Intervention de Sébastien Abis

Réunion du 5 avril 2016 à 16h15
Mission d'information sur les moyens de daech

Sébastien Abis, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques, IRIS :

Monsieur le président, vous nous interrogiez sur le coton. Les productions de coton sont historiquement importantes dans l'est syrien. On est en droit de considérer que par le jeu de la contrebande, des trafics informels et des circuits non officiels, du coton a été exporté vers la Turquie, qui est un grand pays de transformation et de textile.

Sur la question plus commerciale, aujourd'hui, environ 50 % de la consommation alimentaire en Syrie et en Irak provient des marchés internationaux. Une calorie consommée sur deux dépend de la production à l'étranger. C'est notamment vrai en céréales, et dans ce cas plus spécifique, la Syrie fait venir son blé, son orge et son maïs des pays riverains de la mer noire : Ukraine et Russie. Ces deux pays de production céréalière sont montés en puissance ces dernières années, tant en termes de production que d'exportation. Le goût pour les mers chaudes de ces pays concerne bien évidemment les céréales, d'autant plus que l'Afrique du nord et le Proche-Orient sont les grandes régions importatrices de céréales de la planète, et de très loin.

Ces achats, quand bien même il existe un office public en Syrie, sont le fruit d'opérations menées par des compagnies céréalières privées. Le blé importé en Syrie ne porte pas le drapeau d'un pays. Il a une origine géographique, mais l'opération tant logistique que financière est effectuée par des opérateurs privés.

Enfin, concernant la question plus prospective qui a été posée sur l'impopularité potentielle et l'affaiblissement de Daech, ces évolutions se font sur de longues durées. S'agissant de l'impopularité née de l'imposition des produits agricoles ou alimentaires, Daech peut très bien considérer a contrario qu'il va devoir acheter ces populations locales pour préserver une clientélisation à long terme. Peut-être va-t-il reconsidérer avec plus d'attention les questions alimentaires et agricoles, à plus forte raison si ses moyens diminuent du fait de la raréfaction des possibilités d'exploitation du pétrole.

D'un point de vue stratégique, on peut observer avec le plus grand intérêt que des pays acteurs du conflit cherchent à acheter des produits alimentaires et céréaliers en quantité supérieure à leurs besoins nationaux, afin de les redistribuer dans les pays du voisinage, et ainsi acheter des alliances locales auprès de communautés ou de groupes. C'est une leçon que nous pouvons tirer de l'histoire, qui souvent se répète sur ces questions alimentaires.

Pour terminer, la fragilité locale de Daech ne doit pas masquer que sa séduction se maintient auprès de populations plus lointaines, vulnérables, en Europe et de plus en plus souvent sur le continent africain. La capacité de résilience de ce groupe tient à son pouvoir de séduction, qui se maintient dans des territoires plus lointains que le seul théâtre syrien et irakien, contre sa faiblesse face aux frappes et aux difficultés locales

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