Intervention de Jean-Marc Ayrault

Réunion du 26 avril 2016 à 18h00
Commission des affaires étrangères

Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international :

Non, je n'attends pas un gouvernement. Vous vous trompez.

Le gouvernement libyen doit demander une aide internationale. Il faut respecter sa souveraineté. Et nous n'apporterons pas d'aide sans une telle demande, qu'il est prêt à faire. Nous l'avons constaté à Luxembourg, où les vingt-huit ministres des affaires étrangères et de la défense ont eu une visioconférence avec M. Fayez el-Sarraj, qui voulait d'abord un soutien pour la formation des garde-côtes. Cela ne nous paraît pas suffisant – en tout cas, ce n'est pas suffisant pour la France. J'ai plaidé auprès de nos partenaires européens en faveur d'une évolution de l'opération Sophia pour permettre d'intercepter les navires, les passeurs et aussi les trafiquants d'armes. Cette proposition suscite des divergences au sein de l'Union européenne, mais la question reste ouverte et il est possible d'avancer, le cas échéant au moyen d'un mandat du Conseil de sécurité. Une intervention unilatérale en Libye n'est pas possible, personne ne nous suivrait, soyons-en vraiment conscients. Cela ne veut pas dire qu'on ne va rien faire, ce qui serait irresponsable. Mais, il y a la manière.

Plusieurs d'entre vous, mesdames et messieurs les députés, ont évoqué les sanctions américaines, qui pénalisent nos entreprises, en particulier les banques, notamment en Russie. Je l'ai dit très clairement à plusieurs reprises à nos alliés américains : ils doivent faire quelque chose car les banques ne prendront jamais le risque d'être condamnées à payer des milliards de dollars d'amende et cela compromet des projets industriels, des projets économiques. La réponse de John Kerry est que la question est du ressort de la justice américaine, non du gouvernement américain, mais je ne m'en contente pas. D'ailleurs, les Américains sont en train de se rendre compte qu'eux-mêmes sont dans une impasse, pas seulement économique mais aussi politique.

Nous avons constaté que les Iraniens respectaient l'accord sur le nucléaire, même s'il faut être extrêmement attentif sur certains points, notamment le volet recherche. Les essais balistiques sont inacceptables, nous l'avons fait savoir, mais ils n'entrent pas dans le champ de l'accord. De leur côté, les Iraniens s'agacent de ne pas voir les retombées économiques de la levée annoncée des sanctions. Cela devient un problème politique d'application de l'accord, et c'est ce qui est en train, je l'espère, de faire bouger les Américains.

Les déclarations du ministre polonais des affaires étrangères sont évidemment excessives. Faut-il exiger, aussitôt, pour faire bonne mesure, une condamnation par la France ? C'est un peu plus compliqué que cela. Il faut parler avec la Pologne, grand pays européen, que nous avons invitée à la réunion préparatoire du 30 mai. Certes, nous avons des désaccords avec les autorités actuelles, mais il y aussi des débats à l'intérieur même de la société polonaise. Frank-Walter Steinmeier a pris une initiative intéressante : il propose de relancer le Triangle de Weimar, quelque peu tombé en désuétude, avec une réunion, symboliquement, à Weimar, à la fin du mois d'août. J'espère avoir l'occasion, auparavant, de me rendre en Pologne, notamment pour une discussion en toute franchise. J'ai évoqué indirectement la question tout à l'heure, monsieur Lellouche, lorsque j'ai dit qu'il me paraissait important de bien préparer, en toute transparence vis-à-vis de la Russie et dialoguant avec elle, la réunion de l'OTAN à Varsovie.

Si j'en crois vos propos, monsieur Lellouche, la reprise du processus de paix au Proche-Orient serait un problème secondaire.

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