Un autre point important du texte est la réforme des tribunaux des affaires de Sécurité sociale, des tribunaux du contentieux de l’incapacité et des commissions départementales d’aide sociale, les juridictions sociales, qui constituent une partie essentielle de ce projet de loi. Il s’agit de regrouper l’ensemble du contentieux au sein d’une seule juridiction présente dans chaque département et comprenant des magistrats spécialisés. Le texte prévoit des habilitations relatives notamment à la fusion des tribunaux des affaires de Sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l’incapacité.
L’autre texte examiné par notre assemblée est le projet de loi ordinaire relatif à « l’action de groupe et à l’organisation judiciaire ». De nouvelles actions de groupe spécifiques, notamment pour ce qui touche à l’environnement et à la protection des données personnelles, seront introduites dans notre droit. Depuis la loi Hamon, qui a permis pour la première fois l’action de groupe en France, les initiatives se multiplient en faveur d’une généralisation de ce mode d’action collective. Pour ma part, je crois aux vertus préventives de l’action de groupe qui, en inspirant aux entreprises une certaine crainte, les dissuadent d’avoir de mauvaises pratiques.
Par un amendement gouvernemental, et conformément au projet de loi pour une République numérique adopté en première lecture en janvier dernier par notre assemblée, une action de groupe en matière de données personnelles est envisagée. Cela étant dit, il est regrettable que l’action n’ait pour finalité que de tendre « exclusivement à la cessation du manquement », sans se fixer pour objectif la perception d’une indemnisation par les victimes. Par ailleurs, dans le cadre du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, notre assemblée a refusé le 17 mars dernier la création d’une action de groupe dans le domaine de l’environnement alors que le dispositif aurait donné la possibilité aux victimes d’intenter une action en justice en commun pour faire valoir leurs droits. Pour ce qui concerne l’action de groupe en matière de discrimination, nous n’ignorons pas que vient prochainement en discussion devant notre assemblée le projet de loi « Égalité et citoyenneté », et je souhaite bien évidemment l’élargissement de la liste des motifs de discrimination fixée par la loi de 2008 à ceux qui sont aujourd’hui prévus par l’article 225-1 du code pénal.
Chers collègues, dix-sept ans après le vote du PACS, trois ans après l’adoption du mariage pour tous, saluons le transfert aux officiers d’état civil de l’enregistrement des pactes civils de solidarité. Pour reprendre les propos de mon collègue Tourret, puisque ce dernier en avait fait la proposition en 1999, que de tergiversations ! Quelle absence de détermination, parfois, dans la défense des projets d’égalité que nous portons nous-mêmes !
Je voudrais conclure sur la situation des personnes transgenres qui veulent changer d’état civil. Aujourd’hui, lorsqu’une personne ne se sent pas en accord avec son état civil, que son expérience intime est contraire à celui-ci, elle suit un véritable parcours du combattant, semé de violence sociale et institutionnelle, un parcours long et coûteux. En France, il faut subir un traitement médical irréversible, c’est-à-dire une stérilisation, et faire l’objet d’un suivi psychiatrique avant de passer devant les juges pour demander un changement d’état civil.
Mes collègues socialistes Erwann Binet et Pascale Crozon, et moi-même avons travaillé à un compromis. Nous n’avons en effet jamais abandonné ce combat. Pour ma part, voilà bientôt quatre ans que je dépose avec constance des amendements pour faciliter la vie des personnes transgenres. Il est vrai que j’aurais préféré une loi prônant l’identité de genre, à l’instar de la loi argentine, dont se sont souvent inspirés mes amendements. L’amendement propose ainsi que la personne concernée se présente devant un procureur et fasse état de son consentement libre et éclairé en indiquant que son état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle est connue.
La question des mineurs, certes, n’est pas réglée. La solution proposée dans l’amendement n’est pas une simple déclaration administrative, puisque le procureur intervient ; le projet n’est donc pas inspiré du modèle argentin ou de la loi norvégienne. Il constitue cependant une avancée incontestable.
C’est à ce titre que je défendrai ce compromis, en espérant qu’une majorité le votera et permettra ainsi une approbation très large des textes soumis à notre examen, textes que vous avez contribué à enrichir, monsieur le ministre, et que la commission a elle-même enrichis. Ces textes font honneur aujourd’hui à la politique conduite par la majorité en matière de justice.