Intervention de Colette Capdevielle

Séance en hémicycle du 17 mai 2016 à 21h30
Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature - modernisation de la justice du xxie siècle — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaColette Capdevielle :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nos compatriotes découvrent en général la justice à l’occasion de moments familiaux, professionnels ou financiers difficiles ou dans des circonstances encore plus graves relatives à leur liberté ou leur sécurité. Le constat est accablant, nous en sommes tous d’accord. La justice est complexe, lente et onéreuse. Le service public de la justice est actuellement très dégradé et rend la justice dans des conditions indignes de la mission qui lui est confiée. Les justiciables se plaignent régulièrement de délais trop longs mais aussi de réelles difficultés à s’expliquer devant les juges et de décisions incompréhensibles mal, peu ou souvent pas motivées. Le contentieux reste trop souvent la voie royale de la résolution des conflits même lorsque le recours à la justice n’est pas vraiment justifié.

Pour couronner le tout, l’institution judiciaire est l’un des rares services publics ayant le moins bénéficié des potentialités offertes par le numérique pour moderniser son accès et son action, alors même qu’elle doit faire face à de nouveaux contentieux tels que les tutelles, le contrôle des hospitalisations psychiatriques, l’explosion du contentieux familial mais aussi la multiplication par le ministère public des modes d’engagement de l’action publique. Un seul exemple, relatif aux plus démunis de nos concitoyens, suffit à le montrer. Remplir un dossier de demande d’aide juridictionnelle relève d’un parcours digne de Kafka. Il faut remplir ou faire remplir entre douze et seize pages, sans parler des multiples documents à joindre qui ne sont jamais en nombre suffisant. Il faut bien constater aussi que c’est grâce au travail et au dévouement des magistrats et des personnels de greffe et à la collaboration des auxiliaires de justice que l’on peut faire face, difficilement, au flot continu des affaires.

Partant de ce constat, le projet de loi apporte des solutions concrètes, pragmatiques et réalistes. Telle est bien son ambition. Elle consiste tout d’abord à favoriser, voire rendre obligatoire dès que c’est possible, la solution amiable et apaisée des litiges inférieurs à 4 000 euros et de tous les contentieux familiaux. Un litige réglé par la voie de la conciliation ne reviendra pas devant une juridiction. C’est bien cela, la justice du XXIe siècle : accompagner et guider les justiciables afin qu’ils apprennent à gérer ensemble leurs contentieux. C’est cela aussi, désengorger les juridictions, afin que les magistrats se consacrent aux seuls dossiers difficiles et réellement contentieux.

Je ne comprends absolument pas, pour ma part, l’opposition de certains conservateurs doublée de corporatismes évidents. Le divorce sans juge mais avec l’assistance de professionnels formés et expérimentés en qui on a confiance est un divorce responsable, adulte et apaisé. Il évite le passage, nécessairement traumatisant voire infantilisant, devant un juge aux affaires familiales, souvent débordé et qui, dans plus de 99 % des cas, agit comme une chambre d’enregistrement d’une convention de divorce bien souvent signée devant un seul avocat. J’irai même au-delà et proposerai par un amendement symétrique d’appliquer la même formule au juge aux affaires familiales afin que celles-ci soient résolues sans juge, ce qui va d’ailleurs dans le sens de votre réponse à Mme Descamps-Crosnier lors des questions au Gouvernement de ce jour, monsieur le garde des sceaux.

Simplifions encore les procédures en renvoyant les PACS, les changements de prénom et de sexe en mairie, devant l’officier d’état civil, où ils auraient toujours dû figurer ! Le texte comporte d’autres dispositions allant dans le même sens. Le surendettement, qu’il reste à la Banque de France ! Nous fusionnons par ailleurs tous les contentieux sociaux. En matière pénale, qui occupe une petite partie du texte, nous recherchons encore et toujours, comme depuis quatre ans, l’efficacité. Nous supprimons les tribunaux correctionnels pour mineurs, rationalisons la collégialité de l’instruction, forfaitisons certains délits qui encombrent inutilement les juridictions, en aggravant les sanctions d’ailleurs, et renforçons les pouvoirs et l’indépendance du juge des libertés et de la détention, magistrat au rôle de plus en plus important, véritable juge orchestre des libertés dont le statut est protégé.

Enfin, nous nous adaptons à notre époque en élargissant considérablement les actions de groupe, tant devant le juge judiciaire que devant le juge administratif, à de nouveaux domaines tels que les discriminations, l’environnement et la protection des données à caractère personnel.

Le groupe SRC soutient avec beaucoup d’enthousiasme ce texte de loi progressiste, monsieur le garde des sceaux, que vous avez considérablement enrichi en commission en lui donnant du contenu et de la densité. Nous avons hâte de l’améliorer encore avec vous en séance publique, collectivement, avec la participation de l’ensemble des groupes. Nous partageons l’objectif consistant à rendre notre justice plus humaine.

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