Vous souhaitez vivre dans une société où l'on se marie pour faire des enfants et, ce faisant, reproduire l'espèce humaine. Pour procréer il faut un homme et une femme, c'est vrai. À cela, vous ajoutez la volonté du couple de faire des enfants dans le mariage.
Cependant, vous êtes obligés de constater que pour faire des enfants, il faut ne pas être stériles. Dans ce cas, vous admettez que l'on puisse avoir recours à la médecine, donc à la PMA – une disposition qui ne figure d'ailleurs pas dans ce texte. Il n'y a là rien que de très normal : la société dans laquelle vous voulez vivre peut, vous en convenez, compter des personnes que vous aimeriez savoir toutes fécondes.
Vous avez donc raison de regarder la société non comme vous la souhaitez idéale mais comme elle est : personne ne songerait à stigmatiser ici les personnes stériles, pas plus que la femme qui n'a plus l'âge d'être féconde mais qui aime son compagnon et qui veut l'épouser. Alors vous admettez qu'il puisse ne pas y avoir de corrélation automatique entre le mariage et la reproduction naturelle.
La loi ne doit pas organiser l'exclusion de telle ou telle catégorie de nos concitoyens. Au contraire, elle doit être inclusive et répondre à toutes les situations humaines. Vous voyez bien que notre fonction de législateur n'est pas de faire valoir nos préférences personnelles, mais de toujours être en quête de l'intérêt général, celui de tous nos concitoyens, sans exclusive.
Même si dans nos campagnes électorales nous avons fait valoir nos préférences pour tel programme ou tel candidat, dès lors que nous sommes élus, nous sommes porteurs d'un mandat du peuple que nous exerçons non pas à sa place mais pour lui, dans la recherche de l'intérêt général dont je parlais. Cette interprétation de la démocratie, nous la partageons sur tous les bancs de cet hémicycle, à droite comme à gauche.
La société dans laquelle vous voulez vivre, dans laquelle nous vivons, n'est pas idéale. Encore une fois, elle est comme elle est. Vous devez constater qu'elle comporte des hétérosexuels et des homosexuels, que ces derniers ont aussi le droit de s'aimer et de vivre en couple. Je ne fais à personne le procès d'être homophobe – par définition, il n'y a aucun homophobe dans cet hémicycle.
Alors, la question qui se pose est la suivante : les couples homosexuels ont-ils le droit d'élever des enfants ? Si vous pensez que non, il ne faut pas leur interdire le mariage mais l'adoption. Y êtes-vous prêts ?
Les formulaires CERFA des dossiers des départements consacrés aux candidatures à l'adoption qui comporteraient la question « Êtes-vous homosexuel ? » tomberaient sous le coup de la loi, vous le savez bien. Faudrait-il alors demander oralement aux candidats à l'adoption s'ils sont ou non homosexuels ? Et s'ils ne répondent pas, doit-on instituer une présomption d'homosexualité ? Je suis sûr que vous pensez que non. Nous devons donc en déduire ensemble que la préférence sexuelle ne peut pas en France constituer un critère d'éligibilité à l'adoption.
De toutes ces évidences, il en ressort une : des enfants de couples homosexuels, il y en a. Ils sont même nombreux. Et si vous n'en connaissez pas, vous auriez dû assister aux auditions du 20 décembre de la commission des lois.