Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi organique adopté par le Sénat relatif « aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature » et le projet de loi ordinaire « portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle », sont aujourd’hui conjointement soumis à l’examen et à la discussion de notre assemblée. Avec ces deux textes, vous l’avez dit, monsieur le ministre – nous sommes pleinement d’accord au sein de la majorité – nous cherchons tous à améliorer le service public rendu au justiciable. Nous souhaitons tous, également, renforcer l’accès au droit pour les plus démunis et les plus fragiles dans notre pays.
Nul doute que si nous n’octroyons pas à la justice les moyens suffisants pour que ses missions soient conduites dans de bonnes conditions, nous nous bornerons à énoncer une série de voeux pieux.
Nous avons aujourd’hui une institution qui étouffe, une institution appauvrie, en perte de légitimité. Heureusement, vous avez préparé ce débat en annonçant hier le déblocage de crédits en faveur de notre justice, soit 107 millions d’euros d’aide dégelés afin de soulager les juridictions en difficulté financièrement. C’est évidemment une bonne nouvelle, car cette somme est indispensable pour notre justice « en état d’urgence absolue », pour reprendre vos propres termes, monsieur le garde des sceaux.
Le projet de loi organique traduit l’engagement du Président de la République de renforcer l’indépendance de la justice. Qui traite de l’indépendance de la justice doit s’interroger sur le lien entre ce projet de loi organique et la réforme constitutionnelle qui a récemment été présentée au Parlement. L’indépendance du ministère public constitue un corollaire indispensable à l’indépendance de la justice, notamment depuis le sérieux coup de semonce de l’arrêt Medvedyev de la Cour européenne des droits de l’homme, dont il fallait tirer très rapidement les leçons constitutionnelles. Je regrette qu’aujourd’hui ce texte soit bloqué par la majorité sénatoriale et qu’une réunion du Parlement en Congrès ne soit plus à l’ordre du jour pour son examen.
L’indépendance du parquet est nécessaire, non seulement pour nous conformer aux obligations européennes, mais également pour renforcer l’efficacité et la sérénité de la justice, ainsi que la confiance que celle-ci inspire à nos concitoyens. Ces textes comportent ainsi plusieurs dispositions importantes, plus ambitieuses que vous n’avez voulu le laisser entendre en commission.
D’abord, le projet de loi organique crée un statut pour le juge des libertés et de la détention, nommé comme juge spécialisé par décret du Président de la République, sur proposition du garde des sceaux, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. L’exercice de ses fonctions dans une même juridiction est limité à dix ans. Juge protecteur des libertés individuelles, le juge des libertés et de la détention contrôle de façon croissante les actes et les décisions les plus intrusives ; c’est pourquoi il est important de renforcer cette fonction. J’ai déposé, à l’instar d’un certain nombre de mes collègues, plusieurs amendements visant à renforcer encore la prévention des conflits d’intérêts, notamment pour les magistrats.
Je salue également la décision de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs. Le débat fut long. Vous aviez pris cet engagement, vous l’avez respecté. J’avais, au nom des écologistes, déposé un amendement en ce sens à l’instar des autres groupes de la majorité. Je ne dirai qu’un mot : enfin ! C’était une promesse de 2012 de François Hollande ; elle est enfin honorée. C’est une autre bonne nouvelle.
Le titre II de la loi organique favorise le recours aux modes alternatifs de résolution des litiges. Un préalable obligatoire de conciliation par un conciliateur de justice pour les litiges portant sur moins de 4 000 euros est notamment instauré. Le juge n’aura donc plus à examiner que les affaires les plus contentieuses. De même, les possibilités pour les parties de recourir à une clause compromissoire, c’est-à-dire de faire appel à un arbitre, sont également organisées.
Sur la question de la déjudiciarisation du divorce, je voudrais simplement exprimer mon interrogation, voire peut-être mon inquiétude. Le juge est en effet l’ultime protection pour celui qui peut être défavorisé dans ce type de situation. Dans votre texte, les parties sont obligées de se faire assister par deux avocats différents, alors que, actuellement, un seul suffit pour le couple. Le divorce par consentement mutuel peut devenir un divorce subi, notamment pour les personnes vulnérables, en situation de violences conjugales ou sous emprise ; qu’en est-il de la sécurité dans ces cas de figure ?