Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 26 avril 2016 à 18h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Monsieur le ministre, j'ai un petit peu de mal à croire que votre scénario selon lequel le régime des visas ne sera libéralisé en Turquie que si les soixante-douze critères sont remplis tiendra la route. Jugez-en par l'attitude fine et intelligente des Turcs qui sont en train de vous faire une négociation de bazar très compliquée. En réduisant les flux de migrants, ils prouvent que nous leur avons donné, grâce à Mme Merkel, la clé des frontières européennes. Ils prouvent également que les services turcs étaient en grande partie responsables de l'afflux de migrants. Or M. Erdoğan a pris un engagement devant les Turcs et joue beaucoup de choses en politique intérieure – notamment la réforme constitutionnelle. Si vous ne lui accordez pas la libéralisation promise, il ne marchera plus. Quel est alors votre plan B ?

En ce qui concerne la Libye, nous sommes d'accord sur le diagnostic, depuis longtemps, mais la charte des Nations unies prévoit ce qui s'appelle la légitime défense. Daech nous envoie des migrants et des terroristes par la Libye, et, depuis des mois, nous tournons un peu comme la poule devant le couteau. Nous répétons qu'il faut un gouvernement, mais ne devons-nous pas prendre nos responsabilités d'État adulte s'il n'y a pas de gouvernement et prendre les mesures nécessaires pour nous prémunir d'un afflux de migrants en direction de l'Italie et de la France ? Il faut peut-être s'agiter au niveau du Conseil de sécurité, se donner les moyens légaux d'une intervention de l'OTAN ou de l'Union européenne.

Où en est-on des clarifications américaines sur la levée des sanctions sur l'Iran ? J'ai examiné un peu le détail de la question dans le cadre d'une mission d'information menée avec Karine Berger et je peux vous dire que c'est très ambigu – pour le dire très gentiment. Les Américains ont annoncé la levée des sanctions mais, en réalité, elles sont maintenues : les chambres de compensation américaines qui doivent permettre le financement des contrats sont toujours bloquées. Cette affaire a-t-elle été évoquée à Hanovre ? Si les sanctions ne sont pas levées, si les transferts financiers ne sont pas possibles, il ne se passera rigoureusement rien et nous risquons une nouvelle inflammation dans cette région du monde.

Enfin, j'ai été quelque peu étonné que votre homologue polonais affirme il y a quelques jours que la Russie représentait, selon lui, une menace supérieure à l'État islamique. Sans doute est-ce la perception qu'en ont les pays du groupe de Visegrád et les États baltes, mais il y a là un clivage problématique, car nous considérons, pour notre part, que la première menace qui pèse sur nous est l'État islamique. Comment la France réagit-elle à cette déclaration, ainsi qu'au retour d'un certain nombre de moyens militaires américains en Europe centrale ? Il ne faudrait pas raviver des combats d'hier, alors que nous devons être prêts aux combats de demain. Allons-nous rejouer la guerre froide pour nous faire plaisir, ou la France s'y opposera-t-elle ? De même, en ce qui concerne la Turquie, laisserons-nous, sans rien dire, Mme Merkel continuer de mener les opérations ? Je suis un petit peu étonné de la discrétion de notre diplomatie sur tous ces sujets.

Quant au dossier palestinien, pardonnez-moi, mais vous le rouvrez alors qu'entre la Syrie, l'Irak et le Yémen, tous les autres, au Moyen-Orient, sont déjà grand ouverts, sans aucune solution en perspective. Vous ressortez la question palestinienne comme si elle était aujourd'hui l'alpha et l'oméga d'un Moyen-Orient en crise pour bien d'autres raisons ! Je ne comprends donc pas très bien, au-delà du fait que vous reprenez une initiative antérieure à votre nomination.

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