Intervention de Pierre-Yves Le Borgn'

Séance en hémicycle du 17 mai 2016 à 15h00
Ratification de l'accord de paris — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Yves Le Borgn' :

Elle faisait référence à l’urgence du danger pour la nature des dérèglements climatiques et à l’indifférence, regrettable, des opinions. C’était il y a près de quinze ans. Le temps a passé et les choses, peu à peu, ont changé. Certes, la maison brûle toujours, chaque année plus gravement, d’ailleurs, mais la société civile, les entreprises, la finance et les acteurs de la vie diplomatique se sont engagés à la recherche des solutions.

Dans l’histoire du sauvetage de notre planète, je veux croire qu’un événement, la conférence de Paris de 2015, et un texte, l’accord qui en résulte, feront date. L’accord donne au monde les bases d’une maîtrise effective des émissions de gaz à effet de serre, lesquelles sont directement à l’origine des dérèglements climatiques qui menacent à terme l’habitabilité de la Terre. Le sommet de Paris était notre dernière chance. Renoncer face à la difficulté, renoncer face aux coûts, renoncer parce que trop d’intérêts auraient été en jeu n’était pas une option. Je veux citer ici également Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies, qui, au printemps 2015, appelait à l’action et nous rappelait que, face à la crise climatique, « il n’existe pas de plan B, parce qu’il n’y a pas de planète B ».

À Paris, le 12 décembre 2015, 195 États ont décidé d’agir ensemble. À New York, le 22 avril 2016, 175 d’entre eux sont venus apposer leur signature au bas de l’accord, et 15 ont déposé, le même jour, leur instrument de ratification. Car l’urgence est là, manifestée par l’élévation inexorable des températures, par la fonte des glaciers et de la banquise, par la montée des océans, par des tempêtes à la violence inédite, par les premières migrations dramatiques dues au changement climatique.

Chacun, où qu’il vive sur la planète, comprend désormais dans son quotidien que quelque chose se passe, qu’il convient de combattre de toutes nos forces. Les comportements changent. Je pense à la transition énergétique, encouragée par plusieurs États et régions du monde. Je pense à l’évaluation des risques climatiques et des contenus en carbone des investissements. Tous les États, même les États pétroliers, s’engagent vers des mutations profondes de leur économie.

Ce mouvement est, me semble-t-il, désormais irréversible, et l’accord de Paris le conforte. Je salue le succès de la diplomatie française qui y a conduit, la dream team du Bourget : Laurent Fabius, dont l’action, mais aussi l’émotion, le 12 décembre au matin, resteront, notre ambassadrice et championne du climat, Laurence Tubiana, négociatrice inlassable à qui nous devons tant, et vous-même, madame la ministre, qui avez repris en février, avec fougue et passion, le flambeau de la présidence de la COP21.

L’accord de Paris, ce sont 29 articles, soigneusement négociés, écrits, soupesés, et une décision de 140 paragraphes. C’est un accord qui pose comme objectif de contenir l’élévation des températures terrestres au-dessous des 2 degrés Celsius par rapport à l’ère préindustrielle et même, si possible, à moins de 1,5 degré.

C’est un accord qui préconise le franchissement du pic des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais et qui vise la neutralité des émissions pour la seconde moitié du siècle. C’est un accord qui prévoit des transferts solidaires au profit des pays en développement, a fortiori de ceux que les dérèglements climatiques menacent le plus. C’est un accord universel qui renvoie à des responsabilités communes, mais différenciées en fonction des moyens et des contraintes de chacun. C’est un accord contraignant, autant qu’il est possible, pour garantir les ratifications nécessaires et permettre ainsi l’entrée en vigueur rapide des dispositions arrêtées ensemble. Ce sera le cas lorsque 55 parties représentant 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre auront déposé leurs instruments de ratification. C’est enfin un accord dynamique, qui requiert une révision obligatoire tous les cinq ans des contributions nationales exclusivement à la hausse précédée par un bilan mondial des engagements de chacun, une revue par les pairs sous le regard exigeant de l’opinion publique mondiale.

Tel est le coeur de l’accord de Paris. La volonté est là, les instruments sont là. Il faut maintenant agir, et beaucoup reste à faire d’ici à l’année 2020. Les États-Unis et la Chine, les deux principaux émetteurs de gaz à effet de serre, ont indiqué vouloir ratifier dès 2016. Cela oblige l’Union européenne à suivre le mouvement si elle veut préserver son leadership, et chacun de ses vingt-huit États membres à ratifier l’accord dès cette année également. Une ratification par la Chine, les États-Unis et les Vingt-Huit, qui représentent la moitié des émissions mondiales, ainsi que par quelques autres États parties, ferait que la clause des 55 pays représentant 55 % des émissions serait rapidement satisfaite.

Agir, c’est aussi se pencher sans attendre sur le volet financier. Il y va de la confiance que nous ont accordée les pays du Sud, notamment par les pays d’Afrique. C’est sur le niveau, la composition et l’affectation des financements qu’il faut travailler. Le Fonds vert pour le climat n’est qu’une partie de l’enveloppe des 100 milliards de dollars par an attendue pour 2020 – et qui doit ensuite s’accroître. Sur la répartition entre financements publics et financements privés, entre dons et prêts, entre atténuation et adaptation, bien du travail est encore nécessaire. Cette période de l’avant-2020 est décisive pour franchir au plus vite le pic des émissions de gaz à effet de serre. Le seul maintien à leur niveau actuel des émissions nous conduirait à épuiser avant 2040 les quantités de gaz à effet de serre que l’on peut encore rejeter dans l’atmosphère tout en restant dans la limite des 2 degrés Celsius.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion