Intervention de Jean-Claude Mailly

Réunion du 27 avril 2016 à 17h15
Mission d'information relative au paritarisme

Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, FO :

Nous nous intéressons aux problématiques liées au numérique dans le cadre européen et international, et les syndicats ont déjà produit beaucoup de travaux. Il faut faire la part des choses. Au-delà des phénomènes de type Uber, il peut y avoir une tendance à la création d'une zone grise entre les statuts de salarié et d'indépendant. En pensant aux gens qui travaillent pour Amazon ou Upwork, par exemple, certains parlent des galériens du numérique. Plus de 10 millions de personnes peuvent être connectées à Upwork pour proposer leurs services et elles ne seront payées – au lance-pierres – que si elles sont retenues. On pourrait multiplier les exemples de galériens du numérique, dont il faut tenir compte, mais il n'y a pas qu'eux.

Pour notre part, nous ne sommes pas favorables à la création d'un statut intermédiaire entre les statuts d'indépendant et de salarié. Vous pouvez constater que, même aux États-Unis, la relation entre Uber et ses chauffeurs a été remise en cause et a donné lieu à requalification en contrat de travail. Cette zone grise, assimilable d'une manière ou d'une autre à une forme de travail informel, doit être clarifiée. Elle soulève notamment un vrai problème d'accès à la protection sociale collective. Rappelons qu'en 1945 il était prévu de créer un système universel de protection sociale, mais l'idée n'est pas allée à son terme en raison de l'opposition des commerçants, des agriculteurs et de la mutualité. Cela étant, certaines évolutions telles que la CMU vont dans ce sens. Nous travaillons sur le cas de ceux qui se trouvent dans cette zone floue, entre le salariat et le statut d'indépendant. Peut-être faudra-t-il les syndiquer d'une manière ou d'une autre ?

S'agissant du CPA, nous avons joué un rôle clef dans la négociation interprofessionnelle qui a abouti à une position commune que le patronat ne veut toujours pas signer. Le CPA est une bonne idée dont la mise en oeuvre doit être progressive : si on y met trop de choses dès le départ, on va construire une usine à gaz. Or rien n'est pire que de lancer des idées irréalisables, y compris sur le plan technique. Dans la position commune que nous avons adoptée pour le secteur privé, nous l'avons volontairement limité à la pénibilité et au compte personnel de formation (CPF). Ensuite, on verra. En ce qui concerne le secteur public, je rappelle que les fonctionnaires n'en veulent pas. Ils ne veulent pas que soit remis en cause le traitement de la pénibilité par le service actif et se voir imposer un compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P).

Venons-en aux fonds paritaires. Non, il ne s'agit pas d'argent public. Ils sont contrôlés, ce qui est normal et ne nous choque pas, par la Cour des comptes et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Au passage, je signale que les ressources de l'association de gestion du fonds paritaire national (AGFPN) proviennent notamment d'une contribution des employeurs – 0,016 % de la masse salariale – qui va bientôt être insuffisante si l'État continue à accroître le nombre de ses missions. Le fonds va ainsi devoir financer les commissions paritaires qui vont être créées dans le cadre des très petites entreprises (TPE), et aussi l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES) qui, sinon, verrait son existence remise en cause. Ces financements n'étaient pas prévus au départ. À trop charger la mule, on s'expose à des problèmes. Quoi qu'il en soit, nous avons de plus en plus de contrôles, y compris dans le cadre de l'AGFPN, et nous avons des commissaires aux comptes.

Pour en venir aux négociations, disons qu'il peut y avoir des phases théâtrales. FO avait saisi les autres organisations syndicales et patronales sur les méthodes de négociation à la suite des débats sur la modernisation du dialogue social qui s'étaient très mal passés. Nous avons tenu plusieurs réunions. Tout le monde avait fini par reconnaître la nécessité de clarifier les règles de fonctionnement, qu'il s'agisse de méthode, des documents préalables ou du droit de saisine des syndicats. Après avoir avancé, nous en sommes maintenant au point mort à cause du MEDEF, qui bloque, notamment sur notre suggestion d'adopter le Conseil économique, social et environnemental (CESE) comme lieu neutre de négociation. À mon avis, nous pouvons améliorer le processus de négociation en formalisant la méthode plutôt qu'en faisant intervenir un tiers extérieur.

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