Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Réunion du 4 mai 2016 à 11h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à onze heures.

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Mes chers collègues, nous avons le plaisir et l'honneur de recevoir ce matin M. Carlos Tavarès, président du directoire du groupe PSA.

Monsieur le président, vous dirigez ce groupe depuis le début de l'année 2014, après avoir effectué une grande partie de votre carrière au sein de Renault, jusqu'à atteindre le poste de numéro 2.

Votre connaissance des stratégies de l'industrie automobile vous a naturellement amené à diriger un groupe qui a connu une des plus graves crises de son histoire en 2012.

Avec le plan dénommé « Back in the Race », vous avez, en à peine plus de deux années, restauré les fondamentaux du groupe. Désormais, vous entendez mettre en oeuvre un nouveau plan de croissance stratégique, sous l'appellation « Push to Pass ». Pour chacun de ces plans, vous avez choisi des appellations offensives, empruntées à votre passion de la compétition automobile.

Il faut donc comprendre que PSA est de retour dans le grand jeu mondial, qui oppose les constructeurs dans un contexte de marché à bien des égards bouleversé.

Après avoir rétabli le profit opérationnel de votre groupe, l'objectif est de rénover complètement l'offre de modèles en améliorant fortement la marge par véhicule. De vos propos, il semble d'ailleurs que cet objectif de marges l'emporte sur les volumes produits.

Pouvez-vous nous préciser quels sont vos objectifs de production, qui peuvent avoir des conséquences sur les usines ou les centres de développement français ?

Pour sortir de cette crise, l'actionnariat de PSA a été sensiblement modifié. L'État et le groupe chinois DongFeng sont entrés au capital à hauteur de 14 % chacun.

Nous avons déjà auditionné les représentants de l'État actionnaire, en la personne de M. Vial, qui dirige l'Agence des participations de l'État (APE). Selon vous, quels sont à ce jour les apports de ces deux nouveaux actionnaires en termes de stratégie ? Il paraît également nécessaire de vous interroger sur vos éventuels partenariats avec d'autres constructeurs.

L'histoire de votre groupe compte en effet un certain nombre de tentatives inabouties ou inachevées comme avec Fiat, Mitsubishi, BMW ou encore General Motors. Cette question se pose car il est souvent dit que le groupe PSA ne peut rester seul face à des concurrents comme Volkswagen, ou encore Fiat depuis son rachat de Chrysler.

Dans un premier temps, nous allons vous écouter au titre d'un exposé de présentation. Nous vous demandons de bien vouloir contracter autant que possible ce propos liminaire. En effet, nous savons que vous avez des obligations à compter de 12 heures 15. Il est néanmoins important que Mme Delphine Batho, notre rapporteure, puis les autres membres de la mission puissent vous poser directement leurs questions.

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Carlos Tavares, président du directoire de PSA

Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je suis à la fois honoré et très heureux de pouvoir partager avec vous les éléments essentiels du tout nouveau plan de croissance rentable organique du groupe PSA.

Vous l'avez souligné, grâce à « Back in the Race » et surtout grâce à la mise en oeuvre de ce plan par les collaborateurs de PSA, nous avons pu, en l'espace de deux ans, à la fois rétablir les fondamentaux en matière de rentabilité, de suppression de la dette – puisque l'entreprise n'a plus de dettes aujourd'hui – et générer des flux de trésorerie positifs, ce qui nous assure notre capacité à investir dans l'avenir. Cela a été obtenu par optimisation de l'utilisation de nos ressources, l'amélioration de nos prix nets, et l'accélération de la réduction des coûts variables.

En bref, « Back in the Race » nous a rapprochés de l'excellence opérationnelle. Nous comptons bien continuer à utiliser les grands principes de "Back in the Race » pour, chaque fois que possible, nous rapprocher de cette excellence opérationnelle qui fait la différence entre les constructeurs. Mais ce n'est pas suffisant. Au-delà, il nous faut une démarche stratégique à moyen et long terme, qui permette à l'entreprise de se bâtir un avenir.

Vous avez évoqué, madame la présidente, un certain nombre de questions que je tenterai de traiter au cours de cet exposé.

« Push to Pass » est un plan stratégique qui vient se superposer à un plan « Back in the Race » qui nous a rapprochés de l'excellence opérationnelle. Pour le bâtir, nous avons commencé par reconnaître qu'il y a, dans les sociétés dans lesquelles nous opérons, un certain nombre de changements. Il s'agit pour nous, non pas de contrer ces changements, mais simplement d'en prendre acte. Je ne vais pas les reprendre en détail, mais il faut en retenir deux: d'abord, un centrage de plus en plus marqué sur la mobilité et de moins en moins sur le produit automobile ; ensuite, le fait que l'expérience prend le pas sur la notion de propriété. Cela aura évidemment des conséquences sur la manière dont nous allons nous organiser pour préparer l'avenir.

Nous prenons acte de ces évolutions et de la vitesse de changement des attentes de nos clients. Il est évidemment de notre responsabilité d'adapter l'entreprise aux attentes de ceux-ci. En effet, seule la satisfaction de ces attentes permet de donner à l'entreprise la pérennité et la prospérité à laquelle nous aspirons.

Nous avons donc décidé de mettre le client au coeur de nos préoccupations et d'ouvrir l'entreprise à une influence plus forte du monde extérieur, en particulier de nos clients. Cela se traduit, dans notre activité, par la mise en place de deux piliers.

Le premier, que l'on peut qualifier de « connu », est celui du constructeur automobile ; de ce point de vue, nous voulons devenir un constructeur automobile de référence dans l'industrie automobile mondiale pour son efficience. En complément de cela, nous voulons préparer notre entreprise à l'éventualité d'une fourniture de services de mobilité qui serait associée à cette idée que l'usage et l'expérience de la mobilité deviendront, pour certaines parties de la population, plus importantes que l'objet de mobilité en lui-même. Voilà pourquoi le second pilier est celui du fournisseur de mobilité, qui vient compléter et créer des synergies avec celui de constructeur automobile de référence en termes d'efficience.

Une fois que l'on a intégré ces deux éléments essentiels de notre modèle d'affaires, le plan « Push to Pass » s'articule autour de trois axes majeurs.

Le premier axe est celui d'une offensive produits et technologique sans précédent dans l'histoire de l'entreprise. C'est très important de le comprendre. Je me souviens en effet d'avoir eu avec vous un dialogue sur ce thème il y a à peine deux ans. À l'époque, une des grandes questions qui nous étaient posées était de savoir si nous n'étions pas en train d'assécher le pipe-line produits de l'entreprise. Le risque était qu'à l'issue de sa reconstruction économique, celle-ci n'ait plus ni produits ni technologie, et ne puisse donc plus assurer son avenir. La réponse est là : nous avons protégé nos investissements pendant la phase de reconstruction économique et à peine sommes-nous sortis de cette phase que nous lançons, avec « Push to Pass », une offensive produits sans précédent.

Voici quelques chiffres de référence, qui sont très marquants : sur les six prochaines années, nous allons lancer 28 nouveaux produits en Europe, 20 en Chine, 23 en Afrique et Moyen-Orient, 17 en Amérique latine et 17 en Eurasie. Cela signifie que pendant la phase de reconstruction, nous avons continué à investir et à développer nos produits et nos technologies. Notre gamme deviendra de plus en plus mondiale, ce qui permettra d'améliorer significativement l'efficience de tout l'amont créatif de l'entreprise.

La « gamme coeur » du constructeur automobile comprend ainsi 34 véhicules, avec 26 véhicules particuliers et 8 véhicules utilitaires. Nous l'avons renforcée avec l'introduction d'un pick-up d'une charge utile d'une tonne, que nous allons développer au cours des prochaines années.

Deux plateformes porteront l'ensemble de ces applications véhicules. La planification stratégique du produit a été complétement refondue, pour nous permettre de vérifier la pertinence du plan produits, non pas à partir du centre de l'entreprise, mais à partir des fenêtres régionales qui voient arriver les nouveaux produits sur les marchés où elles opèrent. Pour cela, nous nous sommes dotés d'une stratégie de planification des produits qui, à partir de 2018, procurera à chaque région la possibilité de voir arriver tous les ans une nouvelle Peugeot, une nouvelle Citroën et une nouvelle DS.

Cette nouvelle manière de planifier nos développements et de planifier l'introduction de ces produits assurera une certaine régularité dans la croissance de notre business.

Sur le plan technologique, nous prévoyons également une poussée sans précédent.

Non seulement, nous allons continuer à améliorer les émissions de nos moteurs à combustion interne, notamment les moteurs à essence, mais nous avons lancé tous les programmes d'électrification de nos groupes motopropulseurs : arrivée des hybrides rechargeablesessence dès 2019 ; arrivée d'une technologie électrique de deuxième génération dès 2019 ; déploiement sur un certain nombre de véhicules jusqu'en 2021. Cela nous permettra, en 2021, d'avoir sept véhicules hybrides rechargeables à essence et quatre véhicules purement électriques, en accentuant ainsi fortement l'électrification de notre gamme. Mais déjà, au cours du premier trimestre de 2016, le taux de croissance de nos ventes de véhicules électriques en Europe a été de 100 % - soit un doublement de nos ventes. Nous sommes donc en train de démarrer fortement notre activité commerciale dans ce domaine.

Enfin, nous allons continuer à différencier nos marques avec : une marque Peugeot qui se positionne comme le généraliste de haut de gamme du marché ; une marque Citroën qui est de plus en plus centrée sur l'humain et sur l'utilisation agréable et aisée du véhicule au quotidien, avec une dimension de confort qui fait partie de son ADN, déployée cette fois à 360 degrés ; et une marque Premium DS qui exprimera le luxe et l'esprit avant-gardiste à la française sur l'ensemble des marchés mondiaux.

On doit donc retenir du premier axe de « Push to Pass », que c'est une offensive produits et technologique sans précédent dans l'histoire de l'automobile, avec pas moins de 121 lancements de nouveaux modèles sur l'ensemble des six régions qui nous occupent au niveau de notre activité commerciale mondiale.

Le deuxième axe de ce plan consiste à réduire, si ce n'est annuler, la vulnérabilité de notre entreprise qui est aujourd'hui très dépendante du marché européen et du marché chinois – pour l'essentiel, du marché européen. Dans ces conditions, les crises ou les périodes difficiles qui peuvent se produire sur un seul marché risquent de tirer l'ensemble de l'entreprise vers le bas.

La seule solution est évidemment de répartir nos ventes sur un nombre plus important de marchés mondiaux pour la protéger, statistiquement, d'une crise régionale à un seul endroit du monde. Cela suppose d'avoir un volant d'affaires suffisamment copieux sur un nombre suffisant de marchés. C'est particulièrement important.

Il y a deux ans, dans une salle semblable à celle-ci, on se disait que cela n'allait pas très bien en Europe mais qu'heureusement, il y avait la Chine. Maintenant, c'est exactement l'inverse, c'est l'Europe qui va beaucoup mieux et la Chine qui se porte beaucoup moins bien. Donc, on voit bien que si nous avions au même moment des difficultés sur les deux régions, on mettrait l'entreprise en difficulté. Vous voulons donc sortir de cette vulnérabilité en ayant un volant d'affaires sur un nombre plus important de régions qui, statistiquement, ne seront pas toutes au point bas – il y aura toujours quelques régions au point haut et d'autres régions au point bas. Cela constitue la protection de l'entreprise.

Donc, deuxième axe très important de « Push to pass » : une offensive à l'international, en introduisant nos marques et nos services dans des marchés où nous ne sommes pas présents aujourd'hui.

Cela passe : d'abord par un développement en Afrique et au Moyen-Orient, sur lequel nous avons un potentiel de progrès très important ; par l'arrivée sur le marché de l'Asie du Sud-Est, un marché commun qui s'appelle l'ASEAN, dans lequel nous sommes très marginalement présents aujourd'hui – essentiellement en Malaisie ; par l'arrivée sur le marché indien, où nous ne sommes pas du tout présents ; et par le retour programmé et progressif sur le marché d'Amérique du Nord qui, comme vous le savez, avec l'Europe et la Chine, représente les trois gros marchés automobiles mondiaux. Nous voulons revenir sur ces marchés, développer nos marques, nos affaires rentables, précisément pour protéger l'entreprise d'éventuelles crises régionales.

Le troisième axe de développement est lié la mobilité, à l'idée que la mobilité est centrée sur l'usage, sur l'expérience et que les besoins de mobilité des générations futures sont en croissance exponentielle. L'opportunité, pour l'industrie automobile, est d'être capable d'accompagner ces besoins de mobilité. Mais cette mobilité s'exprime davantage sur une dimension de l'usage et de l'expérience, que sur une dimension de propriété de l'objet de mobilité. Voilà pourquoi nous nous plaçons pour préparer l'entreprise à cette éventualité.

Cela suppose que nous nous positionnions pour être des fournisseurs et des opérateurs de mobilité Si nous sommes nous-mêmes les opérateurs, nous pourrons bien comprendre les attentes des utilisateurs. Car il est fort probable que les besoins des utilisateurs de mobilité vont se traduire par une conception des objets de mobilité qui sera divergente par rapport à la conception des véhicules aujourd'hui en propriété. Dans le cas d'Autolib, par exemple, vous voyez bien comment les véhicules sont traités. Ces véhicules vont devoir se développer sur des dimensions de connectivité, de fonctionnalité de l'habitacle, de résistance de l'habitacle à un usage plus intensif.

Nous avons là une carte à jouer, car les attentes de ces clients vont rejaillir sur la manière de concevoir les objets de mobilité. On peut penser qu'à l'avenir, les objets de mobilité en partage auront une conception différente de celle des objets de mobilité en propriété. Nous devons nous y préparer, et surtout utiliser les synergies qui vont exister entre un constructeur automobile et un opérateur de mobilité. C'est pour nous davantage une opportunité qu'une menace. C'est même une « disruption » que nous appelons de nos voeux, parce que nous sommes une entreprise qui est devenue plus agile au travers de la reconstruction de ses fondamentaux et des épreuves que nous avons traversées. Nous allons donc travailler dans ce sens. J'observe qu'en matière de mobilité, il n'y a pas que les services de mobilité : il y a aussi les services connectés.

Nous devons être capables de développer notre business de vente de véhicules d'occasion. Nous devons aussi pouvoir fournir des solutions de mobilité regroupant à la fois l'objet de mobilité, la maintenance et l'assurance, et offrir une mobilité sans souci, avec un seul acte d'achat de l'ensemble de ces paramètres. Nous avons enfin programmé, de manière très progressive et à partir de l'autopartage, notre retour en Amérique du Nord. Car ce qui est important, ce n'est pas notre retour, mais le fait d'y revenir de manière solide, progressive, voire de manière prudente, pour y rester.

Je souhaite maintenant vous présenter les objectifs économiques sur lesquels nous nous engageons, et qui correspondent à une forme d'élévation du niveau de jeu du groupe PSA dans le monde automobile.

Nous nous engageons sur une marge opérationnelle de la division automobile, qui représente le coeur de notre métier, et qui passera de 1 % à 4 %. En d'autres termes, nous proposons de multiplier par quatre notre rentabilité sur le coeur de notre modèle d'affaires. Nous sommes partis sur la moyenne de la marge opérationnelle qui a été de 1 % au cours de ces quinze dernières années, soit de de 2001 à 2015. Sur les trois prochaines années, 2016-2018, nous nous engageons à ne pas faire moins de 4 % de marge opérationnelle. C'est un engagement sur la durée, qui démontre que nous élevons le niveau de jeu de l'entreprise à une autre catégorie.

De la même manière, madame la présidente, nos volumes ont progressé. Pendant que nous reconstruisions les fondamentaux économiques de l'entreprise, les volumes de PSA mondiaux ont crû de 5,5 % sur cette période de deux ans. J'ajoute que de notre point de vue, la croissance des volumes est la récompense d'un travail bien fait. Ce n'est pas une fin en soi, mais le signe que nous avons bien fait tout le reste, que nous avons rendu nos clients heureux et que nous avons su apporter sur les marchés des produits attractifs.

Nous proposons également de multiplier par quatre le taux de croissance du chiffre d'affaires de l'entreprise – qui mélange à la fois la vente de véhicules et la vente de services. Nous prenons en référence le taux de croissance annuelle de ces quinze dernières années, qui était de 0,8 %. Nous nous engageons donc à le porter à 3,2 % sur les trois prochaines années. Ainsi, nous conjuguons à la fois l'amélioration de l'efficience de l'entreprise par l'amélioration de la marge opérationnelle, et la multiplication par quatre du taux de croissance du chiffre d'affaires.

Après vous avoir présenté les trois axes majeurs du nouveau plan « Push to pass » – une offensive, produits et technologique, sans précédent ; une offensive à l'international pour réduire la vulnérabilité de l'entreprise à des crises régionales ; la préparation de l'entreprise aux enjeux de la mobilité de demain sans propriété – je tiens à vous rappeler les éléments essentiels de ce qui concerne la France, puisque c'est le pays de notre entreprise, où se trouve le coeur de l'entreprise.

Nous avions pris des engagements dans le cadre du contrat social que nous avions signé en octobre 2013 : d'abord, produire en France un million de véhicules en 2016 : en 2015, nous avons produit 995 000 véhicules. Nous sommes donc déjà tout près du million. Ensuite, affecter un véhicule par site industriel sur la période 2014-2016 : l'ensemble de ces affectations ont été faites et chacun des sites industriels connaît maintenant le véhicule qu'il aura à produire sur les prochaines années. Enfin, investir 1,5 milliard d'euros en France sur la période 2014-2016, ce qui a été réalisé, et maintenir pas moins de 75 % de notre volume d'activité recherche et développement en France à l'horizon 2016, ce qui est en passe d'être réalisé.

J'ai ici une longue liste, que je ne vais pas énumérer, de tous les investissements qui ont été réalisés sur l'ensemble de nos sites industriels. Nous sommes résolument engagés dans une démarche que je qualifierai de « co-construction » de l'avenir avec nos partenaires sociaux, avec lesquels nous avons un dialogue très ouvert et très transparent, sur la manière de continuer à construire la compétitivité de notre entreprise. En effet, il est maintenant bien compris et bien admis par l'ensemble de nos collaborateurs et de nos partenaires que la meilleure façon de donner à l'entreprise un avenir prospère et de les protéger, c'est de donner à celle-ci un niveau de performance lui permettant de continuer de croître de manière rentable.

Je terminerai sur quelques données quasiment philosophiques de la manière dont nous voyons la conduite de notre business.

Pour une entreprise comme la nôtre, la performance compte plus que la taille. La taille est toujours le résultat d'un travail bien fait, apportant à nos clients un niveau de satisfaction élevé. Nous considérons que ce qui est important, c'est d'être à la pointe de l'efficience de tout ce que nous faisons, que ce soit dans le domaine de la qualité, du service, ou de toutes les activités du coeur de métier de l'entreprise.

Nous reconnaissons que le client a un besoin de mobilité qui ne passe pas obligatoirement par la propriété. Nous nous préparons à devenir un fournisseur de mobilité. Puisque nous considérons que la croissance est toujours le résultat d'un travail bien fait, nous nous concentrons sur l'excellence de l'exécution. Et comme vous l'avez souligné, madame la présidente, nous avons besoin de rendre l'entreprise plus robuste.

Rendre l'entreprise plus robuste passe par deux dimensions : la première est l'excellence opérationnelle et la préparation aux enjeux de la mobilité de demain ; la seconde est d'être en bonne situation, en bonne forme pour pouvoir négocier une éventuelle alliance stratégique, que nous n'écartons évidemment pas. Nous restons les yeux grands ouverts pour saisir toute opportunité. Mais nous voulons placer l'entreprise dans une position où une alliance stratégique ne fera que rajouter de la valeur à un plan stratégique déjà ambitieux et robuste, et pas dans une situation où une alliance stratégique serait une condition nécessaire pour sauver l'entreprise. Nous n'avons pas besoin d'une alliance pour sauver l'entreprise. Mais étant nous-mêmes prospères et en croissance rentable, nous nous mettons en situation de pouvoir éventuellement saisir une opportunité pour devenir un acteur encore plus important.

En dernier lieu, je voulais partager avec vous ce slide, qui est celui du changement d'identité de notre entreprise, qui s'appelle désormais « PSA Groupe » groupe avec « e » pour bien mettre en lumière évidemment le fait que nous sommes une entreprise française et fiers de l'être.

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Monsieur le président, à l'issue de l'intervention de Mme la rapporteure, peut-être pourrez-vous répondre à ma question concernant l'apport des anciens actionnaires, DongFeng et l'État ?

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Merci beaucoup, monsieur le président, pour cette présentation.

Le point de départ de la création de notre mission d'information par la Conférence des présidents fut évidemment l'affaire Volkswagen, qui est loin d'être terminée. Je voudrais vous interroger à ce propos. Je n'aborderai pas l'aspect technique de cette affaire, puisque nous avons longuement rencontré vos équipes et M. Gilles Le Borgne. Mais j'aimerais savoir ce que celle-ci a eu comme conséquences sur la relation entre les consommateurs et l'industrie automobile, et sur la confiance que ces derniers lui accordent. À ce propos, je tiens à saluer la démarche que vous avez initiée avec Transport et Environnement, France Nature Environnement et le Bureau Veritas, même si elle méritera d'être complétée par la suite.

Diriez-vous que la tricherie d'un constructeur constitue une concurrence déloyale pour les autres constructeurs ? Cette affaire peut-elle être l'opportunité de remettre à plat les règles sur les normes et les contrôles, et de rétablir la confiance ?

Pourriez-vous également nous parler de la procédure entamée par la direction générale de la concurrence, la consommation et la répression des fraudes (DGCCRF) il y a quinze jours ?

Concernant « Push to Pass », je dois dire que c'est la première fois qu'un constructeur nous présente un plan qui semble en phase avec ce que nous avons entendu sur l'évolution des usages de l'automobile et de la relation des consommateurs à l'automobile, et la révolution que cela représente de passer d'un constructeur à un fournisseur de services de mobilité.

Mais 2021, c'est demain, même si, dans votre secteur, les changements sont extrêmement rapides. D'autres constructeurs nous ont présenté leur vision à l'horizon 2050. Votre plan sous-tend une vision stratégique à plus long terme, et j'aimerais savoir ce qu'il faut en attendre en termes de mutation des emplois du secteur et des compétences dans l'entreprise.

Cela m'amène à ma troisième question, qui concerne le maintien des sites industriels en France. Vous avez rappelé les engagements du plan « Back in the Race », qui ont été tenus.

D'abord, le maintien des sites jusqu'à 2016. Et après ? Qu'y a-t-il dans le plan « Push to Pass » ?

Ensuite, 1,5 milliard d'euros d'investissements en France. Et dans « Push to Pass » ? En se déplaçant sur sites, nous avons constaté un enjeu de modernisation et d'adaptation de l'outil de production industrielle, notamment sur les moteurs, qui sont à 85 % fabriqués en France. Il y a déjà eu des investissements, mais qu'a-t-on prévu pour l'avenir ?

Enfin, vous avez aujourd'hui quinze modèles « origine France garantie » ? Sur les nouveaux modèles qui sont annoncés, comptez-vous maintenir une stratégie « origine France » ?

Quatrièmement, lors de votre audition par la commission des affaires économiques en 2015, vous aviez invité à la neutralité technologique de l'État, notamment dans le débat essencediesel. La neutralité technologique suppose la neutralité fiscale et donc un rééquilibrage de la fiscalité, lequel est maintenant enclenché. Quels investissements, quel accompagnement cela suppose-t-il si l'on veut préserver l'activité industrielle de PSA en France ?

Par ailleurs, souhaitez-vous que les pouvoirs publics prennent des mesures en faveur de l'accélération du renouvellement du parc automobile ? C'est important si l'on veut, par exemple, sortir du parc roulant les véhicules qui ne sont pas équipés de filtres à particule.

Ma dernière question portera évidemment sur le partage de la réussite. Vous vous êtes exprimé publiquement à propos de votre salaire. D'autres exemples défraient la chronique et l'État menace de légiférer, sans jamais le faire. Que pouvez-vous nous dire sur le partage de la réussite avec les salariés ?

Je crois qu'une nouvelle négociation d'accord de compétitivité doit s'engager. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?

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Monsieur le président, que représente le crédit d'impôt-recherche (CIR) dans votre effort de recherche et développement (R & D) ? On a dit qu'il était le plus avantageux des systèmes d'incitation à la R & D dans la plupart des pays développés. A-t-il eu des conséquences sur l'implantation de votre effort de recherche en France ?

Par ailleurs, est-ce que la vitesse de réalisation de la neutralisation fiscale, à parité énergétique bien sûr, est cohérente avec la vitesse d'adaptation de l'entreprise ? En d'autres termes, est-ce que l'on va trop vite ou pas assez ?

J'aurai une question subsidiaire portant sur l'oxygénation des carburants : comment se pose le problème en Europe par rapport au reste du monde, puisque vous allez vous implanter un peu partout dans le monde ?

Ensuite, en France, le niveau de la pression fiscale est assez élevé, notamment sur les bénéfices, puisque nous avons le taux d'IS parmi les plus élevés. Cela a-t-il des conséquences sur l'organisation de votre groupe ? Je pense à son organisation juridico-financière et au choix des implantations de vos nouvelles unités.

Enfin, vous avez beaucoup développé le troisième axe de votre nouveau plan qui vise, notamment, à faire de la location et à développer des prestations autour de la mobilité. Cela ne va-t-il pas se traduire par des besoins en capitaux bien plus considérables ? Qui va porter ces actifs ? Une structure dédiée du groupe ?

En d'autres termes, ces trois axes sont très ambitieux. Comment allez-vous les financer ? Ne risquez-vous pas de déstabiliser l'actionnariat ? Ne faut-il pas faire rentrer d'autres actionnaires ?

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J'ai bien noté que vous vouliez passer de la propriété à l'usage. Nous étions récemment au siège de Google à Paris. Croyez-vous à l'avenir de la Google car, c'est-à-dire de la voiture sans pilote ? Est-ce que vous vous y préparez ?

Par ailleurs, la France est aujourd'hui très absente du marché des deux roues. Pourtant, Peugeot a une tradition très forte en ce domaine. Je crois à un très fort potentiel du deux roues, s'agissant notamment du scooter électrique. Avez-vous des projets en la matière ?

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Monsieur le président, je voudrais d'abord saluer la stratégie que vous avez présentée, parce qu'elle est très claire et qu'elle intègre bien les enjeux de la mobilité de demain. C'est particulièrement rassurant.

Ensuite, vous avez précisé l'évolution de votre offre par rapport à vos concurrents. Vous avez parlé d'efficience. Mais au niveau national, comment vont évoluer les réseaux de vente et de distribution ? À côté de chez moi, j'ai un acteur dans le e-commerce. Chaque semaine, des centaines de voitures neuves sont vendues à des particuliers ou à des groupes. Traditionnellement, il y a des réseaux de distribution avec un service après-vente, etc. Cela ne risque-t-il pas, demain, d'être perturbé ?

Enfin, en ce moment même, l'accord de partenariat transatlantique, le TAFTA, est en cours de discussion. Peut-il avoir des conséquences sur un groupe comme le vôtre, au niveau international ?

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Monsieur le président, vous avez présenté l'évolution de votre marge opérationnelle, qui est particulièrement positive.

En tant que parlementaire, nous souhaitons évaluer les politiques que nous menons, notamment la politique du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Quelle part représente donc le CICE dans cette marge opérationnelle ?

En termes d'usage de cette marge opérationnelle, je rejoindrai les propos de Mme la rapporteure. Quelle sera la part d'investissements réalisée grâce à cette marge opérationnelle ? Comment allez-vous orienter ces investissements, particulièrement en France, pour renforcer votre système productif, notamment le système productif de partenariat que vous avez mis en place avec un certain nombre d'entreprises ?

J'ai une veille sur une entreprise de mon territoire, qui s'appelle la Française de mécanique. Ce partenariat a précisément permis de donner aux salariés de la lisibilité sur leur emploi. Va-t-on le renforcer, s'agissant notamment de la production des nouveaux moteurs ?

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Monsieur le président, vous avez déclaré récemment sur une radio nationale : « Nous avons chez PSA un potentiel et une énergie que nous allons libérer ». Est-ce l'énergie du plan « Push to Pass » que vous venez de nous présenter ?

Mes deux autres questions concernent l'international.

Je reviens d'une mission parlementaire à Taïwan où, sur 23 millions d'habitants, on compte 15 millions de scooters. Les Taïwanais sont en train de travailler sur la transition énergétique. J'ai visité une start-up très innovante, qui s'appelle Gogoro, et qui n'a que huit mois d'existence. Elle a sorti un produit fantastique : un scooter recyclable, à base d'aluminium, électrique, non rechargeable. Il faut retirer la batterie, la déposer à une station-service, et en reprendre une autre pour repartir. Le scooter est connecté à un I Phone, qui indique le temps restant à parcourir et où aller rechercher une nouvelle batterie. On paie par abonnement, ce qui est intéressant. Travaillez-vous sur de tels sujets ?

J'ajoute qu'en visitant Taïwan, je n'ai pas vu beaucoup de voitures Peugeot. Mais dans une arrière-cour, j'ai rencontré un réparateur de voitures qui en réparait. Je pense que le plan ambitieux que vous souhaitez développer demandera beaucoup de de travail. Je pense aussi qu'il vous reste d'extraordinaires parts de marché à conquérir.

En définitive, le monde a changé, puisque l'on parle d'autos et de scooters connectés. Vous avez été très longtemps seul sur votre secteur. Est-ce que ce n'est pas aujourd'hui un handicap, pour le secteur automobile, de vivre une telle révolution ?

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Monsieur le président, j'ai eu la chance, grâce à vos équipes de MontbéliardSochaux, de pouvoir essayer votre véhicule autonome. Sur autoroute, c'est véritablement bluffant ! Peugeot n'est pas en retard sur la technologie.

Cela dit, je crois savoir qu'un particulier utilise son véhicule personnel pendant 15 à 17 % de son temps. Avant, on avait un véhicule par famille, puis deux, puis trois. Le véhicule autonome aura-t-il un impact sur le nombre de véhicules par famille et les productions de véhicules ?

Enfin, même si nous discutons de l'automobile, pourquoi ne parlerions-nous pas des scooters ? L'usine Peugeot Scooters est à Mandeure, dans ma circonscription. L'actionnariat est partagé – à 49 % chez Peugeot Scooters, et à 51 % chez Mahindra. Dans d'autres pays, les scooters électriques sont en train de se développer et sur mon secteur, j'attends de voir de nouvelles productions. Vous-même et vos équipes avez été capables de redresser Peugeot automobiles. Qu'en est-il de la partie scooters ? Certaines grandes villes ont acheté des scooters électriques .Y a-t-il des Peugeot ? Vous en avez déjà fabriqué. Où en êtes-vous de votre réflexion s'agissant des scooters ?

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Je rappelle tout de même que nous sommes dans le cadre d'une mission d'information sur l'offre automobile…

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Monsieur le président, j'ai dans ma circonscription, à Trémery, la première usine du monde de moteurs diesels. Mais aujourd'hui, beaucoup de salariés s'inquiètent. Des attaques successives ont été lancées contre le diesel, malgré les recherches qui ont été faites sur le diesel propre. L'existence même de notre mission d'information les amène à s'interroger. Et je sais que les cadres de cette usine travaillent aujourd'hui sur la modification de l'outil de travail pour produire des moteurs à essence.

La direction de PSA pourrait-elle leur délivrer des messages d'espoir ? En effet, je suis convaincue que tout le travail que vous avez fait sur le diesel sera fait sur l'essence. Et je sais que votre potentiel en matière de recherche et d'innovation est largement supérieur à celui des autres entreprises. Mais comment apaiser les esprits et rassurer vos salariés, qui travaillent avec beaucoup de conviction sur les moteurs ?

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Carlos Tavares, président du directoire de PSA

Je vais essayer de répondre à vos questions dans l'ordre où elles m'ont été posées.

Vous m'avez d'abord interrogé sur la fraude de Volkswagen. Évidemment, comme beaucoup d'autres dirigeants d'entreprises automobiles, j'ai été surpris, choqué par ce qui s'est produit. Et je voudrais le relier à certains des propos que j'ai tenus pendant mon exposé, à savoir que la stratégie qui consiste à faire en sorte d'être le plus gros ne fonctionne pas. On l'a observé non seulement avec le groupe Volkswagen, mais également avec d'autres entreprises – une grande entreprise japonaise et une grande entreprise américaine. Au cours des vingt ou trente dernières années, toutes les grandes entreprises automobiles qui se sont fixé comme stratégie d'être les plus grosses ont connu de graves dysfonctionnements : soit des fraudes, comme celles que vous avez mentionnées pour Volkswagen, soit de gravissimes problèmes de qualité, ce qui est le cas pour les autres.

Cette affaire a donc fini par me convaincre que la croissance n'est jamais que la conséquence juste et heureuse de la satisfaction des clients, mais ne peut pas être une fin en soi. Il faut donc rester concentré sur l'essentiel : la qualité, l'éthique et le respect des règles qui nous sont imposées par les sociétés dans lesquelles nous opérons. Il est important de le comprendre.

De fait, cette affaire de fraude a eu un grave impact et a causé un lourd préjudice à l'ensemble de l'industrie automobile, et en particulier à PSA qui est le leader des émissions de CO2 sur le marché européen, ce qui nous a beaucoup chagrinés et préoccupés.

La meilleure réponse que nous ayons trouvée pour essayer de préserver la confiance de nos consommateurs a été l'initiative soulignée par Mme la rapporteure. Une ONG étant plus crédible qu'un constructeur aux yeux des consommateurs, nous avons soumis à l'une d'entre elles l'idée de définir un protocole de mesure de la consommation – qui est proportionnelle aux émissions de CO2 – et de faire en sorte que le cycle de mesure soit totalement représentatif des usages clients.

Nous avons défini ce protocole au cours du premier trimestre 2016, et nous l'avons officiellement présenté dans le cadre du Salon de Genève en début mars 2016. Nous sommes actuellement en train de le mettre en oeuvre. Il s'agit de mettre à la disposition de nos clients toute une série de mesures qu'ils pourront visualiser sur le site de Transport & Environnement d'ici aux prochains congés d'été. Ainsi, progressivement, les consommateurs pourront prendre connaissance de ces informations.

Je m'empresse de dire que ce protocole de mesures repose sur une heure et demie d'essais et 90 km de mesures, plutôt que sur quelques minutes d'essais et 11 km de mesures, sur le cycle simplifié de la norme actuelle. Le dispositif a été placé sous le contrôle de Bureau Veritas, en ce qui concerne le respect strict du protocole de mesures, pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté.

L'avenir nous dira si cela a été, on non, une réussite. Reste que nous avons essayé d'être à la fois proactifs en prenant les devants pour construire cette démarche avec une ONG, et transparents en montrant les mesures que nous avons effectuées nous-mêmes. Nous souhaitons ainsi préserver, et si possible renforcer encore, la confiance des consommateurs dans nos marques et dans notre entreprise.

La DGCCRF a fait son travail. Elle est venue demander des informations et interroger nos techniciens. Nous avons bien évidemment mis à sa disposition tous les documents et toutes les équipes. Jusqu'à présent, nous avons eu, comme avec toutes les commissions qui ont été nommées, et notamment la commission Royal, un dialogue constructif, transparent, techniquement circonstancié sur la manière dont fonctionne notre dispositif de traitement des émissions.

En particulier, sur les NOx, nous avons une excellente conformité par rapport aux règles et aux cycles qui nous sont demandés. Et je crois que nous avons fait la démonstration que le système SCR (Selective Catalytic Reduction) que nous utilisons est celui qui a aujourd'hui, du point de vue technologique, les meilleures performances sur le marché, même si on peut reconnaître qu'en valeur absolue, ce n'est pas suffisant. D'ailleurs, plus on se rapproche de l'utilisation réelle du véhicule par le client, plus cette technologie fait la différence par rapport aux autres technologies et par rapport à nos concurrents, en particulier sur un aspect qui est très important, à savoir la plage de température pendant laquelle ce système est actif. Donc, non seulement nous sommes conformes aux réglementations, mais nous sommes parmi les plus performants, sinon les plus performants en utilisation qui se rapproche de la réalité du client.

Maintenant, vous m'avez demandé si « Push to Pass » regardait suffisamment loin. Vous avez raison car c'est fondamental. Il est exact que nous avons limité notre plan à six ans, soit un peu plus que la durée actuelle des plans des grandes entreprises, qui durent entre trois et cinq ans. Il est exact aussi que la question à laquelle nous ne pouvons pas répondre, et à laquelle nous ne pouvons répondre qu'en travaillant ensemble, c'est celle de la place des objets de mobilité dans la société. En particulier, la différence qui va inévitablement apparaître entre les milieux urbains et non urbains, relèvera assez rapidement de l'aménagement du territoire. Mais face à toutes les interrogations qui vont se faire jour, le groupe PSA veut se positionner comme un apporteur de solutions.

Pour que nous soyons un apporteur de solutions, il faut que l'on puisse visualiser ensemble, dans une perspective d'aménagement du territoire, comment nous voyons la place des objets de mobilité dans la société, dans les milieux urbains, dans les milieux non urbains, dans les milieux périurbains, et comment nous voyons la coexistence des objets de mobilité avec d'autres formes de transport. Mais il faut reconnaître que les constructeurs automobiles, qui peuvent avoir des idées et qui emploient des gens très talentueux, n'ont pas de visibilité au-delà du moyen terme.

Cela étant, je tiens à faire état de la disponibilité du groupe PSA pour réfléchir avec les autorités et les administrations qui voudraient bien se pencher sur la place des objets de mobilité dans la société, qu'elle soit urbaine ou non-urbaine. Il y a là matière à un travail constructif et prospectif de qualité qui, à coup sûr, nous emmènera au-delà de la perspective de 2021, comme vous l'avez souligné à juste titre.

J'en viens à la question des sites en France. Vous m'avez demandé ce qui se passerait au-delà de 2016, qui est en effet la dernière année de l'actuel contrat social que nous avons signé avec nos partenaires. Il se trouve qu'à l'heure même où je vous parle, nous sommes en train de construire avec nos partenaires ce que nous appelons le « Nouveau contrat social 2 ». Pour ma part, je préfère parler d'un travail de co-construction de l'avenir avec nos partenaires sociaux, qui consiste à partager de manière très simple, transparente et respectueuse les enjeux de l'entreprise, laquelle se protège elle-même par sa performance. En d'autres termes, la protection de l'entreprise est la conséquence naturelle de la performance qui va générer sa prospérité et son avenir.

À l'issue des discussions qui vont se dérouler ces prochaines semaines, nous aurons – du moins, je l'espère – conclu un accord avec nos partenaires sociaux. Mais encore une fois, je préfère parler de co-construction de l'avenir que de dialogue social ou de contrepartie. Car finalement il n'y a pas véritablement de contrepartie, mais la volonté de construire un avenir qui soit aussi prospère, aussi souriant que possible et faire en sorte que chacun, à sa place, puisse y participer. Je pense qu'il y a une véritable complémentarité à rechercher, plutôt qu'une opposition. En tout cas, c'est comme cela que nous avons vécu le premier contrat social. C'est comme cela que s'engagent les discussions du deuxième. J'espère que nous aurons l'opportunité d'en rediscuter tous ensemble lorsque cette démarche se sera conclue. En tout cas, je peux vous dire que cela a très bien démarré, et que l'on se comprend sur ce qui constitue aujourd'hui les enjeux de l'entreprise pour l'avenir.

Vous m'avez demandé ce qu'il fallait penser du CIR. C'est un excellent outil. Selon les années, il représente entre 80 et 100 millions d'euros pour l'entreprise. C'est donc une somme très conséquente, qui participe de manière concrète au fait que nous gardons en France la partie la plus noble de notre R & D, à savoir l'Advanced Engineering, c'est-à-dire toute la partie amont de l'ingénierie, où nous concevons les nouvelles technologies, les nouveaux objets, les nouveaux services et les nouveaux équipements.

Nous la développons en France, et c'est ce que nous voulons. L'une des raisons tient au crédit impôt recherche. L'autre raison, c'est qu'ainsi nous utilisons au mieux l'excellence de notre système éducationnel scientifique français. Ce système produit d'excellents techniciens et ingénieurs. Voilà pourquoi nous avons une force qui s'appelle l'ingénierie de PSA. Nous comptons continuer à utiliser cette force qui résulte de l'excellence du système éducationnel français et du CIR, pour continuer à développer toutes les technologies d'avant-garde – dont le véhicule autonome, l'électrification des groupes motopropulseurs et tout ce qui touche à la connectivité.

Ensuite, vous m'avez interrogé sur la neutralité fiscale et sur la vitesse à laquelle on évoluait vers cette neutralité. C'est une question à la fois sensible et importante. Gilles Le Borgne vous a expliqué qu'une nouvelle norme d'émission entraînait à peu près un milliard d'euros de dépenses, et qu'il était difficile pour nous de nous adapter sans conséquence à des changements plus fréquents qu'une nouvelle norme tous les cinq ans.

(Mme Marie-Jo Zimmermann remplace Mme Sophie Rohfritsch à la présidence.)

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Carlos Tavares, président du directoire de PSA

En cinq ans, on est capable, par notre agilité et notre dialogue interne, de converger vers cette nouvelle norme en adaptant l'entreprise. C'est d'ailleurs notre travail. Nous devons adapter en permanence notre entreprise aux changements des milieux dans lesquels nous opérons.

En revanche, si l'on demande à l'entreprise de s'adapter plus rapidement, on génère une succession de coûts qui risquent de porter atteinte à notre capacité d'investissement dans d'autres domaines. Par exemple, une fréquence excessive sur les normes d'émission peut se traduire par notre incapacité à investir sur le véhicule autonome, sur la connectivité ou sur des services de mobilité puisque la capacité d'investissement de l'entreprise est par définition contrainte. Cela peut nous conduire à des problèmes technologiques si on n'est pas capable de suivre de manière efficace les requêtes qui nous sont faites en matière d'amélioration des émissions.

Voilà pourquoi la convergence vers la neutralité nécessite une certaine progressivité. Nous sommes capables de suivre la progressivité qui a été jusqu'à présent décidée par les élus. Mais nous devons faire attention. En effet, la convergence vers un mix essencediesel nettement différent – et notamment l'impact que cela peut avoir sur la partie « B to B », c'est-à-dire la vente aux flottes – est quelque chose d'extrêmement quantique. Je veux dire par là que si l'on va trop rapidement vers cette convergence, et que brutalement, les flottes d'entreprise basculent d'un côté à l'autre, 50 % du marché basculera brutalement. Du point de vue de l'industrie, nous ne serions pas capables de suivre. Par ailleurs, si on basculait rapidement, on dégraderait la rentabilité de l'entreprise dans la mesure où, aujourd'hui, les marges des véhicules diesel sont supérieures à celles des véhicules essence. Cela aurait évidemment un impact sur les marges, et donc sur la capacité d'investissement dans d'autres technologies.

Je voudrais que vous gardiez en tête ces ordres de grandeur : cinq ans entre deux normes successives ; et si possible, ensuite, dix-huit mois à deux ans pour l'extension de l'application à l'ensemble des modèles concernés par cette nouvelle norme.

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En d'autres termes, deux ou trois centimes par an. Cela vous va, mais pas plus ?

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Carlos Tavares, président du directoire de PSA

Oui. Et pour moi, le véritable enjeu réside dans la fiscalité des flottes. C'est là que l'on peut faire beaucoup de dégâts, si l'on va trop vite.

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Sur l'assujettissement à la TVA, vous souhaiteriez donc une progressivité ?

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Carlos Tavares, président du directoire de PSA

En tout cas, un dialogue qui nous permette de définir ensemble la vitesse à laquelle on va vers cette neutralité – puisqu'il n'y a pas de doute sur le fait que l'on va y aller. C'est cela qu'il faut que nous soyons capables de visualiser et de construire ensemble.

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En fait, il s'agit de rendre éligibles à la même déduction de TVA d'autres motorisations. Dans ces conditions, s'agissant des véhicules d'entreprise, ne pensez-vous pas que, pour un segment non négligeable du marché, le choix se portera vers le carburant qui consomme le moins ?

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Carlos Tavares, président du directoire de PSA

Sur un plan général, vous avez raison. Il faudrait que l'on discute avec quelques grands clients de flottes. Ceux-ci raisonnent en effet en coût total d'utilisation du véhicule au km. Donc, si l'on arrive à préserver un coût total d'utilisation au km qui permette une évolution progressive, pourquoi pas ? Mais il faut que l'on s'entende bien sur le critère que l'on va utiliser pour piloter cette évolution.

En tout cas, comme je l'ai dit tout à l'heure, PSA se positionne comme un apporteur de solutions. Je pense qu'il est de l'intérêt des sociétés – des citoyens – de s'exprimer sur des résultats à atteindre, plutôt que sur des choix de technologies. En effet, si vous vous exprimez sur des résultats à atteindre, vous bénéficierez de toute la puissance d'ingénierie de tous les constructeurs du monde qui chercheront des solutions performantes pour atteindre ces résultats au meilleur coût pour le consommateur. En revanche, si l'on impose une technologie, les constructeurs concentreront leur travail sur cette seule technologie, éventuellement au détriment d'autres solutions plus performantes pour le consommateur et le citoyen.

Cela étant dit, on s'inscrit dans cette évolution. On souhaite simplement pouvoir piloter avec vous la vitesse à laquelle on converge, pour qu'il n'y ait pas d'impact industriel, et donc forcément social, pour notre pays.

Vous m'avez également interrogé sur les carburants. Je rappelle que l'importance du diesel en Europe est une particularité que l'on ne retrouve pas dans le reste du monde, qui utilise essentiellement de l'essence. Et si nous sommes dans cette situation-là, c'est parce que nous avons piloté, par le système fiscal, ce que nous voulions.

Vous m'avez interpellé sur la pression fiscale, qui est un très bon sujet. Aujourd'hui, deux effets de ciseau se cumulent.

D'abord, le pouvoir d'achat de nos consommateurs – je vais raisonner au niveau européen – ne s'accroissant pas ou s'accroissant de manière marginale, la pression sur le pouvoir d'achat est très forte. Concrètement, les clients ne sont pas prêts à payer plus cher les automobiles qu'ils veulent acheter.

Ensuite, la pression sur les coûts, qui est la conséquence des réglementations est elle-même extrêmement forte – à raison de plusieurs centaines d'euros par an. Quand on les regarde une par une, ces réglementations sont censées, raisonnables et souhaitables. Mais leur accumulation génère une inflation sur les coûts.

La pression sur les prix, l'ouverture du marché européen qui reste beaucoup plus ouvert que tous les autres marchés au monde et qui renforce la pression sur les coûts, et l'inflation des coûts qui est la conséquence de l'accumulation des réglementations aboutissent à une réduction des marges des entreprises qui pèse sur leur capacité d'investissement, ce qui constitue évidemment un problème.

Si l'on veut protéger notre capacité d'investissement pour préparer l'avenir au travers de marges qui nous garantissent un flux de trésorerie positif, il faut évidemment être capable de générer de la productivité. La productivité, c'est ce qui nous permet de faire plus avec moins, et donc de contrecarrer cet effet de ciseau entre la pression sur les prix et l'inflation des coûts issue de l'accumulation des nouvelles réglementations.

Nous sommes arrivés à la conclusion que, tous métiers confondus, il fallait que l'entreprise puisse générer tous les ans pas moins de 5 % de productivité pour contrecarrer cet effet de ciseau. Donc, soit vous enlevez des coûts pour l'entreprise – des coûts de toute nature, y compris la pression fiscale ; soit vous nous mettez dans une situation où il faut que l'on génère 5 % de productivité par an dans tous les domaines.

Souvent, les médias me disent : « Monsieur Tavarès, vous sortez de la reconstruction économique de l'entreprise, vous avez fait « Back in the Race », les collaborateurs ont beaucoup travaillé et vous leur demandez encore des efforts ! » C'est parce que la réalité de l'industrie automobile fait que des efforts nous sont imposés par l'effet de productivité que je viens de vous décrire. D'ailleurs, dans cette industrie hyper compétitive, nous ne considérons pas le mot « effort » comme un gros mot. L'effort fait partie de notre travail, tout comme il fait partie de l'intérêt que nous avons au travail : produire des efforts pour atteindre des résultats. Ainsi, au sein du groupe PSA, nous produisons des efforts, nous travaillons en équipe, nous travaillons de manière collective pour faire gagner PSA et donner à l'entreprise un avenir plus prospère et plus visible.

Vous vous êtes exprimés à propos de la mobilité. Celle-ci va-t-elle peser énormément sur les besoins en capitaux ?

D'abord, soyez assurés que nous avons, avec « Push to Pass », les moyens de financer ce plan. Et nous avons les moyens de le financer, tout en conservant ce que nous appelons un free cash flow positif, c'est-à-dire un flux de trésorerie positif. Il n'est pas question de laisser l'entreprise replonger dans la dette.

En d'autres termes, nous allons piloter le niveau d'investissement, tout en préservant un free cash flow positif, qui se traduira par le fait que l'on ne va pas créer de dette. Et nous avons, par notre capacité à être productifs et à aller chercher de nouvelles manières d'être productifs, la capacité de transformer notre rentabilité en capacité d'investissement tout en protégeant un free cash flow positif.

Voilà pourquoi il est tellement important de gagner de l'argent, et si possible beaucoup d'argent. Quand on gagne de l'argent et que l'on fait du profit, on dégage de la capacité d'investissement pour préparer l'avenir, tout en protégeant un free cash flow positif qui ne génère pas de dettes supplémentaires, et on conserve à l'entreprise un équilibre économique particulièrement sain.

Vous m'avez aussi interrogé sur la transition énergétique, les moteurs à combustion interne et l'origine France.

Nous allons nous atteler très prochainement à l'accompagnement industriel de la transition énergétique. Vous l'avez entendu, nous allons développer l'électrification des groupes motopropulseurs, soit pour faire des véhicules hybrides rechargeables essence, soit pour développer la deuxième génération de véhicules électriques – les véhicules électriques à autonomie augmentée. Tout cela va se traduire par des nouvelles chaînes de traction et de nouveaux groupes motopropulseurs.

La question à laquelle nous allons nous atteler est la suivante : comment transformer nos sites industriels non pas uniquement en fabriquant des moteurs à combustion interne, mais aussi en fabriquant des composants de la chaîne de traction électrique ? Nous sommes en train d'y travailler. Nous ferons très prochainement quelques annonces dans ce domaine. Nous allons étudier la manière dont nous pouvons fabriquer en France des éléments de chaînes de traction électrique et des éléments de chaînes de traction hybride.

Tout à l'heure, vous avez évoqué, à juste titre, l'inquiétude. Dans notre pays, l'inquiétude est le premier sentiment qui jaillit dès le moment où une incertitude apparaît. Nous allons le gérer tout comme nous avons géré la reconstruction économique de l'entreprise, en disant : oui, il est normal que les fabrications de moteurs à combustion interne aillent decrescendo, tout simplement parce que le mix diesel baisse.

On voit bien que la pression économique sur les moteurs essence augmente parce les marges sur les diesels sont plus importantes que les marges sur l'essence. Et on voit bien que toute la société, française et européenne, nous oriente vers l'électrification. Donc, nous allons devoir remplacer les moteurs à combustion interne par des éléments de la chaîne de traction électrique ou hybride.

Nous allons le faire en utilisant, notamment, nos sites France. En effet, ces sites nous offrent la possibilité de faire appel à une accumulation d'expertise et à une éducation scientifique. Nous sommes en train d'y développer des process qui sont d'un bon niveau de compétitivité. Développant de nouvelles technologies, nous avons intérêt à maîtriser les process de fabrication de ces nouvelles technologies.

Nous avons la volonté d'utiliser nos sites France, en étant conscients que nous allons être confrontés à une difficulté, qui est la dynamique du changement. De fait, en tant que président du directoire, je me demande toujours si nous sommes en train d'avancer à une vitesse suffisante pour accompagner l'évolution du monde extérieur, mais une vitesse qui ne soit pas excessive pour pouvoir être digérée non seulement par mon entreprise, mais par le corps social dans lequel nous évoluons. C'est une ligne de crête : de temps en temps on glisse d'un côté, de temps en temps on glisse de l'autre, mais il faut continuer à courir, si possible tous ensemble, sur cette ligne de crête pour ne pas se retrouver dans la situation où nous étions en 2012, où nous nous sommes laissés dépasser par les évènements. L'exercice est évidemment délicat.

Maintenant, sommes-nous demandeurs d'incitations à des modifications du parc automobile ? Au risque de vous surprendre, je vous répondrai par la négative. Il y a deux raisons à cela. La première raison est que si elles augmentent les dépenses de l'État français, cela aura à un moment donné – pas immédiatement – des conséquences négatives sur les entreprises. Nous ne souhaitons donc pas contribuer à l'augmentation des dépenses de l'État français. La seconde raison est que, d'expérience, nous savons qu'une fois que l'on a mis ce subside dans le marché et qu'on le retire, les conséquences qui en résultent sur la destruction de valeur au niveau des prix de vente sont considérables. En effet, la tentation de nos commerçants est de continuer à donner aux clients, avec nos propres ressources commerciales, ce qui était précédemment donné par l'État français. Cela détruit les marges de l'entreprise. La rupture de ces incitations a donc un effet très pervers.

Ainsi, le groupe PSA n'est pas demandeur de ces incitations. Il est plutôt demandeur d'un travail collaboratif pour gérer les transitions à une vitesse qui, à la fois, satisfait les sociétés et nous permet de nous adapter. Ayant l'avantage de ne pas être un dinosaure énorme dans l'industrie automobile, nous possédons une agilité suffisante pour y parvenir.

Sur le mix essencediesel, je comprends parfaitement l'inquiétude de nos collaborateurs. Ils voient les médias comme nous les voyons tous, et ils se disent que d'un jour à l'autre, nous pourrions nous trouver dans une impasse. Assez rapidement, nous allons donc les mettre dans cette perspective de la transition énergétique, et leur indiquer, notamment, comment on affectera, sur les sites France, un certain nombre des composants de la chaîne de traction électrique.

Cela nécessitera que l'on développe de nouvelles compétences. Cela nécessitera également, comme nous l'avons fait sur l'usine de Rennes, que l'on se lance, avec un état d'esprit ouvert, dans de nouvelles fabrications. Ainsi, à Rennes, nous avons commencé à fabriquer, avec notre partenaire Bolloré, des véhicules électriques. Bien sûr, nous avons dû essuyer les quolibets de ceux qui ont critiqué la faiblesse des volumes produits. Mais il faut commencer par apprendre la technologie et les nouveaux process avant de songer à se développer. À l'inverse, on nous critiquerait tout autant si on ne développait pas en France les nouvelles technologies de demain. Commençons donc par le début. C'est la raison pour laquelle je compte sur votre soutien pour gérer cette transition.

J'en viens aux questions. Est-ce que « Push to Pass » est le plan qui doit libérer l'énergie et le plein potentiel du groupe PSA ? Oui, trois fois oui. C'est bien le but de ce plan.

J'avoue que je ne connaissais pas le cas de Taïwan. Je m'en excuse auprès de vous et je vais m'empresser de l'étudier.

Est-ce que la vraie révolution est celle du véhicule connecté et du véhicule autonome ? Dans tous les cas, sur le véhicule autonome, je vous assure que l'on fera ce qu'il faut pour rester dans le peloton de tête, comme nous le sommes aujourd'hui. Car nous n'avons pas fini de tout découvrir.

J'ajoute que nous ne partageons pas, avec tout le respect que nous avons pour cette entreprise, le point de vue de Google selon lequel il faudrait passer « one shot », directement, au véhicule totalement autonome. C'est une question de sécurité. La technologie est extrêmement complexe et pointue, et l'on ne peut pas passer de zéro à 100 % d'autonomie sans avoir consolidé les étapes intermédiaires de l'assistance à la conduite, qui permettent de garantir à tout instant au consommateur une sécurité absolue dans l'usage du véhicule. Nous préférons y aller suivant un road map que vous connaissez sûrement déjà : 2016, 2018, 2021. Nous prévoyons trois étapes d'assistance progressive à la conduite pour arriver à ce niveau.

Monsieur Barbier, est-ce que le temps d'utilisation du véhicule est inférieur à 15 % ? Selon les start-up californiennes qui font de l'auto-partage, il ne dépasserait pas 5 %.

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Carlos Tavares, président du directoire de PSA

En tout cas très peu…

Mais est-ce que cela signifie que l'on va fabriquer beaucoup moins d'automobiles ? Je ne suis pas devin, mais j'observe que nos enfants ont des besoins exponentiels de mobilité ; ils voyagent beaucoup et se déplacent beaucoup plus que moi-même à leur âge. Si les besoins de mobilité sont exponentiels et si les objets de mobilité venaient à être majoritairement utilisés en auto-partage, leur usage sera également beaucoup plus intense. Si cet usage est beaucoup plus intense, le nombre de km parcourus sera lui aussi bien plus élevé. À partir d'un tel raisonnement, il n'est pas dit que l'on aura moins d'objets de mobilité à construire.

En revanche, il faudra que l'on soit capable de concevoir et de construire des objets de mobilité sans propriété qui soient parfaitement adaptés aux véhicules en autopartage. D'où l'importance de la synergie dont je vous ai parlé tout à l'heure : entre le constructeur automobile et le fournisseur de mobilité, qui doit imaginer l'objet de mobilité qui va répondre aux besoins.

On assistera probablement à une divergence : les véhicules en propriété seront plus sophistiqués, et technologiquement très complexes, sans doute plus élitistes ; et les objets de mobilité en partage devront s'adapter à un mode d'usage du véhicule, qui sera probablement différent.

Je ne suis pas négatif par rapport à cette évolution. Je pense simplement que l'on n'a pas tout vu et qu'il va falloir, là encore, s'adapter progressivement. En tout état de cause, l'éventuelle généralisation du véhicule autonome se fera à un horizon de vingt-cinq ans, pas avant. Donc, une entreprise comme PSA, qui se veut agile, aura le temps de s'adapter. Nous allons donc faire en sorte, dès maintenant, d'être dans le peloton de tête du développement des véhicules autonomes.

Enfin, vous avez été plusieurs à parler des vélos électriques. C'est un sujet sur lequel je vais devoir me pencher. Je pense notamment à Peugeot Scooters. Comme vous l'avez mentionné, nous sommes dans un partenariat stratégique avec Mahinra. Il se trouve que les problèmes fondamentaux que Peugeot Scooters a connus pendant dix ans ne sont pas encore totalement résolus, et que l'on va devoir y apporter une attention accrue, ne serait-ce que pour savoir s'il ne faut pas envisager le « Back in the Race » de Peugeot Scooters. Peut-être cela n'a-t-il pas encore été imaginé avec notre partenaire Mahinra.

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Monsieur le président, vous n'avez pas répondu à toutes les questions. Certaines d'entre elles me paraissent pourtant importantes : l'apport de l'État actionnaire et de DongFeng ? Les investissements sont-ils liés, ou non, au contrat social ? Où en est le programme d'investissement lié à « Push to Pass » ?

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Carlos Tavares, président du directoire de PSA

Les investissements ne constituent pas pour nous un sujet. Nous aurons les moyens de financer notre plan, et l'accent que nous mettons sur les investissements est lié à l'efficience de ces mêmes investissements.

Je voudrais partager avec vous une idée surprenante : il y a le bon investissement et le mauvais investissement. Lorsque nous sommes en train de travailler avec un site industriel sur l'affectation d'un futur véhicule, et que nous imaginons le modèle d'affaires et la rentabilité de ce projet, nous prenons en compte : le coût d'achat des pièces, le coût de fabrication du véhicule dans l'usine terminale, le coût de la transmission et du moteur, ainsi de suite, les moyens commerciaux à mettre en oeuvre pour distribuer la voiture, le ticket d'entrée, etc. On voit s'il faut y aller ou pas, et quel est le meilleur site pour fabriquer ce véhicule.

Dans le coût de fabrication d'un véhicule, intervient tout ce qui résulte de l'utilisation des matières premières et des ressources humaines, ainsi que l'amortissement. L'amortissement compte évidemment dans le coût total de fabrication de la voiture. Si au cours des dix années précédentes, on a fait preuve d'exagération en matière d'investissements et qu'on plombe le coût de fabrication d'une usine avec un excès d'amortissement, on est en train de condamner sa capacité à se présenter de manière compétitive à la prochaine affectation véhicule.

Je pourrais vous faire une longue liste de ce que je considère comme étant des excès d'investissement commis dans le passé par mon entreprise. Je ne le ferai pas, mais je tiens à dire que c'est le juste investissement, dans la bonne capacité et la bonne technologie, qui est utile pour concilier à la fois la compétitivité des coûts de cette usine et sa capacité à mettre en oeuvre les process de l'avenir. Cela suppose une appréciation pointue des process.

En d'autres termes, il faut faire attention à ne pas raisonner uniquement sur le montant de l'investissement, mais sur le montant juste nécessaire pour être compétitif lorsqu'il faudra à la fois fabriquer une voiture avec une nouvelle technologie, et être compétitif par rapport aux autres sites industriels.

Nous allons faire en sorte que l'équilibre entre la rentabilité de l'entreprise et les besoins de financements soit tel que l'on n'ait pas besoin de s'endetter et qu'on soit, dans le même temps, capables de financer le plan. Avec les 4 % de valeur plancher de notre marge opérationnelle, nous n'aurons pas de problème de financement. Mais nous resterons très attentifs au rendement de l'argent dépensé.

C'est un grand changement. De fait, dans le passé, on se disait qu'on ne pouvait pas financer l'avenir parce que l'on perdait de l'argent. Car à chaque fois que l'on augmentait l'investissement, on aggravait la dette. Et à chaque fois que l'on aggravait la dette, on entraînait l'entreprise dans une spirale négative. Cela est désormais derrière nous : nous sommes rentables, nous avons un free cash flow positif, donc nous générons de l'investissement.

Je terminerai sur la question du partage de la réussite de l'entreprise, qui est une question de dimension sociétale. C'est avec nos partenaires sociaux un sujet apaisé. Je peux partager avec vous, sans citer personne, le fait qu'ils ont été tous en soutien et chagrinés de ce qui s'est passé il y a quelques semaines à propos de ma rémunération. J'ai d'ailleurs apprécié que le président du conseil de surveillance soit monté au créneau – et Dieu sait si Louis Gallois a autorité et crédibilité dans notre Nation – pour expliquer que, finalement, l'évolution de mon salaire n'était que la conséquence de l'évolution des résultats de l'entreprise. Je précise que quand j'ai pris le risque d'aller chez PSA alors que l'entreprise était en grande difficulté, personne ne m'a mis en garde devant le fait qu'une part très importante de mon salaire varierait en fonction des résultats de l'entreprise, et que si j'échouais, ce serait pour moi une très mauvaise affaire.

C'est une raison assez simple qui m'a conduit à prendre la décision d'aller malgré tout chez PSA. Je n'ai pas la nationalité française, je suis d'éducation française, et j'ai voulu rembourser une dette que j'ai envers la France : le fait d'avoir été boursier de l'État français à un moment critique de ma vie où, probablement, mes parents n'auraient probablement pas pu subvenir à mon éducation. C'était il y a trente ans, je ne l'ai pas oublié et j'ai donc accepté d'aller chez PSA, de tenter de redresser l'entreprise et de rendre à la France son plus gros constructeur automobile.

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Carlos Tavares, président du directoire de PSA

J'observe que c'est le conseil de surveillance qui fixe les objectifs de Carlos Tavarès et qui évalue les résultats ; la dimension sociétale de cette question me dépasse. Je pense d'ailleurs que le fait que nous n'arrivions pas à nous débarrasser de ce genre de discussion est un problème pour la France, s'agissant de sa capacité à s'inscrire dans la dynamique du monde. Mais c'est un autre sujet…

Quoi qu'il en soit, la gouvernance de PSA est très rigoureuse. L'assemblée générale des actionnaires a approuvé ma rémunération à hauteur de 76 %, bien que l'État français ait voté contre – je ne trahis aucun secret puisqu'il l'a dit publiquement. Malgré cela qui a ramené la base de vote probablement vers 80 %, 76 % des actionnaires se sont prononcés en faveur de ma rémunération.

J'ai pris un risque personnel que j'assume. Je suis heureux de travailler chez PSA, qui est une grande et belle entreprise. Je pense qu'elle a un énorme potentiel et qu'elle peut encore progresser. Comme je l'ai dit, je me considère comme un joueur de football ou comme un pilote de Formule 1, pour lesquels y a un marché. Je suis payé le tiers ou la moitié de mes pairs. Ce sont des faits qui ne sont pas audibles, et j'en ai pleine conscience. Mais c'est la réalité de notre monde. Peut-être, comme chacun d'entre vous, individuellement, je n'ai pas la capacité ni forcément la volonté de changer le monde, car je suis un parmi de nombreux milliards.

Voilà la réponse que je peux vous faire, madame Batho.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Merci beaucoup, monsieur le président pour votre intervention et pour votre conclusion, qui était très positive.

La séance est levée à douze heures vingt-cinq.