Intervention de Arnaud Richard

Réunion du 3 mai 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Richard, co-rapporteur :

Merci à mon collègue Razzy Hammadi, je confirme le plaisir que nous avons eu à travailler ensemble sur ces sujets. Je voudrais revenir sur le contexte dans lequel le Plan Juncker a été conçu, sur les principes qui ont présidé à sa mise en oeuvre et sur ses premières réalisations, dix mois presque jour pour jour après l'entrée en vigueur du règlement instaurant le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), véritable bras armé du Plan Juncker.

Le Plan d'investissement pour l'Europe a été lancé, fin 2014, par le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, dans un contexte marqué par un sous-investissement durable et préoccupant en Europe.

En effet, la crise économique et financière a brutalement freiné la dynamique d'investissement. Pour mémoire, fin 2014, le montant total des investissements en Europe était de 15 % inférieur à celui de 2007, résultat du ralentissement de la croissance ainsi que des politiques d'assainissement budgétaire menées, notamment à partir de 2009.

En dépit de liquidités suffisantes, voire abondantes, le constat d'un sous-investissement durable en Europe, a suscité une vive réaction de la part des institutions européennes, dont l'engagement de la Commission européenne est une illustration. Consciente du risque que cette situation sous-optimale nuise à la reprise économique et mette en péril les objectifs de la stratégie Europe 2020, la nouvelle Commission a fait de la relance de l'investissement sa principale priorité et annoncé son intention et sa détermination à mobiliser « jusqu'à 300 milliards d'euros supplémentaires d'investissements publics et privés dans l'économie réelle au cours des trois prochaines années » à travers un ambitieux plan d'action se déclinant en trois volets complémentaires : la création d'un Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) qui constitue le premier pilier du Plan, d'une plateforme européenne de conseil en investissement, véritable guichet unique en Europe, et d'un portail européen de projets, qui constituent le second pilier du Plan, et d'un plus vaste chantier de réforme de l'environnement règlementaire, qui constitue le troisième pilier.

Le FEIS, créé par le règlement du 25 juin 2015, que nous avions eu l'occasion de commenter dans notre précédent rapport, en juillet 2015, est opérationnel depuis le 4 juillet dernier et la plateforme européenne de conseil en investissement depuis septembre 2015. Le portail européen de projets, dont la mise en place était attendue pour février 2016, est encore en phase de pré-lancement mais devrait être opérationnel très prochainement. Ainsi, presque tous les outils du Plan sont désormais opérationnels, ce qui explique notamment les premiers succès de sa mise en oeuvre.

Pour mémoire, le Plan Juncker repose sur un certain nombre de principes qu'il convient de rappeler. Le FEIS est doté d'une capacité initiale de 21 milliards d'euros décomposés comme suit : seize milliards de garanties - dont huit proviennent directement du budget de l'Union européenne - et cinq milliards au titre de la contribution de la BEI au Fonds. Les États membres, comme les États tiers, peuvent contribuer au fonds, directement ou indirectement.

Le dispositif « Juncker » a vocation à financer des projets dans des secteurs prioritaires d'intérêt commun, clairement identifiés et répondant aux objectifs et aux politiques de l'Union européenne. On peut citer notamment les secteurs de la recherche & développement, de l'énergie, des infrastructures de transports ou encore de l'éducation. Cela est important compte tenu de l'origine initiale des fonds.

Le Plan répond à un principe d'additionnalité : il est supposé ne financer que des projets qui n'auraient pas pu voir le jour sans son intervention. Le Plan finance les « meilleurs projets », sans qu'il ne soit établi ni ciblage géographique ni ciblage thématique.

Le succès du Plan dépend des synergies et des partenariats qui se jouent dans sa mise en oeuvre. À cet égard, la coopération entre la BEI et le FEIS, d'une part, et entre la BEI et les banques nationales de développement, comme la Caisse des dépôts et consignations en France ou la KfW en Allemagne, d'autre part, sont particulièrement promues et nécessaires pour permettre au Plan de déployer tous ses effets.

Un peu moins d'un an après la mise en oeuvre du Plan Juncker, un bilan globalement satisfaisant, quoiqu'inégal peut d'ores et déjà être dressé. Les données disponibles au 12 avril 2016 font apparaître que la BEI a approuvé plus de 220 opérations réparties dans 25 des 28 États membres de l'Union européenne. Au total, les montants mobilisés sur les deux volets du Plan atteignent 82,1 milliards d'euros et représentent 26 % de l'objectif cible de 315 milliards d'euros. Les différents observateurs s'accordent par ailleurs pour saluer les résultats particulièrement impressionnants enregistrés s'agissant des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Dans chacun de vos territoires, vous devez en ressentir les effets car la capacité d'investissement donnée aux PME dans notre pays vient de la réussite, grâce à la BPI, du Plan Juncker.

La mise en oeuvre du Plan Juncker a donc été particulièrement rapide et devrait s'accélérer dans les mois à venir, quand l'ensemble des dispositifs du Plan seront opérationnels. Lors des auditions, la BEI nous a d'ailleurs indiqué que l'accélération de la mise en oeuvre du Plan constituait l'une de ses priorités pour 2016 puisqu'elle ambitionne de parvenir à 50 % des 315 milliards d'euros d'ici la fin de l'année.

Toutefois, la mise en oeuvre du Plan se caractérise aujourd'hui par son absence d'uniformité. Les pays sont inégalement concernés par le Plan Juncker : les chiffres font apparaître un peloton de tête composé de la France, de l'Italie, du Royaume-Uni et de l'Espagne. Avec 30 projets retenus dans le cadre du Plan Juncker - 11 sur le volet géré par la BEI et 19 sur le volet géré par le FEI - notre pays est le principal bénéficiaire du Plan, sur chacun de ses deux volets. Le rapport recense notamment les éléments qui ont émergé lors des auditions pour expliquer le « succès » du Plan en France. Parmi eux, on note la qualité et l'efficacité du dispositif national de soutien public à l'investissement qui expliquent également le « succès » du Plan chez nos voisins italiens et britanniques notamment.

Les secteurs bénéficient inégalement du Plan Juncker. La mise en oeuvre semble largement axée sur les projets relatifs aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique. Toutefois, nous constatons que les objectifs climatiques de l'Union européenne ne sont qu'indirectement et tacitement pris en compte dans l'analyse des projets. Or, établir comme critère au soutien apporté aux projets financés dans le cadre du « Plan Juncker » leur compatibilité avec les objectifs et politiques de l'Union européenne ne suffit pas à éviter de potentielles tensions ou contradictions entre certains objectifs de court et de plus long terme. Il est ainsi possible, voire probable, que les objectifs environnementaux de l'Union européenne pâtissent, à long terme, de la priorité donnée à plus court terme, à la relance de l'investissement. En effet, la transition écologique et énergétique présente d'évidents effets à long terme mais son apport à la croissance et à l'emploi n'est pas toujours immédiatement perceptible. Nous pensons qu'il pourrait être envisagé d'introduire, de façon explicite et éventuellement contraignante, des critères relatifs au climat et à l'énergie dans l'évaluation des projets soumis au FEIS.

Voici, mes chers collègues, le bilan que nous pouvons faire de ces premiers mois de mise en oeuvre du Plan Juncker. Je laisse désormais la parole à mon collègue Razzy Hammadi pour conclure nos propos.

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