Intervention de Jean-Michel Clément

Séance en hémicycle du 17 mai 2016 à 21h30
Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature - modernisation de la justice du xxie siècle — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi, que j’ai l’honneur de rapporter aux côtés de mon collègue Jean-Yves Le Bouillonnec, aura été l’occasion pour nous de procéder à un vaste état des lieux de notre justice, plus de deux ans après le début des travaux entrepris par l’ancienne garde des sceaux, Christiane Taubira, à qui je veux aussi rendre hommage ce soir.

Vous reprenez, monsieur le garde des sceaux, ce nécessaire chantier, en y apportant tout votre engagement pour faire de ce texte, non pas un condensé d’aménagements, comme je l’ai entendu ici ou là, mais une vraie réforme, pour peu que l’on prenne le temps de mesurer les orientations prises. Je citerai par exemple le développement de la conciliation et de la médiation préalablement à toute solution judiciaire, l’idée d’agir collectivement, avec l’action de groupe, qui heurte l’ordonnancement habituel de notre droit, l’unicité des juridictions sociales, dont d’aucuns ont dépeint la complexité, et l’ouverture de la procédure participative dans certaines situations de divorce. Cette ouverture devrait, selon moi, permettre aux auxiliaires de justice que sont les avocats de mesurer ce que peut apporter le recours à ces procédures au règlement de bien d’autres conflits qui encombrent souvent les juridictions.

Les nombreuses auditions et les visites en juridictions que nous avons réalisées avec mes collègues rapporteurs ont permis de mesurer l’engagement et la volonté constante de l’institution judiciaire et des auxiliaires de justice d’améliorer l’accès de nos concitoyens à la justice. Je souhaite ici dire ma reconnaissance à tous ceux qui s’engagent, souvent bénévolement, pour que notre justice fonctionne mieux au quotidien.

Comme mon collègue Jean-Yves Le Bouillonnec, mon propos vise à présenter les résultats des travaux menés par notre commission sur les sujets dont j’ai eu plus particulièrement la charge.

Tout d’abord, je me félicite de l’aboutissement de la réflexion commune de nos collègues sénateurs, du Gouvernement et de la commission des lois, qui permet de vous proposer une réforme d’ampleur de l’organisation et du fonctionnement des juridictions chargées des contentieux de la Sécurité sociale, de l’incapacité et de certains litiges relevant des commissions départementales des affaires sociales. L’article 8 du texte adopté par la commission me semble équilibré. La différence essentielle entre ce nouveau texte et celui adopté par le Sénat tient au transfert des contentieux des tribunaux des affaires de Sécurité sociale – TASS –, des tribunaux du contentieux de l’incapacité – TCI – et d’une partie du contentieux des commissions départementales d’aide sociale – CDAS – au tribunal de grande instance, et non à une nouvelle juridiction, dénommée par le Sénat « tribunal des affaires sociales ».

Par ailleurs, la commission a précisé le cadre juridique de l’action de groupe devant le juge judiciaire et le juge administratif. Le socle est ainsi défini. La commission a retenu une acception plus large que le Sénat s’agissant du champ des victimes susceptibles d’être concernées – elle a inclus les personnes morales – et de celui des personnes ayant qualité à agir au nom du groupe – elle a retenu les associations agréées et les associations déclarées depuis au moins cinq ans dont l’objet statutaire comporte la défense des intérêts auxquels il a été porté atteinte.

Pour ce qui concerne plus particulièrement l’action de groupe en matière de discrimination, y compris celle visant un employeur, la commission a précisé le champ des personnes ayant qualité à agir et ajouté les préjudices moraux à la liste des préjudices pouvant faire l’objet d’une réparation dans ce cadre. C’est un point important parce qu’en matière de discrimination, les préjudices sont le plus souvent d’ordre moral. La commission a, par ailleurs, complété la liste des motifs de discrimination établie à l’article 1er de la loi du 27 mai 2008, afin de l’harmoniser avec celle précisée dans le code pénal. Il nous a en effet semblé utile, à l’issue de nos auditions, de prévoir l’élargissement de cette liste dans le cadre du présent projet de loi, sans attendre l’examen du projet de loi « Égalité et citoyenneté ».

La commission a enfin ouvert la voie aux actions de groupe en matière d’environnement et de protection des données à caractère personnel, suivant en cela votre avis, monsieur le garde des sceaux.

En matière de justice commerciale, nous avons trouvé un compromis satisfaisant sur la durée des mandats pouvant être exercés par les juges : ceux-ci ne pourront exercer que quatre mandats successifs, et une limite d’âge à 75 ans est prévue sans désorganiser les juridictions, comme le craignaient les magistrats consulaires. Nous avons également introduit une disposition permettant aux justiciables de saisir directement la commission nationale de discipline si leur démarche est dûment motivée.

Nous avons fait, par ailleurs, un certain nombre de propositions visant à rendre effective l’extension de la compétence des tribunaux de commerce aux artisans, que le Gouvernement a souhaité expertiser en vue d’un examen en séance. Ainsi, nous espérons que des avancées seront possibles sur ce point.

Nous sommes aussi revenus aussi sur les suppressions ou modifications introduites par le Sénat, qui avaient pour effet de fragiliser certaines procédures collectives comme la procédure de sauvegarde.

À ce titre, je souhaiterais rappeler que nous avons profondément réformé les procédures collectives ces dernières années. Nous ne pouvons que nous en féliciter, parce que ces réformes étaient très attendues par les entreprises. Toutefois, nous devons maintenant être vigilants et maintenir une stabilité législative pour permettre aux entreprises de se saisir des moyens nouveaux que le législateur a mis à leur disposition. En la matière, le débat n’est jamais clos, mais n’oublions pas que c’est avant tout l’usage que les acteurs économiques et le monde judiciaire font des outils qui leur sont proposés qui est déterminant.

Si l’ouvrage est encore sur le métier, des progrès substantiels sont venus des propositions du Gouvernement et de votre commission. Les débats à venir devraient nous permettre d’achever cette réforme, dans l’intérêt de la justice et des justiciables.

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