Intervention de Hervé Gaymard

Réunion du 3 mai 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Gaymard, co-rapporteur :

La question du numérique appliqué à la production scientifique appelle les remarques suivantes. Lorsque l'on interroge les scientifiques, des sciences dures ou des sciences humaines, un certain nombre nous répondent ainsi : « je ne suis pas forcement attaché au droit d'auteur car j'ai été payé pour ça dans le cadre de mes recherches ». C'est notamment le cas pour les chercheurs payés par l'argent public. Ils disent également : « je souhaite au maximum diffuser mon oeuvre, dans une stratégie de notoriété ». Les plus mercantiles disent « off the record » : « mon argent je le gagnerai en faisant des conférences, et pas par les modestes droits d'auteurs que je pourrais retirer », ce qui est la position de Jacques Attali, par exemple. Cependant, un certain nombre d'auteurs, aussi modestes fussent-ils, doivent compter sur leurs droits d'auteurs pour être rémunérés par leurs créations intellectuelles.

C'est un véritable sujet, puisque l'on ne retrouve pas cette question dans les autres compartiments du jeu des oeuvres de l'esprit. Dans ce domaine, il est vrai que des éditeurs scientifiques comme Elsevier ou Brill par exemple, ont acquis au fil du temps une forme de quasi-monopole de fait sur la diffusion de l'information scientifique et de la recherche. Cela n'est pas sans poser des problèmes aux auteurs, mais également aux bibliothèques. Le prix des abonnements numériques augmente. Les bibliothèques publiques -j'ai interrogés leurs gestionnaires- vous disent que les prix des abonnements ont grimpé alors qu'ils devraient être moins chers, puisque c'est du numérique. Nous avons là un véritable cas d'école, où, d'un point de vue irénique, se crée une diffusion formidable du savoir scientifique, tandis qu'en réalité il y a une partie de la rente qui est doublement captée par un diffuseur, d'abord parce que l'auteur n'a plus de droit, et ensuite parce que ces fichiers et ces revues sont achetées par des institutions publiques, payées par des contribuables, à des prix dirimants.

Je voudrais maintenant évoquer la question de la licence globale. Nous sommes conscients que c'est une question compliquée, et qu'elle ne peut pas être appliquée de la même façon dans tous les secteurs. Dans le cinéma et les séries télévisées en général, les oeuvres sont préfinancées. Il est donc relativement facile de mettre en place une licence globale, puisque les acteurs sont souvent payés une fois que le film a été préfinancé, et ne touchent plus de royalties par la suite. Cette situation spécifique diffère du domaine de l'écrit.

Dans ce domaine, les auteurs peuvent avoir un à-valoir plus ou moins élevé selon leur notoriété, mais ils jouissent également par la suite de droits d'auteur pendant 70 ans, à chaque fois qu'un livre est vendu. Il en va de même pour les ayants droits après le décès. La licence globale semble relativement facile à faire et praticable dans le domaine audiovisuel, les oeuvres diffusées étant préfinancées et « amorties » soit par le passage à la télévision soit grâce au système d'aides publiques à la création, comme c'est le cas en France avec le CNC, soit par les recettes en exploitation dans les salles, grâce aux fenêtres sur la diffusion publique des oeuvres possibles une fois leur sortie en salle. En revanche, pour le livre c'est une autre paire de manche. Je pense que c'est très compliqué, comme le montre le rapport Sirinelli.

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