Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 19 mai 2016 à 15h00
Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature - modernisation de la justice du xxie siècle — Article 18

Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice :

Comme l’a dit Pascale Crozon, ce sujet important ne fait l’objet d’aucun texte dédié. C’est la Cour de cassation qui a défini le changement de sexe, lequel est conditionné à la démonstration de son caractère irréversible.

Bien qu’une circulaire de la chancellerie ait cherché à préciser cette jurisprudence, son application reste très variable selon les juridictions. L’amendement vise donc un objectif légitime, celui de mettre fin à une insécurité juridique.

Pour autant, le Gouvernement ne peut pas lui donner un avis favorable, dans sa rédaction actuelle. Aussi, je propose trois sous-amendements, ce qui ne surprendra pas les parlementaires présents dans l’hémicycle, puisque nous avons déjà discuté de ce sujet.

Le premier sous-amendement, no 400 , a trait à la justification de la possession d’état de l’autre sexe et aux preuves destinées à son établissement. Le changement d’état ne doit pas reposer sur une simple déclaration des intéressés. Il faut que la personne puisse démontrer qu’elle considère appartenir de manière sincère et continue au sexe opposé à celui mentionné sur son état civil. Le regard social, qui fait porter à une personne son appartenance à l’un ou l’autre sexe ne peut en effet suffire. Il s’agit d’abord du ressenti personnel de celui ou celle qui souhaite ce changement.

Dans le cas contraire, une personne simplement travestie, par exemple pour l’exercice de sa profession, mais sans intention réelle de changement de sexe, pourrait accéder à ce dispositif. Cela n’est évidemment l’intention ni des défenseurs de l’amendement ni du Gouvernement.

Dans un souci de lisibilité, le Gouvernement propose par ailleurs certains aménagements rédactionnels, visant à distinguer clairement, dans deux articles, ce qui relève du fond de la demande, de ce qui relève des aspects procéduraux du dispositif.

La réunion d’une série de faits, énumérés à titre indicatif, permet d’établir cet état, selon la méthode du faisceau d’indices. Ces faits peuvent être très divers. Quatre d’entre eux ont été mentionnés à titre principal : se présenter publiquement comme appartenant au sexe revendiqué ; être connu de son entourage comme tel ; avoir obtenu un changement de prénom ; avoir suivi des traitements médicaux de manière à modifier l’apparence physique du sexe revendiqué. La liste, chacun le comprendra, n’est pas exhaustive.

La preuve de ces faits, dont la réunion de plusieurs d’entre eux permettra d’établir la possession d’état de l’autre sexe, est en revanche libre. La méthode du faisceau d’indices reste particulièrement adaptée à la multiplicité des situations individuelles. Il est par ailleurs indiqué que, parmi les éléments devant entrer en compte, le fait de ne pas avoir subi d’opération chirurgicale ni de stérilisation ne peut faire à lui seul échec à la demande, ce qui permettra de mettre fin à la principale divergence de la jurisprudence.

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