Intervention de Joaquim Pueyo

Séance en hémicycle du 17 mai 2016 à 21h30
Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature - modernisation de la justice du xxie siècle — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les Français sont attachés à l’indépendance de la justice et des magistrats car elle seule peut garantir l’impartialité des décisions. Une justice indépendante reste un pilier de toute démocratie moderne. Ces projets de lois traduisent la volonté du Gouvernement de renforcer ces principes fondamentaux tout en adaptant l’institution judiciaire aux réalités du XXIe siècle.

Sur de très nombreux sujets, nous invoquons le besoin d’adapter les législations et le fonctionnement de différentes institutions de notre société. Notre justice ne peut échapper à cette logique.

Chaque année, ce sont plusieurs millions de décisions qui sont rendues par l’ensemble des juridictions françaises, que ce soit en matière pénale, administrative ou au civil. Comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, les magistrats français sont soumis à une charge de travail très importante. Il nous faut aider cette justice sous tension et lutter contre le manque de moyens dont faisait état le garde des sceaux il y a de cela quelques semaines.

Il est d’abord un constat, celui de la pénurie de magistrats. Bien que le nombre d’auditeurs de justice admis à l’École nationale de la magistrature ne cesse d’augmenter, pour atteindre 366 en 2016, nous devons réfléchir à d’autres moyens pour diversifier l’accès à la magistrature. Ce mouvement est déjà engagé avec la création de différents concours d’accès. Il existe également deux dispositions d’intégration à l’École nationale de la magistrature. La présente réforme vise à assouplir les conditions de présentation afin de diversifier les parcours et d’enrichir la magistrature.

Cependant, je reste profondément attaché au modèle français, c’est-à-dire aux concours, d’une part, et aux procédures qui garantissent une égalité d’accès à l’école nationale de la magistrature et à la formation exigeante et pointue dispensée par cette dernière. Car nous ne devons pas oublier que les auditeurs de justice qui quitteront l’école auront la lourde tâche de rendre des décisions qui impacteront la société et la vie de leurs concitoyens.

Pour les magistrats du siège, il est central de rappeler que, dans un État de droit, l’action de juger doit répondre à des principes d’éthique et de déontologie.

Afin de compléter cette adaptation, la justice doit se concentrer sur l’essentiel de ses missions et déléguer, lorsque les garanties d’impartialité sont assurées, les missions qui ne font qu’engorger des tribunaux déjà surchargés. Ainsi 66 000 divorces par consentement mutuel sont traités chaque année, or la très grande majorité d’entre eux ne présentent guère de difficulté et pourraient donc être statués par une procédure simplifiée.

Certains opposent à cette vision la garantie d’impartialité du juge. Cependant, ce texte introduit la présence d’un avocat pour chacune des parties, ce qui garantira la défense des intérêts de chaque conjoint. Cette logique s’applique également dans d’autres dispositions, notamment concernant le PACS. L’enregistrement en mairie aura une double utilité, le désengorgement des greffes et la normalisation de cet acte par un élu, officier d’État civil. Cette disposition a déjà été proposée, mais à l’époque elle avait été refusée par le Parlement, ce qui est regrettable.

Ces textes ont pour objet d’améliorer le fonctionnement de l’institution judiciaire et de mettre fin aux délais parfois importants, sans remettre en cause son indépendance et son rôle central de gardien des libertés fondamentales.

Plusieurs textes nous ont été soumis afin de garantir la sécurité des Français et, à ce titre, une place plus importante a été donnée au procureur de la République. Dans une logique d’équilibre des pouvoirs, il est fondamental de donner un véritable statut de juge spécialisé aux JLD, les juges des libertés et de la détention.

Leur mission est bien trop importante pour que ceux qui auront à prendre des décisions graves ne soient pas statutairement protégés. Il me semble que ce texte va dans ce sens.

Pour finir, je tiens à saluer la décision de supprimer les tribunaux correctionnels pour mineurs. Depuis leur mise en place, leur efficacité n’a pas été démontrée puisqu’ils ne traitent que 1 % des affaires liées aux mineurs. Il me semble qu’une juridiction spécialisée, le tribunal pour enfant, est la plus appropriée pour traiter la délinquance des mineurs par le biais de mesures préventives, de mesures éducatives mais également de mesures répressives. D’ailleurs les décisions des tribunaux correctionnels à l’égard des mineurs sont souvent identiques à celles qui pourraient être prononcées par les tribunaux pour enfants.

Monsieur le garde des sceaux, si nous voulons que la justice des mineurs soit plus efficace, il faut renforcer les moyens des tribunaux pour enfants, notamment le nombre de magistrats. Ils sont actuellement au nombre de quatre cents, ce qui est bien évidemment insuffisant.

La justice des mineurs sera, par le biais d’assesseurs, ouverte à la société civile. C’est une procédure intéressante qu’il est important de conserver.

Ces deux projets remettent la justice au centre et montrent qu’elle ne peut rester figée. Face à la complexification croissante de nos sociétés et à la surcharge réelle de l’institution judiciaire, la simplification et l’efficacité sont les seules réponses envisageables. Nous ne pouvons pas, pour des actes simples, laisser les procédures s’étaler sur plusieurs mois.

Cette évolution ne se fait pas au détriment des grands principes que sont l’impartialité et l’indépendance. Je voterai donc ce texte qui permettra à l’institution judiciaire de se concentrer avec plus d’efficacité et de simplicité sur ses missions essentielles. Je vous remercie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion