Intervention de Patricia Adam

Réunion du 18 mai 2016 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatricia Adam, présidente :

Je suis ravi de commencer un débat avec vous qui va durer car je ne sais pas si je serai en mesure de vous satisfaire pleinement aujourd'hui en ce qui concerne les décisions de mon Gouvernement qui, sur quelques-unes de ces questions, vont évoluer dans les mois voire les années à venir. La défense est clairement l'un des piliers les plus importants de notre coopération bilatérale.

En ce qui concerne Lancaster House, cela fait un peu plus de cinq ans que cet accord a été conclu. C'est un travail toujours en cours. Il y a des réussites évidentes et des points plus difficiles. La coopération dans le domaine du nucléaire est centrale et est une réussite. Elle se développe et se renforce au plus haut niveau. Parmi ce que vous qualifiez d' « échecs », que je préfère qualifier de « demi-réussites », il y a la question du développement des avions. Nous vivons dans un monde où chacun a son avion de combat et chacun essaie de le vendre partout dans le monde. Nous avons aussi la question des porte-avions. Cela étant, nous avons réussi à ce qu'entre nos deux pays nous aurons toujours des porte-avions disponibles pour les opérations. Il y a aussi les succès, notamment la coopération dans le domaine des missiles et des systèmes complexes, où nous avons pu établir une entreprise conjointe qui fonctionne.

Lorsque je parle de rapprochement, c'est plutôt projet par projet pour le moment mais on a la preuve que ça peut aller plus loin. Nous avons aussi des projets pour l'avenir : le sommet bilatéral il y a deux mois à Amiens a lancé d'une part la prochaine étape dans le développement de notre force expéditionnaire conjointe, qui lie nos deux pays plus que n'importe quel autre en Europe ; d'autre part un projet pour développer ensemble un avion sans pilote. Nous avons décidé d'investir deux milliards d'euros dans les dix prochaines années dans ce projet, un milliard chacun.

En étant optimiste, je soulignerais davantage les succès que nous avons réalisés ou que nous sommes en train de bâtir que les échecs.

S'agissant de notre coopération opérationnelle, par exemple en Libye, le Royaume-Uni soutient tout à fait son développement : il faut agir davantage, ce qui suppose davantage de moyens. C'est bien dans cet ordre que nous envisageons les choses : nous sommes là pour agir, et la question des moyens dépend avant tout des actions que nous décidons de mener.

Pour ce qui est du coût humain et financier des opérations passées, notamment en Afghanistan et en Irak, je pourrai vous transmettre des informations très précises par la suite. Mais je peux d'ores et déjà vous indiquer que ce coût est très élevé, et que les forces britanniques ont perdu plus de 500 hommes : oui, c'est un lourd bilan.

Vous vous interrogez également sur le point de savoir si le Royaume-Uni appuie suffisamment les opérations françaises, au Sahel ou ailleurs : je comprends bien que les Français auraient apprécié que l'engagement britannique à leur côté soit plus intense, mais je dois souligner que cet engagement est loin d'être négligeable. Ainsi, le Royaume-Uni s'est engagé à participer à la troisième phase de la mission de formation de l'Union européenne au Mali, EUTM Mali (European Union Training Mission), ainsi qu'à la mission de formation de l'Union européenne en République centrafricaine, toutes deux lancées à l'initiative de la France. Nous travaillons étroitement avec la cellule de coordination et de liaison installée dans votre base de N'Djamena dans le cadre de la lutte contre Boko Haram, et l'un de nos C17 assure tous les mois des vols de transport logistique au profit de vos forces dans le Sahel, et nous sommes engagés dans le Nord du Nigéria.

J'ajouterai que notre politique d'aide bilatérale au développement, représentant 0,7 % de notre PIB, profite largement à ces pays, ainsi qu'à ceux du Moyen-Orient. Nous avons dépensé trois milliards d'euros pour la prise en charge des ressortissants syriens en Syrie et dans les pays voisins, et ce au titre de notre aide bilatérale, en plus de nos engagements dans le cadre des programmes européens. Bien entendu, il ne s'agit pas pour moi de me lancer dans une bataille de chiffres ; mais l'engagement du Royaume-Uni dans la gestion des crises passe aussi par un engagement politique et une politique d'aide au développement, et pas seulement par un engagement militaire.

Quant aux équipements, ce que vous décrivez comme l'alignement des Britanniques sur les États-Unis constitue-t-il une limite à la coopération franco-britannique ? Certes, dans certains domaines, le Royaume-Uni a choisi des équipements américains, mais mon Gouvernement estime que ces choix ne limitent en rien notre indépendance stratégique et nos perspectives de coopération bilatérale renforcée avec la France, y compris dans le domaine des équipements militaires.

Pour répondre à vos interrogations sur l'impact du référendum du 23 juin sur notre coopération de défense, je soulignerai à nouveau que notre coopération en la matière est un des piliers de la coopération bilatérale franco-britannique que le gouvernement britannique souhaite continuer d'approfondir. Si le Royaume-Uni choisit de rester membre de l'Union européenne, comme le Gouvernement le souhaite, notre ambition est de bâtir une coopération renforcée avec nos partenaires et amis européens. Certes, même dans le cas d'un maintien au sein de l'Union européenne, nous ne ferons pas partie de tous les « noyaux durs » de l'Union européenne, comme la zone euro ou l'espace Schengen au sens plein, mais nous avons la volonté de jouer un rôle pionnier dans d'autres domaines : le marché intérieur, le marché des services, le numérique, la recherche, le climat, l'énergie, le développement, les affaires étrangères et la défense. En matière de coopération de défense, ne confondons pas les questions pratiques et les questions plus politiques : nous verrons bien ce qui ressort des discussions politiques autour de l'idée de créer un quartier général européen ; à l'inverse, pour tous les sujets de coopération qui ont une portée pratique, le Royaume-Uni veut, aux côtés de la France, encourager les autres Européens à investir davantage dans la défense et à s'impliquer plus. C'est dans cette perspective que j'espère que le vote du 23 juin conduira le Royaume-Uni à rester membre de l'Union européenne, et que nous pourrons continuer à coopérer très étroitement avec la France, car nous sommes les deux pays de l'Union qui investissent le plus dans leur défense, qui emploient le plus leurs armées, et qui ont un rôle à jouer sur la scène internationale.

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