Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 19 mai 2016 à 15h00
Statut des magistrats et conseil supérieur de la magistrature - modernisation de la justice du xxie siècle — Article 18

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Outre la présentation de ces deux amendements vous me permettrez peut-être, monsieur le président, de rebondir à partir de l’intervention de M. le rapporteur.

Notre majorité et les majorités de gauche précédentes ont oublié les discriminations dont sont victimes les personnes transsexuelles. De grandes avancées ont été réalisées en faveur de l’égalité avec le Pacs et, en 2013, l’ouverture du mariage civil aux couples de même sexe. En même temps, nous aurions en l’occurrence souhaité non une ministre plus mobilisée – elle l’a été avec flamboyance – mais un Gouvernement plus ferme, plus déterminé, plus audacieux afin de défendre les projets sur lesquels la majorité s’était engagée pendant la campagne électorale. La mobilisation hostile à laquelle nous avons assisté a été également possible parce que ce Gouvernement-là, justement, a un peu manqué à l’appel.

Lorsque l’on est attaché au combat pour l’égalité, nous avons toujours le sentiment de ne pas aller au bout de nos logiques de droit. C’est le cas avec l’ouverture de la procréation médicalement assistée pour les couples de femmes – cette question a été abordée lors du débat sur le mariage des couples de même sexe et il s’agissait même d’un engagement, dont nous savons d’ailleurs qu’il ne sera pas tenu. C’est également le cas avec la question des transgenres : il ne s’agit pas seulement d’un parcours du combattant mais d’un itinéraire jalonné de violences institutionnelles et sociales.

Ce sont environ 10 000 à 15 000 personnes qui, en France, ont commencé ou achevé un parcours de transition sexuelle. C’est un parcours jalonné de violences institutionnelles, disais-je, parce que les jurisprudences sont fluctuantes – le garde des sceaux l’a dit – et même étonnantes lorsqu’on les regarde de près, et qu’elles partent du principe de l’irréversibilité de la transition médicale. Il s’agit d’un parcours psychiatrique, médical, qui place ces personnes dans une situation de désarroi que l’on ne mesure pas : je voudrais que l’on se rende compte de ce que cela signifie, naître dans un corps qui est une prison.

Mon amendement no 150 rectifié s’inspire de la législation argentine, comme il m’est arrivé de le faire depuis trois ans. Il s’agit d’un modèle déclaratif – les Norvégiens sont allés un peu dans le même sens. Je comprends la possible fragilité de ce type de proposition mais je crois que les revendications des associations vont dans ce sens. Lorsque l’on est attaché à un travail de co-élaboration avec elles, on peut aussi se faire leur porte-parole dans cette enceinte.

Néanmoins, je reste prêt à faire des compromis. C’est pourquoi, avec Pascale Crozon, Erwann Binet et d’autres encore nous avons décidé de présenter un amendement commun.

Ce combat, en effet, est important et nous n’avons pas voulu l’abandonner. Il nous reste peu de temps avant la fin de la mandature et une telle fenêtre de tir risque de disparaître pour longtemps.

L’amendement no 283 rectifié est assez simple, monsieur le garde des sceaux. Il repose sur l’autodétermination du demandeur, qui invite le procureur de la République compétent à constater qu’il se présente et est connu dans un sexe ne correspondant pas à celui qui est inscrit à l’état civil. À l’appui de sa demande, il produit les documents de son choix permettant d’établir ce constat sans qu’aucune condition médicale ne soit exigible ni suffisante à rejeter la demande.

Je ne vois pas d’inconvénient particulier à voter le premier et le troisième sous-amendements déposés par le Gouvernement mais je m’interroge un peu sur le second – même s’il est dans la logique gouvernementale de le présenter. Je ne serai pas quant à moi un adepte du tout ou rien : un parlementaire peut choisir et trier. Je voterai donc en faveur du premier et du troisième sous-amendement mais je ne voterai pas en faveur du deuxième.

Nous avons pris un certain nombre d’engagements mais ce compromis est fragile. Nous pouvons le faire vivre ici à travers un vote majoritaire puis nous verrons dans le cadre de la navette si la solidité juridique doit être ou non renforcée.

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