Intervention de Pascal Demarthe

Séance en hémicycle du 18 mai 2016 à 21h30
Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature - modernisation de la justice du xxie siècle — Article 8

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Demarthe :

Le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle ambitionne de fusionner les contentieux actuellement traités par les TASS – tribunaux des affaires sociales – et les TCI – tribunaux du contentieux de l’incapacité – et d’en transférer les compétences aux futurs pôles sociaux des tribunaux de grande instance, signant ainsi l’arrêt de mort de la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail.

Pourtant, cette dernière a fait montre de son efficacité, de sa compétence et de sa solide expérience. Les avis sont unanimes : elle donne satisfaction aux différents publics concernés.

Cette opération n’est pas nécessaire, elle est profondément injuste et dispendieuse.

La juridiction du second degré ainsi proposée reprend le fonctionnement et les attributions de l’actuelle CNITAAT. Au-delà du bel hommage qui est ainsi rendu à cette cour, l’artifice n’améliore en rien un fonctionnement performant. Il ne répond pas à l’objectif du projet de loi – à savoir améliorer l’efficacité du service public de la justice – car il risque d’entraîner la dispersion du savoir-faire du personnel de l’actuelle CNITAAT, caractérisé par un haut niveau de technicité et de qualification. Cette mesure ne répond pas davantage à l’objectif de garantir aux justiciables une homogénéité et une cohérence de la jurisprudence en matière de contentieux techniques de la sécurité sociale car il les expose à des niveaux de performance inégaux, car différents dans chaque cour d’appel.

Enfin, désormais à la charge du ministère de la justice, son financement devra être démultiplié par autant de cours d’appel d’accueil.

Le maintien de la CNITAAT en l’état permet de respecter le justiciable en évitant un allongement des délais de traitement des dossiers qui, dans certaines juridictions, restent en souffrance pendant plus de trois ans. Le maintien de la CNITAAT capitalise le savoir-faire et la qualification de ses soixante-dix agents, dont quatre magistrats. Le maintien de la CNITAAT, en ces temps d’argent public rare, permet d’éviter les recrutements, les formations, les frais et les transferts que son éclatement engendrerait. Le maintien de la CNITAAT répond au besoin de l’État de centraliser ses compétences. Enfin, le maintien de la CNITAAT évite cette injustice faite à la capitale picarde déchue dont les attributions, une à une, s’évanouissent au sein des Hauts-de-France. Amiens s’enorgueillit de cette compétence nationale qu’est la CNITAAT. Devons-nous ajouter l’injustice à l’injustice en la lui ôtant, assombrissant ainsi son avenir de même que nous assombririons celui du personnel et des justiciables ?

Mes chers collègues, monsieur le ministre, c’est avec fierté mais solennité que j’en appelle à votre sens de l’intérêt général afin que soit préservée la CNITAAT, installée à Amiens. Vous maîtriserez ainsi la dépense publique, valoriserez une compétence connue et reconnue, favoriserez le justiciable et préserverez le personnel, tout en vous inscrivant dans la justice du XXIe siècle.

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