Alors que nous sommes censés simplifier, nous compliquons les recours en matière de décisions relatives à l’aide sociale. Actuellement, il est possible de saisir la commission départementale d’aide sociale – en dépit de son appellation, c’est une juridiction. Or avec ce texte, la personne qui a demandé une aide sociale et qui ne l’aura pas obtenue devra faire un recours gracieux car elle sera dans l’obligation de saisir l’organisme qui la lui a refusée en envoyant une lettre recommandée.
Tout le monde n’est pas en mesure de rédiger une lettre recommandée. Certaines personnes devront demander à des associations de les aider dans leur démarche. Pour ma part, je ne trouve pas très sain que le législateur fasse porter la responsabilité de la complexification de la procédure qu’il prévoit sur des associations, alors que ces dernières n’existent pas partout sur le territoire et que leur charge de travail a d’ores et déjà tendance à s’accroître : cela revient à se défausser sur des bénévoles associatifs. Dès lors, autant ne pas compliquer.
Non seulement le premier réflexe n’est pas de se rendre chez un avocat – surtout quand on sait qu’on ne peut pas le payer – mais en plus, compte tenu de l’absence d’aide juridictionnelle en la matière, les gens auront précisément le réflexe de ne pas le faire. Et les associations elles-mêmes auront tendance, quand bien même les dossiers seraient juridiquement complexes, à ne pas diriger les personnes concernées vers des avocats, sauf en cas d’accords avec certains.
En matière d’aides sociales – car, je le répète, mon argumentation ne concerne pas pour le contentieux en général : le recours préalable fonctionne plutôt bien, comme vous l’avez dit, monsieur le garde des sceaux –, vous risquez, avec ce texte, d’éloigner des personnes extrêmement défavorisées de l’accès au juge. C’est très dommage et j’y vois une régression que l’on pourrait éviter, même d’un point de vue technique.