Intervention de Carlos Tavares

Réunion du 4 mai 2016 à 11h00
Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Carlos Tavares, président du directoire de PSA :

Les investissements ne constituent pas pour nous un sujet. Nous aurons les moyens de financer notre plan, et l'accent que nous mettons sur les investissements est lié à l'efficience de ces mêmes investissements.

Je voudrais partager avec vous une idée surprenante : il y a le bon investissement et le mauvais investissement. Lorsque nous sommes en train de travailler avec un site industriel sur l'affectation d'un futur véhicule, et que nous imaginons le modèle d'affaires et la rentabilité de ce projet, nous prenons en compte : le coût d'achat des pièces, le coût de fabrication du véhicule dans l'usine terminale, le coût de la transmission et du moteur, ainsi de suite, les moyens commerciaux à mettre en oeuvre pour distribuer la voiture, le ticket d'entrée, etc. On voit s'il faut y aller ou pas, et quel est le meilleur site pour fabriquer ce véhicule.

Dans le coût de fabrication d'un véhicule, intervient tout ce qui résulte de l'utilisation des matières premières et des ressources humaines, ainsi que l'amortissement. L'amortissement compte évidemment dans le coût total de fabrication de la voiture. Si au cours des dix années précédentes, on a fait preuve d'exagération en matière d'investissements et qu'on plombe le coût de fabrication d'une usine avec un excès d'amortissement, on est en train de condamner sa capacité à se présenter de manière compétitive à la prochaine affectation véhicule.

Je pourrais vous faire une longue liste de ce que je considère comme étant des excès d'investissement commis dans le passé par mon entreprise. Je ne le ferai pas, mais je tiens à dire que c'est le juste investissement, dans la bonne capacité et la bonne technologie, qui est utile pour concilier à la fois la compétitivité des coûts de cette usine et sa capacité à mettre en oeuvre les process de l'avenir. Cela suppose une appréciation pointue des process.

En d'autres termes, il faut faire attention à ne pas raisonner uniquement sur le montant de l'investissement, mais sur le montant juste nécessaire pour être compétitif lorsqu'il faudra à la fois fabriquer une voiture avec une nouvelle technologie, et être compétitif par rapport aux autres sites industriels.

Nous allons faire en sorte que l'équilibre entre la rentabilité de l'entreprise et les besoins de financements soit tel que l'on n'ait pas besoin de s'endetter et qu'on soit, dans le même temps, capables de financer le plan. Avec les 4 % de valeur plancher de notre marge opérationnelle, nous n'aurons pas de problème de financement. Mais nous resterons très attentifs au rendement de l'argent dépensé.

C'est un grand changement. De fait, dans le passé, on se disait qu'on ne pouvait pas financer l'avenir parce que l'on perdait de l'argent. Car à chaque fois que l'on augmentait l'investissement, on aggravait la dette. Et à chaque fois que l'on aggravait la dette, on entraînait l'entreprise dans une spirale négative. Cela est désormais derrière nous : nous sommes rentables, nous avons un free cash flow positif, donc nous générons de l'investissement.

Je terminerai sur la question du partage de la réussite de l'entreprise, qui est une question de dimension sociétale. C'est avec nos partenaires sociaux un sujet apaisé. Je peux partager avec vous, sans citer personne, le fait qu'ils ont été tous en soutien et chagrinés de ce qui s'est passé il y a quelques semaines à propos de ma rémunération. J'ai d'ailleurs apprécié que le président du conseil de surveillance soit monté au créneau – et Dieu sait si Louis Gallois a autorité et crédibilité dans notre Nation – pour expliquer que, finalement, l'évolution de mon salaire n'était que la conséquence de l'évolution des résultats de l'entreprise. Je précise que quand j'ai pris le risque d'aller chez PSA alors que l'entreprise était en grande difficulté, personne ne m'a mis en garde devant le fait qu'une part très importante de mon salaire varierait en fonction des résultats de l'entreprise, et que si j'échouais, ce serait pour moi une très mauvaise affaire.

C'est une raison assez simple qui m'a conduit à prendre la décision d'aller malgré tout chez PSA. Je n'ai pas la nationalité française, je suis d'éducation française, et j'ai voulu rembourser une dette que j'ai envers la France : le fait d'avoir été boursier de l'État français à un moment critique de ma vie où, probablement, mes parents n'auraient probablement pas pu subvenir à mon éducation. C'était il y a trente ans, je ne l'ai pas oublié et j'ai donc accepté d'aller chez PSA, de tenter de redresser l'entreprise et de rendre à la France son plus gros constructeur automobile.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion