C'est au nom de tous ceux qui vivent dans le silence, la douleur et parfois la honte, sous le regard soupçonneux de notre société, que j'apporte un témoignage personnel à cette tribune républicaine.
Oui, au nom de tout cela, et parce que nous savons bien que nous sommes nombreux dans cet hémicycle, à gauche comme à droite, à être aux prises avec cette réalité, je rappelle que notre rôle n'est pas de ménager des conceptions intimes ancrées dans des théories des civilisations aux allures scientifiques contestables ou encore dans des certitudes cultuelles. Notre rôle de législateur est de forger le droit français dans un souci de justice et d'égalité.
S'unir solennellement à la mairie est un pas. La République ne peut priver quiconque de ce droit. La possibilité d'adopter induite par le mariage est brandie comme le signe d'une déchéance de notre société ou le présage d'une aventure dangereuse pour l'enfant. Pourtant, éduquer des enfants, donner de l'amour, transmettre un savoir, partager les nourritures intellectuelles acquises au cours d'une vie, élever en somme, et dans certains cas donner un sens à l'existence d'un enfant qui n'a pas eu sa première chance, n'est pas le domaine réservé d'un papa et d'une maman, idéalement unis pour toujours, aimants et aptes a priori. Rien ne le démontre. Le prôner ne suffit pas.
Dans la réalité, il peut arriver qu'un papa ou une maman soit absent et que le parent resté seul s'en sorte plutôt bien, ou alors qu'un papa et une maman échouent ensemble, ou encore que des parents hétérosexuels détruisent la vie d'un enfant. Il arrive aussi qu'une femme ait un enfant sans père ailleurs que dans la bible. Il peut enfin advenir qu'un couple homosexuel aime et accompagne un enfant jusqu'à ce qu'il vive pleinement sa propre existence.
Celui qui prétend établir un lien entre ces réalités contemporaines et la sexualité de chacun est un imposteur.