Je resterai très prudent ; je rappelle que notre processus de sélection est continu, ce qui rend les comparaisons malaisées. Dans le monde militaire, d'excellents jeunes officiers peuvent être de très bons meneurs d'hommes dans leurs premiers postes ou de très bons pilotes de chasse – ce qui constitue une compétence très particulière – et ne pas nécessairement faire preuve par la suite, en milieu de carrière, au moment du passage par l'École de guerre, des compétences de chef, d'homme de caractère et d'ouverture d'esprit que nous recherchons. Ainsi, certains, brillants au départ, plafonnent au moment de cette deuxième partie alors que d'autres, qui ont été des officiers plus discrets, se révèlent.
Nous recourons, d'une façon générale, à des critères de notation liés à l'emploi au cours de l'année. En revanche, au moment du stage effectué au CHEM, les officiers sont comparés les uns aux autres au sein d'une population plus homogène, et les cadres de contact jouent un rôle important : ils observent leur caractère – critère auquel le chef d'état-major est très attaché – et leur ouverture d'esprit. On peut imaginer que celle-ci, par nature, est plus grande dans la haute fonction publique, puisqu'elle est amenée à connaître une plus grande variété de secteurs, tandis que le parcours militaire peut faire que l'on arrive colonel en ne disposant que d'une faible connaissance de certains milieux, des spécificités de la fonction publique ou des problématiques posées à l'État.
Nous intégrons donc, dans un premier temps, au stade de l'École de guerre, la dimension interarmées – terre, air, mer – puis, à celui du CHEM, la dimension politico-militaire, qui implique de prendre en compte les problématiques des acteurs avec lesquels il faudra interagir dans le domaine de la défense et de la sécurité nationale, dont l'imbrication est croissante avec les aspects diplomatiques, politiques, économiques et – désormais – environnementaux.
Établir le parallèle avec la haute fonction publique me paraît hasardeux, car les hauts fonctionnaires, par nature, doivent disposer, beaucoup plus tôt que les militaires, d'une culture générale qui emporte une certaine curiosité d'esprit, alors que les cadres de l'armée doivent plus répondre à des critères de conviction, de caractère et de capacité de commandement. Au demeurant, c'est dans les responsabilités et les difficultés que se révèlent ce type de qualités, particulièrement l'aptitude à transformer une compétence et un effort individuels en une compétence et un effort collectifs ; à ce degré de responsabilité, les capacités attendues sont équivalentes entre le commandement militaire et la haute fonction publique.
À cet égard, j'avoue avoir rencontré des esprits brillants pour eux-mêmes, mais pas pour l'équipe qu'ils dirigeaient – souvent en raison de difficultés relationnelles –, doués d'une grande capacité de travail individuel sans pour autant savoir créer un projet collectif, faute de capacités managériales. C'est sur ces points que le parallèle établi entre les deux univers est pertinent.