Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, dans notre République, laïque, une et indivisible, il est important de rappeler que la mise en oeuvre démocratique de toute loi sociétale doit se faire dans le respect de deux valeurs fondamentales : 1'affirmation de l'égalité des droits et la laïcité.
C'est à l'aune de ces deux principes que nous devons appréhender le projet de loi sur l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, en comprenant qu'il ne concerne que le mariage civil et non le mariage religieux.
Dès lors, il convient d'adopter une approche dépassionnée et raisonnable dans ce débat.
C'est dans le respect de la laïcité que l'égalité entre les citoyens, quelle que soit leur orientation sexuelle, doit continuer à s'exprimer car, dans les faits, les couples hétérosexuels et homosexuels sont dans une situation similaire : ce sont avant tout des couples. Nous devons donc les traiter, sur le plan juridique, de la même manière et leur permettre d'avoir la liberté de choix entre les mêmes statuts conjugaux : mariage, PACS et concubinage.
Ceux qui estiment que le PACS est largement suffisant oublient, ou feignent d'ignorer, qu'il offre moins de droits et impose moins de devoirs que le mariage civil. Je pense au devoir de secours, à l'héritage, aux pensions de réversion, aux divorces.
L'ouverture du mariage civil aux couples homosexuels permet de faire disparaître une hiérarchie implicite entre les orientations sexuelles. Elle revient à lutter contre l'homophobie et à mettre fin aux discriminations dont ils étaient victimes.
En ce sens, cette loi sera une affirmation de l'égalité entre les citoyens, un pas en avant pour notre démocratie puisque « l'amour de la démocratie, c'est celui de l'égalité » comme le disait Montesquieu.
Quant à ceux qui estiment qu'ouvrir le mariage civil aux couples homosexuels va créer des familles homoparentales, ils se trompent. Elles existent déjà, souvent depuis de nombreuses années, parce que, depuis longtemps, des modèles divers de famille existent, telles que nos concitoyens les définissent, les choisissent et les assument.
Forte de mon expérience professionnelle à l'aide sociale à l'enfance, je vous assure qu'il est important dans le parcours de vie d'un enfant, tant en matière de protection sociale qu'en matière d'adoption, de pouvoir l'inscrire dans une double filiation, lorsque c'est un choix, une assise fondamentale qui lui permette de s'inscrire dans deux lignées familiales. Cette double filiation devient possible par l'adoption, plénière ou simple, et elle concerne essentiellement des familles homoparentales qui existent.
Ce projet de loi, qui rend possible l'adoption de l'enfant du conjoint, représente donc, à mon sens, une grande avancée pour les droits de l'enfant, pour sa protection juridique, pour sa construction future, pour son intérêt personnel.
En cas de divorce, que les couples soient hétérosexuels ou homosexuels, le fait d'avoir contractualisé leur union par un mariage va renforcer les droits de l'enfant. En effet, chaque parent verra sa place auprès de lui garantie par la loi.
Aujourd'hui, lorsqu'un couple homosexuel élevant un enfant se sépare dans des conditions difficiles, la mère ou le père, biologique ou adoptif, garde toutes les prérogatives, y compris celle d'exclure son compagnon de la vie de l'enfant. Un enfant qui a grandi en famille, qui a été élevé par deux parents, peut se retrouver du jour au lendemain privé de l'un de ses deux repères affectifs et éducatifs. Telle est la situation que vivent nombre d'enfants aujourd'hui, le drame qu'ils vivent. Voilà comment ils doivent se construire, avec toutes les conséquences psychologiques que l'on peut imaginer et la précarité.
Aussi, ne rien faire reviendrait à fermer les yeux sur ces situations discriminatoires tant pour les enfants que pour les adultes, à feindre d'ignorer l'inégalité qui existe entre les parents dans notre société. Comment peut-on refuser à un enfant que soit reconnu par la loi un de ses parents, la personne qui l'a élevé ?
L'institution du mariage et le regard porté sur l'homosexualité dans notre pays ont déjà beaucoup évolué. Certaines de ces évolutions sont récentes. Rappelons qu'il a fallu attendre 1992 pour que l'on cesse de considérer l'homosexualité comme une pathologie psychiatrique !
L'ouverture du mariage civil aux couples de même sexe est le prochain pas à franchir vers l'égalité et l'adéquation de l'institution du mariage aux réalités de la société, à toutes les façons de faire famille.
Il faudra aussi que les couples hétérosexuels stables puissent adopter un jour un enfant conjointement.
Nous devons désormais parachever le travail législatif dans les meilleurs délais par une grande loi sur la famille. Il nous faut poursuivre ce long chemin d'égal accès au droit et à la reconnaissance de toutes les formes de familles, qui demeurent, en dépit de certaines nostalgies, la valeur refuge de tous nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)