Intervention de Razzy Hammadi

Réunion du 3 mai 2016 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRazzy Hammadi, co-rapporteur :

Nous pouvons, pour expliquer l'efficacité du Plan Juncker, rappeler les éléments suivants. Premièrement, la BEI est la notée triple A. Deuxièmement, deux mille personnes travaillent et permettent à l'institution de réaliser quatre-vingts milliards d'euros de flux par an. Ces données sont à comparer au rapport personnels-flux financiers enregistrés par une banque commerciale traditionnelle. S'agissant de la France, c'est 2,2 milliards d'euros investis et vous vous rappelez des doutes qui avaient pu être évoqués sur les effets de levier. Les sommes qui permettront d'être mobilisées à ce jour représentent 12,9 milliards d'euros.

Les effets du Plan étaient insoupçonnés et notamment les effets psychologiques sur des banques commerciales. De grandes banques françaises interpellent les acteurs de la BEI ou de la BPI, en arguant que ce sont elles qui devraient financer certains projets alors que quelques semaines auparavant elles avaient refusé le dossier. Par ailleurs, nous pouvons évoquer la question des délais, extrêmement rapides et les exemples ne manquent pas.

Dans la mise en oeuvre du Plan Juncker, la souplesse est incontestablement le maître mot. Il permet de mobiliser une large palette d'instruments financiers, et c'est sur ce point qu'il y a une forme d'inégalité devant la réussite du Plan Juncker. Notamment des prêts garantis contre garantie, les instruments de marché de capitaux, la participation sous forme de fonds propres ou de quasi fonds propres. Il est nécessaire de rappeler qu'une des réussites en France du Plan Juncker est la BPI qui est le premier opérateur public parapublic à avoir signé une convention avec la BEI lui permettant d'être le premier filtre pour les financements de volumes inférieurs c'est-à-dire de 10 à 100 millions d'euros. Les éventuelles contributions des Etats membres au FEIS ou à des plateformes d'investissement demeurent pour le moment plus théoriques que pratiques étant donné qu'aucun État n'a pour l'heure choisi d'abonder directement le fond.

Dans la mise en oeuvre du Plan Juncker, la souplesse est incontestablement le maître mot et explique sans doute les premiers succès, si rapides, du Plan. Cette souplesse est véritablement quelque chose de formidable et représente une évolution culturelle majeure, en particulier pour la BEI.

Les éventuelles contributions des États membres au FEIS ou à des plateformes d'investissement – qui demeurent pour le moment plus théoriques que pratiques étant donné qu'aucun État n'a, pour l'heure, choisi d'abonder directement le Fonds - pourront, en principe, bénéficier des clauses exceptionnelles du Pacte de stabilité et de croissance (PSC). En effet, le 24 juin 2015, juste avant l'approbation du règlement instaurant le FEIS, la Commission européenne a mis fin au débat qui s'intensifiait sur le sujet et procédé à cette annonce de nature politique. Cette dernière n'a, pour l'heure, pas reçu de traduction juridique mais lors des auditions, les services de la Commission européenne nous ont indiqué qu'ils travaillaient à l'élaboration d'une note pour préciser les contours de cette annonce.

Le Plan Juncker permet de combiner les ressources des fonds structurels européens avec les financements du FEIS. Une brochure publiée par la Commission européenne précise les différentes modalités de combinaison envisageables - et le détail figure dans le rapport - mais il convient d'insister sur les potentialités qu'offrent ce type de combinaison. Plusieurs projets ont été mis en place ou le seront en bénéficiant de cette possibilité véritablement prometteuse. C'est notamment le cas du projet « IF TRI en Nord-Pas-de-Calais » : un fonds d'investissement, créé par le Conseil régional et la Chambre de commerce et d'industrie, ayant vocation à investir dans l'économie à faible intensité en carbone dans la région recevra, outre des financements privés et une participation du FEIS, une partie des fonds structurels européens attribués par l'Union européenne au Nord-Pas-de-Calais.

Par ailleurs, certaines des inquiétudes que nous avions notamment exprimées dans notre précédent rapport peuvent aujourd'hui être nuancées voire complètement levées. S'agissant de l'estimation de l'effet de levier (1 :15 pour mémoire), il semble que les premiers résultats confirment l'optimisme des institutions européennes. La Commission européenne comme la BEI estiment même qu'il est probable que l'effet de levier final soit supérieur à cette évaluation et l'on constate déjà que sur certains projets financés par le FEI, l'effet de levier est plus important que 1 :15.

Nous avions exprimé un certain nombre de craintes quant à la structure de gouvernance du FEIS. L'analyse du dispositif déployé nous a permis de les dissiper et il faut saluer les garanties mises en oeuvre dans le règlement en matière d'indépendance, de responsabilité et de contrôle. Les experts indépendants qui composent le comité d'investissement du FEIS, les multiples obligations de rendre des comptes devant les institutions européennes – et notamment dans le cadre d'auditions devant le Parlement européen – ou dans des rapports devant être établis sur une base régulière, sont autant d'éléments rassurants et qu'il convient de relever.

Si ces éléments sont incontestablement positifs et encourageants, d'autres restent à préciser. Des écueils sont à éviter et une réflexion sur l'après Plan Juncker est à mener dès à présent avec sérieux et ambition. Il convient de se montrer vigilants car le Plan Juncker n'est pas exempt de potentiels effets pervers. Ainsi, l'absence, revendiquée et nécessaire, de quotas géographiques ou thématiques se révèle, paradoxalement, être une source d'inquiétude. En effet, les porteurs de projets ayant, jusqu'à présent, sollicité etou obtenu le soutien du FEIS ou du FEI sont principalement originaires des « grands États membres » et certains États ne sont que peu ou pas du tout représentés alors qu'ils auraient particulièrement besoin d'en bénéficier, en particulier s'agissant de certains pays d'Europe de l'Est ou du Sud, particulièrement touchés par la crise.

C'est la raison pour laquelle nous pensons que les institutions européennes doivent désormais trouver comment faire en sorte que l'ensemble des Européens bénéficient des investissements réalisés dans le cadre du Plan Juncker sans que ceux-ci ne soient pour autant fléchés. Dans cette perspective, nous pensons qu'il pourrait être envisagé de concentrer les efforts de la plateforme européenne de conseil en investissement sur les porteurs qui en ont le plus besoin, quitte à identifier clairement les pays qui ne disposent pas de structures locales pouvant efficacement remplir ce rôle. Par ailleurs, le comité de pilotage du FEIS pourrait introduire, dans ses lignes directrices, des éléments permettant de favoriser la diversification des interventions du Fonds afin de limiter une excessive concentration géographique.

Le Plan Juncker souffre encore d'un déficit de communication auprès de ses potentiels bénéficiaires. Il nous semble important de renforcer, dans les mois à venir, la communication sur les mécanismes, les succès mais aussi sur les échecs et insuffisances du Plan, afin d'améliorer l'appropriation du Plan par tous les acteurs. Nous partageons également le point de vue du Sénat quant à la nécessité d'associer plus étroitement les collectivités locales à la mise en oeuvre du Plan, en particulier dans un contexte marqué par la rationalisation de l'investissement public.

Des réflexions doivent être menées, dès à présent, sur l'après Plan Juncker. Si le règlement instaurant le FEIS prévoit que l'avenir du Plan dépendra des résultats de l'évaluation qui sera faite, au plus tard le 5 juillet 2018, de l'application du règlement et donc des succès du Plan Juncker, il nous semble nécessaire d'adopter, en matière d'investissement, une vision ambitieuse. En effet, la principale faiblesse du Plan Juncker réside très probablement dans son caractère limité, étant donné le déficit annuel dont souffre l'Europe en matière d'investissement. Si les estimations diffèrent quant au montant (de 100 à 400 milliards d'euros par an), le diagnostic est unanimement partagé : l'Union européenne doit remédier à cette situation de sous-investissement et trouver des moyens complémentaires d'y parvenir.

La question de la pérennisation du Plan Juncker nous semble devoir être posée, notamment dans le cadre des discussions sur la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel. Je pense qu'il y a là un enjeu fondamental qui est de se battre pour multiplier par deux ou trois l'effet du Plan Juncker, ainsi que son volume.

La transition énergétique, les réussites actuelles, la mobilisation des fonds structurels, la prise en compte de ces investissements et de l'apport dans la quote-part des différents pays au regard des critères du pacte de stabilité, sont des arguments qui peuvent être décisifs et pour lesquels une initiative de notre commission dans le cadre des coopérations, des collaborations que nous avons avec les autres parlementaires me semble ici pertinente et porteuse de débouchés concrets dans les semaines et mois qui viennent.

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