Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 18 juillet 2012 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Je commencerai par répondre à Mme Alaux qui m'a interrogée sur le décret encadrant l'augmentation des loyers, en cours de signature. Nous sommes bien conscients que certaines parties de la Côte basque – le littoral davantage que l'arrière-pays – pourraient être concernées, mais le recueil des données n'est pas assez détaillé pour que nous puissions limiter les périmètres, et ce défaut fragiliserait l'application du décret dans le cadre de la loi de 1989. Toutefois, ce décret d'urgence n'est qu'une première étape, qui sera suivie, au printemps, par la refonte de la loi de 1989 elle-même. Il s'agira notamment de mettre en place un dispositif d'encadrement des loyers fondé sur les travaux d'observatoires régionaux, sur le modèle des agences départementales pour l'information sur le logement (ADIL) ou de l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (OLAP). Il sera ainsi possible de recueillir des données d'identification quartier par quartier, type de biens par type de biens.

Mme Quéré m'a interrogée sur la possibilité de prendre en compte les énergies renouvelables dans l'étiquette-énergie. Les réflexions en cours, fondées sur un bilan du diagnostic thermique, pourraient déboucher sur son évolution. L'objectif du Gouvernement est de favoriser la diminution des émissions de gaz à effet de serre et celle de la consommation d'énergie. Il ne s'agit pas seulement de vérifier quelles sont les sources d'énergie d'un bâtiment donné, mais de dresser son bilan énergétique pour offrir aux locataires une meilleure information.

Je propose de recevoir M. Albarello et M. Bachelay, afin que nous puissions avoir un entretien plus approfondi sur le Grand Paris. Bien avant d'être nommée ministre, j'avais déclaré – ce que d'autres, dont certains des partisans les plus déterminés du projet, répétaient alors tout bas – que personne n'imaginait voir trente tunneliers sillonner simultanément l'Île-de-France. La question du séquençage ou du phasage, qui n'avait pas été posée au moment de l'annonce et de la signature du projet, était donc un « secret de polichinelle » ; elle était implicite, mais pas assumée. Aujourd'hui, mon rôle est de mener à bien un projet très important pour des populations qui ont besoin de désenclavement. La question du séquençage n'est donc pas un choix de ce Gouvernement, mais elle s'impose à tout le monde et a d'ailleurs été approuvée à l'unanimité du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris, avec le lancement des enquêtes publiques.

Le séquençage permettra en outre de donner la priorité aux populations qui sont les plus nombreuses et qui ont besoin de la desserte de banlieue à banlieue. Chacun convient, quel que soit son département d'origine, que la liaison Pont de Sèvres-Noisy-Champs est prioritaire. Le projet est prêt depuis longtemps. Sa suite, avec le désenclavement de zones qui ont besoin de ce nouveau transport en commun, fait également partie des priorités. Nous étudions actuellement le meilleur moyen de la mettre en oeuvre. C'est pourquoi j'ai insisté sur l'interopérabilité à Champigny, dont dépendra le bouclage harmonieux du projet.

La crédibilité du Grand Paris dépend donc du séquençage. Je sais que la volonté du Gouvernement est partagée par les huit présidents des conseils généraux et par le président du conseil régional : il s'agit de mettre l'accent sur les transports en commun existants, sur la création de nouvelles liaisons, éventuellement par bus à haute qualité de service. La mobilisation des fonds doit être équilibrée entre le Grand Paris Express et le réseau de transport existant. Pour répondre aux besoins des habitants, qu'ils soient du Val-de-Marne, que je connais bien, ou d'ailleurs, on ne peut pas se contenter de répéter que ça ira mieux dans dix ans ou dans vingt ans, il faut expliquer ce que nous allons faire pour demain et après-demain.

De même, en ce qui concerne les contrats de développement territorial, la volonté du Gouvernement est partagée par les acteurs. Nécessité fait loi, et, pour beaucoup de dossiers, le bouclage des CDT avant le mois d'octobre est plus qu'incertain. En proposant à l'Assemblée, dans quelques semaines, d'assouplir le calendrier, nous permettrons de renforcer les liens des CDT avec le schéma directeur de la région Île-de-France, de les insérer dans une dynamique régionale, de mener les deux de front. Ainsi, par un projet équilibré, rapprochant le lieu de travail et le domicile, nous lutterons contre l'étalement urbain.

En ce qui concerne la péréquation, monsieur Kossowski, les discussions se poursuivent. Malgré les échanges suivis que j'ai avec Paris Métropole, nous n'avons pas encore abordé la question, et j'apprends de votre bouche qu'il existe des propositions concrètes. J'ai rencontré l'ensemble des associations d'élus, à l'exception du réseau des villes moyennes dont vous avez parlé – mais je serais très heureuse d'y remédier. Il faudra bien réunir les acteurs autour d'une table, pour que toutes les visions s'expriment. Si je voulais caricaturer, je dirais que les zones rurales considèrent volontiers que le critère du nombre d'habitants pour l'attribution de la DGF est inéquitable, alors que les zones urbaines considèrent volontiers qu'elles assument des fonctions dont profitent les habitants des zones rurales et que le système actuel a donc sa logique. La confrontation des points de vue est un gage d'efficacité.

Vous avez tout à fait raison, monsieur Calmette, d'appeler notre attention sur la mise en compétition des territoires. En zone rurale, les équipes municipales sont parfois très limitées en nombre, et on ne peut attendre d'elles, en matière d'ingénierie, autant que des grandes agglomérations ou des communautés urbaines dotées d'importants moyens humains pour répondre aux appels à projets. Favoriser l'égalité des territoires, c'est aussi prendre en compte les différences de capacités. C'est d'autant plus important que les services d'appui de l'État dans les directions départementales des territoires sont en diminution significative et qu'elles n'ont plus les moyens d'assumer les fonctions qu'elles exerçaient auparavant. Je dis cela sans intention polémique – lorsqu'une politique a été menée pendant trente ans, tous les bords politiques sont concernés –, on a fait avancer la décentralisation sans transférer tous les moyens. On ne peut instruire un permis de construire en comptant sur le seul bénévolat d'un élu local et sur un secrétaire de mairie à mi-temps. On pousse sans le dire à la création d'intercommunalités, mais, ce faisant, on place certains élus locaux dans des situations de grande difficulté. Il est de la responsabilité de l'État et de l'ensemble des collectivités de mener à son terme le débat sur la compétence urbanisme, sur les PLUI, sur l'ingénierie qui doit être mise à disposition des élus pour qu'ils exercent ces missions – que ce soit l'instruction des permis ou l'aménagement des centres-bourgs – dans les meilleures conditions.

C'est dans cet esprit que je souhaite travailler à la réforme de l'urbanisme. Je fais écho à ce que vous disiez, madame Gaillard, sur les trames vertes et bleues. Les schémas de cohérence territoriale doivent intégrer les problématiques de transition écologique et de préservation des zones agricoles. Ils souffrent cependant, d'une part, d'une certaine complexité administrative, d'autre part, d'une vulnérabilité juridique puisqu'ils sont en permanence susceptibles d'être attaqués. Nous allons travailler à ces deux questions, pour développer la carte des SCOT et les démarches en inter-SCOT sur la base du volontariat des élus. Chaque fois que ce travail a été mené, tout le monde s'est déclaré satisfait, des services de l'État – qui s'appuient sur un document de programmation très lisible permettant de contractualiser dans de meilleures conditions –, aux collectivités qui créent la solidarité entre elles. Mettre l'accent sur les SCOT et sur une nouvelle grande étape volontariste de couverture du territoire par les SCOT, c'est apporter une réponse utile à des questions telles que la construction de logements, la consommation d'espaces agricoles, la préservation de la biodiversité... Je souhaite également que nous puissions travailler sur le droit de l'urbanisme commercial, qui met encore en danger bien des centres-ville en raison d'une fragilité juridique conférant à certains groupes financiers de bien trop importants moyens de pression sur les élus locaux.

Lorsque j'ai parlé du Grand Paris, je n'ai pas évoqué l'Axe Seine, monsieur Philippe. Ce sujet important doit en effet être abordé dans la perspective du Grand Paris, qu'il faut envisager au-delà de son réseau de transports. L'Atelier international du Grand Paris réfléchit déjà à l'avenir de la métropole, à ses limites, à son lien avec la façade maritime, et M. Cuvillier a parlé de la priorité qu'il faut donner aux projets de transport. J'ai dit qu'il faudrait 125 ans pour réaliser le SNIT. Tous ceux qui l'ont élaboré sous la précédente mandature savaient, mais ne le disaient pas, que cette belle carte ne verrait jamais le jour, qu'elle ne le verrait pas, en tout cas, avant des dizaines d'années.

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