Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mesdames les présidentes des commissions des affaires sociales et des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre écosystème est sujet à de multiples transformations, tant des modèles productifs, avec l’irruption du numérique, que des parcours professionnels, moins linéaires et moins marqués par l’hégémonie du salariat. Ce contexte a fait de l’adaptation du droit du travail une nécessité : les entreprises ont besoin de plus de souplesse et les salariés, d’une plus grande sécurisation. Ce projet de loi y concourt efficacement. Il est donc le bienvenu, il est même indispensable.
La commission des affaires économiques a été naturellement amenée à se saisir de ce texte, et trois préoccupations majeures ont guidé mon travail de rapporteur pour avis. D’abord, comment la modernisation du dialogue social peut-elle permettre de concourir à davantage d’efficacité économique ? Ensuite, comment les freins à l’embauche, dans un contexte de chômage de masse, peuvent-ils être levés sans précariser les salariés ? Enfin, comment le projet de loi doit-il s’adresser aux plus petites entreprises – PME ou TPE – pour faciliter leur développement et donc la création d’emplois ?
La saisine de la commission des affaires économiques a permis d’aborder ces différentes préoccupations.
Au sein du titre Ier, relatif à la refondation du droit du travail, qui entend donner plus de poids à la négociation collective, nous nous sommes saisis de l’article 2, qui refonde l’architecture de la partie du code du travail relative à la durée du travail en donnant, conformément aux recommandations du rapport Combrexelle, une plus grande place aux accords d’entreprises. Il s’agit là, selon moi, du coeur du projet.
Au sein du titre II, la commission s’est saisie des principaux articles du chapitre II, qui porte sur le renforcement de la légitimité des accords collectifs, et en particulier de l’article 10, qui achève la réforme de 2008 sur la représentativité syndicale, en conditionnant la validité des accords à une majorité de 50 %. Cet article introduit également la possibilité de surmonter certains blocages en recourant, à l’initiative des organisations syndicales exclusivement, au référendum. Sur cet article essentiel, la commission des affaires économiques a proposé un amendement, adopté par la commission des affaires sociales, visant à moderniser le dialogue social dans les chambres d’agriculture.
La quasi-totalité du titre III, et en particulier l’article relatif au compte personnel d’activité – CPA –, faisait également partie de la saisine : il porte sur la sécurisation des parcours et l’adaptation du modèle social à l’ère du numérique. J’ai veillé à ce que l’on développe toutes les potentialités du CPA. Il s’agit notamment de l’étendre à l’ensemble des personnes, et non aux seuls actifs, car l’activité ne se résume pas au temps de travail des actifs. Comme l’illustre l’intégration du compte d’engagement citoyen dans le CPA, il y a un temps d’activité citoyenne qui peut s’exercer à tout âge, y compris à l’âge de la retraite. Je proposerai de nouveaux amendements afin de poursuivre la reconnaissance de l’engagement citoyen, notamment au travers de formations à la gestion associative, que permet le compte personnel d’activité.
Dans ce titre consacré au numérique, un amendement de la commission des affaires économiques vise la création d’une responsabilité sociale des plates-formes en ligne vis-à-vis des travailleurs indépendants – c’est l’article 27 bis. Cette avancée doit être saluée. Je défendrai également différents amendements tendant à mieux encadrer cette responsabilité sociale, dans la continuité de la réflexion de la commission des affaires économiques sur les effets de la numérisation de notre économie.
En ce qui concerne les TPE et les PME, dont il est souvent question, nous nous sommes saisis de la partie du titre IV, intitulé « Favoriser l’emploi », qui porte sur la facilitation de la vie des TPE et des PME et sur la réforme des conditions du licenciement économique. À ce titre, le travail d’audition que nous avons mené avec mon collègue rapporteur Christophe Sirugue nous a permis de dégager une réponse commune sur la sécurisation des petits employeurs face à la complexité du droit du travail. Je le remercie d’ailleurs de la qualité des échanges que nous avons eus sur cette question. Nous avons ainsi proposé la création d’un « quasi-rescrit » social afin de mettre en avant la bonne foi des employeurs en cas de contentieux sur la forme des décisions qu’ils prennent.
La commission des affaires économiques est également à l’origine de l’article 29 bis du texte élaboré par la commission des affaires sociales, qui permet aux entreprises de moins de cinquante salariés de faire des provisions afin de faire face à d’éventuelles condamnations prud’homales : il s’agit là d’un geste très fort en direction des petites et moyennes entreprises.
En ce qui concerne l’encadrement des licenciements économiques, je me félicite du travail accompli par M. Sirugue, qui a proposé une nouvelle écriture très proche des préoccupations que j’ai exprimées, notamment sur la mise en place de seuils de qualification des difficultés économiques en fonction de la taille des entreprises.
La saisine portait également sur le chapitre III du titre IV, relatif à la préservation de l’emploi et comportant des articles concernant notamment les emplois saisonniers, sujet important pour notre commission, les transferts d’entreprise dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi et la revitalisation des bassins d’emplois. S’agissant des saisonniers, la commission a souhaité faciliter le recours au contrat de travail intermittent et prévoir que la négociation sociale prévue par l’article 39 puisse traiter de l’indemnisation financière dans le cas où ces contrats ne sont pas reconduits. Ces amendements n’ont pas été adoptés par la commission des affaires sociales, mais la discussion aura de nouveau lieu dans l’hémicycle.
Enfin la partie du titre VI relative à la lutte contre le détachement illégal a retenu notre attention : partant du constat que la fraude s’adapte encore et toujours aux multiples réglementations que cette majorité a mises en place depuis la loi Savary et, plus récemment, la loi Macron, le texte propose de nouveaux dispositifs à même de lutter plus efficacement encore contre le détachement illégal. Ils sont les bienvenus.