Intervention de Francis Duseux

Réunion du 5 avril 2016 à 16h15
Mission d'information sur les moyens de daech

Francis Duseux, président de l'Union française des industries pétrolières, UFIP :

Je viens apporter le point de vue modeste du raffineur ou du pétrolier. Je représente ici l'industrie française du pétrole, dont toutes les entreprises sont des filiales de grands groupes internationaux. Je voudrais rappeler qu'il n'existe plus que trois grands raffineurs en France : le groupe Total ; le groupe Esso, filiale d'Exxon-Mobil ; et enfin le groupe Ineos PetroChina. Je les ai bien sûr consultés avant de venir témoigner auprès de vous.

Je voudrais essentiellement développer trois points.

Tout d'abord, la question des moyens de Daech relève du régime international de restrictions et de sanctions relatives à cette zone, ainsi que de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU sur le terrorisme du 12 février 2015. Ces réglementations sont intégralement respectées : nos entreprises sont pleinement concernées par ces règles internationales de sanctions commerciales et de contrôle des exportations et elles les respectent scrupuleusement. Vous imaginez que les grands groupes que je représente n'ont aucun intérêt à essayer d'accéder à du brut bon marché. Au contraire, ils font preuve d'une grande vigilance pour garantir l'intégrité des opérations.

Mon deuxième point vient confirmer les propos de M. Francis Perrin. En Syrie, en 2015, la production de brut de Daech était de l'ordre de 50 000 barils par jour, soit 500 millions de dollars de recettes. Nous avons fait un point vendredi dernier avec les spécialistes qui connaissent la zone et les informations locales dont nous disposons révèlent que, suite aux bombardements massifs, cette production et ces recettes ont été considérablement réduites. Notre estimation, avec toutes les incertitudes que la situation impose, est que cette production serait de 10 000 barils par jour. Par conséquent, non seulement nous sommes convaincus que Daech ne peut plus exporter à partir de la Syrie – il n'y a plus de camions passant la frontière turque comme nous pouvions le voir auparavant – mais nous avons l'impression que Daech éprouve des difficultés à satisfaire ses besoins de guerre et ceux de la population locale. La situation est donc critique pour Daech.

En Libye, mes adhérents confirment que l'État islamique n'a aucune capacité d'exploitation des installations aujourd'hui et ne contrôle pas de terminaux pétroliers. Là-bas, les attaques visent à détruire. Ce n'est pas du tout la même problématique qu'en Syrie, où ils cherchent à vendre pour gagner de l'argent. En Libye, ils n'y arrivent pas. Leur seule intention, pour l'instant, est de détruire.

Nous confirmons donc la réduction très significative, voire la disparition des exportations en contrebande ; Daech aurait même du mal désormais à satisfaire ses propres besoins.

Mon troisième point, le plus important, porte sur les procédures mises en place pour assurer un suivi rigoureux des cargaisons que nous achetons. J'ai passé quarante années à travailler pour une société pétrolière et ces procédures n'ont pas cessé de se renforcer.

Au chargement d'une cargaison, une société internationalement reconnue est systématiquement mandatée pour prendre un échantillon et mesurer exactement les propriétés du brut qui doit être chargé. On pourrait imaginer qu'après le départ du navire, des arrêts permettent de faire de nouveaux chargements. Mais c'est impossible, car à l'arrivée, avant même de décharger dans les bacs à Fos-sur-Mer ou au Havre, les grandes sociétés de services telles que Veritas ou SGS procèdent à nouveau à une prise d'échantillons. Et le déchargement n'est effectué que si les analyses attestent que la qualité est bien identique à celle qui a été achetée.

Cette procédure extrêmement rigoureuse de double vérification permet de garantir qu'aucun brut issu des territoires contrôlés par Daech n'arrive dans nos raffineries. De plus, nous sommes aujourd'hui presque certains qu'ils ne sont plus en capacité d'exporter.

S'agissant des produits finis, la procédure est rigoureusement la même. On achète du gasoil partout, en Russie ou ailleurs, et l'on vérifie sa conformité avant le déchargement. Nous sommes de toute façon certains que les raffineries de Daech sont complètement artisanales, et les produits européens répondent à des spécifications administratives très sophistiquées, définies par les constructeurs automobiles en accord avec le Gouvernement. Il est physiquement impossible à Daech d'avoir une installation suffisamment sophistiquée pour produire du gasoil répondant aux spécifications françaises, et il en va de même pour l'Italie ou l'Angleterre. Nous sommes donc absolument tranquilles sur ce point.

De plus, après les soucis que les pétroliers ont connus au cours de l'histoire, nous avons établi une liste très rigoureuse de navires reconnus, qui offrent un certain nombre de garanties. Il en va de même pour le commerce : nous ne traitons qu'avec des interlocuteurs reconnus, qui ont pignon sur rue. Il n'est pas question de prendre le risque de s'exposer à de sérieux problèmes, susceptibles de mettre en jeu la réputation d'une grande compagnie.

Enfin, tous les grands groupes prévoient une formation spécifique de tous leurs acheteurs pour les sensibiliser à l'intégrité des opérations d'achat et à la vérification de la qualité des cargaisons.

Nous pensons donc que nos procédures sont suffisamment rigoureuses pour affirmer que nous n'achetons pas de brut ou de produits finis à Daech.

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