Intervention de Hervé Mariton

Séance en hémicycle du 19 mai 2016 à 15h00
Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature - modernisation de la justice du xxie siècle — Article 17

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton :

Le Gouvernement est toujours dans la même logique, qui promeut l’individualisme et conduit à la précarité. Nous la subissons depuis le début de ce mandat, notamment en ce qui concerne la vision de la famille. Et c’est, hélas, ce que nous avions pu craindre, aussi, lors du mandat précédent.

Ce texte facilite le changement de prénom – nous l’évoquions il y a quelques heures –, dans une logique individualiste ; avec la déjudiciarisation du mariage, celui-ci est de moins en moins une institution, et s’apparente de plus en plus à un simple contrat. Or, ces dernières années, la vie concrète de nos concitoyens a été facilitée. La loi du 26 mai 2004, relative au divorce, a permis d’améliorer sensiblement les délais de procédure du consentement mutuel, qui est passé de neuf mois à trois mois et demi. Pour un événement aussi important qu’un divorce, un délai de trois mois et demi est-il indécent ?

Doit-on absolument aller vers des mariages et des divorces kleenex, dans une logique d’uberisation du divorce ? Que nous proposera-t-on après cela ? Des procédures simplifiées et des contrats-types, accessibles grâce à une application sur nos téléphones portables ? Divorcer, ce sera facile : il y aura une application pour cela !

Monsieur le ministre, chers collègues, le regard du juge est indispensable – cela a été dit sur ces différents bancs, à l’occasion de la discussion générale –, car le juge prévient l’injustice et protège le faible contre le fort. Mêmes dans les cas que vous visez dans cet article, il peut y avoir un faible et un fort. Méconnaître le juge, c’est retirer au justiciable le droit d’être protégé. À propos du divorce, Jean Carbonnier rappelait que la présence du juge était la seule à même de garantir la liberté des consentements, la seule. Sans l’intervention d’un juge, l’un des époux pourrait être lourdement lésé, et le notaire – cela a été rappelé par Catherine Coutelle – ne ferait que l’enregistrer.

J’en viens à ce qui est le plus grave, la place de l’enfant, sur laquelle le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a appelé notre attention. Votre dispositif est contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Chaque année, ce sont 60 000 enfants qui sont concernés par cette procédure. Plus de la moitié des divorces par consentement mutuel interviennent en présence de mineurs. L’enfant pourra être entendu, dites-vous. Mais dans quelles conditions ? Qui vérifiera que ce droit a été effectivement proposé à l’enfant, si le juge ne le fait pas, comme il doit le faire aujourd’hui, de manière systématique ?

Votre texte est inacceptable. Il est inacceptable par la vision qui l’inspire. Même s’il ne s’accorde pas toujours sur tout, notre groupe, très majoritairement, combat votre vision des choses. Au-delà même de cette question, il y a un enjeu concret, immédiat : celui de l’intérêt des conjoints et des enfants. Je sais que, sur d’autres bancs que les nôtres, de très nombreux parlementaires s’inquiètent des effets que pourrait avoir votre proposition. Vous devez, monsieur le ministre, comme d’autres gouvernements l’ont fait avant vous, y renoncer, car elle va contre le mariage, contre les conjoints et contre les enfants.

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