitat, à la tête de laquelle on trouve bon nombre de vos amis, est vent debout et, au lendemain de la grande conférence sociale, les 600 000 salariés qui bénéficient de cette aide risquent d'être pénalisés.

Pour ce qui est de l'aménagement du territoire, les commissaires membres du groupe UDI vous soutiendront pour la remise à plat des zonages. Le vrai débat doit cependant porter sur la question financière : de quels moyens allons-nous disposer ? La précédente majorité a rencontré cette difficulté en s'efforçant de remettre à plat les dispositifs de zones de revitalisation rurale. Une politique de grande ampleur doit disposer clairement des moyens nécessaires. Or ils sont rares.

Je vous confirme enfin que nous sommes inquiets face à la menace de disparition de certains services publics, notamment des sous-préfectures, voire d'autres ministères qui ne sont pas jugés prioritaires. Si nous sommes favorables à l'évolution des services publics de l'État, il paraît utile que vous nous indiquiez précisément celle des différents emplois des administrations qui seront mis à notre disposition dans les années à venir, afin que nous puissions collectivement nous engager dans ces domaines.

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Vous l'avez justement souligné, madame la ministre, le logement constitue un grand dessein pour la France et nous avons en la matière une responsabilité importante. Quels sont les blocages qui peuvent se produire ? En matière financière, tous les crédits mis en oeuvre par la Caisse des dépôts et consignations sont-ils consommés ? Les blocages principaux me semblent tenir à l'urbanisme et aux maîtres d'ouvrage : il s'agit du manque de terrains et de volonté politique. La ville que j'ai l'honneur de diriger compte plus de 40 % de logements sociaux et je me réjouis de voir que des mesures seront mises en oeuvre pour tenter d'instaurer une solidarité entre toutes les collectivités territoriales.

Au-delà de la construction de logements neufs, la rénovation énergétique représente un programme ambitieux, déterminé par le président François Hollande, qui doit toucher 1 million de logements par an. Cependant, compte tenu des coûts de réhabilitation, comment allons-nous financer ces travaux, dont le coût sera de 8 000 à 30 000 euros par logement ? C'est là un enjeu majeur pour le pouvoir d'achat des familles, pour l'écologie et pour l'emploi. Pouvez-vous nous donner des éclaircissements sur ces questions ?

En matière de logement, comment allez-vous procéder au blocage des loyers ? Pour ce qui est de l'eau, beaucoup plus chère dans les communes rurales qu'en ville, comment allez-vous mettre en place la péréquation qui existe déjà pour les tarifs de l'électricité ?

J'en viens à l'aménagement du territoire. Élu d'un territoire rural, je rappelle que la ruralité a été malmenée ces dernières années, avec la disparition des services publics et des derniers commerces. Quelques mois avant les élections, une proposition de loi tendait à instaurer un « bouclier rural pour des territoires d'avenir », afin de rendre espoir aux communes et à leurs habitants. Aurons-nous la volonté politique de relancer cette démarche ?

Enfin, le grand dessein que vous proposez n'est pas seulement matériel, mais aussi politique. Il s'agit en effet de favoriser le vivre-ensemble, car nous avons senti, à l'occasion des élections, que les Français étaient divisés et tirés vers le bas. Comme je l'ai fait pour Mme Delphine Batho, je vous souhaite, au nom des commissaires membres du groupe RRDP, bon courage pour mener à bien ce grand dessein.

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Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement

Pour répondre à M. Caullet et à M. Pancher, je rappelle que, si le Premier ministre a bien souligné que certains ministères seraient prioritaires et verraient leurs effectifs préservés, voire augmentés, les arbitrages relatifs au reste du budget reposeront, malgré un contexte difficile, sur les priorités définies par le Gouvernement. Il ne fait aucun doute que les engagements pris se traduiront par une mobilisation financière. Du reste, le Premier ministre a déclaré qu'il souhaitait que la présence sur les territoires fasse l'objet d'un soin particulier. J'ai déjà évoqué à cet égard l'importance de la présence humaine.

On peut tirer un bilan contrasté des mesures appliquées à La Poste, mais la gestion verticale, qui - peut-être justifiée pour certains territoires -, a pu provoquer dans d'autres le départ simultané d'un service de santé, d'un hôpital, d'une maternité, d'une caserne et d'un tribunal d'instance, avec des effets cumulatifs dévastateurs pour ces territoires. Le ministère de l'égalité des territoires doit avoir en la matière une vision émergente, qui parte des territoires et remaille les endroits qui ont souffert, durant la période précédente, de la concentration des moyens sur certains territoires. Il faut donc nous situer dans une logique de réparation, tout en retissant des liens au plus près du territoire.

Penser l'égalité des territoires trente ans après la décentralisation suppose de revisiter les liens entre l'État et les collectivités locales, dont certaines – comme les régions, les grandes intercommunalités ou les départements – ont mené des politiques novatrices et pertinentes en matière d'aménagement, qu'il convient de mutualiser et de reproduire sur d'autres territoires. L'État a dans ce domaine un rôle d'animation, d'impulsion et de stratégie, en lien constant avec les collectivités locales.

On ne peut plus aujourd'hui penser une logique d'aménagement du territoire comme on le faisait dans les années 1960 ou 1970, et cela d'autant moins que les moyens dont disposait alors l'État relèvent aujourd'hui en grande partie – à juste titre d'ailleurs – des collectivités locales. Il faut désormais élaborer un nouveau mode de relation entre l'État et les collectivités pour l'ensemble des politiques. Plusieurs de ces politiques sont transversales, mais, en pensant simultanément les politiques relatives à l'école, à la santé et aux transports, on traite plus efficacement chacune d'entre elles. Il s'agit donc d'un changement de logique, qui part désormais des territoires et permettra d'apporter des réponses plus utiles dans un contexte où les moyens de l'État et des collectivités sont contraints. Puisqu'on ne peut attendre d'amélioration de ces moyens, ils doivent être mieux affectés. Il est tout à fait possible, en revanche, d'adopter des logiques qui, mettant en synergie les politiques menées au niveau de l'État et des collectivités locales, les rendent plus efficaces.

Pour ce qui concerne la rénovation thermique, que votre commission a évoquée avec Mme Delphine Batho, le travail sera mené pendant l'été et une première phase sera annoncée lors de la conférence environnementale du début du mois de septembre. Cet enjeu majeur doit être financé, mais son financement peut passer aussi par des mécanismes existants. Nous travaillerons à la réorientation de l'activité de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui sous-consomme actuellement ses crédits du fait d'un dispositif qui n'apporte pas tous les bienfaits attendus. Nous nous appuierons également sur des dispositifs qui existent déjà dans certaines collectivités et permettent de financer des travaux de rénovation thermique sur la seule base des économies réalisées sur les charges pour les locataires, sans qu'il soit besoin de budgets supplémentaires. Nous travaillerons également à des dispositifs permettant aux copropriétés de s'engager collectivement dans ces travaux de rénovation thermique. Des actions destinées aux professionnels et aux artisans seront consacrées à la formation et au diagnostic rapide, et viseront à réaliser les travaux les plus efficaces avec le meilleur rapport possible entre l'efficacité énergétique et le prix – car des abus ont été observés. Cette efficacité doit permettre à la fois des économies d'énergie et des économies de charges, dans un contexte où le renchérissement du coût de l'énergie risque d'aggraver les situations de précarité énergétique, qui touchent déjà 13 % de la population française.

Monsieur Pancher, pour ce qui concerne la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), certaines communes parviennent très bien à construire – mais, bizarrement, pas de logements sociaux. La difficulté ne tient pas au manque de terrains, car les sanctions déjà appliquées concernent des cas flagrants de communes refusant d'engager les constructions requises. Tous les élus, quelle que soit leur appartenance politique, et toutes les associations d'élus que j'ai rencontrés sont très favorables à l'application de sanctions. Celles-ci seront quintuplées et versées non plus aux intercommunalités, comme le permettait l'article 57 de la loi, mais bien à la réalisation de logements sociaux. J'étudie actuellement la possibilité de recourir, dans certains cas d'exagération manifeste, à la substitution par les préfets pour la construction de logements sociaux dans des communes qui n'en construisent pas, alors qu'elles continuent de construire, parfois avec enthousiasme, d'autres bâtiments.

C'est là une volonté forte du Gouvernement, qui veut aussi soutenir les maires bâtisseurs et ceux qui font des efforts. Faute d'un dispositif incitatif assez développé, nous étudierons la perspective de cessions gratuites par l'État et nous efforcerons, comme nous l'avons fait avec le décret d'urgence d'encadrement des loyers, d'accélérer encore la mise en place de ce dispositif. De fait, certains projets sont aujourd'hui gelés car le montant demandé pour la cession des terrains n'est pas compatible avec le projet des collectivités locales ou des bailleurs, en particulier lorsqu'il s'agit de logement social à loyer accessible. Dans certaines agglomérations, il est difficile de parvenir à un niveau de loyer compatible avec les revenus des locataires. Dans le parc privé, un locataire sur cinq consacre au logement plus de 40 % de ses revenus mensuels, et cela dans un contexte de crise où la situation des ménages les plus modestes devient de plus en plus difficile. Au prix des loyers s'ajoute une augmentation significative des charges. Nous avons donc l'obligation de contenir les loyers dans le secteur privé tout en permettant le développement de l'offre du secteur locatif social, ce qui permettra une plus grande mobilité du parc social, les locataires pouvant évoluer vers le parc privé. Nous travaillons également à l'amplification des dispositifs de soutien à l'accession sociale à la propriété.

Pour ce qui est du budget du logement, aucune décision n'a encore été prise et les informations dont il a été fait état ne sont que des « fuites » dans la presse, pas toujours fiables. La feuille de route de la ministre chargée de l'égalité des territoires et du logement a été rappelée ce matin même en Conseil des ministres par le Premier ministre et par le Président de la République. Les engagements et la volonté du Gouvernement sont donc très clairs et les moyens qui permettront que ces engagements soient tenus seront évidemment au rendez-vous. D'autres acteurs seront mobilisés, notamment les bailleurs sociaux qui, sur certains territoires, sont prêts à travailler à la mutualisation des fonds propres. Lorsque les bailleurs ne peuvent construire parce qu'ils ne se situent pas en zone tendue, cette mutualisation permet à d'autres bailleurs de disposer de ressources financières nouvelles.

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Madame la ministre, avez-vous l'intention de définir des critères d'égalité précis entre les territoires et de mettre en place des modalités d'évaluation de cette politique ? Il est indispensable de modifier certaines pratiques et certains modes de décision, tant au niveau local qu'au niveau national.

D'autre part, serait-il possible de valoriser les énergies renouvelables dans le cadre du diagnostic de performance énergétique fourni à l'acquéreur d'un bien et annexé à l'acte de vente ? Aujourd'hui, l'information sur la présence d'équipements utilisant des énergies renouvelables n'est pas mise en valeur.

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Ayant été rapporteur de la loi sur le Grand Paris, et ayant été élu ce matin, en même temps qu'Alexis Bachelay et sur proposition de notre président, co-rapporteur pour l'application et le suivi de cette loi, je voudrais vous demander si ce que vous avez appelé le « séquençage » – et que d'autres appellent le « phasage » – du Grand Paris Express, véritable colonne vertébrale de ce projet, ne risque pas d'accroître les inégalités territoriales par la « relégation » – le mot est de vous – de certains territoires en marge du développement métropolitain.

D'autre part, à l'occasion du salon des transports publics, la Société du Grand Paris a dévoilé le bilan carbone de ce projet. À partir de 2026, il connaîtra le point d'équilibre et, à partir de 2040, permettra une économie de 20 millions de tonnes d'équivalents CO2 et, dix ans plus tard, de 30 millions de tonnes. Les économies ainsi réalisées ne devraient-elles pas entrer en ligne de compte dans l'appréciation de sa rentabilité socio-économique ?

Enfin, tout l'intérêt des contrats de développement territorial apparaîtra le jour où les trains s'arrêteront dans les gares. Ne serait-il pas judicieux d'expertiser les risques d'étalement urbain que pourrait entraîner le retard dans la mise en service du réseau de transports dû au séquençage, et l'impact sur le bilan carbone qu'il ne manquera pas d'avoir ?

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L'augmentation de la péréquation horizontale va concerner les collectivités franciliennes à l'horizon 2015, pour un montant de près de 275 millions d'euros au titre du Fonds de solidarité, et pour près de 50 % des 350 millions d'euros au titre du Fonds de péréquation, soit, au total, près de 420 millions d'euros. Lors de la préparation du collectif budgétaire de 2012, le précédent Gouvernement, les services de l'État, la commission des finances de l'Assemblée nationale et le Comité des finances locales avaient accepté de s'appuyer sur le travail de Paris Métropole pour les questions de péréquation, notamment pour la rédaction des articles 58 et 59 de la loi de finances pour 2012. Le consensus obtenu par Paris Métropole a en effet permis une réforme du fonds régional de péréquation, dont chacun s'accorde à dire qu'il est enfin plus équitable. Le montant des contributions pour les communes les plus fragiles a été doublé, pour s'établir à plus de 70 millions d'euros. Paris Métropole a déjà fait savoir qu'il était prêt à poursuivre ses travaux et son action de rapprochement entre les collectivités afin d'améliorer encore le Fonds de solidarité et de proposer une meilleure articulation avec le Fonds de péréquation. Quelle est, madame la ministre, votre position en la matière ?

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Certains territoires, tel le Cantal dont je suis l'élu, cumulent plusieurs handicaps : la déprise démographique, la disparition des services publics et un enclavement certain. Divers dispositifs d'aménagement du territoire – les pôles de compétitivité, les pôles d'excellence rurale – sont fondés sur la compétition entre les territoires. On met donc en compétition des territoires qui sont plus ou moins en voie de décrochage. Ne pourrait-on imaginer d'autres systèmes ?

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Il est vrai, madame la ministre, que l'accès au très haut débit est primordial pour toutes les communes de France. Mais l'accès routier n'est pas moins important. Vous n'avez pas évoqué ce sujet. Ce silence vaut-il opposition à certains projets routiers ou traduit-il votre philosophie en la matière ?

Vous n'avez pas non plus évoqué la question du développement économique des territoires. Pour ma part, je suis convaincu que tous ont des atouts à faire valoir.

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Vous avez parlé, madame la ministre, de « zones rurales moyennes ». Il me semble que le Centre Ouest Atlantique en fait partie, puisque, enclavé entre Nantes et Bordeaux, il est en fait dépourvu de métropole. Les villes de La Rochelle, Poitiers, Niort et Angoulême ont travaillé depuis plus de vingt ans à développer un territoire de cette nature. Seriez-vous prête à soutenir ce réseau de villes et d'agglomérations qui lutte contre la désertification rapide de la région ?

Vous avez des défis importants à relever : tout en construisant des logements, vous devez, avec vos collègues et en particulier avec Delphine Batho, préserver la biodiversité. Quelle politique allez-vous mettre en oeuvre pour amplifier et développer la Trame verte et bleue, pour lutter contre l'étalement urbain et, surtout, pour lutter contre l'artificialisation des terres agricoles ?

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Madame la ministre, je voudrais attirer votre attention sur la situation particulière des communes de la Côte basque, dont il serait souhaitable qu'elles figurent sur la liste des communes concernées par le décret visant à encadrer le prix des loyers. Le secteur connaît actuellement de fortes tensions dans la région. Or l'un des critères qui ont été retenus lors de la préparation du décret est un prix de location dépassant 11,10 euros par mètre carré. Certes, la moyenne, dans le Pays basque, est de 10,96 euros. Pourtant, certaines villes de la côte répondent à ce critère : à Saint-Jean-de-Luz et à Biarritz, les prix au mètre carré sont respectivement de 11,30 et de 11,90 euros.

Selon un deuxième critère, l'augmentation des loyers doit être supérieure à 3,2 % par an, soit plus de la moitié de la moyenne nationale. Si l'on considère l'ensemble du Pays basque, ce chiffre n'est pas atteint. Toutefois, certaines communes de la côte où la pression foncière est particulièrement forte, comme Anglet ou la communauté de communes Sud Pays basque, pourraient être retenues. Si les augmentations de loyer n'ont pas été significatives en 2010-2011, le Pays basque a souffert d'une hausse de 50 % des loyers en 2005.

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Depuis quelques années, l'État et les collectivités territoriales, animées par des élus de toutes sensibilités, travaillent, en marge des réflexions sur le Grand Paris, à un projet d'ouverture de la grande région Île-de-France vers sa façade maritime, qui doit devenir compétitive face aux ports d'Anvers ou de Rotterdam. Ce projet, dénommé Axe Seine, est fondé sur le développement portuaire, sur la création d'une ligne nouvelle qui permettrait de dégager des sillons pour le fret ferroviaire, sur le développement du fret fluvial. Poursuivrez-vous dans la voie où se sont engagés tous les acteurs jusqu'à présent ? Encouragerez-vous ces travaux, comme vos prédécesseurs ? Quels sont les instruments et les mesures que vous envisagez pour donner une réalité à ce projet ?

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Si 98,3 % des foyers français ont accès à l'ADSL – car habitant des zones où le débit de leur ligne téléphonique est au moins de 512 kilobits –, seule la moitié de la population dépasse le seuil de 8 mégabits, qui permet l'accès à une offre triple play. De même, le taux de couverture par au moins un opérateur de téléphonie mobile serait officiellement de 99,8 % de la population. Je suppose que les 0,2 % restants sont tous établis dans ma circonscription (sourires), où il faut avoir en permanence trois téléphones sur soi, et donc trois abonnements, pour être sûr de pouvoir être joint partout et de pouvoir appeler à tout moment. C'est que l'on a été incapable d'imposer aux opérateurs l'interopérabilité des antennes relais (approbation sur divers bancs) !

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D'autre part, dans le monde rural apparaissent progressivement de véritables déserts médicaux : nombreux sont les médecins généralistes qui prennent leur retraite sans avoir de successeur. Sur le plan sanitaire, les zones rurales deviennent ainsi des réserves d'Indiens de seconde zone. Il est évident que les incitations existantes ne sont pas suffisantes. Êtes-vous favorable à la mise en place d'un système de numerus clausus régional qui interdira les installations dans les régions déjà sur-dotées, au profit des régions sous-dotées ?

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Les dernières élections, marquées par les scores très importants du Front national en zone rurale, ont mis en lumière le problème des populations urbaines repoussées au fond des campagnes par la cherté des terrains et des loyers. Ces nouveaux habitants doivent prendre chaque matin leur véhicule pour aller s'encastrer dans les embouteillages. Les services sont restés en ville, quand la précarité s'est exilée à la campagne. Pour que l'intitulé de votre ministère – « l'égalité des territoires » – devienne une réalité, il est nécessaire de faire sauter un premier verrou : celui de la taille, de la compétence et des moyens des intercommunalités de projets qui, dans le monde rural, doivent épouser le contour des territoires pertinents, c'est-à-dire, a minima, celui des schémas de cohérence territoriale. Il est urgent d'ouvrir une réflexion sans tabou sur l'efficacité des différentes couches du millefeuille territorial. Toutes les montagnes de réforme ont accouché d'une souris. Dans ce contexte, comment pensez-vous mener un chantier qui va se heurter à d'énormes oppositions coalisées de tous bords ?

Je voudrais également vous soumettre une question à laquelle je vous permets d'opposer un joker : Michel Barnier, le commissaire européen français, a donné un accord déterminant à la pêche en eaux profondes. Cette position a-t-elle l'aval du Gouvernement et, dans le cas contraire, n'y a-t-il pas là une forme de dysfonctionnement ?

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Depuis quinze ou vingt ans, le monde rural a souffert de l'absence de politique et a été livré au jeu du marché foncier. Dans les métropoles aussi - comme à Bordeaux –, tous les services privés et publics, toutes les fonctions nobles s'installent au centre, alors que les gens en difficulté partent pour la périphérie. Le sentiment d'abandon qui en découle explique en effet une grande partie du vote pour le Front national. Envisagez-vous une politique volontariste pour le monde rural ? Entendez-vous relancer la politique contractuelle ? Quelles sont vos intentions vis-à-vis des contrats de projets ? Imaginez-vous des contrats de projets ruraux qui impliqueraient non seulement les régions, mais aussi les départements ?

Je n'imagine pas que la politique foncière se borne à une mise à disposition, par l'État, d'une partie de son foncier. En effet, une telle distribution ne peut être que très inégale, et il faudrait une politique un peu plus systématique. Peut-être faudrait-il, pour lutter contre les égoïsmes, imposer des établissements publics fonciers locaux.

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Le bâtiment est un secteur très émetteur de gaz à effet de serre. Vous avez noté qu'il fallait ouvrir un important chantier de rénovation thermique des bâtiments. Ne serait-il pas utile que certains emplois d'avenir soient réservés à cette démarche ?

D'autre part, les Français sont très sensibles aux nuisances sonores. Ne faudrait-il pas que la rénovation thermique s'accompagne d'une rénovation acoustique digne de ce nom ?

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Allez-vous proposer des outils simples pour adapter le logement des personnes âgées à revenus modestes, qui sont nombreuses en zone rurale, afin qu'elles puissent être maintenues à domicile et que leur consommation énergétique soit contenue ?

D'autre part, allez-vous faire des propositions concrètes pour faciliter l'accession à la propriété des jeunes ménages, qui ne doivent pas être condamnés à occuper des logements sociaux ?

Enfin, j'aimerais connaître vos propositions pour lutter contre l'étalement urbain. La préservation du foncier agricole est essentielle, non pas pour cultiver du cannabis, mais pour que les agriculteurs puissent développer leurs exploitations agricoles, et pour garantir l'autonomie alimentaire du pays.

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J'ai été très heureux de vous entendre parler de la petite enfance. Il serait très utile de pouvoir accueillir de nouveau les enfants dès leur deuxième année. Mais je souhaite vous interroger sur le soutien aux collectivités. Aujourd'hui, la complexité des dossiers administratifs – notamment ceux qui permettent de bénéficier des fonds européens, tel le Fonds européen de développement régional (FEDER) – entrave bien des demandes d'aide pour les petites communes. Entendez-vous simplifier ces démarches ?

Vous avez parlé de contrats pour l'aide de l'État aux collectivités. Il faudra, je pense, approfondir la question. Les attentes des communes sont fortes.

Enfin, vous avez parlé des régions, mais les départements font preuve d'une grande solidarité. Au moment où nous allons aborder la troisième étape de la décentralisation, il serait utile de confirmer aux départements leur clause générale de compétence.

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Madame la ministre, vous avez été sévère avec la majorité sortante. Or, maire d'une commune de 13 000 habitants en Seine-et-Marne, j'ai succédé à un socialiste qui avait signé avec le gouvernement précédent un dossier de rénovation urbaine portant sur 90 millions d'euros. Nous avons ainsi pu mettre en place différents dispositifs, comme un contrat urbain de cohésion sociale (CUCS). Je vous invite à venir dans ma commune voir les réalisations passées et à venir, en espérant que vous poursuivrez cette politique.

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Pendant dix ans, on a davantage parlé de compétitivité des territoires que d'égalité ou d'équilibre des territoires. Pendant dix ans, le Gouvernement a opposé les territoires urbains aux territoires ruraux, alors que la loi Voynet avait beaucoup insisté sur la continuité ville-campagne. Depuis dix ans, l'État s'est privé des outils de prospective, de planification et de programmation qui avaient fait sa force dans le passé. Le Commissariat au plan a disparu. Quant à la DATAR, elle a vu ses moyens et son influence régresser. Quelle place allez-vous donner, demain, à la DATAR ? Allez-vous la réformer ? Dans ce cas, seriez-vous prête à en faire, comme cela existe par exemple en Finlande, un outil partagé entre l'État et les collectivités territoriales, les régions, les départements et, éventuellement, les agglomérations ?

La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire (LOADDT), dont j'avais été rapporteur à l'Assemblée, développait le concept de schémas de services collectifs en matière de santé, de culture, de transport de voyageurs ou de transport de marchandises, qui permettait à l'État d'être plus économe tout en apportant une réponse aux besoins de la population de tous les territoires. Cette thématique mérite-t-elle, à votre avis, d'être reprise ?

Enfin, je souhaiterais souligner, qu'à mon avis la façade maritime de l'Axe Seine doit être conçue de Caen à Dieppe ! (sourires)

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Madame la ministre, vous n'avez pas eu de mots assez durs à l'égard de l'ancienne majorité : « territoires abandonnés », « meurtris », « victimes d'absurdités », « oubliés de la démocratie ».

Plusieurs députés. En effet ! Si !

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Après Valérie Lacroute, j'aimerais donc vous inviter dans un département que vous connaissez bien, le Val-de-Marne, où vous verriez ce que l'ancien Gouvernement et l'ANRU ont fait pour ma commune. Dans les cités sensibles, les gens ont retrouvé le sourire. Et leur joie a encore redoublé avec le projet du Grand Paris qui va révolutionner le transport en Île-de-France et simplifier leur existence.

Il faut reconnaître, cependant, qu'il est deux défis que tous les gouvernements ont échoué à relever. Tous, en effet, ont commencé par promettre de régler la question du peuplement des quartiers sensibles, mais tous y ont créé de véritables ghettos en y concentrant toutes les difficultés. Que comptez-vous faire pour désenclaver ces ghettos ?

De même, tous les gouvernements ont échoué en matière de péréquation. Le Sénat, bien que majoritairement à gauche, a refusé d'aller de l'avant en la matière. Que comptez-vous faire pour y remédier ?

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Moi aussi, madame la ministre, j'aimerais vous inviter dans ma circonscription, mais ce serait pour vous montrer tout ce que le précédent Gouvernement ne m'a pas permis d'y réaliser. Je pense notamment à plusieurs petites communes – celles que l'on appelle des villes bourgs-centres et qu'il faut bien distinguer des villes périurbaines – qui ont des charges de centralité excessives, attirant des populations rurales souvent précaires qui viennent y chercher un premier niveau de service. Quelques dispositifs de solidarité existent, grâce au département, à la région, parfois à l'État, mais les communes de moins de 10 000 habitants ne bénéficient ni de l'aide de l'ANRU ni des CUCS : c'est à peine si elles touchent un peu de dotation de solidarité urbaine. Elles ne peuvent pas recourir à la fiscalité, car les populations de ces territoires sont pauvres, et elles ne bénéficient pas non plus de la dynamique des fonds privés. Le besoin de péréquation, horizontale ou verticale, est donc primordial.

D'autre part, il faudrait aborder la question la gouvernance des communautés de communes. Aujourd'hui, les conseillers communautaires sont désignés par des élus. Ne serait-il pas temps que les gens votent pour choisir des personnalités qui présentent un projet et en rendent compte au terme de leur mandat ?

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Sur la période 2007-2013, ce sont 26 milliards d'euros de crédits de l'État et des régions qui ont été programmés dans le cadre des contrats de projets État-région, auxquels il faut ajouter 8 milliards d'euros de crédits des départements et des intercommunalités. Quel bilan tirez-vous de l'application de ces contrats de projets ? Quelle orientation le Gouvernement entend-il privilégier ? Vous engagez-vous dans la continuité du Gouvernement précédent et allez-vous définir des contrats de projets pour la période 2014-2020 ? Quelles instructions donnerez-vous à ce sujet aux préfets de région ?

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Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement

Je commencerai par répondre à Mme Alaux qui m'a interrogée sur le décret encadrant l'augmentation des loyers, en cours de signature. Nous sommes bien conscients que certaines parties de la Côte basque – le littoral davantage que l'arrière-pays – pourraient être concernées, mais le recueil des données n'est pas assez détaillé pour que nous puissions limiter les périmètres, et ce défaut fragiliserait l'application du décret dans le cadre de la loi de 1989. Toutefois, ce décret d'urgence n'est qu'une première étape, qui sera suivie, au printemps, par la refonte de la loi de 1989 elle-même. Il s'agira notamment de mettre en place un dispositif d'encadrement des loyers fondé sur les travaux d'observatoires régionaux, sur le modèle des agences départementales pour l'information sur le logement (ADIL) ou de l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (OLAP). Il sera ainsi possible de recueillir des données d'identification quartier par quartier, type de biens par type de biens.

Mme Quéré m'a interrogée sur la possibilité de prendre en compte les énergies renouvelables dans l'étiquette-énergie. Les réflexions en cours, fondées sur un bilan du diagnostic thermique, pourraient déboucher sur son évolution. L'objectif du Gouvernement est de favoriser la diminution des émissions de gaz à effet de serre et celle de la consommation d'énergie. Il ne s'agit pas seulement de vérifier quelles sont les sources d'énergie d'un bâtiment donné, mais de dresser son bilan énergétique pour offrir aux locataires une meilleure information.

Je propose de recevoir M. Albarello et M. Bachelay, afin que nous puissions avoir un entretien plus approfondi sur le Grand Paris. Bien avant d'être nommée ministre, j'avais déclaré – ce que d'autres, dont certains des partisans les plus déterminés du projet, répétaient alors tout bas – que personne n'imaginait voir trente tunneliers sillonner simultanément l'Île-de-France. La question du séquençage ou du phasage, qui n'avait pas été posée au moment de l'annonce et de la signature du projet, était donc un « secret de polichinelle » ; elle était implicite, mais pas assumée. Aujourd'hui, mon rôle est de mener à bien un projet très important pour des populations qui ont besoin de désenclavement. La question du séquençage n'est donc pas un choix de ce Gouvernement, mais elle s'impose à tout le monde et a d'ailleurs été approuvée à l'unanimité du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris, avec le lancement des enquêtes publiques.

Le séquençage permettra en outre de donner la priorité aux populations qui sont les plus nombreuses et qui ont besoin de la desserte de banlieue à banlieue. Chacun convient, quel que soit son département d'origine, que la liaison Pont de Sèvres-Noisy-Champs est prioritaire. Le projet est prêt depuis longtemps. Sa suite, avec le désenclavement de zones qui ont besoin de ce nouveau transport en commun, fait également partie des priorités. Nous étudions actuellement le meilleur moyen de la mettre en oeuvre. C'est pourquoi j'ai insisté sur l'interopérabilité à Champigny, dont dépendra le bouclage harmonieux du projet.

La crédibilité du Grand Paris dépend donc du séquençage. Je sais que la volonté du Gouvernement est partagée par les huit présidents des conseils généraux et par le président du conseil régional : il s'agit de mettre l'accent sur les transports en commun existants, sur la création de nouvelles liaisons, éventuellement par bus à haute qualité de service. La mobilisation des fonds doit être équilibrée entre le Grand Paris Express et le réseau de transport existant. Pour répondre aux besoins des habitants, qu'ils soient du Val-de-Marne, que je connais bien, ou d'ailleurs, on ne peut pas se contenter de répéter que ça ira mieux dans dix ans ou dans vingt ans, il faut expliquer ce que nous allons faire pour demain et après-demain.

De même, en ce qui concerne les contrats de développement territorial, la volonté du Gouvernement est partagée par les acteurs. Nécessité fait loi, et, pour beaucoup de dossiers, le bouclage des CDT avant le mois d'octobre est plus qu'incertain. En proposant à l'Assemblée, dans quelques semaines, d'assouplir le calendrier, nous permettrons de renforcer les liens des CDT avec le schéma directeur de la région Île-de-France, de les insérer dans une dynamique régionale, de mener les deux de front. Ainsi, par un projet équilibré, rapprochant le lieu de travail et le domicile, nous lutterons contre l'étalement urbain.

En ce qui concerne la péréquation, monsieur Kossowski, les discussions se poursuivent. Malgré les échanges suivis que j'ai avec Paris Métropole, nous n'avons pas encore abordé la question, et j'apprends de votre bouche qu'il existe des propositions concrètes. J'ai rencontré l'ensemble des associations d'élus, à l'exception du réseau des villes moyennes dont vous avez parlé – mais je serais très heureuse d'y remédier. Il faudra bien réunir les acteurs autour d'une table, pour que toutes les visions s'expriment. Si je voulais caricaturer, je dirais que les zones rurales considèrent volontiers que le critère du nombre d'habitants pour l'attribution de la DGF est inéquitable, alors que les zones urbaines considèrent volontiers qu'elles assument des fonctions dont profitent les habitants des zones rurales et que le système actuel a donc sa logique. La confrontation des points de vue est un gage d'efficacité.

Vous avez tout à fait raison, monsieur Calmette, d'appeler notre attention sur la mise en compétition des territoires. En zone rurale, les équipes municipales sont parfois très limitées en nombre, et on ne peut attendre d'elles, en matière d'ingénierie, autant que des grandes agglomérations ou des communautés urbaines dotées d'importants moyens humains pour répondre aux appels à projets. Favoriser l'égalité des territoires, c'est aussi prendre en compte les différences de capacités. C'est d'autant plus important que les services d'appui de l'État dans les directions départementales des territoires sont en diminution significative et qu'elles n'ont plus les moyens d'assumer les fonctions qu'elles exerçaient auparavant. Je dis cela sans intention polémique – lorsqu'une politique a été menée pendant trente ans, tous les bords politiques sont concernés –, on a fait avancer la décentralisation sans transférer tous les moyens. On ne peut instruire un permis de construire en comptant sur le seul bénévolat d'un élu local et sur un secrétaire de mairie à mi-temps. On pousse sans le dire à la création d'intercommunalités, mais, ce faisant, on place certains élus locaux dans des situations de grande difficulté. Il est de la responsabilité de l'État et de l'ensemble des collectivités de mener à son terme le débat sur la compétence urbanisme, sur les PLUI, sur l'ingénierie qui doit être mise à disposition des élus pour qu'ils exercent ces missions – que ce soit l'instruction des permis ou l'aménagement des centres-bourgs – dans les meilleures conditions.

C'est dans cet esprit que je souhaite travailler à la réforme de l'urbanisme. Je fais écho à ce que vous disiez, madame Gaillard, sur les trames vertes et bleues. Les schémas de cohérence territoriale doivent intégrer les problématiques de transition écologique et de préservation des zones agricoles. Ils souffrent cependant, d'une part, d'une certaine complexité administrative, d'autre part, d'une vulnérabilité juridique puisqu'ils sont en permanence susceptibles d'être attaqués. Nous allons travailler à ces deux questions, pour développer la carte des SCOT et les démarches en inter-SCOT sur la base du volontariat des élus. Chaque fois que ce travail a été mené, tout le monde s'est déclaré satisfait, des services de l'État – qui s'appuient sur un document de programmation très lisible permettant de contractualiser dans de meilleures conditions –, aux collectivités qui créent la solidarité entre elles. Mettre l'accent sur les SCOT et sur une nouvelle grande étape volontariste de couverture du territoire par les SCOT, c'est apporter une réponse utile à des questions telles que la construction de logements, la consommation d'espaces agricoles, la préservation de la biodiversité... Je souhaite également que nous puissions travailler sur le droit de l'urbanisme commercial, qui met encore en danger bien des centres-ville en raison d'une fragilité juridique conférant à certains groupes financiers de bien trop importants moyens de pression sur les élus locaux.

Lorsque j'ai parlé du Grand Paris, je n'ai pas évoqué l'Axe Seine, monsieur Philippe. Ce sujet important doit en effet être abordé dans la perspective du Grand Paris, qu'il faut envisager au-delà de son réseau de transports. L'Atelier international du Grand Paris réfléchit déjà à l'avenir de la métropole, à ses limites, à son lien avec la façade maritime, et M. Cuvillier a parlé de la priorité qu'il faut donner aux projets de transport. J'ai dit qu'il faudrait 125 ans pour réaliser le SNIT. Tous ceux qui l'ont élaboré sous la précédente mandature savaient, mais ne le disaient pas, que cette belle carte ne verrait jamais le jour, qu'elle ne le verrait pas, en tout cas, avant des dizaines d'années.

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Et encore, le SNIT ne contient pas tous les projets !

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Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement

Nous devons donc fixer des priorités. Ainsi, pour ce qui est de la liaison ferroviaire avec la Normandie, le doublement de la ligne Paris-Mantes simplifierait considérablement la desserte de Rouen et du Havre. Si l'on prend l'égalité des territoires comme grille d'analyse, il faut réfléchir à la sobriété des investissements publics et à leur pertinence. Il doit bien exister un moyen terme entre les grands projets, qui ne sont pas tous immédiatement et intégralement finançables, et l'immobilisme.

Monsieur Savary, vous l'avez compris, je suis très attachée au monde rural. Or ce fut une grande erreur que de le rattacher à la politique agricole, en le dissociant de la politique de la ville. Du reste, le tort n'a pas été causé seulement aux territoires ruraux, mais aussi aux villes moyennes. La question de la taxe sur les logements vacants, par exemple, à l'amélioration de laquelle nous travaillons, a été pensée pour les zones urbaines, mais elle peut être également pertinente dans les centres-bourgs, où l'on constate aujourd'hui une dégradation du bâti ancien qui n'est plus occupé, alors que les jeunes ménages qui n'ont pas les moyens d'investir vont s'installer à l'entrée de la commune, dans des logements neufs de moindre qualité : le paysage du centre-bourg, avec ses « dents creuses », perd ainsi progressivement de son agrément. Il est donc utile de travailler à un dispositif sur les logements vacants dans les zones rurales. On peut imaginer un dispositif global, et le décliner en fonction des territoires. Il en ira de même pour l'encadrement des loyers.

Il a été question du haut débit et de l'interopérabilité des relais de téléphonie mobile. Même si la ministre de l'égalité des territoires n'est pas chargée de ce dossier, je tiens à dire que, dans les zones rurales, où l'investissement n'est structurellement pas rentable pour des opérateurs privés, la question de la mise en concurrence, de la place des collectivités locales, de la nécessité d'organiser des péréquations entre les zones très rentables et les zones qui le sont moins va se poser dans un cadre partenarial avec l'ensemble des opérateurs et avec les collectivités locales qui ont déjà pris des initiatives en la matière. Nous devons parvenir à un dispositif garantissant une meilleure utilisation des fonds publics et évitant que certains dégagent des marges considérables dans des zones très rentables sans investir dans les territoires en difficulté. Il s'agit d'un exercice d'autant plus difficile qu'il doit s'effectuer dans le cadre de la réglementation européenne.

Si la DATAR est dans une situation délicate, monsieur Duron, c'est parce que la politique de l'aménagement du territoire n'a pas été redéfinie pour le xxie siècle. Nous en sommes restés aux vieux schémas en réinventant peu ou prou les pôles de compétitivité. Or le bilan qui en a été tiré récemment montre qu'il est peut-être nécessaire de les mettre en question et de redéployer les fonds. La question d'une meilleure diffusion territoriale, plus axée sur les PME, se pose notamment. On constate en effet que les grands groupes ont été beaucoup mieux armés pour répondre aux logiques présentées par les pôles de compétitivité et que le soutien aux réseaux de PME n'a pas toujours été à la hauteur de ce que l'on pouvait imaginer. Nous devons donc faire une nouvelle lecture, plus nuancée, de ce projet. Sans doute pouvons-nous travailler à redéfinir le rôle d'une structure telle que la DATAR, qui traduisait la volonté de l'État, en n'oubliant pas la problématique de l'égalité des territoires et en interrogeant inlassablement les politiques menées au niveau national et au niveau local. Cette articulation des différentes politiques est en effet la garantie de l'égalité et de l'efficacité.

Je remercie les députés, notamment Mme Lacroute, pour les invitations qu'ils m'ont lancées et je ne manquerai pas d'en honorer certaines. Je ne mésestime pas l'utilité du programme de rénovation urbaine, qui, je l'ai dit, comportait des points positifs. Toutefois, comme le montre le rapport de la Cour des comptes, on est parfois en droit de s'interroger sur son efficacité. Certains bailleurs ont eu une utilisation des fonds qui n'était pas à la hauteur du montant qui leur a été versé. Il convient donc, toujours dans notre logique de sobriété et d'efficacité, de repenser la deuxième phase du PRU, en dressant un bilan très clair de la première phase et en sachant qu'il reste 7 milliards d'euros à financer pour le PNRU I : nombre de conventions ont été signées avec l'État, qui n'a peut-être pas tenu ses engagements aussi bien qu'ont pu le faire les collectivités locales. Il faudra aussi que, dans la deuxième phase, on mette en lien les politiques menées aux niveaux régional, départemental et local. C'est lorsque tous les acteurs oeuvrent en cohérence, avancent dans la même direction, que l'on peut mener des actions efficaces.

La question des contrats de projets se pose évidemment. Trente-sept ont déjà été signés, pour un montant de 29,5 milliards d'euros, dont seulement 80 % auront un taux d'exécution finale constatée à l'échéance 2013. Tous les contrats de projets n'auront donc pas été réalisés. Comme ils sont inégaux, on ne peut avoir de lecture univoque de la situation, mais, sans renoncer à son objectif d'égalité des territoires, l'État entend poursuivre dans cette logique de contractualisation qui permet d'engager tous les partenaires autour d'un même projet, d'associer toutes les collectivités locales à une même oeuvre.

En ce qui concerne la pêche en eaux profondes, monsieur Plisson, je ferai jouer mon joker, puisque vous m'y autorisez (sourires).

Quand on parle de déserts médicaux, la question n'est pas seulement celle de l'éloignement du cabinet du médecin ou de la maison médicale, mais bien de la possibilité d'avoir un rendez-vous dans un délai raisonnable. Les réflexions sur ce sujet sont très intenses et ma collègue Marisol Touraine fera prochainement des propositions concertées. Nous nous dirigeons vers une logique de réseau maillé, où les maisons médicales auront un rôle à jouer, car elles répondent davantage aux souhaits des médecins quant à la manière d'exercer leur profession. La coercition n'est pas aisée à mettre en place. Il vaut peut-être mieux privilégier une logique plus volontariste qui, avec les pressions conjuguées des élus, pourrait rapidement porter ses fruits.

Plusieurs députés ont évoqué la question de l'étalement urbain. Je l'ai dit, nous allons travailler sur la densification et sur un dispositif plus efficace que les trois actuellement en vigueur et qui subsisteront après qu'aura été abrogée, comme je le souhaite, celui permettant d'augmenter de 30 % les droits à construire. Il faut examiner cette question dans une double logique : d'une part en respectant la volonté des collectivités locales, qui entendent limiter la consommation du foncier, et d'autre part en travaillant sur de nouvelles formes urbaines qui respectent également la volonté des habitants, en particulier des accédants à la propriété, lesquels souhaitent s'approprier d'un logement et y vivre avec une grande autonomie. Ces formes urbaines différentes ont été expérimentées à l'étranger et commencent à l'être en France, en particulier dans les zones urbaines. La simplification du droit de l'urbanisme devrait nous aider dans ce travail. On a en effet constaté un empilement de dispositions, notamment à la suite du Grenelle de l'environnement : certaines ont été très utiles, mais les règles d'urbanisme ne sont pas forcément toutes connues de l'ensemble des acteurs, que ce soient les constructeurs, les futurs propriétaires ou les élus locaux et leurs équipes. Il nous semble donc utile de prendre le temps de « peigner » ces règles d'urbanisme, pour les rendre plus utiles, pour qu'elles remplissent mieux les objectifs qui leur sont assignés : préservation de l'espace naturel, de la biodiversité, densification, développement des formes urbaines équilibrées.

Enfin, je souhaiterais indiquer que la lutte contre l'étalement urbain et la préservation des espaces agricoles est très utile pour l'ensemble des cultures dont notre pays s'honore. Ainsi, la France est leader européen de la culture du chanvre, qui sert à la fabrication de papier et dont les sous-produits sont utilisés dans des matériaux d'isolation très efficaces. La culture du chanvre permet en outre de laisser reposer les terres, car elle peut remplacer une année de jachère. Le béton de chanvre, qui est actuellement développé en France, et pour lequel une entreprise de Picardie se montre très innovante, nous aidera à mener nos missions : il ne s'agit pas seulement de bâtir de nombreux logements, mais de veiller à la qualité de ces constructions.

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Monsieur le président, j'ai été tellement concis, pour vous complaire, que j'ai fini par être transparent. Je me permets donc de reposer ma question à Mme la ministre, quoique de manière très synthétique. Certains territoires ruraux ont des problèmes d'accès et de création de routes. Soutenez-vous ces territoires ?

D'autre part, j'ai évoqué le développement économique, dans les territoires ruraux comme dans le périurbain. Il est important d'aider les territoires, mais il est encore plus utile de les aider à se développer eux-mêmes en soutenant leur économie, en créant de la richesse. Tous les territoires ont du potentiel, que ce soit dans l'économie, dans le tourisme, dans l'agriculture, dans d'autres secteurs d'activité. Avez-vous l'intention de mener une action forte en la matière ?

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Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement

Peut-être n'ai-je pas été assez audible, mais il me semble vous avoir répondu, notamment lorsque j'ai évoqué les pôles de compétitivité et les contrats de projets à dimension rurale. Au-delà du bouclier rural qui a été développé lors de la précédente législature, les territoires ruraux n'ont pas seulement besoin de protection, mais doivent s'appuyer sur leur capacité d'innovation, sur leurs ressources propres, sur un réseau d'activités économiques et de PME innovantes. On le sait, nombreux sont les créateurs d'entreprise qui cherchent à s'installer dans les zones rurales, car les choses y sont plus simples et la qualité de la vie y est meilleure.

Quant à la question de savoir si je suis favorable ou non au désenclavement routier des territoires ruraux, je n'y répondrai pas de manière globale, car il me semble qu'elle est plus subtile que vous ne l'avez laissé entendre : je connais bien les parlementaires de cette commission. S'il s'agit d'un simple problème de départementale déclassée, il sera facile à régler.

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Je remercie Mme la ministre de nous avoir consacré plus de deux heures et d'avoir ainsi témoigné au Parlement une importante marque de respect.

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 18 juillet 2012 à 16 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Yves Albarello, M. Christian Assaf, M. Julien Aubert, M. Alexis Bachelay, M. Serge Bardy, M. Jacques Alain Bénisti, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, M. Alain Calmette, M. Yann Capet, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, Mme Fanny Dombre Coste, M. Philippe Duron, Mme Sophie Errante, M. Laurent Furst, Mme Geneviève Gaillard, M. Claude de Ganay, M. Alain Gest, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. François-Michel Lambert, M. Guillaume Larrivé, M. Alain Leboeuf, Mme Viviane Le Dissez, M. Michel Lesage, M. Olivier Marleix, M. Philippe Martin, M. Philippe Noguès, M. Bertrand Pancher, M. Edouard Philippe, M. Philippe Plisson, Mme Catherine Quéré, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, Mme Suzanne Tallard, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Denis Baupin, Mme Chantal Berthelot, M. Olivier Falorni, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Christian Jacob, M. Gabriel Serville, M. David Vergé

Assistaient également à la réunion. - M. Benoist Apparu, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. François Pupponi