Intervention de Marie-Hélène Fabre

Réunion du 4 mai 2016 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Fabre, rapporteure :

Notre commission est saisie d'une proposition de résolution européenne relative au maintien de la réglementation viticole, déposée le 15 mars 2016 et adoptée par la commission des affaires européennes le 6 avril dernier. Elle fait suite, non à un document officiel des institutions européennes dont nous aurions pu nous saisir, comme c'est habituellement l'usage, mais à plusieurs initiatives de la Commission européenne qui ont alerté les professionnels du secteur, les élus locaux et européens, ainsi que nous, parlementaires français. Nos collègues sénateurs ont d'ailleurs adopté une proposition de résolution similaire le 26 avril dernier.

La filière vitivinicole a fait l'objet de nombreuses réformes récentes, qui ont abouti au régime actuel, inscrit dans l'organisation commune de marché (OCM) unique. Le régime des autorisations de plantation, qui a remplacé celui des droits de plantation au 1er janvier 2016, est nécessaire pour protéger la qualité des produits viticoles ; il est le résultat d'un équilibre acquis de haute lutte par les professionnels, les élus locaux et nationaux, au terme de plusieurs années de négociation.

La Commission européenne poursuit un processus de simplification de la politique agricole commune (PAC), certes louable, mais qui risque de disperser la réglementation applicable au secteur vitivinicole en de multiples textes – règlements délégués et règlements d'exécution – en application du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Par ailleurs, cette simplification peut conduire à nier les particularités de la filière vitivinicole, en favorisant les vins sans indication géographique et en modifiant la réglementation applicable à la politique de qualité, aux mentions traditionnelles et à l'étiquetage. L'identification et la commercialisation des produits vitivinicoles pourraient s'en trouver bouleversées.

La Commission européenne a produit ce que l'on appelle un « non-paper » – il ne s'agit donc pas d'un document officiel dont l'Assemblée nationale pourrait se saisir – puisqu'il est ni daté, ni signé. L'objet de la présente proposition est de manifester notre vigilance à l'égard des intentions sous-jacentes de la Commission européenne et de nous opposer au manque de transparence de la méthode utilisée.

La Commission européenne a en effet fait circuler ce non-paper qui, au mieux, s'apparente à un ballon d'essai, et qui, au pire, traduit ses véritables intentions : sans nul doute, elle travaille à une modification des règles d'identification et de commercialisation des productions vitivinicoles. Cette hypothèse a été confirmée par le commissaire européen chargé de l'agriculture et du développement rural, M. Phil Hogan, qui, face à la mobilisation protestataire, a annoncé, le 8 mars dernier devant l'intergroupe « vin » du Parlement européen, le retrait des textes proposés par la direction générale de l'agriculture de la Commission européenne. Il s'est engagé à ne pas remettre en cause les équilibres de la législation viticole européenne et a indiqué que la Commission allait revoir sa méthode de travail. Il a ajouté que la Commission poursuivrait ses réflexions sur la simplification de la législation, sans pour autant préciser le calendrier ni la méthode.

Nous avons pourtant appris il y a quelques jours que, en dépit de ces annonces, les services de la Commission européenne avaient pris l'initiative de réunir, le 20 avril dernier, des groupes de travail autour de deux projets de texte : un projet de règlement délégué et un projet de règlement d'exécution. Ces projets devraient s'inspirer du règlement de 2009 fixant certaines modalités d'application du règlement de 2008 du Conseil européen concernant les appellations d'origine protégées et indications géographiques protégées, les mentions traditionnelles, l'étiquetage et la présentation de certains produits du secteur vitivinicole. À ce stade, nous n'avons pas la garantie que les dispositions auxquelles le secteur vitivinicole est attaché seront maintenues.

Cette attitude doit nous inciter à demeurer vigilants et ne pas nous fier aux annonces : nous demandons donc au commissaire Phil Hogan de respecter ses engagements pris le 8 mars 2016.

Tel est l'objet de cette proposition de résolution européenne que je vous propose d'adopter, assortie de quatre amendements.

L'amendement CE1 porte sur le titre et substitue au mot « viticole » le mot « vitivinicole », qui recouvre plus largement l'ensemble des produits de la vigne et est conforme non seulement au contenu de la proposition de résolution, mais également à l'ensemble de la réglementation européenne.

L'amendement CE2 consiste à préciser le deuxième considérant en substituant aux mots : « règles d'identification et de commercialisation des productions viticoles », les mots : « pratiques oenologiques, des règles de qualité, d'identification, de commercialisation et de contrôle des productions vitivinicoles », plus précis et exhaustifs.

L'amendement CE3 tend à rétablir le point 1, supprimé par la commission des affaires européennes, en le modifiant toutefois légèrement afin de tenir compte des très récentes informations venant de la Commission européenne. Si la démarche de la Commission est exploratoire, je tiens à ce que celle-ci agisse dans la transparence et, comme l'a annoncé le commissaire européen, change de méthode. La rédaction proposée est la suivante : « Demande à la Commission européenne de travailler dans la transparence sur ses initiatives en matière vitivinicole et de respecter ses engagements ».

Enfin, l'amendement CE4 vise à compléter l'alinéa 14 – l'actuel point 1 – afin que la recherche de simplification n'aboutisse pas paradoxalement, in fine, à une plus grande complexité.

Telle est la teneur des modifications que je souhaite apporter à cette proposition de résolution européenne, que je vous invite à adopter pour que la France parle d'une seule voix.

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