La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation de l’Assemblée nationale québécoise conduite par son président, M. Jacques Chagnon.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.
Monsieur le Premier ministre, comme le dit le Président de la République, ça va mieux ! Vos amis de l’ultra-gauche prétendent désormais assurer la sécurité des Français, en plein état d’urgence, en passant la nuit debout place de la République. Les policiers ne se font pas agresser dans les manifestations.Votre politique n’a finalement engendré qu’un petit million de chômeurs supplémentaires, et comme vous allez sortir des statistiques 500 000 personnes en formation, ça devrait aller encore beaucoup mieux !
On peut penser que l’UNEF, à laquelle vous avez promis une surtaxation des CDD, va donner l’exemple en créant elle-même quelques milliers de CDI…
Nous pouvons encore imaginer qu’Areva va bien et qu’EDF n’a nulle perspective difficile devant elle…
Les communes de France sont toujours debout malgré la purge historique que vous leur avez infligée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Les enfants de France sont rayonnants de santé grâce à leurs nouveaux rythmes scolaires : ça va mieux !
Le Front national, quant à lui, n’est pas aux portes du second tour de l’élection présidentielle – pour la deuxième fois dans notre histoire après cinq ans de socialisme : ça va mieux ! Votre ministre de l’économie ne vous défie pas ; il ne défie pas le Président de la République. Il veut simplement se mettre « en marche » pour vous aider !
Nos agriculteurs ne sont pas désespérés, nos PME ne sont pas découragées : ça va mieux !
Votre majorité au Parlement est solide comme jamais ; les frondeurs ne frondent plus ; l’article 49 alinéa 3 de la Constitution ne sera pas utilisé avant la semaine prochaine.
À un an des élections, le Président de la République ne multiplie pas les cadeaux électoraux avec de l’argent qu’il n’a pas en faisant des promesses semaine après semaine…
Je me demande donc, monsieur le Premier ministre, et ce sera ma question, si vous ne devriez pas, comme le Président, faire désormais l’éloge des mous !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Il y a en effet quelque chose qui ne va pas mieux en France, monsieur le député : c’est l’opposition et sa capacité à avancer des propositions.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. - Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Je connais votre talent et votre ironie – nous la retrouvons régulièrement dans cet hémicycle, et c’est pour cela que vous êtes apprécié. Mais essayons un instant de regarder objectivement et avec lucidité la situation dans laquelle nous sommes.
Oui, ça va mieux,
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains
et le Gouvernement assume pleinement ce constat. Ça va mieux en matière de croissance : quand on peut évoquer 1,1 % en 2015 et une perspective confirmée par les chiffres qui viennent d’être publiés pour l’année 2016, oui, ça va mieux pour notre économie ! Quand les chiffres du chômage baissent, comme cela a été le cas au mois de mars, oui, ça va mieux ! Pas pour le Gouvernement ou pour la majorité…
…mais d’abord pour les Français, qui sont directement concernés par cette baisse du chômage.
Quand nous faisons, comme ces jours-ci, le bilan de la refondation de l’école, des postes qui ont été créés, de la réduction des inégalités, oui, monsieur le député, nous pouvons dire que ça va mieux, surtout au regard du bilan qui fut le vôtre, sur ce sujet comme sur d’autres, lorsque vous étiez au gouvernement !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il ne suffit pas d’ironiser ou de caricaturer : il s’agit aussi de comparer. Je vous attends donc sur le bilan et sur le projet, mesdames et messieurs de l’opposition !
Car ce que vous préparez pour le pays, c’est précisément moins de fonctionnaires dans l’éducation nationale et dans la police, moins de militaires dans la gendarmerie et dans les armées ! Ce que vous proposez, ce n’est pas une baisse des impôts : c’est la baisse des impôts pour les plus riches, alors que nous, nous les baissons pour les classes moyennes et pour les couches populaires !
Au lieu de manier l’ironie, monsieur le député, faites donc des propositions ! Faites en sorte que dans quelques mois, les Français puissent choisir !
Au fond, et le Président de la République l’indiquait il y a un instant, des modèles, des projets, des perspectives pour le pays sont en train de se dessiner…
…autour de trois belles idées. La première est celle du progrès et de l’idée que nous nous faisons du progrès. J’ai parlé de l’école ; on pourrait parler de l’université ou de la recherche.
La deuxième est celle du compromis, du compromis dans la négociation. C’est le sens du projet de loi que défendra tout à l’heure Myriam El Khomri, dont je veux saluer l’action, le courage et la pugnacité dans la défense de son texte !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
C’est un texte utile pour les entreprises et bon pour les salariés.
La dernière idée est celle de la cohésion, de la cohésion républicaine et de la cohésion nationale.
Franchement – et n’ironisons pas sur ce point, monsieur le député : je veux rendre hommage, comme le fera sans doute dans un instant le ministre de l’intérieur, aux forces de sécurité, aux policiers et aux gendarmes, qui accomplissent – parmi bien d’autres tâches – un travail difficile de maintien de l’ordre.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Je condamne avec la plus grande sévérité ceux qui se livrent à des actes inqualifiables à l’égard des forces de l’ordre, comme je condamne les propos de ceux qui s’abritent derrière les casseurs pour mettre en cause les forces de l’ordre, les préfets, le ministre de l’intérieur et le Gouvernement !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ce discours, nous le tenons à chaque fois que se produisent des violences, que ce soit au moment des manifestations contre le mariage pour tous ou aujourd’hui. Le Gouvernement et la majorité sont cohérents et n’ont qu’un seul discours. Plutôt que de manier l’ironie, il importe à cette heure de défendre la nation, la France et la République ! C’est le sens de l’action du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à M. Yves Blein, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, depuis plusieurs mois déjà, les signes de reprise de l’économie française se multiplient. La croissance économique a ainsi atteint, au premier trimestre, 0,5 % du produit intérieur brut, au-delà des estimations fournies par tous les observateurs avertis de notre économie. C’est mieux que l’Allemagne, souvent citée en référence ; c’est mieux aussi que les États-Unis. La consommation des ménages a bondi de 1,2 %. Elle n’avait pas été aussi forte depuis l’année 2004. La production totale des biens et des services a continué de progresser, à hauteur de 0,6 %, quand le taux de marge des entreprises non financières atteignait 31,4 %, son plus haut niveau depuis six ans, ouvrant ainsi la voie à un accroissement de l’investissement de 0,9 % au premier trimestre 2016. Corrélés au net recul du chômage au mois de mars dernier, tous ces chiffres démontrent à l’évidence que la France est désormais bien engagée sur la voie de la reprise.
Le Premier ministre du précédent quinquennat ne déclarait-il pas ce matin à un grand quotidien : « Je suis patriote, et chaque fois que mon pays va mieux, je m’en réjouis » ? Je ne doute donc pas ici un seul instant que, sur tous ces bancs, nous puissions nous réjouir des bons résultats de notre économie et, bien sûr, de leur impact sur l’emploi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre, sur ces premières livraisons de chiffres de l’année 2016, votre analyse nous intéresse. Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, coût de l’énergie, allégement de la fiscalité des ménages et des entreprises, prime à l’embauche, performances remarquables accomplies récemment à l’export par des champions nationaux, quels sont selon vous les vecteurs qui contribuent au redressement de l’économie française…
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le député, vous avez cité un certain nombre de chiffres qui, à l’évidence, montrent que les choses s’améliorent pour la France. Mais j’aimerais, avec vous, regarder derrière ces chiffres. Quand on dit que la croissance, l’année dernière, s’est raffermie, pour atteindre 1,2 %, on doit comparer ce taux à celui de 0,2 %, ce qui permet de comprendre que l’activité de nos entreprises, de nos commerces, de nos artisans a légèrement augmenté l’année dernière. La croissance du premier trimestre 2016, pour sa part, s’est accrue à hauteur de 0,5 %, ce qui signifie qu’au cours de cette période, l’activité économique dans son ensemble, a connu une accélération. Est-ce le fruit du hasard ? Non, c’est le fruit d’une politique, celle que vous avez souhaitée, que vous avez soutenue sur les bancs de la majorité.
Je prendrai deux exemples de cette évolution. En premier lieu, derrière la croissance supplémentaire, il y a avant tout de la consommation supplémentaire, du pouvoir d’achat supplémentaire. La consommation des ménages elle-même, vous l’avez dit, se situe à un niveau très élevé, que l’on n’a pas connu depuis 2004. Il faut continuer dans cette voie tout au long de l’année 2016 et au long de l’année 2017.
Derrière ce chiffre de la croissance, il y a, en deuxième lieu, l’investissement des entreprises, du tissu économique privé, qui a enfin repris de la vigueur. Je dis « enfin » parce que nous avons connu deux ou trois années très difficiles de ce point de vue. Quand il y a moins d’investissement, chacun le sait, il y a moins d’emploi et plus de chômage. La reprise de l’investissement, telle que nous la connaissons aujourd’hui – cela se traduit dans les chiffres – signifie la reprise de l’emploi. Et derrière la reprise de l’emploi, il y a évidemment le seul combat qui compte : le recul du chômage.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, en quatre ans, depuis que François Hollande est Président de la République, plus d’un million de Français supplémentaires émargent à Pôle emploi, et on nous dit – vous venez de le dire, monsieur le Premier ministre – que ça va mieux. Il faut quand même oser !
Tirant vous-même les leçons de votre échec économique et sur le front du chômage, vous annonciez, au mois de février dernier, vouloir sécuriser le contrat de travail afin que les entreprises embauchent en CDI, alors même que 85 % des recrutements sont aujourd’hui des CDD. C’était non seulement une bonne idée mais une nécessité, et nous, parlementaires UDI, avions annoncé que nous soutiendrions cette démarche du Gouvernement. Hélas, à la première pancarte de manifestants, vous avez abandonné ce qui pouvait sans doute être la dernière mesure utile à la France que votre majorité pouvait porter afin de lutter contre le chômage. Constatant ce revirement complet, votre ministre de l’économie, M. Macron, a parlé à l’époque d’une occasion manquée sur laquelle il faudrait revenir.
Depuis, on assiste chaque jour dans votre majorité au concours Lépine de la mauvaise idée, et ce projet de loi qui voulait assouplir, simplifier et alléger les contraintes qui empêchent la création d’emplois s’est bien au contraire transformé en charges et risques supplémentaires pour les entreprises, en augmentation du risque financier et judiciaire pour l’employeur en cas de licenciement, et même en frein à la négociation sociale de branche ou d’entreprise. À l’opposé de l’objectif consistant à faciliter l’embauche pour créer des emplois, le texte que vous nous soumettez aujourd’hui s’est transformé en un obstacle supplémentaire à la création d’emplois. C’est un texte qui prépare en vérité de nouvelles augmentations du nombre de chômeurs.
Après ces trois mois qui ont vu le Gouvernement proposer une politique et, finalement, en adopter une totalement inverse sous la pression des divisions de sa majorité, il est temps, monsieur le Premier ministre, d’arrêter les frais avant qu’il ne soit trop tard et que les Français payent une fois de plus les factures de vos hésitations et de vos incohérences. C’est la raison pour laquelle, au nom de l’UDI, nous vous demandons de retirer le projet de loi El Khomri.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le président Lagarde, dans quelques minutes, nous commencerons le débat sur le projet de loi travail. C’est un moment important, qui nous offrira l’occasion d’entrer dans le détail des termes et des propositions. C’est un temps que j’attends avec impatience, qui me paraît essentiel.
Ce projet de loi porte toujours les mêmes ambitions. La première d’entre elles est de revivifier la démocratie sociale au niveau de l’entreprise.
En effet, nous devons permettre une plus grande adaptation et, par un dialogue social renouvelé, laisser plus de place à ce dialogue social. C’est essentiel. Il nous faut mieux répondre aux pics d’activité, aux pics de commande, au moyen de souplesses négociées. Nous portons profondément cet objectif. Ce n’est pas un débat médiocre, c’est un débat de fond qui traverse, en effet, l’ensemble des syndicats dans notre pays, mais aussi ma famille politique. Il faut que nous ayons ce débat essentiel.
Le deuxième enjeu de ce projet de loi est d’apporter de la visibilité et de la clarté aux entreprises.
Vous le savez, elles en ont besoin, et le texte comporte beaucoup de mesures en direction des très petites entreprises – TPE – et des petites et moyennes entreprises – PME. Nous savons bien, de fait, que ce sont elles qui vont créer de l’emploi. Leur apporter de la visibilité et de la clarté, cela vise à encourager l’embauche en CDI. En effet, 90 % des embauches se font en CDD, et plus de 50 % de ces CDD sont de moins d’une semaine.
Ce n’est pas en surtaxant les CDD que vous allez favoriser les embauches en CDI !
La troisième ambition, ne l’oubliez pas – c’est en cela, aussi, que ce texte sera une véritable loi de progrès – est la capacité de moderniser notre modèle social à travers le compte personnel d’activité, qui est un modèle essentiel pour améliorer les trajectoires et faire en sorte que les droits soient attachés non pas à des statuts, mais bien aux personnes.
Telles sont les ambitions du texte. Nous aurons l’occasion, bien évidemment, d’en débattre ensemble, mais ces ambitions demeurent intactes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Projet de loi travail
Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail.
Depuis trente ans, des dizaines de réformes législatives ont accru la « flexibilité » du travail. La courbe du chômage est impitoyable : aucune de ces lois n’a amélioré la situation des salariés.
La semaine de 35 heures est la seule réforme ayant porté ses fruits en nombre d’emplois créés.
Vous pouvez toujours le nier, chers collègues, le rapport parlementaire de notre collègue socialiste Barbara Romagnan l’a de toute façon démontré.
La monstrueuse loi El Khomri a été écrite sous la dictée du MEDEF.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Sourires sur quelques bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Le projet de loi prévoit notamment une inversion de la hiérarchie des normes et casse des décennies d’évolution du temps de travail et des congés. C’est pourtant grâce à ces progrès sociaux que la France a les travailleurs parmi les plus efficaces et les plus productifs de la planète. Il est également prévu de faciliter les accords offensifs et le licenciement économique. Les patrons voyous n’auront aucun mal à prétendre que leurs filiales ont des difficultés économiques pour justifier des licenciements ou à faire un chantage au licenciement pour rogner les acquis sociaux.
Le médecin du travail est un protecteur indispensable. La loi El Khomri en ferait un outil de l’entreprise pour se débarrasser des malades, des invalides et des plus âgés.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyens.
Votre gouvernement a fait semblant d’écouter les critiques en retirant quelques dispositions lors de l’examen en commission. C’était pour mieux ajouter des horreurs telles que l’exonération des cadeaux faits par les employeurs, dont le coût est estimé à 3 milliards d’euros par an.
Cette loi ne simplifie pas le code du travail, au contraire ! Le groupe de recherche « Pour un autre code du travail » a fourni un travail remarquable. Nous l’avons déposé sous la forme d’une contre-proposition de loi qui favorise l’emploi au lieu d’allonger le temps de travail, qui permet de consacrer son temps libre à autre chose qu’au repos, par exemple aux activités familiales ou sociales. Cet héritage du Front populaire est essentiel.
Madame la ministre, les Français sont dans la rue. Les salariés et les dirigeants des petites entreprises refusent vos propositions. Vous n’avez pas de majorité pour voter cette loi. Revenez à la raison et acceptez nos amendements pour faire la seule réforme du travail utile : celle qui protégera les travailleurs des patrons voyous.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Madame la députée Isabelle Attard, s’il vous plaît, sortons de ces caricatures !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Dans un pays qui a besoin de retrouver de la confiance, il est inacceptable de dresser une telle caricature à la fois du chef d’entreprise et du monde du travail.
Mêmes mouvements.
Permettez-moi de vous dire que je me suis beaucoup déplacée, dans de nombreuses circonscriptions. J’ai été à l’écoute de salariés, de syndicalistes, de chefs d’entreprise ; ce n’est absolument pas ma France, que vous décrivez. Je suis désolée, mais vous ne pouvez pas tenir de tels propos. Nous n’envoyons pas les salariés dans la gueule du loup patronal. Nous essayons de développer de nouvelles formes de relations de confiance, de nouvelles formes de régulation sociale. À quoi sert le principe majoritaire pour les accords d’entreprise si ce n’est précisément à reposer un véritable verrou ? À quoi sert de développer la négociation du temps du travail ?
Nous le faisons parce que, pour notre part, nous croyons à une culture du compromis. D’une certaine façon, toutes ces caricatures montrent que votre seule voie, c’est celle du statu quo : il ne faut rien changer, il ne faut surtout pas moderniser. C’est insupportable !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Dans un pays qui sait innover, nous devons impérativement trouver de nouvelles voies pour favoriser cette culture de la négociation.
Et il nous semble important de le faire précisément parce que nous avons une vraie estime pour les organisations syndicales. Il nous paraît en effet impératif de développer un nouveau contrat social dans notre pays.
Ce projet de loi est un texte de progrès. Pourquoi taire le compte personnel d’activité ? Pourquoi taire la garantie jeunes ? Pourquoi taire le droit universel à la formation ? Pourquoi taire le travail détaché ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
C’est insupportable ! Sortons de ces caricatures !
Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.
Monsieur le Premier ministre, le 5 avril dernier, dans cet hémicycle, comme nombre de mes collègues, je vous ai applaudi. Je vous ai applaudi, parce qu’en réponse à notre collègue Damien Abad, qui vous interpellait sur la montée du fondamentalisme et sur la question du port du voile sur le sol de la République française, vous avez réaffirmé avec force les valeurs de la République, celles que nous partageons : la liberté d’expression, la liberté de conscience et de culte, mais aussi la laïcité et la stricte égalité des hommes et des femmes sur le sol de la République française.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, ces principes ne sauraient souffrir d’exception. Pourtant, le 20 avril dernier s’est tenu à Sciences Po un rassemblement qui a considérablement choqué les Français, le hijab day,…
… au cours duquel de jeunes filles voilées ont expliqué leur épanouissement personnel et les ségrégations dont elles seraient victimes sur le sol de la République française. Si vous doutez du caractère prosélyte de ce rassemblement, je vous invite à vous rendre sur le site internet www.worldhijabday.com.
Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement n’a pas réagi.
Votre ministre des droits des femmes, interrogée la semaine dernière, a délibérément évité la réponse. Vous ne pouvez pas rester silencieux. Vous ne pouvez pas, le mardi et le mercredi de chaque semaine, nous rappeler des grands principes républicains auxquels nous adhérons et rester silencieux lorsque la République est testée en permanence sur notre territoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, réagissez au nom de ces valeurs républicaines.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, ainsi que sur certains bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le député, vous avez été ministre de l’éducation nationale ; vous avez donc bien sûr été confronté à ces questions.
Oui, il y a une montée du fondamentalisme, de l’islamisme radical dans nos sociétés, et tout particulièrement dans la société française, qui se manifeste sous différentes formes. La forme la plus extrême, ce sont ces Français ou ces citoyens vivant dans notre pays qui vont combattre en Syrie ou en Irak, notamment pour préparer des attentats, pour tuer des Français, comme cela a été le cas à deux reprises en 2015.
Des milliers de jeunes ou d’individus se sont radicalisés. C’est ce qui mène le Gouvernement à se mobiliser une nouvelle fois, et de nouvelles propositions seront bientôt formulées pour que notre dispositif soit encore plus efficace. C’est tout le Gouvernement qui doit être mobilisé contre cette radicalité, contre ces processus qui sont particulièrement inquiétants et qui touchent…
M. Chatel a posé la question avec méthode, permettez-moi de prendre un instant pour lui répondre, messieurs les députés. Ces processus, disais-je, touchent non seulement la société française, mais plus largement le monde entier. Tous les pays y sont confrontés. De l’autre côté du globe, où je me trouvais encore voilà quelques heures, c’est également le cas.
Puis, il y a ces phénomènes de prosélytisme que vous évoquez. Je condamne avec la plus grande fermeté le type d’initiative qui a été prise à Sciences Po.
Applaudissements prolongés sur tous les bancs.
Plusieurs membres du Gouvernement se sont exprimés.
Cette initiative a d’ailleurs rencontré peu de succès.
Nous devons néanmoins être extrêmement attentifs.
Sur ce sujet, ma position est claire, elle m’est personnelle, et je continuerai de l’affirmer, dans le respect, bien sûr, de toutes les croyances : je fais la part entre ce qui relève de la liberté religieuse et ce qui à mes yeux est un signe d’asservissement de la femme.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe Les Républicains.
Et puisque vous avez parlé d’égalité entre les femmes et les hommes, je veux une nouvelle fois soutenir la ministre des droits des femmes, car elle a été mise en cause alors qu’elle avait précisément mis le doigt là où ça fait mal, c’est-à-dire fait face à des groupes, à des réseaux sur internet qui mettent en cause la liberté même, cette liberté fondamentale, cette égalité entre les femmes et les hommes.
Et parce que je combats tous les fondamentalismes,…
… parce que je combats toutes les identités qui nous amènent précisément à la fracture de nos sociétés, parce que je pense que la cohésion sociale et républicaine est plus que jamais nécessaire, parce que l’école doit jouer un rôle fondamental et parce que l’université, monsieur le ministre, doit en effet aussi protéger de ce fondamentalisme, je continuerai ce combat.
Il y a la loi, et nous savons ce qu’elle permet et ce qu’elle interdit, mais il y a aussi le combat politique et citoyen,…
… combat que je mènerai, parce que je suis convaincu que nous partageons ces valeurs sur tous les bancs.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.
La parole est à M. Jacques Dellerie, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
La reprise commence à poindre. Le chômage montre un mouvement de reflux. La croissance, prévue à 0,4 % au premier trimestre, atteint finalement 0,5 %. La comparaison des premiers trimestres 2015 et 2016 montre que les mises en chantier de logements neufs ont progressé et que les défaillances d’entreprises ont reculé.
C’est dans ce contexte particulier invitant à reprendre confiance qu’il faut soutenir plus que jamais l’emploi industriel. Pour faire face aux mutations économiques, nous devons adapter nos modes de production et relancer une production industrielle innovante. Les plans industriels initiés dès 2012 prennent forme. Vous avez récemment présenté, monsieur le ministre, neuf solutions industrielles pour neuf marchés prioritaires visant à moderniser certains outils de production, accompagner les entreprises et diversifier les modes de conception et de commercialisation. Un site de production qui ferme, ce sont des salariés et leurs familles qui sont en danger. Aujourd’hui, dans ma circonscription, une usine de production de la cimenterie Lafarge est en péril. Je sais que vous avez rencontré les représentants nationaux syndicaux.
Le site de production de la cimenterie de Saint-Vigor-d’Ymonville, près du Havre, jouit d’une situation stratégique vis-à-vis des chantiers du Grand Paris et de l’éolien offshore. Ceux qui y travaillent souhaitent l’abandon du projet de restructuration. Dans ce contexte, pouvez-vous nous faire part de la politique du Gouvernement pour maintenir et adapter notre tissu industriel ? Pouvez-vous nous assurer de la totale mobilisation de notre gouvernement pour protéger les emplois ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Je vous confirme, monsieur le député, que le groupe LafargeHolcim a décidé une restructuration qui concerne deux sites français, l’un au Havre et l’autre à La Couronne, en Charente. Deux cents emplois sont en jeu. Nous sommes très vigilants. J’ai reçu l’intersyndicale. Nous avons eu plusieurs échanges avec l’entreprise. Ces restructurations, après une telle fusion et compte tenu des sommes en jeu, présentent un caractère choquant aux yeux de nombreux salariés. Elles sont certes liées à des surcapacités dans le secteur du ciment, mais seront suivies avec beaucoup de vigilance.
« Ah ! » sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
Nous avons donc demandé qu’on laisse du temps aux différentes instances sociales afin d’assurer un parfait accompagnement des salariés et la mise en oeuvre de toutes les mesures de revitalisation qui s’imposent sur les deux sites. En aucun cas des fermetures de site n’auront lieu car plusieurs activités y seront maintenues.
Plus largement, vous posez la question de notre ambition industrielle. Elle ne passe pas partout par le maintien des emplois, mais par le développement d’activités nouvelles et d’un mouvement de renouvellement industriel. Notre action pour la réindustrialisation du pays se traduit d’abord par la politique de compétitivité : le CICE, le pacte de responsabilité, le déploiement de ces allégements et de cet accompagnement pour reconstituer la marge des entreprises sans laquelle l’investissement n’est pas possible.
Elle se traduit ensuite par une politique industrielle volontariste comportant les neuf solutions industrielles mises en oeuvre dans le cadre de l’« Industrie du futur » qui consiste en un accompagnement visant à moderniser le cadre dans lequel nous travaillons pour précisément renforcer la capacité des entreprises à investir dans les activités d’aujourd’hui et de demain. Notre action se traduit également par la modernisation du cadre de travail par le projet de loi travail que Myriam El Khomri défendra dans quelques instants. Le compte personnel d’activité vise à défendre les individus…
Monsieur le Premier ministre, depuis plus d’un mois, notre pays est le théâtre de manifestations de plus en plus violentes. Chaque jour, ou plutôt chaque nuit, commerces saccagés, véhicules incendiés et policiers caillassés offrent le triste spectacle du recul de l’État de droit face à la loi des casseurs. Plus de 400 policiers ont été blessés depuis le début de ces manifestations de violence, dont certains grièvement. En cet instant, je voudrais leur rendre l’hommage qu’ils méritent pour leur courage face à ces manifestations.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur de nombreux bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Je dénonce aussi ceux qui incitent à la haine et à la violence, notamment la CGT dont les affiches honteuses portent atteinte à l’intégrité des policiers.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Vous disposez des outils juridiques pour faire cesser cette situation, monsieur le Premier ministre. Nous sommes en état d’urgence, comme l’a décidé le Parlement. Les Français ne comprennent pas la complaisance dont vous faites preuve face à ces mouvements de violence. Les mots ne suffisent plus, il faut agir ! Vous avez le devoir de protéger ceux qui nous protègent ! Vous avez le devoir de faire en sorte que la place de la République ne soit pas abandonnée à « Nuit debout », qui est un mouvement d’extrême-gauche portant atteinte à nos valeurs essentielles !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Mes questions sont donc simples, monsieur le Premier ministre : quand allez-vous faire évacuer la place de la République ? Quand allez-vous interdire les manifestations violentes, conformément à l’état d’urgence ? Quand allez-vous porter plainte contre les affiches de la CGT ? Quand allez-vous dissoudre les mouvements d’extrême-gauche qui prônent et organisent la violence ?
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le député, je profiterai de votre question pour apporter des réponses précises, notamment sur trois aspects des événements qui se sont produits au cours des dernières semaines. Premièrement, vous évoquez la complaisance. Cela fait maintenant deux mois que ces manifestations ont commencé.
Grâce à l’action des forces de l’ordre, que je salue à mon tour, auxquelles j’ai donné, par télégramme, des instructions extrêmement précises que j’ai d’ailleurs publiées et que je transmettrai aux commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat pour que vous puissiez en prendre connaissance, 1 000 interpellations ont eu lieu, dont plus de 200 jeudi dernier.
Ces interpellations, en raison de l’excellente relation qu’entretiennent les préfets et les procureurs, ont fait l’objet de mises en examen, de mises sous écrou et de comparutions immédiates.
Si vous parlez de complaisance, c’est sans doute que vous êtes mal informé, car je ne peux pas imaginer une minute que, sur la base des éléments que je viens de vous indiquer, vous propagiez dans l’opinion publique, par démagogie, dans un climat d’extrême tension, des petits bobards ! Cela vous ressemble tellement peu, les petits bobards et les outrances, monsieur Ciotti, que je ne peux pas imaginer une minute que ce genre de considération ait motivé votre question !
Protestations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Voici donc très clairement ma réponse sur le premier point : nous sommes intraitables avec les casseurs. Nous sommes d’une fermeté absolue, les interpellations pour lesquelles les forces de l’ordre s’exposent en témoignent !
Deuxièmement, parce que je suis républicain, vraiment pour ce qui me concerne, (Protestations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) …
… je souhaite que l’usage de la force soit proportionné. La République, c’est le maintien de l’ordre dans le respect rigoureux des individus, de ceux qui manifestent et des libertés publiques.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Troisièmement, et je tiens à le dire très clairement, je ne suis pas d’accord avec ceux qui manifestent place de la République, mais je ferai tout pour qu’ils puissent le faire, comme nous incite à le faire le Conseil constitutionnel dans sa décision du 19 février dernier.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Pierre Aylagas, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, c’est sur la question du polyhandicap que j’appelle votre attention.
Depuis votre entrée au Gouvernement – et même avant, je dois dire ! –, nous avons eu à maintes reprises des réunions de travail sur le polyhandicap, en lien avec les familles, les associations et les collectivités, pour répondre au mieux à une situation de handicap particulièrement difficile, qui plonge dans l’angoisse les proches et les aidants.
Car, si le handicap revêt plusieurs aspects et peut agir aussi bien sur la motricité, l’intellect ou la sensitivité, sans qu’une forme puisse être considérée comme plus ou moins importante que les autres, le polyhandicap, malheureusement, les regroupe toutes.
Il y a quelques jours encore, madame la secrétaire d’État, nous assistions ensemble, dans nos Pyrénées-Orientales, à une rencontre organisée par ADEPO 66, l’association de défense des polyhandicapés, où nous avons pu échanger avec les familles et les proches sur les difficultés et les attentes qui sont les leurs.
À cette occasion, vous avez rappelé l’action entreprise pour mieux inclure les personnes handicapées dans notre société. Mais les personnes polyhandicapées, du fait de leur état, ne peuvent pas, hélas, s’insérer dans les milieux scolaire ou professionnel, qu’ils soient adaptés ou non.
Voilà pourquoi vous avez insisté sur la légitimité d’une reconnaissance spécifique du polyhandicap et parlé de la nécessité d’un plan national, à l’instar de ceux mis en place pour l’autisme, la maladie d’Alzheimer et les maladies rares. Ce plan doit donner une vision claire et nette, un état des lieux précis du polyhandicap dans notre pays, des structures d’accueil et de prise en charge des enfants et des adultes, des aides aux proches.
Madame la secrétaire d’État, quelles sont les mesures que vous entendez prendre pour qu’ensemble, nous apportions enfin aux personnes confrontées au polyhandicap une réponse à la hauteur de leurs attentes ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Monsieur le député Pierre Aylagas, la situation des enfants et des adultes polyhandicapés est prise en charge de façon globale par la politique du handicap. L’ensemble des réformes que nous avons engagées sont valables pour tous les types de handicap : favoriser la recherche pour pouvoir disposer de plus de données épidémiologiques, dont on sait qu’elles sont rares en France, ou travailler sur des réponses adaptées à chaque situation individuelle, ce que nous avons appelé « une réponse accompagnée pour tous », sont des actions valables pour toutes les formes de handicap.
Mais vous avez raison, les situations de polyhandicap, parce qu’il s’agit précisément d’un cumul de plusieurs types de handicaps, sont plus lourdes. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité, avec Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, que, dans la circulaire de 2016 à l’attention des agences régionales de santé, le polyhandicap figure comme priorité pour les établissements et services médico-sociaux.
Je suis aussi favorable à ce que la Haute Autorité de santé et l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux se penchent sur la question du polyhandicap et élaborent des recommandations de bonnes pratiques, très utiles pour améliorer la formation des professionnels.
Je n’entrerai pas davantage dans les détails car, comme vous le savez, je laisse la place à la concertation avec les associations dans ce domaine. En outre, une conférence nationale du handicap est prévue avec le Président de la République le 19 mai, au cours de laquelle de nouvelles mesures seront annoncées.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, ma question s’adresse au ministre des affaires étrangères. Jeudi, notre assemblée a adopté une proposition de résolution invitant le gouvernement français à s’opposer au renouvellement des sanctions contre la Russie.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Pour la première fois, nous avons pu nous exprimer sur cette question, et nous nous en félicitons. Inscrit à l’ordre du jour à l’initiative du groupe Les Républicains, ce texte a recueilli le soutien de députés appartenant à cinq des six groupes politiques que compte l’Assemblée. Cela prouve que lorsqu’il s’agit de défendre la paix en Europe, de défendre les intérêts de nos entreprises et de notre agriculture, nous pouvons nous retrouver, au-delà de nos différences.
La balle est maintenant dans votre camp. Les débats ont montré que ces sanctions pèsent non seulement sur la Russie mais aussi sur notre économie. Nous serions prêts à en payer le prix si seulement elles avaient une chance de faire avancer la paix, mais ce n’est pas le cas !
Comme vous le savez, il est fort peu probable que les accords de Minsk soient appliqués, puisque les réformes promises par le gouvernement ukrainien ne trouvent pas de majorité dans le pays, ni au parlement. À en croire la presse, Jean-Marc Ayrault, lors de son récent déplacement à Moscou, a adressé un avertissement aux autorités de Kiev en lançant : « Les manoeuvres de retardement, ça n’a que trop duré ! ».
Ma question est simple : si, dans les semaines à venir, Kiev n’a toujours pas respecté ses engagements, soutiendrez-vous une nouvelle fois la prorogation des sanctions ? Je pense aux sanctions économiques, qui frappent notre économie, notre agriculture et nos entreprises, mais aussi aux sanctions individuelles, qui entravent le dialogue franco-russe. Des parlementaires des deux pays en sont victimes, comme Bruno Le Roux, interdit de séjour sur le territoire russe, ou Sergueï Narychkine et Leonid Sloutski, tous deux décorés de la Légion d’honneur, et qui ne peuvent plus se rendre en France pour continuer le dialogue.
Monsieur le secrétaire d’État, il suffit d’un pays pour lever les sanctions. Aurez-vous ce courage ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député Thierry Mariani, l’Assemblée nationale a adopté jeudi la proposition de résolution que vous aviez déposée, demandant que la France prône la levée des sanctions de l’Union européenne contre la Russie. Je me réjouis que la représentation nationale ait pu débattre de ce sujet. Le débat a été de qualité et il éclairera nos choix futurs.
Cependant, la proposition de résolution ne remet pas en cause l’approche du Gouvernement sur cette question.
Protestations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
En effet, les sanctions ne sont pas une fin en soi pour la France. La position que nous avons adoptée est liée à un principe, que la diplomatie a observé de tout temps : le respect du droit international.
Ces sanctions, vous le savez, ont été décidées suite à l’annexion de la Crimée par la Russie et à des violations du droit international, en particulier dans l’est de l’Ukraine. La Russie a apporté son soutien aux séparatistes pro-russes qui ont mené une guerre dans le territoire du Donbass.
Nous avons lié la levée des sanctions, qui doit être notre objectif, au respect par la Russie des résolutions de la communauté internationale et des engagements pris par Moscou lors des négociations de Minsk.
Les rencontres en « format Normandie » – du nom de la première réunion entre Vladimir Poutine et Métro Porochenko, organisée sous l’égide du Président de la République et en présence d’Angela Merkel, lors de la célébration du débarquement de juin 1944 – avaient pour but d’amener à une résolution politique à ce conflit.
Oui, nous souhaitons que la Russie et l’Ukraine respectent pleinement la feuille de route des accords de Minsk. Les deux parties doivent respecter leurs engagements ! C’est cela qui mènera à une levée des sanctions.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le secrétaire d’État chargé des sports, le 5 mai 1992 a eu lieu la plus grande catastrophe qu’ait connue le sport français. L’effondrement de la tribune nord du stade Armand-Cesari à Furiani, en Corse, faisait dix-huit morts et plus de 2 300 blessés. La mobilisation des services de secours et des hôpitaux, la solidarité de tous, non seulement sur place, en Corse, mais aussi dans la France entière, ont représenté, dans le malheur, un moment d’humanité que notre île n’oublie pas.
Depuis de nombreuses années, inlassablement, les familles des victimes avec, à leurs côtés, les acteurs du monde sportif et les élus unanimes, réclament un hommage national. Le dialogue est ouvert depuis de longues années sur cette question qui n’aurait jamais dû en être une. Je peux témoigner, monsieur le secrétaire d’État, de votre mobilisation sur ce dossier : vous avez reçu les instances nationales du football – ce qui n’a pas été facile – ainsi que l’association représentant les victimes, lors de plusieurs réunions de travail auxquelles vous m’avez convié.
Vingt-quatre ans après, le 10 mars dernier, le Gouvernement a entendu cet appel et reconnu la catastrophe de Furiani comme un drame national, avec l’inauguration d’une plaque apposée au ministère des sports, qui porte cette mention : « Furiani, plus jamais ça. Furiani mai più. », pour que la nation tout entière se souvienne. À l’avant-veille de la date anniversaire de ce jour affreux, pourriez-vous indiquer à la représentation nationale quelles actions concrètes en faveur de la promotion des valeurs du sport vous entendez mener à l’occasion de cette commémoration ?
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, le 5 mai 1992, ce n’est pas Bastia qui a connu un drame, ce n’est pas la Corse, c’est la France tout entière qui a été meurtrie. Je pense que la mémoire de la République doit traiter de façon égale tous les territoires qui la composent.
Il fallait, de ce point de vue, aller au bout du chemin pour que le drame de Furiani soit véritablement reconnu comme un drame national. Le Président de la République s’y était engagé.
Des mesures très symboliques ont été prises. Vous avez parlé de la plaque commémorative qui a été dévoilée le 10 mars dernier au ministère des sports. La Fédération française de football ainsi que la Ligue de football professionnel se sont engagées à ce qu’aucun match n’ait lieu le samedi 5 mai 2018 au niveau national, tant pour les joueurs professionnels que pour les joueurs amateurs. De la même façon, tous les 5 mai, le drame de Furiani sera commémoré sur l’ensemble des terrains de France.
Avec Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, je travaillerai pour qu’à partir de l’an prochain, la semaine du 5 mai, dans les écoles de France, une réflexion ait lieu sur l’éthique dans le sport. Enfin, un prix national parachèvera ce dispositif ; il sera remis à l’initiative la plus intéressante sur cette question.
Au-delà du drame de Furiani, en effet, ce sont les excès du foot business qui sont en cause.
Certains cherchent à faire plus d’argent au détriment de la sécurité des supporters. Le football est une fête, et les supporters doivent être en sécurité. Je serai à vos côtés pour représenter le Gouvernement jeudi, devant la stèle de Furiani. Furiani, plus jamais ça !
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe Les Républicains.
Monsieur le Premier ministre, dimanche dernier, lors de la fête du travail, l’emploi des jeunes était au centre de nos préoccupations. Or vous venez de prendre en quelques semaines trois décisions totalement incohérentes et improductives en la matière.
La première concerne le texte que nous examinerons cet après-midi, connu sous le nom de « projet de loi travail ». Vous avez opéré, sur ce texte, un tête-à-queue spectaculaire, si bien qu’il ne rendra pas l’emploi plus flexible ni le code du travail moins rigide. Cela fera baisser, forcément, l’offre d’emplois, et pénalisera donc, en premier lieu, les jeunes demandeurs d’emploi.
Deuxième décision : vous vous êtes prononcé pour la garantie jeunes, dans le cadre d’une négociation plus large, où vous aviez besoin de compenser certaines choses vis-à-vis d’eux ! À un moment où l’argent public est de plus en plus rare, vous avez ainsi décidé de consacrer l’essentiel de vos moyens à une mesure coûteuse.
Vous m’expliquerez que la garantie jeunes est une mesure de soutien, d’accompagnement, de solidarité, une mesure inclusive, mais si vous aviez consacré les mêmes moyens à la politique de l’apprentissage, au lieu de la sacrifier au début de votre mandat, nous n’en serions pas là aujourd’hui !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La troisième décision concerne le RSA jeunes. J’ai préconisé, comme M. Sirugue, la fusion des minima sociaux, sous le précédent quinquennat. J’ai préconisé également que l’on réfléchisse à une prime d’activité. Oui au RSA activité pour les jeunes qui ont une activité, mais non à un RSA généralisé qui aboutit à un système d’assistanat généralisé, et qui fait tout sauf remettre les jeunes au travail !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ma question est simple : quand donc nous présenterez-vous un véritable plan pour l’emploi des jeunes, et non un dispositif d’assistanat – que celui-ci s’appelle contrats aidés, garantie jeunes, ou RSA jeunes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député, vous auriez pu commencer votre intervention en rappelant que le chômage des jeunes a diminué en 2015. C’est une réalité : nous avons eu huit mois de baisse du chômage des jeunes sur l’année.
C’est essentiel, car nous savons bien qu’aujourd’hui, l’âge moyen de signature d’un CDI est de vingt-sept ans, contre vingt-deux ans il y a plus de quinze ans. Le Président de la République a fait de la jeunesse sa priorité. La politique que nous conduisons pour concrétiser cette priorité porte aujourd’hui ses fruits. C’est essentiel.
Nous avons développé la garantie jeunes. Nous l’avons d’abord expérimentée – je pense que toute bonne politique publique doit d’abord être expérimentée – dans de nombreux départements, et nous avons constaté qu’elle fonctionne. Ce dispositif s’adresse à des jeunes qui sont sortis du système scolaire, qui ne savent pas vraiment où ils veulent aller, et qui sont en situation de précarité ; il leur propose un accompagnement.
Je ne laisserai pas dire, ici – je serai très précise sur ce point – que la garantie jeunes est une allocation. Ce n’est pas une allocation ; c’est un dispositif d’accompagnement pour des jeunes volontaires et motivés, qui permet en outre de diffuser des informations au sujet de l’apprentissage – ce qui est essentiel.
Je ne nie pas que nous ayons, au début du quinquennat, envoyé des messages contradictoires au sujet de l’apprentissage.
« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Il faut savoir reconnaître ses erreurs !
Depuis, nous avons pris de nombreuses mesures, comme l’aide « TPE jeunes apprentis ». Des décrets ont été publiés, notamment au sujet de la réglementation dangereuse. Surtout, l’an dernier, près de 285 millions d’euros supplémentaires ont été consacrés à l’apprentissage. Soyons honnêtes, regardons les choses en face ! Cette année, le nombre d’entrées en apprentissage a augmenté de 5 %. C’est essentiel, et nous continuerons à y travailler.
J’espère que vous voterez le projet de loi que je présenterai dans quelques minutes, car il comprend des mesures très importantes en matière d’apprentissage.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Martine Lignières-Cassou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le ministre, depuis quatre ans, toute l’action du Gouvernement,…
… tout le pays sont tournés vers la reconstruction de notre économie. Nous avons lancé des plans industriels pour redynamiser nos territoires et maintenir l’emploi, des aides ont été apportées aux entreprises via le CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi –, le pacte de responsabilité, le crédit d’impôt recherche. Tous les Français ont consenti des efforts importants. Cette politique commence à porter ses fruits : assainissement de nos comptes publics, rebond de la croissance et, le mois dernier, baisse significative du chômage.
Par ailleurs, votre collègue Myriam El Khomri porte un projet de loi dont l’un des buts est de favoriser le dialogue social dans l’entreprise, ce qui est bienvenu pour apaiser les relations entre salariés et dirigeants.
Cependant, l’annonce de la rémunération du patron de Renault est venue brouiller le message ces derniers jours. Personne ne peut comprendre que, dans la situation que nous vivons et dans une entreprise dont l’État est actionnaire, le patron augmente sa rémunération, qui atteint aujourd’hui 764 fois la valeur du SMIC. Nous le comprenons d’autant moins que l’assemblée générale des actionnaires, dont fait partie l’État, avait rejeté la résolution relative à son salaire. Le conseil d’administration n’a pas tenu compte de cet avis pourtant essentiel.
Il ne s’agit là de stigmatiser personne, mais qui peut accepter de tels montants de rémunération, à ce point déconnectés de la réalité que vivent nos concitoyens ? Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire quelle a été la position de l’État actionnaire lors de la réunion de l’assemblée générale et…
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Merci.
La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
La position du Gouvernement en tant qu’actionnaire a été très simple, madame la députée : elle a été négative au conseil d’administration et à l’assemblée générale, puis lors du conseil d’administration qui a suivi l’assemblée générale.
Je vais y revenir, monsieur le député.
Nous avons voté contre cette rémunération jugée excessive, comme nous l’avions fait dans plus autres conseils d’administration.
En l’espèce, nous avons été suivis par d’autres actionnaires, de sorte qu’à l’assemblée générale, une majorité des actionnaires qui se sont exprimés ont voté contre cette rémunération.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Le choix du Gouvernement en tant qu’actionnaire a été justement de ne pas légiférer. Sur le sujet, on peut faire de la démagogie à bon compte. Si être puissant, c’est légiférer, on peut finir par le faire si vous le voulez, messieurs les députés. Mais ce n’est pas le choix que nous avons fait parce que ce ne serait pas la bonne décision. Notre choix a été au contraire de renvoyer à la gouvernance d’entreprise. Du reste, le code AFEP-MEDEF qui a été adopté renvoie à ce que l’on appelle le say on pay.
Je le dis très clairement : suite à ce vote de l’assemblée générale des actionnaires de Renault, il y a aujourd’hui un dysfonctionnement en matière de gouvernance. Nous demandons donc instamment, d’une part, que M. Ghosn prenne dès à présent ses responsabilités et tire les conséquences de ce vote pour sa rémunération de 2016, d’autre part, que le conseil d’administration de Renault se réunisse à nouveau pour tirer lui aussi les conséquences de ce vote.
Ce ne sont pas que des paroles, monsieur le député. Lors du dernier conseil d’administration, seuls les représentants des salariés et l’État se sont prononcés contre. Il faudra en tirer toutes les conséquences dans les prochaines semaines, faute de quoi nous serions en effet conduits à légiférer.
Je pense qu’il s’agit d’un test de crédibilité collective. Je crois à la responsabilité, je crois à l’éthique, et c’est maintenant qu’il faut en faire preuve !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des outre-mer.
Madame la ministre, les sociétés immobilières d’outre-mer, les SIDOM, sont détenues jusqu’à présent par l’État dans le cadre d’un actionnariat majoritaire dont le statut est fixé par la loi no 46-860 du 30 avril 1946, en son article 2. Au nombre de sept, ces acteurs du logement social pèsent 48 % du parc en outre-mer avec, 77 493 logements.
En juin 2015, l’État a fait part de son intention de se désengager des SIDOM, cherchant un actionnaire commun à toutes les sociétés. Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’actionnariat des collectivités locales est remis en cause. Le Gouvernement s’oriente vers la cession des parts à un grand groupe de logement en abusant du recours à la pratique des ordonnances. Le 15 octobre 2015, il affirmait vouloir « s’adosser à la Caisse des dépôts et consignations » via la SNI – Société nationale immobilière –, sa filiale de droit privée à 100 %.
Ce qui est étonnant, c’est que cette décision unilatérale s’est faite sans concertation avec les élus concernés. Ces derniers souhaitent conserver leur maîtrise publique et proposent, à juste titre, un droit de préemption pour les collectivités qui veulent se substituer à l’État.
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Comme vous le soulignez, monsieur le député, le cadre juridique des SIDOM remonte à un texte assez ancien, une loi de 1946, et nous souhaitons aujourd’hui renforcer le rôle moteur de ces sociétés dans la production de logement social dans les outre-mer, tout en respectant les intérêts des collectivités locales.
En effet, leur actionnariat actuel ne comporte pas de professionnels du logement, et nous constatons qu’il en résulte une défaillance dans l’exécution des choix et dans le contrôle financier qu’il est nécessaire de leur appliquer. Nous sommes conscients qu’une évolution est nécessaire. Nous souhaitons que l’État et l’AFD – Agence française de développement – puissent céder leurs parts en bloc pour que se dégage un actionnariat de référence – de préférence public, évidemment – susceptible de maintenir une cohérence entre les choix du Gouvernement et la politique du logement telle qu’elle est menée.
Aussi avons-nous confié à la direction générale du Trésor un mandat de négociation pour déterminer les caractéristiques acceptables d’une offre potentielle de rachat. Je me réserve la possibilité, une fois que la direction générale du Trésor aura défini ce cadre, de mener avec les collectivités le dialogue nécessaire par examiner les modalités de cette cession. Soyez assuré que nous souhaitons maintenir le dialogue avec les collectivités, dont nous savons le rôle central dans la production de logement dans les outre-mer.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, dans ma région des Hauts-de-France, des opposants au projet de loi travail ont décidé de s’introduire dans une mairie afin de perturber le conseil d’agglomération et d’occuper la salle. Sans coopération, l’évacuation a été difficile, avec des dégradations du mobilier public, le vol d’une statue de Marianne et des insultes lancées à rencontre des élus et des forces de sécurité.
À Paris, les participants de Nuit debout ne respectent plus toujours l’heure limite d’autorisation préfectorale pour quitter la place de la République, provoquant de fréquents débordements lors de l’évacuation.
On observe par ailleurs des violences lors de manifestations, comme à Rennes, Nantes, Lyon ou Toulouse la semaine dernière, où policiers et manifestants furent parfois gravement blessés.
Ces incidents inadmissibles nient les valeurs de la République et bafouent l’autorité de l’État.
Si nous nous devons d’éviter toute confusion entre une minorité radicale portée sur l’action violente et la majorité des manifestants qui aspirent à un débat démocratique, vous conviendrez, monsieur le Premier ministre, que la situation du pays apparaît de plus en plus hors de contrôle. Ce climat délétère pousse chacun à camper sur ses positions et à radicaliser ses moyens d’action.
La plupart de ces violences auraient pu être évitées si le Gouvernement avait pris la mesure des événements qui se déroulent partout en France. Les dispositifs de sécurité actuels ne sont, de toute évidence, pas adaptés à ces nouvelles manifestations citoyennes.
Le Gouvernement ne semble pas avoir compris que ces mouvements spontanés, issus des réseaux sociaux, sont amenés à se développer de plus en plus. La société civile exprime une volonté de dialogue et de contribution au débat que nous ne pouvons ignorer et que nous devons intégrer à notre façon d’envisager la politique aujourd’hui.
Comment anticipez-vous l’émergence en France de ces nouvelles formes de contestation ? Que proposez-vous pour assurer la sécurité des participants, des riverains et des forces de l’ordre qui encadrent les manifestations ? Comment comptez-vous gérer l’état d’urgence sans empêcher le débat démocratique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le député, vous posez des questions de fond, auxquelles je veux apporter des réponses précises.
D’abord, vous posez la question de savoir quelle est la compatibilité entre l’état d’urgence et la liberté d’expression. Comme vous le savez, le Conseil constitutionnel, tout comme le Conseil d’État, ont eu à dire, dans le cadre de l’état d’urgence, quel était le droit. Dans sa décision du 19 février 2016, le Conseil constitutionnel a très clairement indiqué que l’état d’urgence était un dispositif que la République mobilisait afin de protéger les principes de liberté et qu’il ne pouvait pas être utilisé pour remettre en cause la liberté d’expression. Lorsqu’il a été saisi par des particuliers pour juger de la pertinence des mesures de l’état d’urgence, le Conseil d’État a posé les mêmes principes de droit.
Par conséquent, lorsque certains représentants de votre formation politique indiquent – même si, je l’ai bien noté, tel n’est pas le sens de votre propos – que la solution pour éviter les débordements serait d’interdire les manifestations, si nous mettions en pratique ce qu’ils disent, nous prendrions le risque, au regard des décisions du Conseil constitutionnel, d’être cassés par le juge ; l’autorité de l’État s’en trouverait de ce fait affaiblie et les violences dans les manifestations décuplées.
C’était le premier point sur lequel je voulais insister : il n’y a pas de possibilité d’affirmer l’autorité de l’État s’il n’y a pas de volonté de respecter scrupuleusement les principes de droit.
Deuxième point : il faut être intraitable avec les casseurs. Pour ce qui concerne la manifestation dans la mairie d’Amiens, la maire a fait preuve d’un très grand sang-froid, le député Gest également, les forces de l’ordre ont été immédiatement mobilisées, elles ont procédé à l’évacuation des lieux, les casseurs ont été interpellés et ils seront jugés : c’est aussi cela, l’État de droit.
Troisième point : il est nécessaire, dans un contexte de tension, d’agir de façon responsable et d’éviter les discours susceptibles de créer des tensions, car les tensions risquent d’aboutir à des incidents, puis à des blessés, voire pire. Je ne le veux pas, et c’est la raison pour laquelle nous sommes dans un discours de responsabilité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’intérieur, votre venue à Lyon, la semaine dernière, a permis d’honorer deux forums internationaux consacrés à la sécurité et à la tranquillité publique, dont Technology Against Crime, et a reconnu la place particulière de Lyon dans le dispositif de lutte contre la grande criminalité et le terrorisme.
À cette occasion, vous avez rappelé qu’au total, plus de 9 000 emplois auront été créés dans la police et la gendarmerie en 2017, alors que, comme chacun le sait, 13 000 postes dans les services de sécurité avaient été supprimés par l’ancienne majorité de droite. Votre action s’est aussi traduite par le renforcement du renseignement, l’accroissement des crédits, la modernisation des véhicules, des armes et des gilets pare-balles.
Plus spécifiquement, 2016 verra les effectifs des policiers, gendarmes et adjoints de sécurité augmenter de 249 fonctionnaires dans la métropole de Lyon et dans le département du Rhône. Ces renforts feront plus que compenser la regrettable diminution des effectifs planifiée et réalisée sous le précédent quinquennat dans le Rhône. La lutte contre le terrorisme et contre toutes les formes d’insécurité sera ainsi rendue plus efficace.
La sécurité des Français ne saurait être assurée sans des moyens humains à la hauteur des enjeux. Dès son arrivée au pouvoir en 2012, le Gouvernement a créé des zones de sécurité prioritaires – ZSP ; cinq ont été retenues dans la métropole de Lyon, dont deux dans la ville de Lyon, d’abord dans le quartier de La Duchère, puis dans le quartier Mermoz, dans le huitième arrondissement. Cette dernière ZSP n’avait pas encore fourni tous ses effets positifs, car le nombre d’agents mobilisés n’était pas tout à fait suffisant – difficulté dont je vous ai fait part récemment.
Grâce aux efforts annoncés, le défi sécuritaire pourra enfin être relevé dans ces quartiers. Néanmoins, pourriez-vous, monsieur le ministre, indiquer combien de ces nouveaux fonctionnaires de police seront attribués à la sécurisation de la ZSP de Mermoz, ainsi que…
Monsieur le député, je profite de votre question pour dire que l’on peut théoriser à l’infini sur l’autorité de l’État, mais il convient de rappeler qu’en l’espace de cinq ans, treize unités de forces mobiles et 13 000 emplois dans les forces de police et de gendarmerie avaient été supprimés…
Non, à l’époque il y avait de très mauvaises décisions et une très mauvaise inspiration !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.– Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Dans le même temps, les crédits des forces de police et de gendarmerie avaient diminué de 17 % : vous conviendrez avec moi que face à un tel désastre,…
…à un tel dépouillement des forces de sécurité, il était temps de réagir !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.– Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Moi, je ne suis pas dans l’excitation, l’agitation ou l’effervescence.
Calmement, je pose des actes et, grâce aux arbitrages du Président de la République et du Premier ministre, nous aurons créé 9 000 emplois.
Eh oui : 9 000 emplois en cinq ans ! Et nous avons aussi augmenté de 17 % les crédits des forces de sécurité !
Cela m’a permis d’annoncer la semaine dernière à Lyon, où les effectifs de police avaient très fortement chuté, l’affectation au département du Rhône de 249 fonctionnaires : 75 policiers dans la circonscription de Lyon, auxquels s’ajouteront 133 adjoints de sécurité, des gendarmes dans le département et un rééquipement complet des brigades anti-criminalité – BAC – et des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie – PSIG. Ces effectifs pourront être affectés dans les zones de sécurité prioritaires où, depuis le début de l’année, les atteintes aux biens ont diminué de 24 % et celles aux personnes de 49 %.
Voilà ce que nous faisons très concrètement – ce qui vous permettra, monsieur Jacob, de continuer à vociférer de manière à vous détendre face à des résultats de cette nature !
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la commission des affaires économiques – chère Catherine Lemorton, chère Frédérique Massat –, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques – cher Christophe Sirugue, cher Yves Blein –, mesdames et messieurs les députés, le temps de l’hémicycle est venu. Ce moment, je l’aborde avec impatience, gravité et espoir…
…car je n’en sous-estime ni l’exigence ni l’ampleur des enjeux en cause.
Prendre part à ce temps parlementaire est d’abord un honneur. N’y voyez aucune amabilité d’usage. Mes premiers pas dans la vie publique ont été ceux d’une élue locale. C’est pourquoi, devant les membres de la représentation nationale, je veux dire humblement ce que signifient à mes yeux la force de l’élection, la légitimité du suffrage, la souveraineté du peuple.
L’impatience que j’éprouve rejoint une impérieuse nécessité : celle de se recentrer sur le contenu même de ce projet de loi. Parler du texte, enfin ; parler du texte, sans nier le contexte. Qui d’ailleurs pourrait l’occulter ?
Je suis une femme de gauche : la rue, j’y ai suffisamment manifesté pour en entendre et en accepter aujourd’hui l’écho. En matière de dialogue social, ce projet de loi nous fait entrer dans une nouvelle ère, c’est vrai et, nous le savons, tout texte novateur est source de questionnements.
Je l’admets aussi : ce débat a sans doute été lesté de malentendus, d’erreurs même. Je le regrette et j’en prends toute ma part de responsabilité, sans le moindre état d’âme. Mais tout de même !
Au cours des derniers mois, tant de choses imprécises ou proprement inexactes ont été dites au sujet de ce projet de loi, tant de caricatures et de mauvaise foi venant polluer un débat pourtant essentiel !
Pour certains, cette loi « ultralibérale » ne signerait rien d’autre qu’un « retour au XIXe siècle ».
Pourquoi ne pas dire carrément que, derrière dispositions concernant les apprentis, c’était le travail des enfants que nous voulions réintroduire ? Non, mais franchement !
D’autres, qui se sont réveillés plus tardivement, ont vu dans l’élargissement du mandatement syndical un relent de soviétisme. Combien de temps encore faudra-t-il s’accommoder de ces jeux de rôles convenus ? Faut-il se résigner devant les conservatismes ?
« Pas chez nous ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Le temps du Parlement, mesdames et messieurs les députés, est au contraire celui de l’exigence. Alors oui, sans nier le contexte, je suis impatiente de revenir au texte, à ses principes fondamentaux et à ses termes exacts.
Grâce à une concertation exigeante – les partenaires sociaux savent le temps que j’ai consacré à ce dialogue depuis ma prise de fonction –, grâce au travail remarquable du rapporteur Christophe Sirugue et des membres de la commission des affaires sociales, des membres de la commission des affaires économiques et de son rapporteur pour avis Yves Blein, de la délégation aux droits des femmes, des membres de la commission des affaires européennes, notamment de Philippe Cordery, nous pouvons être fiers de ce texte.
Un mot encore. La vie politique peut être faite d’impopularité. En la matière, je peux faire valoir une certaine expérience. C’est la vie. Mais ceci s’efface devant l’esprit de responsabilité et la fidélité aux convictions.
J’ai écouté, discuté, réfléchi, mais je crois être restée la même. Mes convictions, je ne les trahis pas. Je crois que l’administration de la chose publique a besoin de constance, de rigueur intellectuelle, de discipline même. La loyauté et l’esprit de droiture m’ont été inculqués par ceux qui m’ont amenée à la politique. Sans les citer, je veux qu’ils sachent, en particulier aujourd’hui, ce que je leur dois.
Ce projet de loi, personne ne nous l’a imposé. Le Président de la République l’a voulu, comme le produit d’une analyse sans concession de notre monde du travail et de sa législation. Ce projet de loi, je le porte avec énergie et conviction car je le crois juste et nécessaire. Et c’est cette conviction profonde que je veux partager avec vous.
Si je nourris l’ambition de vous convaincre, c’est parce que ce projet de loi repose sur trois piliers aussi solides que solidaires : un dialogue social qui doit être le moteur de notre transformation, une dynamique économique créatrice d’activité et d’emploi, un modèle social renouvelé, qui dote nos concitoyens de protections adaptées à notre siècle.
Mais avant de revenir en détail sur ces trois piliers, je voudrais tout de même partager avec vous quelques convictions, nées du diagnostic lucide qui doit être le nôtre.
J’ai trente-huit ans. J’appartiens à cette génération qui n’a connu les Trente Glorieuses qu’à travers les livres d’économie et d’histoire et qui s’est construite dans un autre environnement : celui de la crise, du chômage de masse, de la montée des inégalités.
Au ministère du travail, comme mes prédécesseurs, je mesure chaque jour les conséquences sociales de la dureté du chômage. Beaucoup de nos concitoyens sont prisonniers d’une précarité durable, enchaînant petits boulots, contrats à durée déterminée – CDD –, intérim, périodes de chômage. Pour ceux-là, notamment les plus fragiles – les femmes, les jeunes, les seniors, ceux qui n’ont pas eu accès à un premier niveau de qualification –, le contrat à durée indéterminé, le CDI, et l’emploi stable sont devenus un horizon quasi inaccessible.
L’hyperflexibilité est là, sous nos yeux : 90 % – je dis bien 90 % – des recrutements se font à durée déterminée et la moitié – la moitié ! – de ces contrats pour une durée inférieure à une semaine. C’est cela, la réalité.
Face à une telle situation, l’unité nationale devrait aller de soi. Je me réjouis d’ailleurs qu’avec Clotilde Valter, secrétaire d’État à la formation professionnelle et à l’apprentissage, nous soyons parvenus à déployer un plan de formation inédit en partenariat avec la quasi-totalité des régions, par-delà les clivages. Nous le devons absolument aux millions de nos concitoyens qui sont privés d’emplois, car – ne l’oublions pas, ne l’oublions jamais – derrière l’aridité des statistiques il y a autant de femmes, d’hommes, de familles, condamnés à l’angoisse, à la frustration, parfois même à l’humiliation.
On fait souvent le procès aux responsables politiques d’être coupés des réalités. Pour ma part, je m’insurge et revendique avec la plus grande force ma proximité avec cette génération qui subit les obstacles et tente de les franchir sans se décourager.
Il faut donc être capable de cerner le réel en regardant la France et le monde en face, car nous connaissons aujourd’hui des mutations profondes, rapides, de plus en plus rapides même. L’économie de service emporte tout, la numérisation des tâches se généralise, l’ubérisation des professions et le travail détaché se répandent, tout cela dans un monde ouvert et concurrentiel.
À la lumière de cette réalité, notre droit du travail ne remplit plus suffisamment son rôle, tant les contournements sont nombreux.
Notre pays est souvent décrit comme une « société de défiance ». Quatre Français sur cinq disent ne pas faire confiance aux autres. Tous sont persuadés que l’égoïsme gouverne les relations sociales, que la vie commune est un jeu à somme nulle, où personne ne peut gagner qu’au détriment d’autrui.
Dans ces conditions, la confiance n’est plus seulement une vertu, c’est une forme de défi commun. Je crois plus que jamais, à la force du dialogue et de l’écoute comme socle d’une confiance retrouvée et d’une possible réconciliation.
Le décréter, fût-ce à la tribune de votre assemblée, n’y suffira pas, me direz-vous. Alors construisons-le ensemble, en posant des actes. Ce projet de loi en est un.
Le premier pilier de ce texte est tout simplement de faire du dialogue social le moteur de la transformation de notre économie et de notre société.
Partout – je dis bien partout – s’exprime une volonté de participer à la construction des décisions collectives. Tous les pouvoirs institutionnels se heurtent à cette légitime revendication. Ce dialogue social de proximité est essentiel. Alors approfondissons la décentralisation de notre démocratie sociale.
Faut-il le rappeler ? C’est bien la gauche qui avait engagé cette révolution culturelle, une gauche qui ne renonçait pas à son ambition de changer la vie en accordant, d’abord grâce aux lois Auroux, sa confiance aux acteurs de terrain et à leur intelligence collective. Jean Auroux parlait alors de « textes ouvrant, par la négociation et le contrat, des dynamismes et des souplesses qui répondront aussi bien à des contraintes économiques ou technologiques qu’à des aspirations sociales nouvelles et diverses ». C’est précisément dans ce sillon à la fois politique et culturel que nous inscrivons aujourd’hui notre action, avec fierté et détermination.
Cette culture du dialogue social, le Président de la République en a fait le marqueur de son action depuis le début du quinquennat. Ainsi en est-il des lois portées par mes prédécesseurs, Michel Sapin et François Rebsamen, qui visaient à donner toujours plus de place aux représentants des salariés.
Le projet de loi que je porte devant vous prolonge et amplifie cette philosophie car notre démocratie sociale s’enlise aujourd’hui dans une culture de l’affrontement, aussi anachronique qu’inefficace. Je n’ai pas peur de le dire ! Les conservateurs de tout bord s’indignent toujours du « trop » ou du « trop peu », mais s’entendent toujours, in fine, pour ne rien faire.
Mais regardons autour de nous ! Inspirons-nous de la démocratie sociale à l’oeuvre chez nos voisins européens, lorsque celle-ci fonctionne ! Le temps est venu, c’est notre conviction, de franchir un pas inédit vers une culture de la négociation, de poser ainsi un acte de confiance en direction du terrain pour trouver les meilleurs compromis. Les salariés et leurs représentants ne sont-ils pas les mieux placés pour discuter directement de l’organisation de leur temps de travail, c’est-à-dire de leur quotidien ?
Ce dialogue social de proximité passe, bien sûr, par une plus grande légitimité donnée aux partenaires sociaux : c’est pourquoi ce texte, pour la première fois, généralise les accords majoritaires. N’est-ce pas le garde-fou le plus sûr pour les salariés et leurs représentants ? N’est-ce pas aussi l’exigence de voir les accords reposer désormais sur les consensus les plus larges possible ?
Cette place donnée aux accords d’entreprise, dans le prolongement des lois précédentes…
…, ne modifie en rien ce que l’on appelle la « hiérarchie des normes ».
Vives protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Du sommet – la Constitution et la loi –, au terrain de l’entreprise, aucune hiérarchie n’est inversée dans ce texte.
Je le dis avec force en ce jour anniversaire du Front populaire. Au contraire, ce texte détermine des règles d’ordre public auquel aucun accord ne peut déroger ! Et dans les cas où il n’y a pas d’accord, c’est bien la loi qui continue de déterminer les règles supplétives qui s’appliquent ! Alors, où sont les risques ?
Alors, oui, nous assumons de donner aux syndicats une place et un rôle qu’ils n’ont jamais eus dans notre république sociale. Nos opposants les délégitiment, en dénonçant le faible taux de syndicalisation dans notre pays ou la défiance qui frappe aussi les partenaires sociaux.
Pour ma part, je ne confonds pas l’audience des syndicats avec le nombre de leurs adhérents. Mais c’est vrai, la crise démocratique frappe toutes nos institutions, tous les pouvoirs, tous les acteurs.
Aux partenaires sociaux de se montrer à la hauteur de ce nouveau rôle, de savoir aussi, lorsque c’est nécessaire, se remettre en question, comme ont à le faire tous les acteurs de la démocratie. Beaucoup parmi les syndicats dits réformistes le démontrent déjà et je tiens à saluer leur esprit de responsabilité.
Alors, on nous opposera – ultime argument – que cette responsabilité donnée aux syndicats est une mise en danger des salariés de ce pays et de leurs représentants, jetés dans la gueule du « loup patronal » et contraints à négocier le pistolet sur la tempe, là où le rapport de force leur est le plus défavorable.
Mais alors, à quoi sert justement l’accord majoritaire si ce n’est à garantir une protection réelle ? Qui peut sincèrement croire que des syndicalistes signeront demain des accords néfastes pour les salariés qu’ils représentent ?
Aujourd’hui, même sans ce verrou démocratique du vote majoritaire, 36 000 accords – 36 000 ! – sont signés chaque année dans les entreprises. Qui les signe, si ce n’est nos grands syndicats représentatifs, CGT en tête ? Je m’étonne toujours, quoique sans naïveté, de voir le décalage entre certaines postures nationales et l’esprit de responsabilité manifesté localement.
Dans notre pays, où 95 % des salariés sont couverts par des conventions collectives – un record ! –, un coup d’accélérateur peut être donné aux accords d’entreprise pour construire demain de nouveaux progrès sociaux.
Mais il est vrai que le dialogue social doit reposer sur un équilibre des rapports de force : c’est pourquoi cette loi augmente considérablement les moyens des représentants syndicaux, leur présence dans l’entreprise par le biais du mandatement, et améliore les conditions du dialogue social à l’échelle de la branche comme de l’entreprise.
Oui, nous assumons que pour renouveler le dialogue social, revigorer la démocratie sociale, il faut des partenaires sociaux légitimes et forts. Les partenaires sociaux pourraient-ils assumer de ne pas accepter le pouvoir qui leur sera donné demain ? Un dialogue efficace n’est pas une succession de monologues. Un dialogue efficace nécessite de changer certains codes, et il y a urgence.
Mais, parce que nous croyons à la force du dialogue social, nous le disons haut et fort : nous aimons les syndicats et nous aimons l’entreprise ! Car notre pays a besoin de ses entreprises, d’entreprises fortes, modernes, conquérantes. En la matière, nos atouts sont solides. Pour renforcer leurs chances, nous devons leur donner plus de souplesse et plus de visibilité. C’est la condition pour les aider à développer leur activité mais aussi leur capacité d’embauche : telle est la deuxième ambition de ce projet de loi.
Oui, nous voulons qu’elles bénéficient de nouvelles marges de manoeuvre en matière d’organisation du temps de travail pour s’adapter aux mutations économiques, pour investir de nouveaux marchés et faire face aux pics d’activité comme aux périodes creuses.
Oui, nous voulons, avec Emmanuel Macron, le ministre de l’économie, permettre aux entreprises de mieux anticiper les conditions de rupture des contrats de travail.
Il ne s’agit pas de déréglementer le marché du travail, comme l’ont fait certains de nos voisins. Il ne s’agit sûrement pas non plus de faciliter les licenciements économiques. Qui pourrait le croire ?« Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Pour la première fois, au contraire, il s’agit de les encadrer. Pour la première fois, la loi précise dans quelle situation et sous quelles conditions un licenciement économique peut avoir lieu.
Cela offre de la clarté et de la visibilité aux entreprises ; c’est essentiel. Mais cela offre aussi de meilleures garanties à leurs salariés…
…qui subissent aujourd’hui les recours abusifs aux ruptures conventionnelles et aux licenciements pour motif personnel. La loi introduit un garde-fou essentiel en insistant sur le rôle du juge afin d’empêcher le recours à des artifices comptables pour procéder à des licenciements indus.
Alors, oui, nous assumons de dire que cette mesure est bonne et pour les entreprises et pour les salariés !
Ce même objectif de clarté et d’anticipation a inspiré toutes les mesures destinées aux TPE – très petites entreprises – et aux PME – petites et moyennes entreprises. Car c’est un fait : les petites et moyennes entreprises sont au coeur de ce projet de loi. Nos TPE et nos PME constituent le principal gisement d’emplois dans notre pays.
Le lancement de l’aide à l’embauche par les PME, il y a quatre mois, atteste de notre engagement à leurs côtés, et le succès de ce dispositif, avec plus de 250 000 demandes à ce jour, confirme la dynamique de reprise qui saisit notre économie.
Aujourd’hui, nous voulons ajouter à ces efforts conjoncturels les mesures structurelles qui faciliteront leur développement, et je veux à nouveau souligner ici la qualité du travail mené par les commissions des affaires sociales et des affaires économiques, qui ont sensiblement renforcé l’ambition de ce texte en faveur des TPE et des PME.
Ainsi ce texte prévoit la création d’un grand service d’aide aux TPE et aux PME à travers des cellules d’appui, déployées sur tout le territoire pour répondre aux questions concrètes que se pose un chef d’entreprise en matière de droit du travail et de conventions collectives.
Elle a aussi créé des seuils spécifiques aux TPE et aux PME en matière de licenciement économique car, bien entendu, les difficultés économiques ne peuvent pas s’entendre de la même manière pour une petite entreprise que pour une firme multinationale.
Nous donnons aux branches la capacité de conclure des « accords types »…
…qui seront directement déclinables dans les entreprises de moins de cinquante salariés, car la négociation et les souplesses ne doivent sûrement pas rester le monopole des grands groupes.
Je veux d’ailleurs souligner que nous allons rendre les branches plus efficaces en les rationalisant…
…– on en compte aujourd’hui 700 dans notre pays, contre 150 en Allemagne – et, surtout, leur donner un rôle pour se prémunir du risque de dumping entre entreprises d’un même secteur. Et cela sera inscrit dans le code du travail : c’est sans précédent ! Pourquoi le taire ?
Si nous n’avons pas une conception naïve du dialogue social, nous pensons que, pour concevoir une réforme juste et équilibrée, nous devons d’abord nous départir d’une vision manichéenne du monde de l’entreprise.
Mesdames et messieurs les députés, vous le mesurez mieux que quiconque, dans vos circonscriptions : le monde de l’entreprise n’est pas la caricature que certains s’obstinent à en faire. Les pressions, les tensions existent, mais elles ne résument pas à elles seules la société du travail. Le métier, le savoir-faire, la place que l’on occupe dans le monde professionnel, les relations sociales que l’on y tisse, tout cela fait partie intégrante d’une construction individuelle qui doit conduire à la réalisation de chacun.
Cela n’a rien de théorique. Je me souviens de mes nombreuses rencontres, accompagnée par nombre d’entre vous, avec ces ouvriers fondeurs des Ardennes, avec ce chef d’une entreprise familiale dans les Pyrénées-Atlantiques, avec ces entreprises industrielles de pointe en Aquitaine, et tant d’autres encore.
Tous nous ont fait partager leur fierté, leur enthousiasme, leur goût du travail bien fait, leur volonté d’avancer ensemble.
Les entreprises sont le socle de notre prospérité collective, le moteur de l’innovation et le pilier de notre souveraineté économique dans un monde ouvert. Sans leurs salariés, rien de cela ne serait possible.
De la start-up lancée par trois amis à la multinationale aux milliers de salariés, en passant par le petit commerce ou le réseau des artisans et le vivier de nos PME et de nos établissements de taille intermédiaire –ETI –, l’entreprise est surtout, loin des débats, une communauté de travail, une communauté humaine. Cette vision positive du travail, il est de notre responsabilité de la faire prospérer collectivement dans le prolongement de notre histoire sociale.
Les plus fragiles, les plus précaires, ceux qui multiplient les CDD, les intérims et les périodes de chômage, attendent de nous qu’en aidant nos entreprises, nous leur donnions accès à l’emploi durable, au CDI, parce que nous savons que c’est ce qui commande l’accès au crédit et au logement.
C’est dans ce seul objectif que ce texte donne à nos acteurs économiques des marges de manoeuvre supplémentaires, sans jamais confondre souplesse et blanc-seing.
Si nous faisons évoluer notre droit pour renforcer les entreprises, dans le même mouvement nous redéfinissons en profondeur les protections et les libertés des actifs. Car oui, n’en déplaise à certains, je veux le dire haut et fort à cette tribune : ce projet de loi est porteur de progrès social ! Ce projet de loi protégera mieux les travailleurs ! Il donnera des chances nouvelles à ceux qui en ont le plus besoin !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Pourquoi taire la création d’un droit universel à la formation, qui facilitera demain les transitions professionnelles de tous les actifs ? Pourquoi taire la généralisation de la « garantie jeunes », qui a permis d’aider tant de jeunes en situation de précarité ? Pourquoi ne pas revendiquer, avec fierté et enthousiasme, l’avancée sociale majeure qu’est le compte personnel d’activité ?
Ce compte personnel d’activité est la clef de voûte d’un nouveau modèle social, plus universel et plus individualisé dans le monde du travail. Avec ce dispositif, nous rattachons les droits à la personne et non plus au statut, nous créons l’instrument d’une liberté protectrice pour tous les actifs.
Car le compte personnel d’activité, c’est d’abord une protection universelle : ce dispositif regroupera le compte personnel de formation, le compte prévention pénibilité et le compte engagement citoyen. Il permettra à chacun, quel que soit son statut – salarié, à la recherche d’un emploi, artisan, commerçant ou entrepreneur –, d’accumuler et de conserver des droits tout au long de sa vie et de les utiliser en fonction de ses besoins.
Le compte personnel d’activité, c’est aussi l’instrument d’une liberté professionnelle renouvelée, notamment pour ceux qui en ont le plus besoin : les salariés qui n’ont pas eu accès à un premier niveau de qualification, les demandeurs d’emploi, les jeunes « décrocheurs » ou en situation de précarité,…
… mais aussi les entrepreneurs, les indépendants, les créateurs d’entreprises. L’objectif est d’aider chacun de nos concitoyens à construire un parcours professionnel en phase avec ses aspirations.
Nous avons beaucoup à gagner, individuellement et collectivement, à passer d’un système de protection passive à une logique de sécurité active. Déjà, le Gouvernement a profondément fait évoluer notre modèle social pour que les principes de solidarité posés en 1945 gardent toute leur vigueur dans un monde nouveau.
Je veux d’ailleurs saluer ici Marisol Touraine, ministre des affaires sociales…
…qui a porté depuis 2012 cette modernisation d’envergure, avec la protection universelle maladie et la prime d’activité notamment.
Oui, ce projet de loi permettra le progrès social…
Ce n’est pas parce que vous le répéterez cent fois que cela sera vrai !
… au-delà du compte personnel d’activité, à travers de nombreux autres droits
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ne soyez pas irrespectueux, s’il vous plaît !
Ainsi, demain, chaque entreprise sera dans l’obligation d’appliquer un « droit à la déconnexion » pour préserver l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle à l’heure du numérique. Demain, la France disposera du droit le plus strict en matière de lutte contre la fraude au travail détaché. Demain, les saisonniers – que l’on oublie trop souvent – mais aussi les collaborateurs de plates-formes numériques bénéficieront enfin d’un statut et de droits dignes de ce nom.
C’est bien simple, avec ce texte, plus aucun contrat, plus aucune relation de travail ne seront dépourvus de garanties et de sécurité.
Mesdames et messieurs les députés, je vous le demande avec gravité : sommes-nous prêts à renoncer à l’ensemble de ces avancées ? Sommes-nous prêts à passer à côté d’une réforme qui posera les bases d’une « sécurité sociale professionnelle » attendue depuis plus de trente ans ? Aujourd’hui, il ne tient qu’à nous, avec ce texte, de passer à la pratique et de créer la protection sociale de ce siècle. Ne manquons pas ce rendez-vous et soyons à la hauteur des enjeux !
Mesdames et messieurs les députés, le Premier ministre, le Gouvernement ont pris leurs responsabilités en prenant l’initiative de ce texte, en veillant, par le dialogue, par la recherche du compromis, à en assurer l’enrichissement, en ne déviant jamais de la philosophie qui en est la marque.
Les syndicats dits réformistes qui ont choisi de s’inscrire dans la logique de concertation, eux aussi, ont pris leurs responsabilités. Parce que je sais que vous prendrez les vôtres, je vous demande de soutenir ce projet de loi.
Toutes les organisations sociales, toute l’histoire humaine sont faites d’adaptations.
Mais s’adapter, ce n’est pas se soumettre.
Notre ambition est de concilier, en permanence, progrès social et progrès économique, à combiner libertés et protections, non pour qu’elles annulent leurs effets respectifs mais pour qu’elles s’en nourrissent mutuellement. Cette alchimie, c’est sans doute l’une des conditions de la démocratie. Il s’agit de dessiner un cercle vertueux où l’autonomie de chacun est mise au service de la cohésion de l’ensemble. D’ailleurs, comment penser un seul instant que cette loi, que j’ai l’honneur de défendre, puisse être autre chose qu’une loi de progrès ? Je souhaite le bien de mon pays, je souhaite que cette loi fasse du bien à mon pays.
Car, plus que jamais, je crois en mon pays ; je crois en la volonté des Français d’explorer de nouvelles formes de démocratie ; je crois en la capacité des organisations syndicales à assumer davantage de responsabilités ; je crois au talent et à la créativité de nos entrepreneurs ; je crois, surtout, que le moment est venu de moderniser les règles qui organisent notre vie collective ! C’est le sens de ce texte.
Bien sûr, nous aurions pu renoncer et choisir le confort de l’inertie, la popularité du silence. Réformer n’est jamais simple ; renoncer est plus confortable. Mais mieux vaut être jugé sur une audace que sur une posture.
Mesdames et messieurs les députés, permettez-moi de le rappeler, un quinquennat dure cinq ans…
Applaudissements et rires sur les bancs du groupe Les Républicains
… : les réformes indispensables à la France se déploieront jusqu’au terme de celui-ci. Ce n’est pas seulement un engagement, c’est une courageuse nécessité. Oui, le Gouvernement a pris ses responsabilités !
Au moment de conclure, permettez-moi de convoquer les mots de celui qui demeure à mes yeux une si belle référence. Pour Pierre Mendès-France, « parler le langage de la vérité, c’est le propre des véritables optimistes et je suis optimiste, moi qui pense que ce pays accepte la vérité ».
Alors, fidèle à cet esprit, mesdames et messieurs les députés, ouverte à un débat loyal et éclairant, je vous soumets en toute bonne foi ce texte qui, je l’espère, suscitera votre adhésion.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il faut, après cette péroraison stratosphérique, poser la limite entre politique et pathos, et c’est pourquoi je vous demande une suspension de séance, monsieur le président.
« Nul ! Lamentable ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
On n’a pas le droit d’évoquer ainsi le Conseil nationale de la résistance !
Je vous accorde une suspension de séance de trois minutes, monsieur le président.
La séance, suspendue à seize heures quarante-huit, est reprise à seize heures cinquante et une.
Présentation
La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, depuis quelques semaines, ce texte suscite un discours que je qualifierais de convenu de la part, à la fois -– curieusement – de ceux qui considèrent qu’il ne va pas assez loin comme de ceux selon lesquels il témoignerait d’un reniement.
Les uns et les autres partagent la même détermination à soumettre au débat public des éléments qui parfois, assurément, méritent de l’être, mais qui parfois n’ont plus de rapport avec le texte qui nous est présenté à cet instant, quand ils ne lancent pas des formes d’ultimatums qui sont selon moi totalement dépassés au vu du débat que nous devons mener ensemble.
Celui-là nous impose de mesurer l’évolution du monde du travail, d’écouter les interrogations qui sont celles des travailleurs de notre pays, mais aussi de réfléchir aux réponses que nous devons apporter aux évolutions économiques majeures que nous connaissons depuis quelques dizaines d’années.
Ces postures, pour certains, ou ces prises de position tout à fait légitimes pour d’autres…
… ces ultimatums que je récuse ne doivent pas nous faire oublier que le texte dont nous allons discuter a profondément évolué.
Ces évolutions sont d’abord le fait du Gouvernement et, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, je veux vous dire à cet instant, même si je fais partie de ceux qui ont tout d’abord exprimé leurs doutes, leurs interrogations voire leurs désaccords sur certains points du texte, que le dialogue que nous avons engagé constitue un élément extrêmement important de la co-construction législative à laquelle nous sommes particulièrement attachés.
À mes collègues de la commissions des affaires économiques et de celle des affaires sociales, je dis que nous pouvons être fiers du travail que nous avons accompli ensemble pour défendre un certain nombre d’éléments, pour apporter des réponses.
Il y a pour moi deux manières d’intervenir. Je pourrais dire tout ce que ce texte n’est pas, ce qui constituerait une forme de réponse à tout ce qui a été dit ces dernières semaines. Il me semble néanmoins plus utile de dire tout ce que ce texte est.
Mes chers collègues, ce projet est d’abord un devoir : celui de prendre en compte l’évolution du monde du travail et de reconnaître ensemble que les entreprises, parce que ce sont elles qui créent des emplois……
« Bravo ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
ont besoin de disposer d’outils et d’armes pour pour se développer et faire face à la concurrence à laquelle elles sont confrontées.
Allons-nous sortir un jour de cette façon un peu folle d’opposer des chefs d’entreprise dont les intérêts seraient nécessairement contraires à ceux des salariés, à des salariés qui seraient obligatoirement soumis au joug de l’entrepreneur ?
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Va-t-on accepter un jour de tenir un discours qui soit à la hauteur de ce qu’est le monde du travail du XXIe siècle ?
Tel est le premier enjeu de ce texte : ensemble, nous avons le devoir d’offrir des réponses face à cette évolution du monde du travail.
Le deuxième enjeu est un enjeu de réalisme, car celui-ci nous impose de reconnaître que l’économie est désormais mondialisée. Quelle que soit l’appréciation que chacun porte sur ce phénomène – la mondialisation peut avoir des vertus comme elle peut avoir des effets extrêmement négatifs –, c’est l’enjeu auquel nous sommes confrontés, tant les salariés du fait de la concurrence qu’ils subissent, que nos entreprises dans la conquête des marchés.
Il ne faut pas non plus ignorer que le monde du travail bouge, qu’il y a désormais une individualisation extraordinaire au sein de l’entreprise. Un chiffre suffit à le montrer : il y a chaque mois 25 000 ruptures conventionnelles dans notre pays ! Une telle individualisation nous interpelle. Nous devons prendre en compte cette réalité et analyser les réponses qu’elle appelle.
L’évolution du monde du travail, c’est aussi l’émergence d’emplois nouveaux qui ne relèvent ni du salariat – et ceux qui considéreraient qu’il ne faut apporter des réponses qu’en termes de salariat oublient ce phénomène – ni du statut des indépendants. Nous devons prendre en compte cette évolution.
Le troisième enjeu de ce texte est un enjeu de confiance, confiance dans les partenaires sociaux. Là encore, il faut en finir avec la caricature que je viens de rappeler et qui laisse à penser qu’il est impossible de dialoguer, qu’évoquer la présence d’un mandataire dans une entreprise serait comme évoquer le diable, ou qu’à l’inverse envisager la possibilité d’accompagner les entreprises serait commettre un crime de lèse-majesté pour la gauche ! Je considère que nous avons besoin de susciter cette confiance et c’est pourquoi je n’ai pas peur, quant à moi, des accords d’entreprises.
Je n’en ai pas peur parce que nous ne pourrons avancer que si les partenaires sociaux disposent de moyens que nous leur donnons dans ce texte et de la confiance que nous susciterons.
Quatrième enjeu, nous devons être attentifs au fait que les entreprises ne sont pas toutes les mêmes ; elles ne fonctionnent pas toutes de la même façon et ne connaissent pas les mêmes difficultés.
« Bravo ! » sur les bancs du groupe Les Républicains
Je vois des députés approuver ces propos sur les bancs de l’opposition. J’aurais aimé qu’ils nous soutiennent en commission lorsque nous avons examiné le cas des PME et des TPE, au lieu de s’opposer aux propositions du rapporteur !
Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Prendre en compte ces différences entre les entreprises, c’est admettre qu’il faut différencier également les solutions dont elles disposent face aux difficultés. Si nous avions maintenu la condition des quatre trimestres consécutifs de difficultés économiques pour des artisans qui emploient quelques salariés, nous aurions certes respecté la pureté du dogme défendu par certains…
…mais aurions-nous relevé le défi qui s’impose à nous, qui est de préserver les entreprises et donc l’emploi ? Je ne le crois pas. Les travaux de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires sociales nous ont permis de faire évoluer le texte pour prendre en compte ces enjeux.
Ce texte, enfin, contient des progrès et introduit des droits nouveaux. Je suis surpris et j’ai envie de sourire – mais d’un sourire crispé – lorsque je vois que certains ignorent ces droits nouveaux. Comment ne pas reconnaître que ce projet de loi offre des droits nouveaux aux entreprises – ceux que je viens d’évoquer – ainsi qu’aux travailleurs ?
L’ignorer, c’est porter une appréciation injuste sur ce texte et surtout c’est oublier que nous avons besoin d’affirmer ces droits nouveaux. Je pense aux droits à la formation, que nous multiplions, en direction des précaires et de ceux qui, malheureusement, n’ont pas eu une formation initiale suffisante. C’est bien ce texte qui introduit ces droits supplémentaires ! Je songe à la sécurité sociale professionnelle, dont tout le monde nous parle depuis des années : c’est bien ce que nous mettons en oeuvre, au titre du compte personnel d’activité. Ce n’est pas suffisant ? Débattons pour l’améliorer, plutôt que de l’oublier, voire, pour certains, vouloir le faire disparaître ! Je pense à la prise en compte de l’enjeu du travail détaché, qui crée une concurrence pour nos salariés.
Les droits nouveaux, ce sont aussi le droit à des congés pays supplémentaires. Les droits nouveaux, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, ce sont vos propositions d’évolution des droits des femmes.
Les droits nouveaux, c’est ce que nous proposons pour mettre en place un « droit à la déconnexion ».
Certes, madame la ministre, d’autres mesures continuent à faire débat, et nous aurons ces débats dans les jours qui viennent, lors de l’examen des articles de ce projet de loi : débat sur les licenciements économiques, et notamment sur la définition de leur périmètre ; débat sur la manière de sécuriser les accords d’entreprises, pour que les branches professionnelles prennent cet enjeu en compte ; débat sur le forfait jour, qu’il convient de sécuriser ; débat sur la taxation des CDD, que vous proposez ; débat sur l’article 19 et la représentativité patronale.
Mes chers collègues, ce que j’entends depuis ces dernières semaines me laissent le sentiment que pour quelques-uns c’est tout ou rien. Or cette vision des choses empêche de voir les évolutions du monde économique et donc d’apporter des réponses adaptées pour accompagner les travailleurs et les entreprises.
Tel est l’enjeu de ce texte. Avec les améliorations que nous pouvons encore lui apporter, je pense, mes chers collègues de la majorité, que nous pouvons être fiers de le porter.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Yves Blein, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mesdames les présidentes des commissions des affaires sociales et des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre écosystème est sujet à de multiples transformations, tant des modèles productifs, avec l’irruption du numérique, que des parcours professionnels, moins linéaires et moins marqués par l’hégémonie du salariat. Ce contexte a fait de l’adaptation du droit du travail une nécessité : les entreprises ont besoin de plus de souplesse et les salariés, d’une plus grande sécurisation. Ce projet de loi y concourt efficacement. Il est donc le bienvenu, il est même indispensable.
La commission des affaires économiques a été naturellement amenée à se saisir de ce texte, et trois préoccupations majeures ont guidé mon travail de rapporteur pour avis. D’abord, comment la modernisation du dialogue social peut-elle permettre de concourir à davantage d’efficacité économique ? Ensuite, comment les freins à l’embauche, dans un contexte de chômage de masse, peuvent-ils être levés sans précariser les salariés ? Enfin, comment le projet de loi doit-il s’adresser aux plus petites entreprises – PME ou TPE – pour faciliter leur développement et donc la création d’emplois ?
La saisine de la commission des affaires économiques a permis d’aborder ces différentes préoccupations.
Au sein du titre Ier, relatif à la refondation du droit du travail, qui entend donner plus de poids à la négociation collective, nous nous sommes saisis de l’article 2, qui refonde l’architecture de la partie du code du travail relative à la durée du travail en donnant, conformément aux recommandations du rapport Combrexelle, une plus grande place aux accords d’entreprises. Il s’agit là, selon moi, du coeur du projet.
Au sein du titre II, la commission s’est saisie des principaux articles du chapitre II, qui porte sur le renforcement de la légitimité des accords collectifs, et en particulier de l’article 10, qui achève la réforme de 2008 sur la représentativité syndicale, en conditionnant la validité des accords à une majorité de 50 %. Cet article introduit également la possibilité de surmonter certains blocages en recourant, à l’initiative des organisations syndicales exclusivement, au référendum. Sur cet article essentiel, la commission des affaires économiques a proposé un amendement, adopté par la commission des affaires sociales, visant à moderniser le dialogue social dans les chambres d’agriculture.
La quasi-totalité du titre III, et en particulier l’article relatif au compte personnel d’activité – CPA –, faisait également partie de la saisine : il porte sur la sécurisation des parcours et l’adaptation du modèle social à l’ère du numérique. J’ai veillé à ce que l’on développe toutes les potentialités du CPA. Il s’agit notamment de l’étendre à l’ensemble des personnes, et non aux seuls actifs, car l’activité ne se résume pas au temps de travail des actifs. Comme l’illustre l’intégration du compte d’engagement citoyen dans le CPA, il y a un temps d’activité citoyenne qui peut s’exercer à tout âge, y compris à l’âge de la retraite. Je proposerai de nouveaux amendements afin de poursuivre la reconnaissance de l’engagement citoyen, notamment au travers de formations à la gestion associative, que permet le compte personnel d’activité.
Dans ce titre consacré au numérique, un amendement de la commission des affaires économiques vise la création d’une responsabilité sociale des plates-formes en ligne vis-à-vis des travailleurs indépendants – c’est l’article 27 bis. Cette avancée doit être saluée. Je défendrai également différents amendements tendant à mieux encadrer cette responsabilité sociale, dans la continuité de la réflexion de la commission des affaires économiques sur les effets de la numérisation de notre économie.
En ce qui concerne les TPE et les PME, dont il est souvent question, nous nous sommes saisis de la partie du titre IV, intitulé « Favoriser l’emploi », qui porte sur la facilitation de la vie des TPE et des PME et sur la réforme des conditions du licenciement économique. À ce titre, le travail d’audition que nous avons mené avec mon collègue rapporteur Christophe Sirugue nous a permis de dégager une réponse commune sur la sécurisation des petits employeurs face à la complexité du droit du travail. Je le remercie d’ailleurs de la qualité des échanges que nous avons eus sur cette question. Nous avons ainsi proposé la création d’un « quasi-rescrit » social afin de mettre en avant la bonne foi des employeurs en cas de contentieux sur la forme des décisions qu’ils prennent.
La commission des affaires économiques est également à l’origine de l’article 29 bis du texte élaboré par la commission des affaires sociales, qui permet aux entreprises de moins de cinquante salariés de faire des provisions afin de faire face à d’éventuelles condamnations prud’homales : il s’agit là d’un geste très fort en direction des petites et moyennes entreprises.
En ce qui concerne l’encadrement des licenciements économiques, je me félicite du travail accompli par M. Sirugue, qui a proposé une nouvelle écriture très proche des préoccupations que j’ai exprimées, notamment sur la mise en place de seuils de qualification des difficultés économiques en fonction de la taille des entreprises.
La saisine portait également sur le chapitre III du titre IV, relatif à la préservation de l’emploi et comportant des articles concernant notamment les emplois saisonniers, sujet important pour notre commission, les transferts d’entreprise dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi et la revitalisation des bassins d’emplois. S’agissant des saisonniers, la commission a souhaité faciliter le recours au contrat de travail intermittent et prévoir que la négociation sociale prévue par l’article 39 puisse traiter de l’indemnisation financière dans le cas où ces contrats ne sont pas reconduits. Ces amendements n’ont pas été adoptés par la commission des affaires sociales, mais la discussion aura de nouveau lieu dans l’hémicycle.
Enfin la partie du titre VI relative à la lutte contre le détachement illégal a retenu notre attention : partant du constat que la fraude s’adapte encore et toujours aux multiples réglementations que cette majorité a mises en place depuis la loi Savary et, plus récemment, la loi Macron, le texte propose de nouveaux dispositifs à même de lutter plus efficacement encore contre le détachement illégal. Ils sont les bienvenus.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la présidente de la Délégation aux droits des femmes, monsieur le rapporteur, chers collègues, j’aimerais, avant toute chose, dire un mot de ce qui s’est passé ce matin dans certaines permanences, et notamment dans la mienne.
On peut ne pas être d’accord avec ce texte, on en a parfaitement le droit, mais est-ce une raison pour expulser mes deux assistants parlementaires de ma permanence pour pirater mon compte sur les réseaux sociaux ?
Est-ce une raison pour s’emparer de documents essentiels à leur travail ? Je le dis et je le répète, à l’adresse de ces personnes : « Arrêtez avec ces méthodes d’intimidation : elles ne m’intimident pas ».
S’attaquer à des salariés, quand on dit les défendre, c’est pour le moins paradoxal !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
J’exprime mon soutien à mes collaborateurs, que j’ai autorisé à ne pas venir travailler cet après-midi.
« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
Lorsque Jean-Jacques Rousseau évoque le travail dans l’Émile, il définit le travail comme un devoir indispensable pour s’intégrer dans le corps social. « Les mains travaillent au profit de l’esprit. », écrit-il. Ce devoir de travailler pour faire société suppose qu’il y ait du travail pour chacune et chacun. C’est ce défi que les gouvernements qui se sont succédé ont tenté de relever, plus ou moins bien, depuis la fin des Trente Glorieuses.
Ce projet de loi fait l’objet de nombreux débats. Je ne m’étendrai pas sur les désaccords qui se sont exprimés mais je voudrais profiter de cette intervention pour revenir sur le principal objet des controverses : le code du travail. Le code du travail est « l’ensemble des dispositions qui encadre la subordination et limite les déséquilibres entre les parties au contrat de travail ».
À ce titre, je veux nommer – et cela fera plaisir à la gauche de cet hémicycle…
…le socialiste Arthur Groussier, fondateur de l’alliance communiste révolutionnaire qui, en 1896, proposa la codification des lois ouvrières, mais aussi René Viviani, lui aussi socialiste, qui fut le premier titulaire du ministère du travail et de la prévoyance sociale et donc, en quelque sorte, votre prédécesseur, madame la ministre.
J’ai exprimé mes réticences sur la méthode employée qui, je le crois, a heurté beaucoup de monde ; mes réticences, aussi, quant à certains éléments de fond de ce texte. Cependant, je déplore les contre-vérités proférées par certains, les erreurs d’appréciation commises par d’autres, qui ne font pas un effort suffisant pour s’intéresser au détail du texte.
Il y en a dans tous les camps !
En considération de l’importance du travail déjà réalisé, qui va se poursuivre aujourd’hui dans l’hémicycle, j’espère que nous aurons toutes et tous à coeur de dialoguer au même niveau d’information et d’objectivité sur les différents points.
Je me félicite de la qualité des débats en commission des affaires sociales, saisie au fond, et je tiens à saluer son rapporteur, Christophe Sirugue, que je remercie particulièrement pour son engagement sur ce texte, avant même qu’il n’existe.
Sourires.
Je n’oublie pas non plus les débats qui ont eu lieu dans les autres commissions saisies de ce texte, et je salue les différents rapporteurs pour leur travail : Yves Blein pour les affaires économiques, Philip Cordery pour les affaires européennes, Monique Orphé pour la Délégation aux outre-mers, Catherine Coutelle et Marie-Noëlle Battistel pour la Délégation aux droits des femmes.
Les débats ont été riches et de bonne tenue. Je remercie les membres de la majorité, mais aussi ceux de l’opposition
« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.
qui ont échangé pendant près de vingt-sept heures. Tous les parlementaires présents ont pu s’exprimer sur les 1 054 amendements qui n’ont pas été retenus par la commission.
Je ne reviendrai pas sur les nombreuses avancées apportées en commission, certains l’ont fait avant moi.
Jean Jacques Rousseau,
« Encore ? » sur les bancs du groupe Les Républicains.
dans Du contrat social, montrait que le travail est un élément fondamental qui permet la liberté du citoyen, l’existence de la propriété privée et qu’il constitue l’un des fondements de la société civile.
Il pensait que la manière d’investir le bien commun était le travail, si tant est, je le répète, qu’il y en ait pour tout le monde, mais pas au prix de n’importe quel renoncement. S’unir en société signifie travailler pour celle-ci. Or une disposition importante de ce projet de loi va dans ce sens puisqu’il intègre toutes les formes d’investissement au service du bien commun au XXIe siècle. Je pense bien évidemment au compte personnel d’activité, dont on parle malheureusement trop peu à l’extérieur de l’hémicycle et qui est occulté par d’autres sujets, certes importants. Cet outil moderne suscite des espoirs puisqu’il est une réponse adaptée à des parcours professionnels qui ne sont plus linéaires ni uniformes. Moi aussi je rêverais que les nouveaux entrants sur le marché du travail restent quarante ans dans la même entreprise, en CDI. Mais ce rêve ne correspond malheureusement plus à la réalité.
L’engagement est reconnu comme une forme d’activité pour la société grâce au compte engagement citoyen, qui sera un des éléments du CPA. Le CPA recensera des activités bénévoles ou volontaires bien définies. Les jeunes ayant accompli une mission de service civique, les personnes s’engageant dans des réserves – militaire, sanitaire, de sécurité civile – et les maîtres d’apprentissage bénéficieront de points supplémentaires au titre du CPA pour valoriser leur engagement. Cela leur ouvrira plus de droits à la formation.
Ce dispositif est innovant puisqu’il donne plus de sécurité à toutes et à tous, du fait de la portabilité et de la fongibilité des droits. Ce nouveau compte est à la fois personnel et universel. Je ne dresserai pas la liste de tous les bénéficiaires puisque tous sont concernés. À ce titre, je tiens à faire observer à M. Chassaigne, qui a fait tout à l’heure référence au Conseil national de la résistance, que les mesures prises par celui-ci n’étaient pas tout à fait universelles puisque les régimes spéciaux ont empêché d’aller vers une vraie universalité de la protection sociale. Quand je parle des régimes spéciaux, je pense aux artisans, aux libéraux, aux commerçants, mais aussi aux militaires, aux cheminots, aux marins et aux mineurs. Il ne faut jamais perdre de vue que le Conseil national de la Résistance n’a pas fait le choix d’un système universel de type beveridgien, mais d’un système assurantiel bismarckien.
Dans une société dite individualiste, le CPA amorce un modèle nouveau : la reconnaissance d’un droit individuel, qui permet paradoxalement de s’insérer dans la solidarité nationale et la cohésion sociale. Cette mesure est en cohérence avec ce qui a été fait par ce gouvernement. Je pense bien évidemment à la protection universelle maladie, défendue par Marisol Touraine et votée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016. Nous allons inscrire dans le marbre de cette loi l’universalité de ce compte personnel d’activité.
En conclusion, et au moment de débuter l’examen dans l’hémicycle de ce projet de loi, une des principales questions qui doit guider nos choix est de savoir si la modification proposée du code du travail permettra au minimum de préserver l’emploi et au mieux d’en créer.
Plus largement, pour que le travail soit un élément d’émancipation et non d’aliénation, qu’il ne soit pas servitude, pour que cette loi réponde aux attentes, il faut qu’elle s’inscrive dans la logique définie par Rousseau : « Comme elles sont issues de la volonté générale, les lois sont nécessairement favorables à l’utilité commune ». C’est en tout cas un devoir.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, je tiens à saluer les nombreux parlementaires, commissions et délégations – commissions des affaires sociales, des affaires économiques et des affaires européennes mais aussi délégations aux droits des femmes et aux Outre-mer – qui ont été invités à se prononcer sur ce projet de loi et surtout à l’améliorer. Je voudrais, avant tout, souligner l’immense chemin parcouru sur ce texte grâce au travail parlementaire. Je salue la persévérance et la pédagogie dont ont fait preuve les rapporteurs. Ils ont, d’ores et déjà, accompli un travail d’exception, évaluant les propositions des uns et des autres.
Je salue également le travail de Mme El Khomri et de Mme Valter, toutes deux présentes aujourd’hui, qui n’ont ménagé ni leur peine ni leur temps pour écouter les parlementaires et faire avancer ce texte – elles le feront encore d’ici la fin de nos débats. De nombreuses auditions ont été organisées, dont celles des partenaires sociaux, des administrations concernées, d’organismes de l’économie sociale et solidaire, d’experts juridiques, économiques, de la transition numérique, ou encore d’avocats, entre autres.
Comme tout projet de réforme structurelle, le texte a ses partisans et ses détracteurs : c’est le jeu de la démocratie. Il faut dire que l’objectif poursuivi est essentiel : il s’agit de mieux protéger les salariés dans un monde du travail en profonde mutation, notamment numérique, et à permettre aux entreprises, plus particulièrement aux TPE et aux PME, d’adapter leur organisation de travail aux variations d’activité ou à des projets, afin de créer de l’emploi.
Le principe d’une réforme du code du travail est consensuel. Tous s’accordent à dire qu’elle est nécessaire, mais divergent sur les voies et les moyens pour y parvenir. « L’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir » disait Jean Jaurès aux lycéens d’Albi dans son discours à la jeunesse.
Mon « invincible espoir », je veux le partager avec vous : c’est l’espoir que notre société puisse évoluer dans le cadre de nos institutions réformées, en maintenant la paix, notre démocratie, l’unité de son peuple et en permettant aux initiatives collectives et individuelles de se développer dans le respect des libertés et l’épanouissement de chacun.
Pour cela, la priorité est de lutter contre ce phénomène de masse endémique que représente le chômage en France. Le taux de chômage n’est pas descendu en dessous de 6 % depuis près de trente ans. Actuellement, sur l’ensemble du territoire français, 6,5 millions de personnes, toutes catégories confondues, sont en situation de chômage. En dépit des 100 000 emplois créés durant l’année 2015, le taux de création d’emploi n’est pas suffisant. La précarité est donc une réalité quotidienne pour nombre de Français.
Les chiffres le démontrent, et même si tout triomphalisme est hors de propos, la situation économique de notre pays connaît une embellie. Les PME de 10 à 49 salariés enregistrent une réduction de 21 % du nombre de défaillances, tandis que celles employant moins de 10 salariés voient les procédures collectives se replier de 9 % au premier trimestre.
Mais nous devons poursuivre nos efforts. Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui est une nouvelle étape. Il nous faut revaloriser la négociation collective dans toutes ses composantes, afin qu’elle occupe une plus grande place dans notre système de relations professionnelles, notamment au sein des petites entreprises. Parce qu’une telle réforme nécessite temps et pédagogie, les débats qui vont nous occuper pendant les jours à venir sont essentiels.
Je le répète, les débats en commission des affaires économiques et en commission des affaires sociales ont permis des avancées, qui ont rendu ce texte plus équilibré. Je tiens à saluer le travail de la présidente de la commission des affaires sociales et du rapporteur, ainsi que celui des membres de la commission des affaires économiques, des délégations et de l’ensemble des parlementaires qui se sont investis dans ce travail. Comme l’a rappelé Yves Blein, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, des amendements importants et prévoyant de nouvelles protections pour les entreprises et les salariés ont été adoptés.
Je me félicite, en particulier, des nouvelles avancées en faveur des PME et des TPE, qui souffrent particulièrement de la crise depuis 2008. Ainsi un service public d’accès au droit est créé. Les représentants des organisations syndicales et professionnelles, les chambres consulaires, les commissions paritaires interprofessionnelles ainsi que les conseils départementaux de l’accès au droit ou toute autre personne compétente pourront y être associés. Par ailleurs, afin de donner plus de sécurité juridique aux entreprises dans l’exercice de leur activité, une procédure similaire au rescrit a été introduite à l’article 28 du texte. Dorénavant, la position de l’administration peut être utilisée par l’employeur pour justifier de sa bonne foi.
La négociation collective dans les chambres d’agriculture a par ailleurs été facilitée, et d’autres amendements portant sur ce sujet seront discutés. Les TPE et les PME pourront désormais provisionner pour anticiper un risque de contentieux et l’exonération des cotisations dues à l’URSSAF pour un avantage accordé aux salariés est aujourd’hui sécurisée. Dans le domaine numérique, le droit à la déconnexion a été précisé et une responsabilité sociale des plate-formes envers leurs prestataires indépendants a été créée.
En conclusion, je veux insister sur le fait que le projet de loi est soutenu par les syndicats réformistes, qu’il engage des changements structurels visant à développer des droits plus adaptés au monde du travail ainsi qu’à améliorer la compétitivité de notre économie. Ce projet de loi permettra d’instaurer un nouveau contrat social au travers de la création de nouveaux droits car c’est aussi de cette façon que l’on modernise un pays. Il crée une sécurisation sociale professionnelle au travers du compte personnel d’activité et généralise la « garantie jeunes ». Il permet de reconnaître l’engagement citoyen mais aussi de lutter contre le dumping social, grâce au renforcement des sanctions contre le détachement illégal de travailleurs.
Vous le voyez, nous sommes loin du retour en arrière dénoncé par certains. Certaines dispositions, comme celles concernant le périmètre du licenciement économique ou le travail saisonnier, doivent encore être améliorées. Le travail parlementaire se poursuivra pendant plusieurs jours et je suis sûre, mes chers collègues, que notre débat sera à la hauteur de l’enjeu. Ce texte de progrès va modifier durablement les rapports sociaux dans les entreprises, en apportant de nouveaux droits à tous les travailleurs de notre pays.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Philip Cordery, au nom de la commission des affaires européennes.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mesdames les présidentes de commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est nécessaire. Dans une économie devenue plus dynamique et face à un chômage qui se maintient depuis plus de trente ans à un niveau trop élevé, il devenait indispensable de réformer notre marché du travail, à l’instar de ce qu’ont fait nos voisins européens.
Le rapport que j’ai présenté à la commission des affaires européennes procède à une analyse comparative des réformes engagées par nos principaux partenaires, qu’il classe en deux groupes : ceux qui ont mis l’accent sur la seule flexibilité pour libéraliser, comme ce fut notamment le cas au Royaume-Uni et en Espagne, et ceux qui, comme le Danemark, la Suède et plus récemment l’Italie, ont mis en oeuvre des politiques de flexisécurité, alliant souplesse pour les entreprises et une plus grande sécurité pour les salariés, avec un dialogue social rénové, souvent au plus près du lieu de travail.
L’action de notre majorité – et je salue particulièrement le travail réalisé par Mme la ministre, Mme El Khomri, et par le rapporteur, M. Sirugue – place clairement la France dans ce second groupe. Le présent projet de loi n’est en rien un projet de déréglementation du marché du travail. Il n’est ici question ni de « mini-jobs » ni de contrats « zéro heure ». Il s’agit bien d’un projet de loi équilibré alliant plus de visibilité pour les entreprises et une plus grande sécurisation des parcours professionnels, au travers notamment de la création du compte personnel d’activité, une des avancées majeures de ce texte.
Le 5 avril dernier, la commission des affaires européennes de notre assemblée, qui s’est saisie pour observation de ce projet de loi, a adopté, sur ma proposition, des conclusions visant à l’inscrire dans son contexte européen, afin de s’assurer de son ancrage dans la réalité de la mobilité européenne des travailleurs. Le CPA va permettre aux actifs, dans un contexte de mutation du travail et d’accroissement de la mobilité professionnelle, d’acquérir des droits qui seront attachés à leur personne et non plus à leur contrat de travail. C’est une bonne nouvelle. Il est maintenant important que ces droits puissent être maintenus, y compris en cas de mobilité à l’étranger.
Notre commission a estimé que notre pays devait engager une réflexion au niveau européen sur la portabilité du droit à la formation, élément aujourd’hui aussi essentiel pour les droits des salariés que le droit à l’assurance maladie, l’assurance chômage ou la retraite. En attendant, le texte que nous discutons devra quelque peu évoluer pour prendre en compte cette mobilité. Nous devrons nous assurer, par exemple, que l’acquisition de droits se fera même si le lieu d’exercice du contrat de droit français est situé à l’étranger, comme cela peut être le cas pour les travailleurs détachés, les frontaliers ou les apprentis qui effectuent leur formation pratique dans le cadre d’un programme d’échange.
Concernant l’utilisation des droits inscrits au CPA, il faudra s’assurer, d’une part, qu’ils seront utilisables pour effectuer une formation dans un autre pays européen, d’autre part, qu’un chercheur d’emploi affilié à un service public de l’emploi d’un autre État membre de l’Union pourra bien les faire valoir. Il nous faut en outre clarifier le lien entre la validation des trimestres de retraite dans le cadre du compte personnel de prévention de la pénibilité et la portabilité des droits à la retraite dans les autres pays de l’Union, conformément aux règlements européens de coordination, afin de s’assurer que ces trimestres seront bien validés en cas de départ à la retraite dans un autre pays membre.
Notre commission a en outre estimé que la plate-forme en ligne prévue à l’article 22 du projet de loi pourrait utilement voir son contenu étendu à l’information sur les droits à la mobilité européenne. Je présenterai des amendements sur tous ces sujets.
Deuxième point, les dispositions visant à renforcer la fraude au détachement des travailleurs sont évidemment les bienvenues, tant il s’agit d’une question importante sur laquelle notre pays est en pointe, que ce soit au niveau national ou dans les discussions européennes. Je voudrais ici saluer l’excellent travail de notre collègue Gilles Savary, dont l’amendement sur le détachement d’intérim a été adopté par la commission des affaires sociales : il permettra à la France d’être à l’avant-garde des États européens sur cette question. Désormais, un travailleur intérimaire sera employé aux mêmes conditions, qu’il relève d’une agence d’intérim française ou qu’il soit détaché en France par une agence de travail temporaire établie à l’étranger. Il s’agit là d’une avancée majeure.
Je me félicite enfin de l’introduction de la « garantie jeunes » dans le projet de loi, proposition défendue par le Président de la République, aussi bien en France qu’au niveau européen. Par cette mesure, comme par bien d’autres de ce texte, c’est la jeunesse qui est davantage soutenue et protégée.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, chers collègues, vous l’avez souligné avec force, madame la ministre, lors de votre audition devant la délégation aux droits des femmes : « le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes demande une mobilisation sans cesse réaffirmée ». Si les femmes représentent aujourd’hui près de la moitié de la population active, le monde du travail reste marqué par de profondes inégalités, notamment dans l’accès à l’emploi et l’insertion.
En effet, les taux d’activité des femmes sont encore souvent fonction de la configuration familiale, marqués notamment par les interruptions de carrière et l’inégal partage des tâches domestiques et des responsabilités parentales. Cependant le taux d’emploi des femmes continue de progresser malgré la crise économique. Il a même atteint 66,2 % en 2014. L’action volontariste du Gouvernement en faveur de l’insertion professionnelle des femmes a contribué à le faire progresser de plus d’un point en seulement deux ans.
S’agissant des inégalités dans l’emploi, faut-il encore rappeler que les femmes occupent 80 % des emplois à temps partiel, dont une part importante du temps partiel subi, et représentent environ deux tiers des travailleurs pauvres ?Faut-il également rappeler que, plus que d’autres, elles subissent les horaires atypiques et le travail émietté ? Par ailleurs, 27 % des femmes occupent des postes peu qualifiés, soit près de deux fois plus que les hommes, et plus de la moitié de l’emploi féminin se concentre sur une dizaine de métiers souvent peu valorisés.
Outre les « parois de verre » et le « plancher collant », les femmes sont aussi, encore et toujours, confrontées à un plafond de verre qui leur interdit l’accès aux postes à responsabilité, tout ceci ayant nécessairement un impact en termes de rémunération. Elles gagnent ainsi encore environ 19 % de moins que les hommes, même si les écarts de salaires diminuent deux fois plus vite en France que dans le reste de l’Union européenne, ce dont je me félicite. Cet écart s’est sensiblement réduit en France puisqu’il était de 29 % en 1991. Quelle lenteur tout de même ! À ce rythme il nous faudrait encore un demi-siècle pour parvenir à l’égalité salariale ! Qui pourrait ici s’en satisfaire ?
Je tiens également à évoquer les violences sexistes et sexuelles au travail, sur lesquelles l’attention de la délégation a été appelée au cours de ses travaux, même si des progrès importants sont intervenus, notamment depuis la loi de 2012, la loi du 4 août 2014, et plus récemment, l’insertion dans le code du travail de dispositions sur les agissements sexistes à la faveur de la loi Rebsamen du 17 août 2015. Nous le savons : tous les stéréotypes au travail ont la vie dure. Le milieu de l’entreprise n’échappe pas aux mécanismes sociaux qui empêchent les femmes de bénéficier des mêmes opportunités que leurs collègues masculins. Cela vaut également pour les violences faites aux femmes – harcèlement, discriminations, remarques et comportements sexistes.
Parce que les inégalités sont partout, il nous faut agir partout, en adoptant une approche nécessairement transversale et intégrée de l’égalité pour irriguer l’ensemble des politiques publiques. Depuis 2012, de nombreuses avancées importantes, porteuses de justice et de progrès social, sont intervenues. Nous les exposons dans le rapport que la présidente de la délégation, Catherine Coutelle, et nous-même avons présenté.
Il faut également que l’égalité professionnelle soit placée au coeur des discussions entre les employeurs et les salariés et du dialogue social dans l’entreprise. Lr rapport présenté le 5 avril dernier à la délégation aux droits des femmes, analyse l’ensemble des mesures du projet de loi sur lesquelles son attention avait été appelée, concernant les principes essentiels du droit du travail, les dispositions relatives au temps de travail, plus particulièrement le temps partiel, la réforme du dialogue social, compte tenu de ses impacts sur la négociation collective sur l’égalité professionnelle, le compte personnel d’activité, ainsi que le droit à la déconnexion, le télétravail et la médecine du travail.
Il nous a paru nécessaire de compléter ce texte sur plusieurs points, notamment sur la lutte contre les discriminations, harcèlements et agissements sexistes. Nous assumons de ne pas raisonner à droit constant et de vouloir défendre de nouveaux progrès, tout en ayant bien conscience, de ceux, nombreux, qui ont déjà été accomplis dans la période récente, parce que les femmes ont déjà bien assez attendu, dans l’histoire de l’humanité, dans cette longue marche vers l’égalité.
Comme le disait Simone de Beauvoir : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. » Aujourd’hui, une réforme importante nous est proposée en matière de droit du travail : elle doit être l’occasion de prolonger ces avancées et de continuer à faire progresser l’égalité réelle dans le monde du travail. La délégation a adopté trente recommandations qui vont dans ce sens et je me félicite que plusieurs amendements aient d’ores et déjà été adoptés en commission dans le prolongement de ces travaux. Je tiens à cet égard à rendre hommage au rapporteur, Christophe Sirugue, pour son écoute ainsi que pour le travail approfondi qu’il a réalisé, et à saluer la présidente Catherine Lemorton pour le caractère constructif des débats que nous avons pu avoir en commission.
Madame la ministre, je connais votre attachement personnel à la lutte contre les discriminations dans l’emploi et à l’égalité entre les femmes et les hommes. Je ne doute pas de l’attention que vous porterez aux autres améliorations ou compléments que nous proposons sur ce texte.
Oui, chers collègues, pour engager une réforme, nécessaire, du droit du travail, pour dessiner un juste équilibre entre flexibilité et sécurité, nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises, les actives et les actifs, et pour engager une modernisation du marché du travail, tout en prenant en compte la situation des plus précaires et sans remettre en cause ce qui fait l’essence et la force de notre modèle social, il faut du volontarisme et du courage politique.
Pour promouvoir les droits des femmes, faire progresser l’égalité réelle et lutter contre tous les conservatismes, il faut aussi du courage, voire une certaine forme d’obstination. « Le courage, disait Jean Jaurès, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel ». C’est précisément dans cet esprit que la délégation aux droits des femmes a mené ses travaux pour porter, ensemble, de nouveaux progrès pour les femmes, et, au-delà, j’en suis convaincue, pour l’ensemble de la société, parce que l’âme de la France, c’est l’égalité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
M. David Habib remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.
La parole est à Mme Monique Orphé, au nom de la délégation aux outre-mer
Monsieur le président, madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, madame la secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, chers collègues, ouvrir le champ de la négociation collective pour permettre un véritable dialogue entre les partenaires sociaux et développer la formation initiale et la formation professionnelle tout au long de la vie au travail sont deux axes politiques qui faisaient partie des engagements pris devant les électeurs, il y a quatre ans, par le candidat François Hollande. Ils traduisaient la volonté politique de mettre fin aux blocages qui, dans les outre-mer, comme partout en France, entravent le développement indispensable du dialogue social. Ils sont aujourd’hui le fondement du projet de loi dont nous entamons la discussion.
Sans la saisine de la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale, madame la ministre, les ultramarins auraient été, une nouvelle fois, les grands oubliés de la République, alors même que le texte les concerne directement. Je veux donc remercier non seulement Jean-Claude Fruteau, président de la délégation des outre-mer, qui m’a permis de mener ce travail, mais surtout vous, madame la ministre, d’avoir été à notre écoute pour discuter des spécificités propres à nos territoires.
Dans le cadre de cette saisine, j’ai d’abord déposé un rapport qui dresse l’état des lieux du dialogue social et du parcours des formations outre-mer. De ce rapport sont issus mes amendements. J’espère que, grâce à leur adoption, les avancées de ce texte profiteront pleinement aux partenaires sociaux et, surtout, aux actifs ultramarins. De manière générale, je voudrais souligner combien l’objectif gouvernemental de donner une plus grande place au dialogue social dans la définition des règles du droit social et de favoriser le passage d’une culture de l’affrontement à une culture du compromis et de la négociation trouve une résonance dans les départements d’outre-mer.
Développer le dialogue social dans les outre-mer impose, à notre sens, de revenir sur la loi Perben qui, en 1994, a décidé que les conventions collectives nationales ne seraient applicables outre-mer que si elles le stipulaient expressément. On prétendait ainsi favoriser le dialogue social local. L’échec est patent après vingt ans : peu de conventions collectives sont appliquées outre-mer, et quand elles le sont, elles ne sont pas adaptées en raison d’un manque de concertation avec les partenaires locaux. Ne pouvant rester dans le statu quo, nous proposons de renverser la règle et de favoriser ainsi le dialogue social ultramarin. C’est l’objet d’un amendement que j’ai déposé et qui a le soutien du groupe.
Cependant, cet amendement serait vide de sens, madame la ministre, sans la reconnaissance de la représentativité particulière des organisations syndicales qui exercent leur activité dans ces territoires et qui jouissent d’une audience certaine. Ce sera l’objet d’un autre amendement, soutenu notamment par le ministère des outre-mer.
Le taux de chômage ultramarin est hors-norme par rapport à la moyenne nationale malgré les bons résultats que nous avons connus depuis deux ans, notamment à la Réunion. Nous savons que seule une formation adaptée peut permettre aux chômeurs de remettre le pied à l’étrier. C’est pourquoi favoriser une telle formation est un enjeu prioritaire dans les outre-mer. De même, il faut prendre en considération que les conditions de travail évoluent et que le numérique met de plus en plus à l’épreuve les capacités d’adaptation des entreprises comme des salariés. Plus que jamais se vérifie la nécessité d’une formation continue tout au long de la vie. Des avancées très intéressantes figurent dans ce texte : je pense notamment à la mise en place du compte personnel d’activité.
Je me réjouis également que ce projet de loi consolide la « garantie jeunes », un dispositif qui a été expérimenté à la Réunion et qui a fait ses preuves. Son succès s’explique également, madame la ministre, par les moyen humains qui ont été déployés, notamment dans les missions locales qu’il convient de continuer à soutenir.
Enfin, pour réduire le nombre de chômeurs de longue durée et faciliter leur réinsertion, la délégation, par le biais de mon amendement, souhaite la reconnaissance à titre expérimental, pour ces personnes, d’un droit opposable à la formation. Par cette formule juridique, nous voulons tirer les conséquences d’un constat que nous faisons tous les jours : trop de personnes se retrouvent seules, sans accompagnement social, sans incitation à la formation et éloignées du monde du travail. Il faut une action volontariste pour casser le cercle vicieux du découragement et de la résignation. Je me réjouis vivement que la Réunion soit proposée comme territoire d’expérimentation de ce droit opposable à la formation pendant une année.
Tout au long de l’examen des articles, j’aurai l’occasion de revenir sur le détail des propositions qu’à mon initiative la délégation aux outre-mer a adoptées. Je remercie les collègues ultramarins, ainsi que les autres, qui les ont cosignés. Dès l’article 1er, la délégation demandera que la composition de la commission de refondation fasse droit à la spécificité de la situation sociale des outre-mer. Ce sera la première manifestation de l’espoir que notre débat traduise l’écoute et la reconnaissance des aspirations de nos territoires dans ce qui se présente comme la première étape de la refondation du droit du travail.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Jean-François Copé.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, lorsque, le 7 septembre 2015, il y a huit mois, le Président de la République a annoncé aux Français les principales mesures d’un projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, nous avons été un certain nombre à ne pas en croire nos oreilles !
Enfin, après trois années et demi de hausses de charges et de taxes, de contraintes nouvelles pour les employeurs comme pour les salariés, l’annonce d’un texte visant à moderniser le marché du travail sonnait comme une prise de conscience de la gravité de la situation ! Comment ne pas souscrire à l’idée d’un texte présenté, dans son exposé des motifs, comme engageant la « refondation de notre modèle social » ?
Beaucoup de députés, y compris à droite, s’en sont réjouis. Beaucoup d’entre nous – j’en fais partie, madame la ministre – ont relevé que l’avant-projet allait « dans le bon sens », ce qui, en langage diplomatique, en disait très très long sur notre ouverture d’esprit !
Et en toute logique, les mêmes, au sein du groupe Les Républicains – j’en étais –, annonçaient qu’ils étaient même prêts à voter ce texte.
« Oh ! » sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
À cela, une unique raison. Bien qu’étant dans l’opposition, nous n’avons qu’un objectif : faire tout ce qui est possible pour lutter contre le chômage…
…qui a pris des proportions catastrophiques depuis mai 2012. En effet, 1,1 million de personnes supplémentaires se sont inscrites à Pôle emploi, en catégories A, B et C, depuis l’entrée en fonction de François Hollande.
Alors, oui, nous étions prêts à voter ce texte, que nous espérions pragmatique, ambitieux et, surtout, tenant compte du monde d’aujourd’hui.
Il convenait de réformer un code du travail conçu pour les XIXe et XXe siècles, qui n’est évidemment plus du tout adapté au monde dans lequel nous vivons. D’abord, en effet, c’est un code de l’interdit, imaginé pour des rapports qui étaient autrefois – c’est-à-dire avant les grandes conquêtes sociales – totalement déséquilibrés, entre d’un côté un travailleur en situation de subordination, de l’autre un employeur qui pouvait tout et avait pour unique obligation de lui verser un salaire dont il déterminait seul le montant.
Sans remonter jusqu’à Jean-Jacques Rousseau…
… il s’agissait à cette époque de poser des interdits, assortis d’exceptions : il est interdit, sauf exception, de travailler à durée déterminée ; il est interdit, sauf exception, de travailler le dimanche ; il est interdit, sauf exception, de travailler la nuit. Cette logique de l’interdit par principe et de la liberté par exception fut un progrès et se justifiait indiscutablement au siècle dernier. Mais à force de se démultiplier pour s’appliquer à tous les sujets, elle est aujourd’hui totalement paralysante pour l’activité économique. L’initiative se trouve bridée, au motif qu’on continue à raisonner comme si les salariés et les employeurs étaient opposés, alors que leurs intérêts sont communs : adapter l’activité pour préserver l’emploi.
Tel qu’il existe aujourd’hui, le code du travail est un code du dialogue forcé, alors qu’il devrait être celui du dialogue libre dont seul peut sortir un accord. La situation est d’autant plus irréaliste que les PME et les TPE sont les grandes oubliées. Tel qu’il existe aujourd’hui, le code du travail est, en quelque sorte, un code du CAC40, qui impose d’appliquer aux TPE et aux PME des normes extrêmement rigides dont on sait pertinemment qu’elles ne sont pas adaptées à leur situation.
Murmures sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
C’est aussi un code qui ne traite que du salariat et néglige totalement la réalité actuelle du monde du travail, en particulier la situation des travailleurs indépendants. J’en profite pour déplorer que le Gouvernement n’ait pas pris à bras-le-corps le problème gravissime du RSI, pour lequel rien n’a été fait,…
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
…alors que tout le monde sait que cette situation met en difficulté les travailleurs indépendants !
Mêmes mouvements.
Je n’imaginais pas avoir visé aussi juste à propos du scandale du RSI !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Par ailleurs, on le sait tous, le code du travail est fait pour ceux qui sont dans l’emploi. Son objet principal est de protéger les salariés contre la perte de leur emploi. C’est évidemment un objectif légitime, sauf que, pour que le mettre en oeuvre, le code du travail a multiplié les dispositifs permettant de ralentir la procédure de licenciement ou d’empêcher l’employeur de licencier. Tout cela était compréhensible à l’époque du plein-emploi, mais nous sommes obligés de reconnaître qu’aujourd’hui, nous sommes passés de la protection à la surprotection.
Cela a entraîné deux effets pervers. D’abord, le marché du travail est totalement fermé à la sortie, de sorte qu’il se ferme à l’entrée et que les employeurs sont extrêmement réticents à embaucher. Deuxièmement, ces derniers n’ont plus confiance, ils sont gagnés par la frilosité. C’est pourquoi le code du travail constitue aujourd’hui une rigidité majeure qui explique le haut niveau du chômage en France.
Mes chers collègues, nous étions très intéressés par le texte initial, parce qu’il actait que les temps avaient changé.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Oui, le monde a changé. L’émergence de l’Asie, l’ouverture du commerce mondial et la révolution du numérique ont complètement bouleversé la réalité économique du monde, et donc de la France. Voilà pourquoi il fallait un consensus entre la droite et gauche pour réformer le marché du travail. Personne – surtout pas nos enfants – ne nous pardonnerait de rester immobiles et d’avoir la main qui tremble alors que nous avons le devoir de prendre des décisions courageuses.
Notre code du travail était fait pour les Trente Glorieuses ; il n’est absolument plus adapté à la situation d’aujourd’hui.
Voilà pourquoi nous étions tentés de voter cette réforme. Certes, l’avant-projet allait encore plus loin. Il était opportun de vouloir développer le dialogue social direct dans l’entreprise. Il était opportun de vouloir encadrer les indemnités prud’homales par un barème contraignant. Il était opportun de vouloir simplifier le recours à l’apprentissage. Hélas, toutes ces bonnes intentions ont été abandonnées en cours de route, dans une succession de reculades qui constituent un véritable cas d’école et qui expliquent que je défende, au nom de mes collègues et amis du groupe Les Républicains, cette motion de rejet préalable.
Rejet, d’abord, pour dénoncer la méthode désastreuse que vous avez utilisée, et qui est digne de figurer parmi les cas d’école de notre histoire politique : vous n’avez cessé de reculer. On nous présentait ce projet de loi comme une refondation, et voilà que, petit pas par petit pas, presque méthodiquement depuis le mois de février, le Gouvernement n’a cessé de reculer.
Les rares avancées qui subsistent sont, premièrement, la possibilité de conclure des accords de préservation et de développement de l’emploi, inspirés des accords offensifs défendus depuis des années par Gérard Cherpion ; deuxièmement, la clarification du licenciement économique. Le moins qu’on puisse dire, c’est que tout cela ne pèse pas très lourd face aux multiples reculades, à la surtaxation des CDD, qui est une monstruosité juridique et économique,…
…au retour au monopole syndical en matière de négociation collective, et à l’annonce du RSA jeunes…
…qui viendra combler la dernière case de l’assistanat que vous n’avez pas encore remplie.
Vous avez reculé sous la pression de la CGT, grande victorieuse dans cette affaire…
…dont l’attitude radicale a scandalisé les Français lorsqu’elle a osé assimiler, par le biais d’une affiche inacceptable, nos forces de l’ordre à des tortionnaires. Alors que pas moins de vingt-quatre policiers ont été blessés, dont plusieurs grièvement, jeudi dernier, cette affiche de la CGT fait honte à cette formation syndicale.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs de l’Union des démocrates et indépendants.
Paradoxe de l’affaire, le gros des troupes de la CGT est composé de fonctionnaires, qui ne sont pas très reconnaissants des 1,5 milliard d’euros d’augmentation de leurs rémunérations que vous venez de leur proposer
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
et qui, par définition, ne sont absolument pas concernés par la réforme du code du travail !
Vous avez également reculé sous la pression de l’UNEF, le syndicat étudiant du parti socialiste…
Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen
…qui revendique 19 000 adhérents, soit moins de 1 % de la population étudiante – dire que les jeunes sont dans la rue me paraît légèrement excessif. Les dirigeants de ce syndicat étudiant, qui n’ont absolument aucune expérience du monde du travail, ont été reçus avec les honneurs à Matignon et mis en situation de faire la leçon à des ministres de la République sans que personne s’en indigne !
Tout cela se faisait à gauche, pour la gauche, avec la gauche. C’était frais et printanier !
Vous avez enfin reculé sous la pression du mouvement « Nuit debout »,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains
qui multiplie les incivilités et les violences, notamment contre les forces de l’ordre, dans les lieux emblématiques des grandes villes de France, de Paris à Toulouse, et cela de manière illégale alors que nous sommes en état d’urgence ! Un mouvement dont les membres ont expulsé violemment un académicien de la place de la République car il avait le malheur de penser différemment. Je n’ai rien contre l’utopie, mais le sectarisme ne mérite pas d’avoir sa place dans la cité. Je regrette que la violence de ces comportements ait conduit l’État à se montrer ainsi faible et humilié. Je regrette que l’on donne autant d’audience à ces groupuscules dont l’importance numérique est en réalité très faible, et dont je rappelle à celles et ceux de la gauche de cet hémicycle qui se sont exprimés avant moi qu’ils sont systématiquement leurs alliés électoraux, lorsqu’il s’agit de gagner des élections à n’importe quel prix.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Et dire que le Gouvernement en est réduit à les supplier de ne pas boire d’alcool après vingt-deux heures ! C’est vous dire l’état de délabrement de l’autorité de l’État.
Résultat : d’un projet de loi qui avait pour objectif d’assouplir le marché du travail, nous sommes passés à une loi qui le rigidifie. On nous promettait la refondation : nous avons l’enlisement.
La loi El Khomri est devenue la loi CGT, la loi UNEF, la loi « Nuit debout ».
Un exemple symptomatique de ce non-sens, madame la ministre, la surtaxation des CDD, annoncée pour amadouer la CGT et l’UNEF, n’empêche ni les uns ni les autres de continuer à demander le retrait intégral de ce texte.
Et encore, mes chers collègues, nous avons échappé au pire ! Je le concède bien volontiers : il y a une reculade du Gouvernement que nous avons massivement approuvée. Vous vous étiez mis en tête, madame la ministre, d’introduire le communautarisme religieux dans le droit du travail.
Protestations sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous avons été un certain nombre, rejoints par des collègues radicaux de gauche, à tirer le signal d’alarme sur cette disposition. Je rappelle que l’article 1er de l’avant-projet de loi prévoyait d’introduire un préambule du code du travail dans lequel seraient énoncés les « principes essentiels du droit du travail », notamment le principe suivant : « la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses, ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés […]. » Il revenait donc à l’employeur de justifier son opposition.
On imagine les risques considérables que comportait cette disposition pour un certain nombre d’entreprises, alors même que nous souhaitons y sécuriser le climat social !
Madame la ministre, nous avons été quelques-uns à vous alerter sur les conséquences de cet article, au travers d’une question que je m’étais permis de vous poser, de manière extrêmement respectueuse.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Vous aviez alors jugé utile de me répondre par l’invective. Vous aviez expliqué que j’affabulais, que je stigmatisais, soit les termes codés qu’on emploie classiquement quand on ne veut pas voir les problèmes qui se posent au-delà du périphérique. Or je constate que la commission, dans sa sagesse, et à l’initiative de votre majorité, a considéré que l’introduction du fait religieux en entreprise, telle que vous la proposiez, était effectivement dangereuse. Cette disposition a donc été supprimée.
J’ai observé que vous n’en demandiez pas le rétablissement : j’en ai donc déduit que vous pensiez, au fond de vous, que la droite n’avait peut-être pas complètement tort. Dans un moment d’égarement, vous voudrez peut-être bien m’adresser un mot aimable sur ce point…
…pour me dire combien vous aviez regretté les propos si durs que vous m’aviez adressés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
En résumé, mes chers collègues, de reculade en reculade, à force de compromis, le projet de loi que nous examinons ne comporte rien de ce qui était annoncé. Ce texte et ce débat vont même à contresens !
J’ajoute une inquiétude supplémentaire, une inquiétude majeure…
…qui plaide en faveur de l’adoption de cette motion de rejet avant qu’il ne soit trop tard. Nous avons appris que près de cinq mille amendements avaient été déposés. Parmi ces cinq mille amendements, il y a sans doute des amendements de grande qualité, notamment venus de l’opposition pour contribuer au débat.
Mais enfin, il y a aussi beaucoup d’amendements venant de la gauche, et même de la gauche de la gauche, et même peut-être de la gauche de la gauche de la gauche.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Autant vous dire, mes chers collègues, que je crains le pire pour notre environnement économique et pour l’emploi. Je prédis que ce débat va devenir un long tunnel dont le pire peut sortir. Sur ce point, je veux dès à présent vous mettre en garde, madame la ministre. S’il devait sortir de ce texte un dispositif multipliant les carcans supplémentaires pour nos entreprises, je ne donne pas cher de la situation de l’emploi en France. Sur ce sujet, ce n’est pas tant l’avenir de M. Hollande qui nous préoccupe que celui de millions de Françaises et de Français dont l’emploi va être condamné par des rigidités de nature idéologique absolument contraires à l’intérêt supérieur de notre pays.
… mais dans une seule direction : la liberté – quel gros mot ! Où qu’ils se trouvent, les Français nous le disent : « Vous, les responsables politiques, occupez-vous un peu plus de votre coeur de métier – le régalien, la sécurité –, et laissez-nous plus de liberté en économie ! Nous demandons moins de normes, moins de contraintes, moins de charges. Nous demandons à ne plus être pointés du doigt à chaque fois que nous créons, à chaque fois que nous innovons, à chaque fois que nous prenons des risques ! »
En d’autres termes, cela veut dire quelques idées simples : rendre la parole aux salariés, simplifier, favoriser l’apprentissage, prévoir l’emploi de demain.
C’est exactement ce à quoi nous nous emploierons si cette motion de rejet n’est pas votée. Ce que les orateurs du groupe Les Républicains défendront à travers les amendements qu’ils ont déposés, ce sont des propositions de bon sens et qui devraient être adoptées.
C’est le bon sens que de permettre, comme nous le proposons avec Jean-Charles Taugourdeau, le référendum d’entreprise généralisé, madame la ministre, pour mettre un terme au système aberrant qui permet à un syndicat de faire obstacle à la volonté de 96 % des salariés d’une grande enseigne de parfumerie de travailler de nuit pour une majoration de 100 % des heures travaillées entre vingt et une heures et minuit : alors que 96 % des salariés avaient voté en faveur de ces dispositions, tout a été organisé ensuite pour empêcher leur mise en oeuvre.
Redonnons de la liberté ! Il faut donner aux chefs d’entreprise qui le souhaitent la possibilité de poser directement par référendum à leurs salariés, sans obligation préalable de consulter les syndicats souvent minoritaires, une question qui serait tranchée à la majorité simple.
Je sais que cette position novatrice n’est pas partagée par tous. Commençons au moins, comme le propose notre groupe, par donner la possibilité à l’employeur, en l’absence de délégué syndical, salarié mandaté ou salarié élu, de soumettre directement par référendum des projets d’accord à des salariés.
Le bon sens commande aussi de modifier ou supprimer les dispositions trop complexes et par conséquent nuisibles à l’emploi. Isabelle Le Callennec et Gérard Cherpion l’évoqueront concernant les fameux seuils auquel, encore une fois, vous n’avez pas osé toucher. Portons à vingt-et-un salariés le seuil entraînant l’obligation de désigner un délégué du personnel. Portons de cinquante à cent salariés le seuil pour un délégué syndical. Mettons en place un moratoire de trois ans en cas de franchissement des seuils de onze et cinquante salariés. La question des seuils est un vieux serpent de mer, il serait insensé que nous ne trouvions pas une majorité sur ce point !
C’est le bon sens encore que de nous inspirer de ce qui marche ailleurs, en particulier en Allemagne pour ce qui concerne l’apprentissage.
Gérard Cherpion propose de passer d’un régime de dérogation à un régime de déclaration pour pouvoir aligner le temps de travail de l’apprenti sur celui de son tuteur dans la limite de quarante heures hebdomadaires pendant seize semaines maximum.
Réintroduire la formation « d’apprenti junior » – cher Christian Jacob – qui permet aux élèves d’entrer en CFA dès quatorze ans.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Relever de vingt-cinq à trente ans l’âge maximal pour conclure un contrat d’apprentissage.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
On voit qu’il y a bien longtemps que vous n’avez pas regardé la réalité du terrain.
Rires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Puisque vous en parlez, permettez-moi de dire combien j’ai regretté qu’ait été à ce point exaucée la volonté de vos amis de l’UNEF de littéralement saboter les quelques mesures que vous aviez prévues pour les apprentis. Cela m’a rappelé que les étudiants de l’UNEF ne fréquentaient vraiment pas le monde de l’apprentissage ! Sans doute sont-ils trop intelligents pour cela !
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ils se sont bien peu préoccupés de l’avenir de ceux de nos jeunes qui souhaitent avoir un métier et trouver un emploi.
Bon sens enfin que de prévoir l’emploi de demain, c’est-à-dire la pluriactivité. J’ai entendu Mme Lemorton évoquer tout à l’heure les quarante années passées en CDI dans une même entreprise. Vous avez raison, madame Lemorton, c’est un sujet qui est sur toutes les lèvres et dans tous les esprits dans notre pays. Chacun a bien compris que l’explosion du numérique nous a vraiment fait entrer dans le XXIe siècle. La pluriactivité n’est plus un tabou dans le monde réel, même s’il l’est encore dans une partie de cet hémicycle.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il ne l’est plus en France, y compris parmi des gens qui votent pour votre famille politique.
La pluriactivité, c’est pouvoir faire plusieurs métiers pour avoir plus d’activité, plus de revenus et vivre autrement. L’idée que l’on doive tous vivre de la même façon, nivelés en haut et sur les côtés, ne plus pouvoir bouger, est totalement contraire à ce qu’est devenu le XXIe siècle et à ce que la France attend.
Voilà pourquoi je suis favorable à l’attribution à chaque jeune, dès ses seize ans, en même temps que son numéro de sécurité sociale, un numéro d’inscription au registre du commerce, un numéro de Siret.
Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Cette idée, à laquelle nous avons travaillé avec Jean-Charles Taugourdeau, est très simple : elle vise à ce que chaque jeune qui le souhaite puisse travailler, découvrir à n’importe quel âge le monde du travail et même créer son entreprise.
Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
C’est un message que chacun peut entendre.
Bien sûr, nous proposerons la suppression du compte pénibilité, de la durée minimale du temps de travail de vingt-quatre heures par semaine et de la surtaxation des CDD – autant de surenchères folles et irresponsables.
C’était sans doute l’occasion d’une réforme en profondeur du monde du travail et elle est d’ores et déjà manquée. C’est la raison pour laquelle je vous appelle à voter cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ce texte est une illusion sur l’objectif, c’est une illusion sur le fond et c’est une illusion sur les effets. Depuis huit semaines déjà, la discussion s’est déplacée dans les médias, sur les réseaux sociaux, et dans la rue. Et pour quels résultats ? Un texte qui ne correspond plus à ses objectifs, qui ne donne pas non plus satisfaction à ceux auxquels on a fait tant de concessions et qui continuent de manifester et de commettre des actes de violence insupportables.
« Eh oui ! sur les bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
C’est une situation que nous avons malheureusement déjà connue avec votre Gouvernement : quatre mois de discussions parlementaires sur un projet de révision constitutionnelle que l’on nous présentait comme vital, indispensable, essentiel, avant qu’il soit abandonné au motif que finalement, il ne l’était plus ; quatre mois perdus en vaines invectives, chronique d’un échec annoncé. Voulons-nous renouveler cette expérience ?
Voulons-nous encore une fois participer à une mascarade alors que, nous le savons, ce projet de loi est malheureusement d’ores et déjà l’exemple type d’une occasion manquée pour notre pays.
Au fond, pourquoi ce projet de loi s’est-il trouvé totalement vidé de sa substance ? Je voudrais soumettre à votre méditation, madame la ministre, trois raisons et autant de leçons pour l’avenir, mes chers collègues.
D’abord, ce projet de loi est à l’exact opposé du programme électoral sur lequel François Hollande a été élu.
Il a été élu en indiquant qu’il avait un ennemi. Pour François Hollande, cet ennemi n’était pas le chômage, ce n’était même pas les terroristes : à l’époque, c’était la finance.
Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Moyennant quoi, trois ans et demi après, le voilà soudain devenu soudain libéral.
Je ne comprendrai décidément jamais pourquoi les hommes politiques devenus chef d’État sont à ce point obsédés par l’idée de séduire ceux qui n’ont jamais voté pour eux.
Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
C’est bien, il y en a qui suivent.
Ensuite, ce projet de loi a été lancé beaucoup trop tard : les réformes les plus importantes, madame la ministre – et la réforme du marché du travail en est une – doivent, pour être acceptées et produire des effets rapides, être adoptées dès le lendemain de l’élection.
Or ce projet de loi est présenté au Parlement à peine un an avant la fin du mandat. Compte tenu de la navette parlementaire et du temps de rédaction des décrets d’application, il entrera en vigueur au moment de la prochaine élection présidentielle, au mieux. Retenons de ce fiasco une leçon : les grandes réformes doivent être adoptées dans les premières semaines qui suivent l’élection présidentielle par ordonnances, de sorte que l’essentiel du quinquennat doit être consacré à les appliquer, à les évaluer et à les ajuster le cas échéant.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Ainsi, la République devient efficace et retrouve l’obligation de résultat.
Enfin, troisième raison qu’il nous faut méditer pour la discussion à venir, ce projet de loi est devenu le symbole de l’effondrement de l’esprit de commandement. Un Président de la République ballotté entre les différents courants de sa majorité, qui rechigne à décider alors que c’est le propre de sa fonction sous la Ve République…
…mais qui préfère commenter et expliquer que ça va mieux, dans un pays où près de six millions de personnes sont inscrites à Pôle emploi, c’est un désastre politique.
D’un texte qui aurait pu être une chance pour l’emploi, nous sommes arrivés à un texte qui va aggraver la situation : un texte qui rigidifie un droit du travail qui est déjà le plus complexe d’Europe ; un texte qui alourdit un coût du travail qui est déjà le plus élevé d’Europe ; un texte qui est le fruit de reculades successives qui minent l’autorité de l’exécutif et donnent la part belle à des organisations extrémistes qui ont choisi de défendre l’intérêt d’une minorité au mépris de l’intérêt général.
En conscience, pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande d’adopter cette motion de rejet préalable en ayant à l’esprit que, dans un an, nous pourrons proposer aux Français un projet courageux et porteur, enfin, d’une formidable espérance !
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Huées sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. André Chassaigne.
Je demande une suspension de séance de quinze minutes pour réunir mon groupe avant les explications de vote.
Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures quinze.
La séance est reprise.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Yves Albarello, pour le groupe Les Républicains.
Madame la ministre, vous l’aurez compris, la loi que vous nous présentez aujourd’hui est mauvaise et ne réglera en rien la maladie mortelle qui ronge notre pays depuis des année, à savoir le chômage, comme l’a si bien dit notre collègue Jean-François Copé en défendant sa motion de rejet préalable. Pratiquement tous les pays européens – l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Autriche, les Pays-Bas et l’Italie – ont réglé le problème du chômage. Il suffit, pour le vérifier, de consulter le site de l’OCDE. Nous sommes parmi les derniers cancres à traîner un taux de chômage aussi élevé et une durée moyenne de chômage plus longue qu’ailleurs.
Comment vouloir mener la bataille de l’emploi pour inverser la courbe du chômage en proposant à notre assemblée un texte aussi médiocre ? Pourquoi vouloir faire compliqué quand on peut faire simple ? Pourquoi ne pas appliquer ce qui marche ailleurs ?
Madame la ministre, le rêve de tout entrepreneur n’est pas de licencier, mais d’avoir l’effectif qui corresponde le mieux à son activité. Les entreprises rechignent à embaucher, à cause d’une législation étouffante qui les en dissuade, alors que notre pays compte plus de six millions de chômeurs. Malheureusement, ce n’est pas votre projet de loi qui va résoudre ces problèmes, car nous sommes très loin de la vraie réforme du marché du travail que les Français attendent.
Nous pouvons légitimement nous poser la question. Renoncez maintenant à ce texte et retirez-le, comme vous l’avez fait pour la déchéance de nationalité.
Madame la ministre, le groupe les Républicains votera donc cette motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Quelle belle idée que la flexisécurité, qui va permettre à l’entreprise d’essayer de s’adapter au monde dans lequel nous vivons, qui évolue avec la technologie et la mondialisation tout en essayant de conserver la sécurité pour les salariés et même – pourquoi pas ? – de l’améliorer en leur permettant d’évoluer dans leur carrière.
Pourtant, madame la ministre, votre texte ne va pas du tout dans ce sens. Il a malheureusement été expurgé des éléments de flexibilité pour l’entreprise – on l’a vu avec la deuxième mouture et, malheureusement, en commission. Comme vous le savez, l’enfer est pavé de bonnes intentions : les bonnes intentions, ce sont des pavés qui ont été mis dans le sac à dos des entreprises et qui leur vaudront d’être encore moins compétitives demain.
Malheureusement, votre texte ne va pas du tout dans le sens que nous espérions. La méthode que vous avez utilisée n’est pas non plus la bonne : vous avez essayé de pratiquer un dialogue social bilatéral entre le Gouvernement et chacune des parties, au lieu de vous efforcer de respecter l’article 1er du code du travail en cherchant à les faire discuter tous ensemble autour d’une feuille de route afin qu’ils se mettent d’accord.
Ce texte est complètement déséquilibré. Vous avez des opposants à droite, à gauche et jusque dans votre propre majorité…
…ce qui prouve combien ce texte divise.
L’UDI votera la motion de rejet préalable, non pas parce que ce texte est inconstitutionnel, mais parce que vous divisez les Français et que vous les jetez dans la rue, parce qu’ils sont contre et parce que vous n’avez pas de majorité.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains. – Exclamations sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Nous allons voter cette motion de rejet préalable parce que nous pensons qu’il est temps de refaire un texte qui aille dans le sens de la véritable flexisécurité.
Mêmes mouvements.
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Nous entendons les arguments de l’opposition mais le groupe des radicaux de gauche et apparentés s’opposera bien évidemment à cette motion de rejet préalable.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Nous évoquons en effet ce projet de loi depuis plusieurs mois déjà et la discussion s’est engagée peu après la publication du rapport Combrexelle, à l’automne dernier. Est maintenant venu le temps de nous pencher vraiment sur l’étude de ce texte, tant la réforme du code du travail paraît nécessaire, et même indispensable. Même si ce texte comporte quelques lacunes, il est aujourd’hui indispensable de mettre ce sujet au coeur de nos débats.
Voter une telle motion de rejet reviendrait à écarter de nos discussions un enjeu majeur pour nos concitoyens. Il apparaît primordial que nous ayons ces échanges. Notre devoir est de représenter nos concitoyens qui rencontrent quotidiennement ces problématiques dans le monde du travail. Par conséquent, le renvoi de ce texte reviendrait à ignorer complètement un débat que tous les députés du groupe RRDP jugent nécessaire. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera contre cette motion de rejet.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Si la majorité du groupe écologiste est opposée à la philosophie qui a présidé à la rédaction de cette loi, une partie d’entre nous ne votera cependant pas cette motion de rejet préalable, dont l’adoption signifierait le retour au statu quo. Nous ne participerons donc pas au vote sur cette motion.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Le parti écologiste est un parti de progrès, réformateur, qui souhaite une réforme du droit du travail en phase avec le XXIe siècle, sans s’arc-bouter sur l’état du droit actuel.
Mêmes mouvements.
Oui, une réforme est nécessaire, mais pas celle-ci.
C’est pourquoi – je le dis dès à présent –, une partie de notre groupe votera en revanche pour la motion de renvoi en commission, afin de travailler à une réforme du code du travail utile à la fois aux entreprises et aux salariés. Il faut remettre l’ouvrage sur le métier, via la commission des affaires sociales.
Ce que les écologistes proposent, par réalisme et par conviction, c’est d’aller dans la direction inverse de ce projet de loi. Nous avons besoin d’une réforme du droit du travail, mais d’une réforme qui protège mieux les salariés et les vrais-faux salariés de l’économie collaborative, une réforme qui renforce la présence des salariés dans les conseils d’administration. Voilà ce qu’il nous faut.
Enfin, nous tenons à exprimer dès maintenant notre inquiétude quant au respect du travail parlementaire et du vote de l’Assemblée. La menace de l’utilisation par le Gouvernement de l’article 49-3 de la Constitution plane depuis l’annonce de cette réforme. Nous aimerions donc entendre la ministre s’engager au respect du pouvoir législatif, en excluant clairement le recours à cette procédure.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur Copé, vous ne nous avez pas franchement convaincus ! Ce texte ne mérite vraiment pas les excès et les caricatures avec lesquels vous en parlez.
Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.
Vous évoquez également une nécessaire réforme du code du travail __ que, soit dit en passant, vous n’avez pas faite entre 2002 et 2012 __ et vous semblez regretter avec une formidable sincérité cet avant-projet que vous auriez, dites-vous, voté avec enthousiasme. Permettez-moi d’en douter, tant vous avez déjà pratiqué cette stratégie très politicienne, qui ne trompe plus personne.
J’ai eu par moments l’impression d’assister, avec un peu d’avance, à un débat des primaires des Républicains.
Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. __ Protestations sur de nombreux bancs du groupe Les Républicains.
C’est un programme, et je crains que vous n’ayez beaucoup de mal à trouver sur ce côté de l’hémicycle les vingt parrainages qui vous seront nécessaires.
Je vous le dis avec conviction : ce texte va dans le bon sens __ celui qui consiste, en fluidifiant le marché du travail, à donner une chance aux trop nombreux demandeurs d’emploi par le préalable qu’est le rétablissement de la confiance entre partenaires sociaux.
Il confirme du reste le rôle de la loi sur les fondamentaux : pour ce qui concerne les trente-cinq heures, le contrat à durée indéterminée et le SMIC, rien ne bouge. Pour le reste, il fait confiance __ car tel est le maître mot __ aux partenaires sociaux, à la négociation collective et au dialogue social dans l’entreprise. Il va dans le sens de la démocratie sociale que nous appelons de nos voeux depuis 2012.
Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.
D’ailleurs, au-delà des postures du moment, ce dialogue social existe, avec la signature de plus de 36 000 accords d’entreprise. Pour ceux qui s’en inquiètent, ce dialogue au plus près du terrain sera encadré par la nécessité d’un accord majoritaire dans l’entreprise, ce qui permettra d’éviter toute dérive. À défaut d’accord, le droit actuel s’appliquera.
Comment ne pas mettre en avant la formidable aventure que représente le compte personnel d’activité ? Avec des droits propres qui le suivront tout au long de sa vie professionnelle, le salarié bénéficiera de plus de sécurité et d’opportunités pour évoluer dans son parcours précédent, de droits renforcés à la formation professionnelle, d’une reconnaissance de la pénibilité et d’une valorisation de l’engagement citoyen : voilà un progrès social indéniable.
Ce texte va dans la bonne direction en démontrant que la nécessaire flexibilité est compatible avec la tout aussi nécessaire sécurité des salariés. Il prend en compte la réalité du monde tel qu’il est aujourd’hui. C’est pourquoi, au nom de mon groupe, je propose de rejeter cette motion de rejet préalable, pour en venir au fond du texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 312 Nombre de suffrages exprimés: 305 Majorité absolue: 153 Pour l’adoption: 105 contre: 200 (La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)
J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Les Républicains une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.
Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, permettez-moi de noter en préambule que vous n’avez trouvé aucun argument à opposer à la motion de rejet préalable de notre groupe. Sans doute vous réservez-vous pour répondre aux amendements de suppression des députés de votre majorité et pour tenter de convaincre ceux d’entre eux qui ne soutiennent toujours pas votre texte.
Chers collègues, nous examinons un projet de loi visant à instituer plus de libertés et plus de protections pour les entreprises et les actifs. Un projet de loi qui suscite les oppositions que l’on sait et les violences que, j’espère, nous condamnons sur tous ces bancs. Un projet de loi dont les chapitres devraient faire consensus. Je les rappelle : refonder le droit du travail et donner plus de poids à la négociation collective ; favoriser une culture du dialogue et de la négociation ; sécuriser les parcours professionnels et construire les bases d’un nouveau modèle social à l’ère du numérique ; favoriser l’emploi.
À en juger par les slogans des manifestations organisées pour exiger le retrait de ce projet de loi, ces objectifs ne sont toujours pas unanimement partagés dans notre pays. Il semblerait même que la lutte des classes fasse toujours recette au XXIème siècle.
Pour ce qui vous concerne, madame la ministre, j’ai, à l’inverse, le sentiment que vous avez pris la mesure de la situation et recherchez les voies et moyens d’enrayer la première des inégalités dans notre pays : je veux bien sûr parler du chômage.
Pour mémoire, 6 millions de personnes sont inscrites en catégories A, B et C.
Et c’est d’abord à elles que je pense, alors que s’ouvrent nos débats, deux jours après le 1er mai, fête du travail.
Mais si je vous sais gré de tenter, à un an de la présidentielle, de sauver le quinquennat de François Hollande, je constate qu’il peut y avoir loin de la coupe aux lèvres au vu des évolutions du texte depuis la fuite de la première version dans un quotidien, fuite probablement organisée à dessein. On recherche toujours le coupable !
Nombre de modifications peuvent en effet être relevées entre un avant-projet qui semblait recevoir un accueil positif de ceux qui créent les emplois dans notre pays – je veux citer les chefs d’entreprise – et le texte que nous examinons aujourd’hui. À tel point que l’espoir, même infime, des chefs d’entreprise, et notamment de PME et de TPE, que cette loi favorise leur développement est aujourd’hui déçu. Ils évoquent une énième loi pour rien ; ils notent que les freins à l’embauche demeurent.
Ils en évoquent l’accumulation : le niveau des charges sociales et fiscales, la complexité administrative, l’inadéquation entre l’offre et la demande dans les bassins d’emploi, le défaut de mobilité professionnelle et géographique des chômeurs, les erreurs d’orientation des jeunes, les rigidités du marché du travail… Ils évoquent aussi le code du travail qui compte, tenez-vous bien, 3889 pages et 10 500 articles, quand nul n’est censé ignorer la loi !
Force est de constater, à ce stade, que les chefs d’entreprise doutent de la capacité de ce texte à leur donner plus de libertés. La perspective de revenir au plein emploi, qui devrait pourtant être notre obsession à tous, s’éloigne à mesure que les choix courageux ne sont pas faits. Certains de nos voisins européens, y compris parmi vos amis politiques, ont entrepris des réformes radicales et en ont d’ores et déjà récolté les fruits. Ainsi, entre mi-2013 et mi-2015, la France a créé 57 000 emplois, quand l’Allemagne en créait 482 000 et l’Espagne 651 000.
Aux Républicains, nous avons travaillé sur ces questions, nous avons fait des propositions au cours d’une convention le 30 septembre dernier.
Ce sont ces propositions que nous aurions souhaité faire partager en commission, d’où – j’y viens – cette motion de renvoi. Un renvoi non pas à la commission des affaires sociales, mais à une commission spéciale…
…qui réunirait des députés de la majorité et de l’opposition siégeant aux affaires sociales, bien sûr, mais aussi aux affaires économiques, au développement durable, aux finances et même aux affaires européennes, puisque le texte comporte des dispositions sur le travail détaché et que l’éclairage de nos collègues s’avérerait utile.
La commission des affaires économiques, pour ne citer qu’elle, a bien été saisie, mais seulement pour avis – n’est-ce pas, monsieur le rapporteur ? – et son avis a été bien peu suivi. Je reste pourtant convaincue, à la suite de nos courts débats en commission des affaires sociales – trois jours seulement début avril, 27 petites heures – que nous n’avons pas assez approfondi le texte à l’aune des évolutions de notre économie.
Notre collègue Pascal Terrasse a remis un rapport au Premier ministre sur l’économie collaborative et le bouleversement opéré par ce qu’il est convenu d’appeler « l’ubérisation » de la société. Comme je cite l’un d’entre vous, permettez-moi de faire la promotion des miens ! Nos candidats aux primaires de la droite et du centre, ceux qui réfléchissent à un projet alternatif à proposer aux Français, intègrent dans leur réflexion cette révolution profonde, ce changement de paradigme, ce nouveau rapport au travail et ses conséquences sur les relations sociales.
Notez, chers collègues, que le titre du projet de loi a changé depuis sa genèse. Il était question à l’origine des salariés et non des actifs, ni d’ailleurs des actifs-ves. Nous y reviendrons, car notre collègue Gilles Lurton a une proposition à vous faire à ce sujet. Mais manifestement, vous n’avez pas vu que le titre du texte avait changé…
Si véritablement celui-ci entend s’adresser aux salariés, aux
indépendants et aux chômeurs, il doit absolument tenir compte du contexte dans lequel il s’inscrit – pour mémoire, un chômage de masse, une croissance faible et, madame la ministre, le paradoxe des 300 000 offres d’emplois non pourvues, la mondialisation – vous l’avez citée, monsieur le rapporteur – et la transformation numérique.
Voilà déjà une première bonne raison de renvoyer le texte en commission.
Je souhaiterais en évoquer quatre autres.
En première intention, le Gouvernement avait annoncé une refonte du code du travail. Nous nous en réjouissions. J’avais même, dans mes rêves les plus fous, imaginé repartir d’une page blanche et le réécrire avec le souci de la lisibilité et de l’efficacité. Une mission avait donc été confiée à M. Badinter, qui édictait soixante et un principes. L’idée de réaffirmer les normes sociales fondamentales, à respecter par les chefs d’entreprise et les salariés, droits et devoirs, nous semblait aller dans la bonne direction. Pour nous, c’était le préalable, et tout le reste devait être renvoyé au dialogue social, au plus près des entreprises ou dans les branches. Ces principes trônaient en bonne place dans la loi « version 1 », puisqu’ils faisaient l’objet du premier article. Si j’emploie l’imparfait, c’est parce qu’ils n’y figurent plus, et que l’article 1 d’une loi censée instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections se résume désormais à la création d’une commission d’experts qui sera chargée de réécrire le code du travail dans les deux ans. Or ce n’est pas aux experts de décider, mais bien aux politiques.
Et nous avions là une bonne occasion d’examiner les principes essentiels du droit du travail, un par un, afin de les consacrer dans le code, par la loi. Nous aurions constaté que certains font consensus : dignité dans le travail, respect de la vie privée, égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, obligation du contrat de travail, droit à rémunération et à formation, sécurité et protection des salariés, nécessité de justifier un licenciement…
Nous aurions aussi noté que certains principes sont plus discutables, s’agissant des droits collectifs ou du contrôle administratif. Nous aurions surtout discuté, et décidé du sort de l’article 6 qui devait s’intégrer au préambule du code du travail, avant le chapitre préliminaire – cet article qu’a évoqué notre collègue Jean-François Copé, qui reconnaît la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses. Les situations où la question se pose se multiplient, et les chefs d’entreprise que nous rencontrons attendent des politiques qu’ils prennent position. Le groupe les Républicains assume et, même si cet alinéa ne figure plus dans le texte, a déposé un amendement qui réaffirme que les restrictions visant à réglementer le port de signes et les pratiques manifestant une appartenance religieuse sont légitimes, dès lors qu’elles sont justifiées par la neutralité requise dans le cadre des relations avec le public ou le bon fonctionnement de l’entreprise.
Voilà donc une deuxième bonne raison de renvoyer le texte en commission.
J’en aurais une troisième. Au cours de nos débats en commission des affaires sociales, nous avons débattu de la redéfinition de l’architecture du dialogue social, avec la primauté de l’accord d’entreprise, que nous souhaitons…
Sourires
…et le nouveau rôle de la branche en tant que régulateur. Nous nous sommes exprimés sur les accords de préservation ou de développement de l’emploi, en faveur desquels notre collègue Gérard Cherpion milite depuis de longs mois. Nous avons affiné les règles relatives aux accords majoritaires. Pour notre part, nous estimons qu’en cas d’accord à 30 %, l’initiative d’un référendum doit aussi revenir au chef d’entreprise. Nous sommes favorables aux accords-type de branche, si les entreprises de moins de 50 salariés en décident en toute liberté. S’agissant des branches, nous insistons pour que les principes affirmés par sept partenaires sociaux interprofessionnels le 28 janvier dernier soient mis en oeuvre dans les meilleurs délais possibles. Vous avez évoqué, madame la ministre, la fusion et la diminution du nombre des branches.
Nul doute que nous aurons des débats nourris sur la définition du licenciement économique, même si je rappelle que la première cause d’inscription à Pôle emploi n’est pas le licenciement économique, mais la fin du CDD ou de la mission d’intérim. Nous manifesterons certainement nos désaccords sur le mandatement ou encore la taxation des CDD, qui sont d’ailleurs déjà surtaxés. On ne peut pas se réjouir d’une baisse, le mois dernier, du nombre de chômeurs inscrits en catégorie A, constater que c’est probablement parce qu’ils ont effectué quelques heures de travail dans le mois et ont donc glissé en catégories B et C, et imaginer un seul instant pénaliser les entreprises qui embauchent en ayant recours au CDD : elles représentent plus de 70 % des recrutements.
N’est-ce pas mieux que rien ? Certes, les CDD ne sont pas le meilleur passeport pour accéder au logement et aux crédits – et je pense particulièrement aux jeunes sans aucune solidarité familiale –, mais ils sont assurément un premier pas vers l’emploi plus durable. Nier la réalité, c’est leurrer les Français, qui d’ailleurs ne sont pas dupes. Dire la vérité, c’est apporter 50 % de la solution aux problèmes.
Tous ces sujets, et d’autres, comme celui de la santé au travail ou encore le travail détaché, sont traités dans le texte. Je me permets d’énumérer les plus saillants, car je ne suis pas certaine que ceux qui prétendent que les Français sont hostiles à toute réforme du marché du travail aient pris la peine comme nous, chers collègues, de les examiner au fond. Ce dont je suis certaine, c’est que les chefs d’entreprise qui ont pris le soin de le faire ne s’y retrouvent pas, après un passage en commission des affaires sociales où nous avons examiné un millier d’amendements – tous repoussés pour ceux déposés par le groupe les Républicains.
La discussion qui s’ouvre aujourd’hui risque de fâcher encore un peu plus ceux, de plus en plus nombreux, qui doutent de la capacité des hommes et des femmes politiques à prendre les bonnes décisions. En effet, j’observe que la période des vacances parlementaires a particulièrement inspiré certains de nos collègues de la majorité, minoritaires dans la majorité – c’est du moins ce que nous allons voir au fil de l’examen des plus de 5000 amendements déposés. Des amendements qui s’éloignent encore un peu plus de l’esprit des quatre chapitres du texte que j’ai rappelés au début de mon intervention, des amendements que nous allons découvrir en séance, sans les avoir travaillés en commission, des amendements de fond, y compris du rapporteur ou du Gouvernement.
Au moment où le Président de la République ne pense plus qu’à sa réélection…
…et multiplie les annonces démagogiques, le pire est à craindre. 1000 amendements examinés en commission, près de 5000 à examiner en séance, après un examen express – et totalement absurde –, au titre de l’article 88, de quelques centaines d’entre eux en quinze minutes. Il y a là un motif sérieux au renvoi en commission.
Enfin, je citerai une quatrième raison de remettre l’ouvrage sur le métier. Il nous est souvent reproché de ne pas mesurer l’impact des lois que nous votons au Parlement. Même si je reconnais au rapporteur et aux administrateurs le mérite d’avoir réalisé une étude d’impact, désormais obligatoire pour les projets de loi, il reste que vous n’êtes pas allés assez loin dans la mesure des conséquences de la création de ce que vous qualifiez de nouveau droit social, le compte personnel d’activité ou CPA.
Les embryons de débats que nous avons eus en commission sur la mise en oeuvre concrète de ce CPA me confortent dans l’idée que ses contours sont toujours aussi discutables – et discutés – et que son caractère opérationnel est loin d’être prouvé. À ce jour seraient composantes du CPA le CPF, le C3P et le CEC. Mettez-vous une seconde à la place de ceux qui nous écoutent peut-être. Quel jargon ! Pour quelle réalité ?
Le CPF, c’est le compte personnel de formation. Il a été créé par la loi sur la formation professionnelle du 5 mars 2014. Que des droits à la formation soient attachés à la personne plutôt qu’à son statut ne nous choque pas, bien au contraire. Si l’objectif est bien celui d’opérer les transitions professionnelles et de former davantage ceux qui en ont le plus besoin, nous sommes parfaitement d’accord. Il faudra simplement s’assurer que les formations débouchent sur des emplois et que le plan « 500 000 personnes en formation » ne soit pas juste un artifice pour faire basculer les demandeurs d’emploi en catégorie D. Je fais confiance pour ma part aux présidents de région de nos amis qui veilleront à ce risque réel. Je sais qu’ils sauront associer les représentants des entreprises à la définition de l’offre des formations, qu’ils sauront travailler à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au niveau de leur territoire et qu’ils feront la promotion de l’alternance, voie royale d’accès à l’emploi.
J’en viens à présent au C3P, dont vous n’avez pas beaucoup parlé. Il s’agit du compte personnel de prévention de la pénibilité, créé par la loi du 20 janvier 2014 sur l’avenir du système de retraite. Il fait l’objet de toutes les critiques, car il se révèle impossible à mettre en oeuvre dans nombre d’entreprises, il est coûteux et source de contentieux. Le fait que des branches professionnelles, et non des moindres – je pense par exemple au bâtiment – continuent de se heurter à ce qui s’apparente à une véritable usine à gaz, est bien le signe que ce dispositif ne passe pas l’épreuve du bon sens. Les tentatives de concertation avec les partenaires sociaux ou autres missions d’accompagnement des branches n’y changent rien. Le plus raisonnable reste, pour nous, de sortir ce compte pénibilité du compte personnel d’activité et d’obtenir un moratoire sur son application. Cela ne signifie en rien abandonner un objectif…
…que nous avons apparemment en partage, celui de la bonne santé des salariés au travail. Quand je dis que nous l’avons en partage, je rappelle que c’est la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, alors que Nicolas Sarkozy était Président de la République et François Fillon Premier ministre, qui a institué les premières mesures consacrées à la prévention de la pénibilité, tout en complétant le dispositif de compensation de la pénibilité. L’opposition d’alors ne l’avait pas votée.
Le CPA, c’est donc le CPF, le C3P et le compte d’engagement citoyen. Si nous sommes les premiers à considérer que l’engagement citoyen doit être encouragé et valorisé dans notre pays, nous restons pour le moins sceptiques face à la liste des engagements énumérés pour figurer dans ce compte, qui est loin d’être exhaustive. Nous nous interrogeons sur le type de droits ouverts : s’agit-il seulement de droits à la formation ? Est-ce ce que demandent ceux qui s’engagent ? N’y a-t-il pas d’autres moyens de valoriser cet engagement, via des autorisations d’absence, par exemple ? Autant de questions que nous n’avons pas suffisamment explorées, qui mériteraient de l’être, dans ce texte ou, d’ailleurs, dans celui qui nous est annoncé sur la citoyenneté. Si j’ajoute à cela la possibilité évoquée en commission – et ici même précédemment – de la fongibilité potentielle de ces trois comptes, le souhait de nos collègues d’y ajouter à terme le compte épargne temps et, pourquoi pas, les droits à l’indemnisation du chômage, vous admettrez – du moins je le souhaite – qu’un renvoi en commission pourrait s’avérer très utile.
Je vais vous libérer, comme il faudrait libérer le travail dans notre pays ! En conclusion, disais-je, j’espère vous avoir convaincus, chers collègues, qu’un renvoi en commission – je précise bien en commission spéciale – nous serait utile à tous. Nous pourrions même expérimenter à cette occasion une idée, dont je vous laisse retrouver l’auteur, qui consiste à voter les lois avec les décrets afférents. De fait ce texte renvoie à pas moins de cent décrets. Voilà une raison supplémentaire de voter ce renvoi !
Chers collègues, vous qui doutez, vous qui vous opposez, vous qui voulez travailler plus et mieux, laissez-vous tenter par le vote de cette motion de renvoi en commission très spéciale.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi de plusieurs demandes d’explications de vote.
La parole est à M. Rémi Delatte, pour le groupe Les Républicains.
Madame la ministre, mes chers collègues, on est en droit de s’interroger : de quel texte sommes-nous censés débattre ? De celui, résolument réformateur, que vous aviez transmis au Conseil d’État, ou de l’une des trois versions qui se sont ensuite succédé, voire de la quatrième dont le Premier ministre a dessiné les contours en cédant aux organisations dites de jeunesse ?
Madame la ministre, vous aviez annoncé une grande réforme qui refonderait en profondeur notre code du travail et redonnerait de l’agilité aux entreprises, leur permettant de créer de l’emploi durable et, ainsi, d’inverser plus sérieusement la courbe du chômage que cela ne pourrait être fait par des radiations ou des stages. Comme l’a bien montré Isabelle Le Callennec, nous adhérions à cette idée plutôt ambitieuse, qui offrait des réponses sociales, économiques et sociétales. Nous partions d’une base intéressante. Hélas, jour après jour, vous avez fait preuve de renoncement. Renoncement sur la liberté de chaque salarié et de chaque entrepreneur à organiser, en toute autonomie, le temps et les conditions de travail. Renoncement sur l’indispensable souplesse dans les relations sociales, qui ne se font jamais mieux qu’entre les acteurs de l’entreprise eux-mêmes, et au sein desquelles vous comptez faire entrer des syndicats, qui ont montré, au cours des derniers jours, leur incapacité à mener des actions de contestation dans le calme et la raison.
Face à des oppositions inévitables jusque dans votre propre majorité, vous nous proposez aujourd’hui un texte qui va à contre-courant de ce que le monde économique demande, qui plus est sans jamais servir l’emploi, dans une conjoncture que votre politique fragilise toujours davantage. Certes, les débats en commission n’auront pas été complètement inutiles, puisque, comme l’a rappelé Isabelle Le Callennec, nous sommes revenus sur les soixante et un principes issus du rapport Badinter ainsi que sur la clarification du licenciement économique. En revanche, l’examen du texte a conduit à une ribambelle de nouveaux reculs pour satisfaire une majorité socialiste bien improbable.
Maintenant, vous semblez envisager, madame la ministre, de nouvelles modifications substantielles à ce texte puisque, comme on l’a vu il y a un instant, vous renoncez, tout au moins pour l’instant, à le retirer. Au moins, madame la ministre, respectez le Parlement ! Laissez-le retravailler votre projet, en prenant le temps, dans le cadre d’une commission spéciale qui conjuguerait ainsi tous les champs d’intervention de ce projet de loi. N’imposez pas à la représentation nationale les conséquences de votre impréparation, érigée, il est vrai, en méthode de gouvernement. Renvoyez le texte en commission spéciale, comme le demande la motion de renvoi défendue par notre collègue Isabelle Le Callennec, que le groupe Les Républicains votera et vous invite à voter.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Comme je le disais précédemment, ce texte aurait pu être une occasion d’avancer sur la flexisécurité, de donner aux entreprises les moyens de se développer et de répondre à la concurrence étrangère, qui se fait de plus en plus forte, tout en essayant de maintenir, de sauvegarder, voire même de développer la sécurisation des parcours professionnels.
Malheureusement, ce texte constitue maintenant une sorte de fourre-tout, dans lequel on retrouve non seulement un peu de sécurité du salarié – et encore, on se demande parfois comment ce sera applicable –, presque plus de flexibilité, mais beaucoup de petites mesures, à côté, qui n’ont rien à voir avec la flexisécurité et qui vont alourdir à nouveau le coût du travail dans l’entreprise. On le sait bien, malheureusement, ce texte ne comporte pas de dispositions sur l’allégement du coût du travail et, notamment, sur le financement de la protection sociale par d’autres moyens que les charges pesant sur le travail.
Madame la ministre, vous le savez, le groupe UDI s’efforce d’être constructif, d’avancer pour que ce texte serve à quelque chose. De fait, en l’état actuel, il me paraît contreproductif et je crains qu’il ne le demeure. Il faudrait revenir en commission pour travailler sur les dispositions qui n’induisent aucun progrès pour l’entreprise. Les entreprises ont en effet besoin de flexibilité, de pouvoir s’adapter à l’évolution de la technologie, de la concurrence, de la mondialisation. Or, l’ensemble des mesures que vous proposez, issues soit de la deuxième mouture de votre texte, soit du débat en première lecture en commission – j’espère qu’il y aura une deuxième lecture en commission – sont allées dans le sens du salarié et ont diminué la flexibilité de l’entreprise, notamment de la PME.
Vous le savez, les PME, en France, sont plutôt petites au regard de leurs homologues européennes. Elles devraient pouvoir se développer ; il faut leur donner les moyens de le faire. La méthode consistant à revenir en commission pour accorder plus de flexibilité à l’entreprise permettrait de sauver l’idée de la flexisécurité.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Le groupe des radicaux de gauche et apparentés ne désire évidemment pas renvoyer ce texte en commission. En effet, notre excellent rapporteur a auditionné un grand nombre d’associations, de syndicats, d’organisations patronales, d’acteurs du monde du travail, et notre commission s’est également consacrée plusieurs jours durant à l’examen de ce texte. Le temps est donc enfin venu que l’ensemble des parlementaires se penche sur le sujet, et non pas uniquement les commissaires aux affaires sociales. Nous sommes d’accord sur le fait que plusieurs dispositions demeurent perfectibles. C’est la raison pour laquelle nous pensons qu’il est temps de passer à la discussion générale, à l’étude des multiples amendements qui ont été déposés sur ce projet de loi. Notre travail consiste, dès lors, à réécrire en partie ce texte, afin qu’il réponde mieux aux attentes de nos concitoyens.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Comme l’a dit Eva Sas dans son explication de vote sur la première motion de procédure, elle votera, à l’instar d’une partie de notre groupe, cette motion de renvoi en commission. Pour ma part, avec plusieurs de mes collègues écologistes réformistes, nous voterons contre, car nous souhaitons que le débat se poursuive, qu’il ne soit ni interrompu ni retardé. En effet, si l’on renvoie en commission, on sait très bien que l’examen du texte sera, de fait, reporté à une date lointaine.
Je voudrais faire part, en particulier à la ministre, de notre état d’esprit à l’égard de ce texte. Par rapport à la première version, qui n’était qu’un avant-projet de loi, le Premier ministre et vous-même, madame la ministre, avez travaillé, discuté, et même, pourrait-on dire, négocié avec un certain nombre d’organisations syndicales de salariés, ce qui a entraîné des modifications substantielles du projet de loi, qui vont, à nos yeux, dans le bon sens. Le travail accompli en commission, notamment sous la houlette du rapporteur, Christophe Sirugue – nous avons pour notre part proposé un certain nombre d’amendements – a encore fait évoluer le texte. Sans doute, d’ailleurs, – du moins le souhaitons-nous – d’autres amendements seront non seulement discutés mais adoptés lors de l’examen au fond du texte, article par article, qui va bientôt débuter.
J’évoquerai à ce stade de la discussion deux sujets. En premier lieu, nous affirmons d’ores et déjà que nous soutenons le principe de la négociation d’entreprise. De fait, à l’échelle de l’entreprise, des dizaines de milliers d’accords sont négociés et signés chaque année. Il faut suivre cette logique pour que nos entreprises soient plus performantes. En deuxième lieu, nous soutenons le compte personnel d’activité, qui est l’un des autres piliers de ce texte. Ce dispositif jette les bases de quelque chose qui s’apparente à ce que certains ont appelé la Sécurité sociale professionnelle. Cela rejoint en tout état de cause l’idée que les salariés ont des droits qu’ils peuvent conserver tout au long de leur carrière professionnelle, même s’ils ne restent pas dans la même entreprise, avec le même employeur. Sur ces sujets comme sur beaucoup d’autres, nous considérons que ce texte va dans le bon sens, même s’il mérite encore d’être amendé, et nous participerons au débat dans cet état d’esprit constructif dès qu’il pourra commencer. C’est pourquoi nous souhaitons que cette motion de renvoi en commission ne soit pas adoptée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Nous venons d’assister, avec la présentation de ces motions par le groupe Les Républicains, à un véritable jeu de dupes. En effet, la droite était favorable à ce projet de loi avant les premières modifications et, sur le fond, elle l’est toujours autant. De fait, réformer le code du travail pour faciliter les licenciements, réduire les droits des salariés, diluer leur possibilité de recours auprès du juge des prud’hommes, augmenter la flexibilité sont des objectifs qu’elle partage avec le MEDEF.
Néanmoins, rien n’a changé sur le fond ; tous les points essentiels ont été maintenus au service du patronat.
Jean-François Copé déclarait même, le 22 février, et il y a encore quelques instants – je le cite : « Ce sont des mesures que la droite aurait peut-être dû appliquer plus tôt ». Décidément, nous ne partageons rien de cette approche.
Pourtant les députés du Front de gauche vont voter cette motion de renvoi en commission.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.
Pourquoi, mes chers collègues ? Pour des motifs évidemment diamétralement opposés au contenu qui vient d’être exposé. Ce que nous exigeons, en effet, comme des millions de Françaises et de Français, c’est le retrait pur et simple de ce texte.
Une éminente personnalité de cette assemblée déclarait avant-hier que ce projet de loi, parce qu’il était contesté par le MEDEF et par la CGT, était un texte équilibré. Quel dommage d’en être réduit à une vision aussi simpliste ! La réalité c’est que, à quelques exceptions près, ce projet de loi est largement contesté. Les jeunes, les étudiants, les salariés, les Français dans leur grande majorité et même les patrons de PME et de TPE le contestent.
En effet, il remet en cause une grande partie du modèle social de notre pays et déséquilibre un peu plus encore que ne l’avait fait la loi dite de sécurisation de l’emploi le rapport de force entre les salariés et les employeurs.
Alors oui, nous nous prononcerons pour un retour en commission, afin de permettre à chacun de mieux prendre conscience des dangers de cette réforme et de travailler sur des propositions alternatives progressistes, ouvertes, de nature à sécuriser l’emploi et la formation, les conditions de travail, la place des organisations représentatives du personnel, des propositions de nature à protéger la santé des salariés et à développer le pouvoir d’achat.
Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Le groupe Les Républicains, par la voix de Mme Le Callennec, demande le renvoi du projet de loi en commission. Mais pour quoi faire, madame Le Callennec ?
Pour quoi faire, alors même que le débat en commission a bien eu lieu ? Les débats se sont déroulés durant vingt-sept heures, et chacun a pu prendre la parole. J’y étais, et il n’y a pas eu de frustrations particulières à cet égard. Je remercie d’ailleurs la présidente de la commission, qui a parfaitement dirigé ces débats.
En outre, ce texte a fait l’objet d’améliorations significatives en commission…
… que nous pourrons apprécier au cours de son examen en séance. Il a trouvé son équilibre, c’est un bon texte.
Pour reprendre les propos de M. Charroux, si ce texte est contesté à la fois par le MEDEF et par la CGT, c’est que nous sommes parvenus à un bon équilibre.
C’est un bon texte, parce qu’il prend en compte le monde du travail tel qu’il est, et surtout tel qu’il n’est plus. Nous sommes confrontés à des bouleversements majeurs liés à la montée en puissance du numérique, à l’émergence de nouvelles formes d’emploi, à la multi-activité au cours d’une carrière professionnelle. Ces réalités peuvent être qualifiées d’heureuses ou de malheureuses, mais les gouvernants ne peuvent les ignorer plus longtemps. C’est pourquoi cette réforme du code du travail est nécessaire.
C’est aussi un bon texte parce qu’il permet aux entreprises, en particulier aux PME et aux TPE, de s’adapter plus rapidement aux aléas du marché, qu’ils soient positifs ou – hélas ! – négatifs. C’est au coeur même de l’entreprise, en renforçant le dialogue sur les conditions de travail, que se joue, parfois très vite, la survie ou le développement de celle-ci. Et les salariés restent maîtres de leur sort, car il faudra un accord majoritaire.
C’est un bon texte, enfin, parce qu’il pose les fondements de la sécurité sociale professionnelle : au cours de son examen, il sera démontré que plus de flexibilité n’est pas incompatible avec plus de sécurité.
Ce texte est la suite logique et cohérente des textes adoptés par notre majorité depuis quatre ans. La loi relative à la sécurisation de l’emploi, la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, la loi relative au dialogue social et à l’emploi sont de bons textes, et c’est dans cette lignée que s’inscrit le présent projet de loi. C’est la raison pour laquelle, au nom de mon groupe, je vous demande de rejeter cette motion pour en venir à l’essentiel.
Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 278 Nombre de suffrages exprimés: 276 Majorité absolue: 139 Pour l’adoption: 99 contre: 177 (La motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.)
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures vingt.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée doit se prononcer sur ce texte dans un climat social tendu. Il l’est dans la rue, tout d’abord. Les manifestations s’enchaînent et s’enracinent. Les riverains de la place de la République passent de nombreuses nuits debout contre leur gré et n’en peuvent plus !
Les violences inadmissibles contre les forces de l’ordre se font de plus en plus agressives. Une grande majorité des partenaires sociaux, représentant les salariés comme les employeurs, s’oppose au texte. À ce titre, le respect de l’article L. 1 du code du travail est plus que discutable. Vous vous abritez, madame la ministre, derrière une lettre de septembre 2015 faisant suite au rapport Combrexelle. Toutefois, les partenaires sociaux n’ont pas été saisis sur les orientations de votre projet de loi et moins encore sur ses principales mesures. Le syndicat Force ouvrière a d’ailleurs annoncé qu’il se réserve le droit de saisir la justice. Le non-respect des partenaires sociaux et du dialogue social serait-il un énième renoncement du candidat Hollande ?
Le climat est également tendu dans notre hémicycle. En tout, 5 284 amendements ont été déposés dont près de 2 400 par le groupe GDR. Le groupe socialiste en a déposé 1 356 dont la plupart signés de M. le rapporteur, ce qui montre bien la fragilité de votre texte et les incertitudes que suscite son cheminement législatif.
Les députés issus du FN ont déposé vingt-neuf amendements, ce qui est assez faible. Ils feraient mieux de venir dans cet hémicycle au lieu de parcourir les estrades pour y faire de grandes déclarations. Enfin, rarement un texte aura connu autant de reculades. Entre la première version du texte et la troisième issue de la commission, il y a un gouffre qui va encore s’élargir. Qu’avons-nous entendu hier ? Qu’il manquerait une quarantaine de voix pour que ce projet de loi soit adopté par l’Assemblée nationale. Ainsi, le texte devra s’ouvrir vers la gauche de cet hémicycle et encore reculer. Les organisations représentatives des employeurs ont déjà annoncé être déçues par la version actuelle du texte. Pourtant, madame la ministre, s’il vous manque une quarantaine de voix, vous pouvez regarder vers notre côté. Avec l’UDI, nous représentons plus de 220 voix. Revenez à la première version de votre texte, prenez en compte nos observations et vous ferez voter ce texte sans recourir au 49-3 !
Je doute toutefois du courage, non du vôtre mais de celui du gouvernement auquel vous appartenez pour aller dans ce sens. Pourtant, je vous assure que votre projet de loi ne mérite pas tout cet émoi. Certes, il modifie de nombreux points de notre code du travail mais, dans sa version actuelle, il n’aura que bien peu d’impact sur notre pays et notamment sur son redressement. C’est bien là son défaut. Alors que vous partiez d’une bonne intention, que je crois honnête, le Président de la République et le Premier ministre ont repris la main sur ce sujet et ont rédigé à coups de tractations un texte de congrès du parti socialiste avec le triste résultat que l’on connaît !
Certains points vont cependant dans la bonne direction. Je me félicite, comme Jean-François Copé, de la suppression des principes de la commission Badinter qui émettaient un très mauvais signal, notamment l’alinéa 6 relatif au fait religieux dans l’entreprise.
Je suis bien évidemment favorable aux accords de préservation et de développement de l’emploi que je propose par voie d’amendement depuis trois ans. Jusqu’à présent, ma proposition a toujours été rejetée.
Je me réjouis qu’elle soit reprise par le Gouvernement. Je tiens toutefois à revenir sur le motif de licenciement, qui ne doit pas être un motif économique mais un refus personnel. Les accords de maintien dans l’emploi procédaient d’une bonne idée. Néanmoins, très peu d’accords ont été conclus, non seulement en raison de leur caractère complexe mais aussi parce qu’ils viennent souvent trop tard pour l’entreprise. Pour cette raison, nous devrions mettre en place leur version offensive.
Lorsqu’une entreprise est confrontée à des difficultés économiques, il faut qu’elle puisse s’adapter le plus rapidement possible.
Cette proposition donne des armes à nos entreprises pour survivre et ce dans le plein respect des salariés. J’évoquerai ici l’article L. 1 222-8 du code du travail créé par la loi Aubry du 19 janvier 2000, qui retient bien le motif personnel. Eu égard à la notoriété et aux qualités de Mme Aubry, nous pourrions adhérer à ce même sentiment et poursuivre dans la même voie en reprenant l’article L. 1 222- 8, ce qui aurait également l’avantage de regrouper trois articles en un seul au profit de la simplification du code du travail.
Enfin, il importait de clarifier le licenciement économique. Une partie des demandes de notre groupe a été reprise. Je suis toutefois dubitatif sur la constitutionnalité de la déclinaison des critères par taille d’entreprise, même si je suis bien entendu favorable à cette mesure.
D’ailleurs, le Conseil constitutionnel a censuré la barémisation des indemnités prud’homales en raison de leur déclinaison par taille d’entreprise. Vous pourrez certainement nous éclairer sur ce point, madame la ministre. Deux autres points posent problème, la création d’un nouvel effet de seuil alors même que nous devons tout faire pour les supprimer et le périmètre retenu pour définir les licenciements économiques. Nous sommes le seul pays au monde à retenir le périmètre international. Ainsi, lorsqu’une filiale française est en déficit alors qu’à l’échelle internationale le groupe est à l’équilibre, elle ne peut pas licencier. Cette mesure est totalement dissuasive pour les entreprises et les investissements étrangers dans notre pays. Une entreprise réfléchira à deux fois, voire trois, avant d’investir en France et s’installera plutôt dans un pays voisin !
À tout cela s’ajoutent les nombreuses reculades qui ont suivi la publication de la première version du texte. La suppression de la barémisation des indemnités prononcées aux prud’hommes est un très mauvais signal. Nous revenons au barème indicatif prévu par la loi Macron alors que le barème contraignant était essentiel, notamment pour les petites entreprises. En effet, certaines indemnités prononcées par les conseils de prud’hommes sont susceptibles de mettre en péril leurs activités et de mener à d’autres licenciements. De nombreux employeurs limitent ainsi leurs embauches par crainte de devoir un jour se séparer de l’un de leurs salariés. Nous devons redonner confiance aux créateurs d’emploi, ce à quoi le barème contraignant participait indirectement.
Quant à la généralisation du mandatement à tous les domaines de négociation prévus par le code du travail, elle aura aussi un effet négatif sur le dialogue social dans les petites entreprises où de nombreux accords sont conclus entre l’employeur et les salariés. Rendre le mandatement obligatoire signifie qu’un salarié négociant avec l’employeur doit obligatoirement être accompagné par un syndicat, ce qui tendra très souvent les relations à l’intérieur même de l’entreprise.
Cette mesure va à l’encontre de la philosophie du texte qui était censé donner une plus grande place au dialogue social et le faciliter. Enfin, l’apprentissage est un des grands perdants de l’évolution du texte. Au lieu de mettre en place une simplification en la matière, il rigidifie encore le recours à cette voie de formation qui est pourtant une voie de formation d’excellence. Je souhaite que nous en revenions à un régime de déclaration en lieu et place du régime d’autorisation en matière d’horaires et de durée hebdomadaire du travail de l’apprenti. Le compte personnel d’activité demeure un bel emballage pour des dispositifs de droit qui existent déjà.
Je m’inquiète davantage des modifications apportées en commission. Ainsi, le compte personnel d’activité, initialement destiné aux actifs, sera dorénavant ouvert aux retraités jusqu’au décès du porteur. Nous verrons bientôt refleurir des « formations macramé » comme la préparation à la randonnée ou à la croisière destinées aux retraités. Soyons sérieux : en termes de dépenses publiques, je doute que cette extension soit utile alors que la France compte six millions de demandeurs d’emploi. C’est un détournement de l’objectif initial. Cette nouvelle mesure purement électoraliste vient compléter le catalogue des cadeaux actuellement accordés en vue de 2017 qui n’honore pas votre majorité, madame la ministre !
À tout cela s’ajoutent des inquiétudes relatives au sous-financement et à la fongibilité des droits du compte personnel d’activité, notamment en raison du compte pénibilité. Pensez-vous qu’au moment de l’embauche d’un nouveau salarié l’employeur ne lui demandera pas l’état de ses droits portables et fongibles ? Ainsi, les salariés qui en ont beaucoup seront lésés dans la recherche d’un emploi, en particulier les seniors. Vous allez aggraver le chômage d’une partie de la population, madame la ministre ! Vous auriez dû maintenir la première version de votre texte et le discours que vous avez prononcé tout à l’heure laissait entendre que vous souhaitez y revenir, ce dont je me réjouis.
De reculade en reculade, il s’est éloigné des avancées sociales et économiques dont il aurait pu faire bénéficier notre pays. Mentionnons en outre tout ce qui n’est pas prévu par le projet de loi mais en découle directement. Pour tenter de calmer le mouvement des jeunes et des étudiants, le gouvernement a accordé de nouveaux droits dont une aide à la recherche d’un premier emploi, une revalorisation et une extension des bourses, une garantie locative universelle et l’extension de la CMU complémentaire, soit plusieurs centaines de millions d’euros pour l’UNEF avec pour résultat la poursuite du mouvement ! Et au lieu de condamner les violences avec la plus grande fermeté, le président de l’UNEF préfère pointer du doigt nos forces de l’ordre, ce qui est intolérable ! Ainsi, votre projet de loi non seulement n’apporte pas les modifications nécessaires à la réforme de notre marché du travail mais constitue un pas de plus vers l’assistanat de la jeunesse qui ne le souhaite pas et mérite bien mieux que cela.
Votre détermination devrait être tournée vers l’action pour apporter aux jeunes l’accompagnement nécessaire à leur entrée dans le monde du travail dans les meilleures conditions. Ainsi, la taxation des CDD déjà appliquée depuis 2014 a montré son inefficacité et ne fera qu’écarter les jeunes du monde du travail. Vous comprendrez, madame la ministre, que notre groupe ne pourrait voter ce texte qu’à la seule condition qu’il revienne au plus près de sa version initiale et que soient pris en compte les amendements que nous avons déposés à cet effet et qui sont bien moins nombreux que ceux du parti socialiste.
Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, ce texte visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs soulève de nombreuses critiques. Il arriverait tardivement, quatre ans après le début du mandat, un an avant l’échéance du quinquennat.
Et pourtant, il faut rappeler qu’il a été précédé par de nombreux textes sur la sécurisation de l’emploi en 2013, sur la formation professionnelle, l’emploi et la démocratie sociale ainsi que sur le développement et l’encadrement des stages en 2014, et sur le dialogue social et l’emploi en 2015. Il faut le reconnaître, il fallait bien un quinquennat pour amener l’ensemble de ces réformes et aboutir au texte que nous examinons aujourd’hui !
Nous devons quand même être interpellés par l’ampleur prise par la contestation. Elle s’est exprimée, tant sur les réseaux sociaux, avec cette fameuse pétition que l’on ne peut écarter d’un simple revers de la main, même si le procédé interroge, que dans la rue. La position des partenaires sociaux a évolué, certains d’entre eux ayant décidé de soutenir le texte après que des modifications ont été apportées ; mais celles-ci ont braqué le patronat, pourtant acquis à la première version du texte.
Ce projet de loi aura eu le mérite de réveiller les consciences et démontré que nos concitoyens, bien qu’ils se détournent peu à peu des élections et rejoignent le camp de l’abstention, sont malgré tout intéressés par la politique. À cet égard, les événements qui se déroulent depuis plus d’un mois, chaque nuit, dans plus d’une soixantaine de villes, doivent nous questionner. On peut critiquer la méthode et on doit condamner fermement les violences d’une minorité constituée de casseurs. Mais on ne peut fermer les yeux sur le mouvement de « Nuit Debout », qui reste une agora, un forum politique hors de nos enceintes parlementaires. Finalement, la démocratie se construit par le peuple, pour le peuple.
Et chaque nuit, que nous disent ces jeunes ? Ils nous disent qu’ils ont peur ; qu’ils ont peur pour leur avenir ; qu’ils ont peur de ne pouvoir vivre décemment, de ne pouvoir survivre, allant de stages en stages et de CDD en CDD. Ils ont peur parce que leurs diplômes ne les forment pas ou plus forcément à un emploi stable et pérenne. Ils ont peur parce qu’avec un CDD, les banques, les assurances et les bailleurs se méfient d’eux ; l’obtention d’un prêt pour l’achat d’un logement leur devient très difficile. Leur futur leur semble tout, sauf un long fleuve tranquille.
Ces craintes sont légitimes. Le chômage de nos jeunes concitoyens est élevé. Les perspectives d’avenir sont assombries, alors que nous avons une jeunesse dynamique, qui veut réussir. Face à ces débats et à ces discussions, nous devons écouter ce qui se dit et ce qui se fait.
C’est après des semaines de déclarations, de pas en avant et de pas en arrière, de chantage, notamment – il faut le dire – de la part du MEDEF, que nous nous apprêtons à examiner ce texte en séance. On pourrait évoquer l’erreur, d’ailleurs reconnue par le Premier ministre et vous-même, madame la ministre, que constitue le manque de communication et d’explication autour de ce projet de loi.
Et ce n’est pas le compte Twitter de La loi Travail qui aura aidé à apaiser les choses ! Il faut beaucoup de pédagogie sur un tel texte, et elle a probablement manqué.
Disons-le, ce texte contient des avancées ! Le groupe des radicaux de gauche et apparentés reconnaît que la situation actuelle concernant le code du travail est compliquée, tant pour les TPE et PME que pour les salariés, qui peuvent se perdre dans la lecture d’un code du travail devenu parfois illisible et n’aidant pas à la compréhension de leurs droits. Il fallait donc simplifier et dépoussiérer le code du travail, tout en protégeant les salariés, leurs droits et leurs devoirs, sans rogner les possibilités et les libertés, pour les employeurs, de développer leurs entreprises et de créer de l’emploi. C’est cet équilibre qu’il est difficile de trouver.
Nous sommes satisfaits que l’article premier ait été largement amendé et vidé de son contenu pour ce qui est de l’alinéa 11, relatif aux questions de laïcité.
Alors que l’article 2 réécrit la totalité des dispositions du code portant sur la durée du travail, l’aménagement et la répartition des horaires, le repos quotidien, les jours fériés et les congés payés, nous avons bien noté la volonté du Gouvernement de mettre en avant la négociation en entreprise. Toutefois, le champ de l’entreprise ne nous semble pas être le plus pertinent. En effet, cette prévalence sur l’accord de branche risque de favoriser le dumping social, la dérégulation de la concurrence et les situations d’inégalités entre les salariés en fonction de l’entreprise à laquelle ils appartiennent. En outre, il s’avérera difficile pour les TPE et les PME, dépourvues de services administratifs, de rédiger de tels accords. Nous défendrons des amendements visant à maintenir une limite de douze heures travaillées par jour.
L’article 3 assure pour chaque congé spécifique une distinction claire entre les droits à congés relevant de l’ordre public, non négociables, et les dispositions qui peuvent faire l’objet de négociations, pour plus de souplesse d’organisation au sein de l’entreprise. Toutefois, nous nous étonnons que les dispositions supplétives soient presque systématiquement fixées par décret en Conseil d’État, le Parlement se voyant ainsi dépossédé de ses prérogatives.
Le groupe des radicaux de gauche et apparentés est également très satisfait d’avoir fait adopter en commission l’article 3 bis, qui reprend la proposition de loi qu’il a présentée lors de la journée d’initiative parlementaire en mars. Ainsi, la période de protection légale contre le licenciement pour les mères à l’issue de leur congé maternité est portée de quatre à dix semaines. De plus, l’extension de cette période de protection s’applique également au second parent, qui en bénéficie à compter de la naissance de l’enfant, ainsi qu’aux parents adoptants. Cela est très positif.
L’article 7 concerne la méthode de contracter des accords collectifs ainsi que leur durée. Il prévoit que les accords d’entreprise sont rendus publics par défaut, sauf si l’employeur s’oppose à cette publicité notamment pour des raisons de non-divulgation d’informations sensibles sur la stratégie de l’entreprise. En commission, nous avons émis des réserves sur le fait que l’employeur pouvait s’opposer à cette transparence sur motif de préservation de stratégie d’entreprise. Le texte issu de la commission prévoit que « tout signataire » peut s’opposer à cette transparence. Nous nous interrogeons sur la pertinence de cet alinéa, qui crée une généralité à partir d’une exception, et pourrait ôter tout intérêt à cette mesure.
Nous soutenons bien évidemment l’idée du compte personnel d’activité contenue dans les articles 21 et 22 ainsi que la généralisation de la garantie jeune prévue par l’article 23. Mais notre groupe est divisé sur le sujet du compte personnel de prévention de la pénibilité, le C3P. Nous avons tous été confrontés à des chefs de TPE et de PME qui nous ont alertés sur les difficultés administratives de mise en place du C3P, ainsi que sur l’aspect chronophage du renseignement de la fiche pénibilité.
Si personne ne conteste cette avancée pour les salariés au sein de notre groupe, nous nous interrogeons sur la mise en application du C3P et proposerons un amendement à ce sujet.
Enfin, c’est un changement important qui a été opéré en commission à la suite de l’adoption d’amendements du rapporteur, Christophe Sirugue, visant à introduire à l’article 30 un régime spécifique pour les TPE et les PME. Pour recourir aux licenciements économiques, la baisse du chiffre d’affaires ou du carnet de commandes sera appréciée en fonction de la taille de l’entreprise, sans dessaisir pour autant le juge de son pouvoir d’appréciation en la matière. Cette baisse devra correspondre à un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés, à deux trimestres consécutifs pour une entreprise de 11 à 49 salariés, à trois trimestres consécutifs pour une entreprise de 50 à 299 salariés ; pour les grandes entreprises, la durée est fixée à quatre trimestres. En outre, la commission a supprimé la possibilité de conclure un accord de branche qui fixerait une durée inférieure pour caractériser l’existence de difficultés économiques.
Ces critères, toutefois, ne sont pas exhaustifs. En cas de licenciement économique, l’employeur pourra invoquer des éléments prouvant le caractère significatif de ces difficultés économiques, comme les pertes d’exploitation, une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation.
La majorité des députés du groupe RRDP sont favorables aux dispositions qui simplifient l’organisation de l’apprentissage. Tout ce qui peut faire ressembler l’apprentissage à autre chose qu’une voie de garage est bon à prendre. Nous proposerons des amendements en ce sens, octroyant notamment plus de souplesse aux employeurs en leur accordant la possibilité de déroger à la durée quotidienne de travail de huit heures.
Permettez-moi de revenir sur un sujet cher à Joël Giraud, celui des saisonniers. Les travailleurs saisonniers, de plus en plus nombreux, contribuent à placer la France en tête des destinations touristiques. Ce sont les seuls CDD à ne pas bénéficier de la prime de précarité, pourtant la règle pour ce type de contrat. Il convient donc d’affirmer que la règle devrait être le CDD renouvelable chaque année, lequel permet en outre une évolution de carrière ; à défaut, la précarité du contrat doit faire l’objet d’une compensation. Des amendements en ce sens ont été déposés, conformes aux conclusions du groupe de travail créé à votre initiative, madame la ministre, auquel participaient Joël Giraud, Marie-Noëlle Battistel et Bernadette Laclais.
Lors de votre audition devant notre commission, j’ai aussi évoqué l’article 44, relatif à la médecine du travail. Cet article vise à réformer le suivi des salariés pour mieux cibler les moyens sur les salariés exposés à des risques particuliers. Il supprime la visite médicale d’aptitude systématique à l’embauche et renforce le suivi personnalisé des salariés tout au long de leur carrière, en reconnaissant ce droit aux salariés intérimaires et aux titulaires de contrats courts.
J’ai déposé plusieurs amendements, qui visent notamment à placer tous les personnels de l’équipe pluridisciplinaire, qu’ils soient professionnels de santé ou non, sous l’autorité du médecin du travail. Comme je l’ai annoncé en commission, je proposerai aussi qu’un protocole, établi par le médecin du travail, définisse les modalités de la visite médicale et les situations dans lesquelles l’infirmier orientera le salarié vers un médecin du travail présent dans le service de santé au travail. En outre, afin de renforcer les droits des salariés, je proposerai que ce suivi médical soit assuré tous les ans au maximum pour l’ensemble des salariés et tous les six mois au maximum pour les travailleurs de nuit. Enfin, je proposerai de faciliter l’échange d’informations entre les différents médecins du travail pour les salariés en CDD et en intérim, en espérant pouvoir obtenir des avancées sur ces sujets, avec le concours du Gouvernement.
Je rejoins l’objectif louable de ce texte, qui est de prioriser l’emploi en CDI. Cependant, je ne pense pas qu’une surtaxation soit la solution : de ce fait, les entreprises ayant besoin de main-d’oeuvre n’auront plus recours à l’embauche, ce qui entraînera une précarisation de l’emploi.
En outre, les CDD font déjà l’objet d’une taxation depuis la loi sur la sécurisation de l’emploi de 2013.
Vous l’avez annoncé, madame la ministre, ce texte très important a vocation à être amendé par le Parlement. Les radicaux de gauche et apparentés comptent le faire évoluer en garantissant les droits et les devoirs des salariés mais en permettant aussi aux entrepreneurs de créer de l’emploi, afin de lutter efficacement contre le chômage. Notre groupe se positionnera une fois le texte amendé, mais soyez assurée, madame la ministre, de notre collaboration constructive.
Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, rarement un projet de loi aura suscité autant de débats avant même sa transmission au Conseil d’État !
Il faut dire que la méthode elle-même est inédite : les partenaires sociaux aussi bien que les parlementaires ont en effet découvert le texte presque par hasard, un matin, en lisant le journal. La concertation, la méthode et le dialogue sont les clés du succès d’une politique ; ils ont été tout bonnement oubliés.
Vous avez même réussi l’impossible, madame la ministre, en proposant de réformer le code du travail sans respecter une disposition essentielle dudit code, à savoir son article premier. Car quoi que vous en disiez, les partenaires sociaux ont seulement reçu une invitation à discuter sur les bases du rapport Combrexelle ; ils n’ont jamais été conviés à une concertation sur l’intégralité du projet de loi et n’ont reçu aucun document d’orientation – contrairement à ce que prévoit la loi.
Nous étions prêts à passer outre ce péché originel tant la situation du chômage est dramatique dans notre pays. Alors que, depuis le début du quinquennat, les lois modifiant le code du travail se succèdent, sans cap ni vision, le Gouvernement semblait, pour une fois, avoir pris la mesure de la désespérance qui se propage dans nos territoires.
Parce que nous pensions d’abord à ces familles brisées par le doute et le désespoir, nous étions prêts à soutenir toute initiative pouvant créer de l’emploi et redonner confiance à notre pays. Louis Aragon avait l’habitude de dire que « c’est par le travail que l’homme se transforme ».
Nous, nous étions prêts à transformer notre modèle social pour redonner du travail à ceux qui sont sans emploi, à suivre la voie de nos voisins européens qui ont su conduire des réformes courageuses.
Le chômage étant avant tout une tragédie humaine qui bouleverse la vie de milliers de femmes et d’hommes, quel que soit leur âge et leur parcours, nous étions prêts, madame la ministre, mes chers collègues, à prendre nos responsabilités.
Vous promettiez, par ce texte, dernière soit-disant réforme d’ampleur du quinquennat, de déverrouiller le marché du travail, de faciliter l’embauche, et de rénover le code du travail. Aujourd’hui, l’enthousiasme des débuts est bien loin. À force de réécritures et de compromis, ce projet de loi a perdu toute cohérence ; nous ignorons tant le cap que la finalité ultime de ce texte. Le constat est amer, mes chers collègues, quand les masques tombent !
Ce projet de loi devait accomplir une réforme nécessaire ; c’est à présent un texte néfaste. Pire, selon des partenaires sociaux eux-mêmes, cette loi ne créera pas d’emplois, n’encouragera aucunement les entreprises à embaucher, et complexifiera encore plus le code du travail. Quel paradoxe ! À contempler, impuissants, vos revirements successifs, nous avons appris deux choses, madame la ministre : premièrement, que vous méconnaissez au plus haut point les attentes des PME et des TPE, alors que ce sont elles qui créent les emplois ; deuxièmement, que vous piétinez les partenaires sociaux, qui sont pourtant le pilier de notre modèle social.
Dans sa version initiale, ce texte comportait certaines mesures bienvenues. La question « comment en est-on arrivés là ? » reste donc sans réponse. Pourquoi n’être pas être allé au bout ? Pourquoi ne pas avoir conservé les mesures initialement présentées ? Je pense, à cet égard, à l’assouplissement des modalités d’augmentation du temps de travail en apprentissage, afin de faire coïncider les horaires du tuteur et de son apprenti – M. Cherpion et Mme Orliac en ont parlé. La suppression de cette barrière horaire était attendue de longue date par plusieurs organisations d’employeurs, dans l’artisanat et le bâtiment, et nous l’aurions soutenue.
Les petites structures espéraient également une simplification – équilibrée, bien entendu – du recours au forfait jours. Il aurait ainsi été possible de signer des conventions individuelles de forfait jours entre l’employeur et les salariés de gré à gré, simplifiant l’organisation de temps de travail dans les entreprises. Enfin, le projet de loi prévoyait initialement un plafonnement des indemnités supra-légales prononcées aux prud’hommes en cas de licenciement jugé abusif. Ce plafond devait éclairer les chefs d’entreprise quant au coût d’une séparation contentieuse avec un salarié, car ce coût est aujourd’hui imprévisible. Selon les employeurs, il représente un véritable frein à l’embauche.
Ces mesures devaient simplifier les relations entre les salariés et les employeurs, et offrir de nouvelles libertés aux entreprises et aux actifs – comme l’indique encore le titre de ce projet de loi. Elles ont malheureusement été écartées avant même d’être examinées au Parlement.
Au cours de l’examen de ce texte en commission, près de 1 000 amendements ont été discutés. Ces travaux ont avant tout permis d’accroître la protection des salariés, par l’allongement du délai d’interdiction de licenciement au retour d’un congé de maternité – mesure proposée par nos collègues du groupe RRDP –, et par des mesures relatives à la prévention du harcèlement et des discriminations. Toutes ces mesures sont importantes, et vont plutôt dans le bon sens ; mais elles ne permettront pas, madame la ministre, de résorber le chômage.
Mes chers collègues, ce texte n’a pas d’équilibre, car il n’est pas dirigé vers un cap. Cela lui fait défaut, pour ne pas dire plus. Il n’y a qu’à voir le traitement que le Gouvernement a réservé aux principes définis par la commission Badinter. Certes, nous sommes satisfaits que ces soixante et un principes aient disparu du projet de loi, mais reconnaissez que la méthode employée pour cela a été un peu particulière ! Ils ont d’abord été rétrogradés au rang de feuille de route pour un comité ; ils ont désormais un statut hybride qui causera des difficultés sans rien éclaircir en retour.
Parmi les principes qui ont été le plus débattus figurait le principe de liberté religieuse, dont j’aimerais dire quelques mots. En tant que député de Chanteloup-les-Vignes, c’est un thème qui me tient particulièrement à coeur. Madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, nous avons déjà débattu de ce sujet en commission. Nous en débattrons à nouveau – si le Gouvernement nous en laisse la possibilité, ce que j’espère – en séance.
C’est, en réalité, le principe de neutralité religieuse dans l’entreprise qui devient de plus en plus nécessaire. Sur cette question délicate, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants considère que le plus sage serait de permettre aux chefs d’entreprise d’inscrire dans le règlement intérieur de leur entreprise le principe de neutralité religieuse. Nous inscririons ainsi dans un texte législatif que la manifestation de convictions religieuse ne peut contrevenir au fonctionnement normal de l’entreprise ; cela rendrait la position de l’employeur plus sûre en cas de litige.
Mes chers collègues, comme vous le constatez, nous étions prêts à améliorer le texte. Nous reconnaissons volontiers que certaines mesures sont bienvenues, notamment les accords majoritaires en faveur de l’emploi. Gérer une entreprise, c’est anticiper les difficultés et tenter de faire face à une éventuelle concurrence. Si l’on attend que les problèmes surgissent pour agir, il est parfois trop tard : les moyens de résister sont considérablement amoindris. Notre rôle, en tant que législateurs, est alors de concilier les nécessités de l’adaptation aux marchés, qui évoluent sans cesse, avec la sécurité des salariés.
La restructuration des branches a été souvent annoncée, mais jamais achevée. Elle figure dans le rapport historique de notre collègue Jean-Frédéric Poisson de 2009 sur la négociation collective et les branches professionnelles. Cette mesure trouve grâce à nos yeux.
C’est l’occasion d’évoquer devant vous, madame la ministre, mes chers collègues, l’attachement du groupe de l’Union des démocrates et indépendants au dialogue social. Nous avons ainsi été à l’origine de la création d’une mission d’information sur le paritarisme, que j’ai l’honneur de présider. Nous croyons que le dialogue social peut être à la fois un outil d’innovation et de changement, et un vecteur de conciliation. Quand le pouvoir est exercé sereinement, conformément à l’article L. 1 du code du travail, les partenaires sociaux peuvent jouer leur rôle. Malheureusement, cela n’a pas été le cas.
Nous sommes très attachés, madame la ministre, aux syndicats et au paritarisme, et nous concevons aisément qu’il soit nécessaire de les réformer pour encourager les salariés à y adhérer. Les salariés n’ont à l’heure actuelle aucun intérêt autre qu’idéologique à se syndiquer, car ils bénéficient de tous les avantages négociés par les syndicats sans y appartenir. La crise de légitimité qui frappe les organisations syndicales comme les organisations politiques doit impérativement être résolue. Votre absence de méthode vous interdit d’y parvenir.
Compte tenu des défis qui se présentent à notre modèle social, on ne peut que regretter le manque d’ambition de ce projet de loi pour le dialogue social. Au lieu de poser les bases d’un dialogue moins conflictuel que le veut la tradition dans notre pays, d’un dialogue fondé sur la coresponsabilité et la coproduction de règles nouvelles de droit du travail, vous vous précipitez, en instaurant la validation des accords à la majorité. Pire, vous outrepassez le rôle des partenaires sociaux en inscrivant comme échappatoire le recours à la consultation directe des salariés. Une fois encore, ces dispositions auraient dû être évaluées avant d’être incluses dans ce projet de loi, conformément à l’article L. 1 du code du travail.
Vous évoquez un service public de l’accès au droit pour les entreprises, dont on ne connaît ni le contour, ni le rôle précis. Il aurait été temps d’inscrire dans la loi une mesure dont on connaît bien les modalités : je veux parler du rescrit social. Ce principe, déjà connu dans le domaine fiscal, aurait permis d’apporter plus de visibilité et de sécurité aux entreprises.
Ce projet de loi, madame la ministre, reste trop timide au regard des bouleversements économiques que traverse notre société. Nous attendons toujours un vrai projet de loi cohérent, concernant les nouvelles opportunités économiques, puisque le salariat n’est malheureusement plus l’alpha et l’oméga de notre modèle social.
Le compte personnel d’activité est une idée intéressante ; malheureusement, elle nous semble dévoyée avant même sa mise en oeuvre. En y ajoutant le compte d’engagement citoyen, la majorité complique exagérément un dispositif encore trop modeste. Pour en faire le passeport social universel que les usagers attendent, il aurait fallu, dans un premier temps, consolider les pratiques et les financements. Pire, en ouvrant ce dispositif aux personnes ayant fait valoir leur droit à la retraite, lors d’une séance de la commission des affaires sociales sur laquelle je ne reviendrai pas, la majorité dénature son principe même, puisque le compte personnel d’activité vise d’abord à sécuriser les parcours professionnels. Cet outil pourrait ainsi servir à faire valoir sa retraite : cela le dévalue.
C’est incroyable ! On ouvre aux retraités un dispositif conçu pour les actifs !
Mes chers collègues, alors que notre pays compte plus de 5,5 millions de demandeurs d’emploi, nous ne pouvons soutenir un texte inachevé et improvisé. Comment pourrions-nous voter un texte qui comporte des dispositions néfastes à la compétitivité, ni financées, ni évaluées, et qui risquent de déstabiliser un peu plus le marché de l’emploi – à l’instar de la surtaxation des contrats à durée déterminée ? Décidée sous la pression, cette mesure est l’ultime faute de ce gouvernement. Alors que les jeunes éprouvent déjà des difficultés à s’insérer sur le marché du travail, vous les privez de l’accès à des contrats à durée déterminée, et précarisez un peu plus encore notre jeunesse.
Pour embaucher, les entreprises ont besoin de visibilité et de confiance. Or à force de dérobades, et faute de vision structurelle et systémique, le futur de nos jeunes s’assombrit. Fidèle à sa ligne d’opposition constructive, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants envisageait initialement de soutenir les mesures positives de ce texte. Malheureusement, plus le temps passe, moins celle-ci sont nombreuses.
Madame la ministre, pour aboutir à une loi réellement en faveur de l’emploi, il faudrait poser clairement la question de l’impact du temps de travail sur la compétitivité de l’entreprise. Il faudrait créer un contrat de travail unique à droits progressifs, pour faciliter l’embauche et accroître la sécurité tant de l’entreprise que du salarié. Enfin, il faudrait aborder l’effet des seuils sociaux.
J’ai entendu le Président de la République, un socialiste, dire que les seuils sociaux sont un frein à l’emploi. Je ne l’ai pas inventé !
C’était précisément la position de la droite au début de la précédente législature.
Si le Président de la République a fini par l’admettre, pourquoi n’avez-vous pas abordé cette question par ce projet de loi ?
Ces mesures sont essentielles pour créer un environnement favorable aux entreprises, en particulier les plus petites d’entre elles – que ce projet de loi met vraiment à mal. Nous défendrons ces mesures lors de l’examen de ce texte en séance publique. Malheureusement, nous avons peu d’espoir quant au sort qui leur sera réservé.
En définitive, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte n’a ni queue ni tête. Il est le produit de cette forme de mouvement brownien qui aura agité l’ensemble de cette législature, tantôt liquide, tantôt vaporeuse. Vous avez réussi à mettre le feu, madame la ministre, à un verre d’eau, en malmenant le dialogue social. Pour toutes ces raisons, sauf surprise, nous ne voterons pas ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly