Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mesdames les présidentes de commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui est nécessaire. Dans une économie devenue plus dynamique et face à un chômage qui se maintient depuis plus de trente ans à un niveau trop élevé, il devenait indispensable de réformer notre marché du travail, à l’instar de ce qu’ont fait nos voisins européens.
Le rapport que j’ai présenté à la commission des affaires européennes procède à une analyse comparative des réformes engagées par nos principaux partenaires, qu’il classe en deux groupes : ceux qui ont mis l’accent sur la seule flexibilité pour libéraliser, comme ce fut notamment le cas au Royaume-Uni et en Espagne, et ceux qui, comme le Danemark, la Suède et plus récemment l’Italie, ont mis en oeuvre des politiques de flexisécurité, alliant souplesse pour les entreprises et une plus grande sécurité pour les salariés, avec un dialogue social rénové, souvent au plus près du lieu de travail.
L’action de notre majorité – et je salue particulièrement le travail réalisé par Mme la ministre, Mme El Khomri, et par le rapporteur, M. Sirugue – place clairement la France dans ce second groupe. Le présent projet de loi n’est en rien un projet de déréglementation du marché du travail. Il n’est ici question ni de « mini-jobs » ni de contrats « zéro heure ». Il s’agit bien d’un projet de loi équilibré alliant plus de visibilité pour les entreprises et une plus grande sécurisation des parcours professionnels, au travers notamment de la création du compte personnel d’activité, une des avancées majeures de ce texte.
Le 5 avril dernier, la commission des affaires européennes de notre assemblée, qui s’est saisie pour observation de ce projet de loi, a adopté, sur ma proposition, des conclusions visant à l’inscrire dans son contexte européen, afin de s’assurer de son ancrage dans la réalité de la mobilité européenne des travailleurs. Le CPA va permettre aux actifs, dans un contexte de mutation du travail et d’accroissement de la mobilité professionnelle, d’acquérir des droits qui seront attachés à leur personne et non plus à leur contrat de travail. C’est une bonne nouvelle. Il est maintenant important que ces droits puissent être maintenus, y compris en cas de mobilité à l’étranger.
Notre commission a estimé que notre pays devait engager une réflexion au niveau européen sur la portabilité du droit à la formation, élément aujourd’hui aussi essentiel pour les droits des salariés que le droit à l’assurance maladie, l’assurance chômage ou la retraite. En attendant, le texte que nous discutons devra quelque peu évoluer pour prendre en compte cette mobilité. Nous devrons nous assurer, par exemple, que l’acquisition de droits se fera même si le lieu d’exercice du contrat de droit français est situé à l’étranger, comme cela peut être le cas pour les travailleurs détachés, les frontaliers ou les apprentis qui effectuent leur formation pratique dans le cadre d’un programme d’échange.
Concernant l’utilisation des droits inscrits au CPA, il faudra s’assurer, d’une part, qu’ils seront utilisables pour effectuer une formation dans un autre pays européen, d’autre part, qu’un chercheur d’emploi affilié à un service public de l’emploi d’un autre État membre de l’Union pourra bien les faire valoir. Il nous faut en outre clarifier le lien entre la validation des trimestres de retraite dans le cadre du compte personnel de prévention de la pénibilité et la portabilité des droits à la retraite dans les autres pays de l’Union, conformément aux règlements européens de coordination, afin de s’assurer que ces trimestres seront bien validés en cas de départ à la retraite dans un autre pays membre.
Notre commission a en outre estimé que la plate-forme en ligne prévue à l’article 22 du projet de loi pourrait utilement voir son contenu étendu à l’information sur les droits à la mobilité européenne. Je présenterai des amendements sur tous ces sujets.
Deuxième point, les dispositions visant à renforcer la fraude au détachement des travailleurs sont évidemment les bienvenues, tant il s’agit d’une question importante sur laquelle notre pays est en pointe, que ce soit au niveau national ou dans les discussions européennes. Je voudrais ici saluer l’excellent travail de notre collègue Gilles Savary, dont l’amendement sur le détachement d’intérim a été adopté par la commission des affaires sociales : il permettra à la France d’être à l’avant-garde des États européens sur cette question. Désormais, un travailleur intérimaire sera employé aux mêmes conditions, qu’il relève d’une agence d’intérim française ou qu’il soit détaché en France par une agence de travail temporaire établie à l’étranger. Il s’agit là d’une avancée majeure.
Je me félicite enfin de l’introduction de la « garantie jeunes » dans le projet de loi, proposition défendue par le Président de la République, aussi bien en France qu’au niveau européen. Par cette mesure, comme par bien d’autres de ce texte, c’est la jeunesse qui est davantage soutenue et protégée.