Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 17 mai 2016 à 21h30
Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature - modernisation de la justice du xxie siècle — Présentation commune

Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice :

De la même manière, s’intéresser à l’avenir de la justice comme à la justice de l’avenir, c’est nous conjuguer au futur et nous projeter dans nos prochaines années. Nous n’avons pas envie d’y retrouver les préoccupations et les problèmes du présent. C’est l’unique ambition de ce projet de loi baptisé de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Pour dessiner le chemin, pour connaître la route à suivre, il y a deux méthodes : soit on part des grandes théories, soit on part du réel. Car être pragmatique, ce n’est pas renoncer aux grandes ambitions. Qu’est-ce que le réel ? Le réel, c’est la vie des citoyens, des justiciables qui patientent des heures, des jours, des mois, avant leur audience devant le juge ou avant de recevoir la décision qui peut bouleverser leur vie. Pour le dire avec les mots de Montesquieu, « souvent l’injustice n’est pas dans le jugement, elle est dans les délais ».

Le réel, c’est la représentation qu’ont les Français de leur justice : 95 % la jugent trop complexe ; 88 % la trouvent trop lente ; 60 % l’estiment inefficace. Le réel, c’est l’expérience quotidienne des magistrats, des greffiers, des fonctionnaires et de tous ceux qui font oeuvre de justice, et qui vivent les lourdeurs administratives, l’encombrement des dossiers, les emplois du temps saturés et les bureaux surchargés. C’est cela le réel ! Il porte leurs visages et leurs questions, et à chacune d’entre elles, nous devons apporter une réponse.

C’est pourquoi nous avons cherché à raisonner à partir des inquiétudes, des préoccupations, des attentes et des besoins des citoyens, des justiciables et des juridictions. Chaque disposition, chaque mesure, chaque amendement a été pensé et réfléchi, comme on compose un bouquet de fleurs japonais. J’ai lu qu’on disait de ce texte qu’il était « fourre-tout ». Je n’en nie pas l’apparence, mais je revendique que cette originalité soit porteuse de cohérence.

Il a été présenté en conseil des ministres en juillet 2015, puis débattu en novembre 2015 au Sénat qui l’a sévèrement arasé. Il n’ouvre pas de nouveaux chantiers, puisque le temps et les finances nécessaires nous manquent. Il n’allume pas de nouveaux brasiers, mais il éclaire des problèmes par des solutions et cherche à résoudre des conflits par l’apaisement. L’apaisement, l’efficacité, la confiance ou l’indépendance ne sont pas des mots qui se décrètent, mais des graines qui se sèment.

Ce projet de loi vise en quelque sorte à faire de la justice un jardin à la française, avec les outils dont elle aura besoin pour être cultivée. C’est pourquoi il convient de distinguer les deux textes.

S’agissant du projet de loi organique, je tiens à saluer la rapporteure Cécile Untermaier pour sa constance, sa permanence, sa vigilance et sa ténacité dans les discussions menées avec le Gouvernement. Si les relations entre l’exécutif et sa majorité sont confiantes, elles peuvent néanmoins être parfois marquées du sceau du désaccord. Nous en avons eu, et Mme la rapporteure a su faire preuve de compréhension en commission. Il reste des points sur lesquels nous aurons l’occasion de débattre. Mais je tiens à saluer son incroyable travail et la qualité des échanges que nous avons eus.

Quant au projet de loi ordinaire, les rapporteurs, Jean-Michel Clément et Jean-Yves Le Bouillonnec, constituent un duo inhabituel à la commission des lois, dans la mesure où la coutume est plutôt au rapporteur unique. Vu l’importance du travail, sans doute avez-vous jugé bon d’en choisir deux. Le Gouvernement se félicite de cette décision, puisque cela lui faisait deux adversaires

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