Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 18 juillet 2012 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Nous devons donc fixer des priorités. Ainsi, pour ce qui est de la liaison ferroviaire avec la Normandie, le doublement de la ligne Paris-Mantes simplifierait considérablement la desserte de Rouen et du Havre. Si l'on prend l'égalité des territoires comme grille d'analyse, il faut réfléchir à la sobriété des investissements publics et à leur pertinence. Il doit bien exister un moyen terme entre les grands projets, qui ne sont pas tous immédiatement et intégralement finançables, et l'immobilisme.

Monsieur Savary, vous l'avez compris, je suis très attachée au monde rural. Or ce fut une grande erreur que de le rattacher à la politique agricole, en le dissociant de la politique de la ville. Du reste, le tort n'a pas été causé seulement aux territoires ruraux, mais aussi aux villes moyennes. La question de la taxe sur les logements vacants, par exemple, à l'amélioration de laquelle nous travaillons, a été pensée pour les zones urbaines, mais elle peut être également pertinente dans les centres-bourgs, où l'on constate aujourd'hui une dégradation du bâti ancien qui n'est plus occupé, alors que les jeunes ménages qui n'ont pas les moyens d'investir vont s'installer à l'entrée de la commune, dans des logements neufs de moindre qualité : le paysage du centre-bourg, avec ses « dents creuses », perd ainsi progressivement de son agrément. Il est donc utile de travailler à un dispositif sur les logements vacants dans les zones rurales. On peut imaginer un dispositif global, et le décliner en fonction des territoires. Il en ira de même pour l'encadrement des loyers.

Il a été question du haut débit et de l'interopérabilité des relais de téléphonie mobile. Même si la ministre de l'égalité des territoires n'est pas chargée de ce dossier, je tiens à dire que, dans les zones rurales, où l'investissement n'est structurellement pas rentable pour des opérateurs privés, la question de la mise en concurrence, de la place des collectivités locales, de la nécessité d'organiser des péréquations entre les zones très rentables et les zones qui le sont moins va se poser dans un cadre partenarial avec l'ensemble des opérateurs et avec les collectivités locales qui ont déjà pris des initiatives en la matière. Nous devons parvenir à un dispositif garantissant une meilleure utilisation des fonds publics et évitant que certains dégagent des marges considérables dans des zones très rentables sans investir dans les territoires en difficulté. Il s'agit d'un exercice d'autant plus difficile qu'il doit s'effectuer dans le cadre de la réglementation européenne.

Si la DATAR est dans une situation délicate, monsieur Duron, c'est parce que la politique de l'aménagement du territoire n'a pas été redéfinie pour le xxie siècle. Nous en sommes restés aux vieux schémas en réinventant peu ou prou les pôles de compétitivité. Or le bilan qui en a été tiré récemment montre qu'il est peut-être nécessaire de les mettre en question et de redéployer les fonds. La question d'une meilleure diffusion territoriale, plus axée sur les PME, se pose notamment. On constate en effet que les grands groupes ont été beaucoup mieux armés pour répondre aux logiques présentées par les pôles de compétitivité et que le soutien aux réseaux de PME n'a pas toujours été à la hauteur de ce que l'on pouvait imaginer. Nous devons donc faire une nouvelle lecture, plus nuancée, de ce projet. Sans doute pouvons-nous travailler à redéfinir le rôle d'une structure telle que la DATAR, qui traduisait la volonté de l'État, en n'oubliant pas la problématique de l'égalité des territoires et en interrogeant inlassablement les politiques menées au niveau national et au niveau local. Cette articulation des différentes politiques est en effet la garantie de l'égalité et de l'efficacité.

Je remercie les députés, notamment Mme Lacroute, pour les invitations qu'ils m'ont lancées et je ne manquerai pas d'en honorer certaines. Je ne mésestime pas l'utilité du programme de rénovation urbaine, qui, je l'ai dit, comportait des points positifs. Toutefois, comme le montre le rapport de la Cour des comptes, on est parfois en droit de s'interroger sur son efficacité. Certains bailleurs ont eu une utilisation des fonds qui n'était pas à la hauteur du montant qui leur a été versé. Il convient donc, toujours dans notre logique de sobriété et d'efficacité, de repenser la deuxième phase du PRU, en dressant un bilan très clair de la première phase et en sachant qu'il reste 7 milliards d'euros à financer pour le PNRU I : nombre de conventions ont été signées avec l'État, qui n'a peut-être pas tenu ses engagements aussi bien qu'ont pu le faire les collectivités locales. Il faudra aussi que, dans la deuxième phase, on mette en lien les politiques menées aux niveaux régional, départemental et local. C'est lorsque tous les acteurs oeuvrent en cohérence, avancent dans la même direction, que l'on peut mener des actions efficaces.

La question des contrats de projets se pose évidemment. Trente-sept ont déjà été signés, pour un montant de 29,5 milliards d'euros, dont seulement 80 % auront un taux d'exécution finale constatée à l'échéance 2013. Tous les contrats de projets n'auront donc pas été réalisés. Comme ils sont inégaux, on ne peut avoir de lecture univoque de la situation, mais, sans renoncer à son objectif d'égalité des territoires, l'État entend poursuivre dans cette logique de contractualisation qui permet d'engager tous les partenaires autour d'un même projet, d'associer toutes les collectivités locales à une même oeuvre.

En ce qui concerne la pêche en eaux profondes, monsieur Plisson, je ferai jouer mon joker, puisque vous m'y autorisez (sourires).

Quand on parle de déserts médicaux, la question n'est pas seulement celle de l'éloignement du cabinet du médecin ou de la maison médicale, mais bien de la possibilité d'avoir un rendez-vous dans un délai raisonnable. Les réflexions sur ce sujet sont très intenses et ma collègue Marisol Touraine fera prochainement des propositions concertées. Nous nous dirigeons vers une logique de réseau maillé, où les maisons médicales auront un rôle à jouer, car elles répondent davantage aux souhaits des médecins quant à la manière d'exercer leur profession. La coercition n'est pas aisée à mettre en place. Il vaut peut-être mieux privilégier une logique plus volontariste qui, avec les pressions conjuguées des élus, pourrait rapidement porter ses fruits.

Plusieurs députés ont évoqué la question de l'étalement urbain. Je l'ai dit, nous allons travailler sur la densification et sur un dispositif plus efficace que les trois actuellement en vigueur et qui subsisteront après qu'aura été abrogée, comme je le souhaite, celui permettant d'augmenter de 30 % les droits à construire. Il faut examiner cette question dans une double logique : d'une part en respectant la volonté des collectivités locales, qui entendent limiter la consommation du foncier, et d'autre part en travaillant sur de nouvelles formes urbaines qui respectent également la volonté des habitants, en particulier des accédants à la propriété, lesquels souhaitent s'approprier d'un logement et y vivre avec une grande autonomie. Ces formes urbaines différentes ont été expérimentées à l'étranger et commencent à l'être en France, en particulier dans les zones urbaines. La simplification du droit de l'urbanisme devrait nous aider dans ce travail. On a en effet constaté un empilement de dispositions, notamment à la suite du Grenelle de l'environnement : certaines ont été très utiles, mais les règles d'urbanisme ne sont pas forcément toutes connues de l'ensemble des acteurs, que ce soient les constructeurs, les futurs propriétaires ou les élus locaux et leurs équipes. Il nous semble donc utile de prendre le temps de « peigner » ces règles d'urbanisme, pour les rendre plus utiles, pour qu'elles remplissent mieux les objectifs qui leur sont assignés : préservation de l'espace naturel, de la biodiversité, densification, développement des formes urbaines équilibrées.

Enfin, je souhaiterais indiquer que la lutte contre l'étalement urbain et la préservation des espaces agricoles est très utile pour l'ensemble des cultures dont notre pays s'honore. Ainsi, la France est leader européen de la culture du chanvre, qui sert à la fabrication de papier et dont les sous-produits sont utilisés dans des matériaux d'isolation très efficaces. La culture du chanvre permet en outre de laisser reposer les terres, car elle peut remplacer une année de jachère. Le béton de chanvre, qui est actuellement développé en France, et pour lequel une entreprise de Picardie se montre très innovante, nous aidera à mener nos missions : il ne s'agit pas seulement de bâtir de nombreux logements, mais de veiller à la qualité de ces constructions.

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