Comme mon collègue Jean-Louis Roumégas, je tiens à souligner que nous avons travaillé pour l'intérêt général et pour l'amélioration de la santé publique. Nous avons tenté de réaliser un travail de fond qui englobe l'ensemble des composantes de la pollution de l'air. En tant que président du Conseil national de l'air (CNA) depuis huit ans, sous cinq ministres successifs, de sensibilités politiques diverses, j'ai vu plusieurs rapport sur le sujet et, je crois pouvoir dire que celui que nous vous présentons aujourd'hui fera date.
Ce rapport se veut en effet transversal, simple et lisible ; il dresse un véritable état des lieux et trace un certain nombre de perspectives. Je remercie le président du groupe Les Républicains, Christian Jacob, qui m'a demandé de représenter ma famille politique pour être co-rapporteur. Je m'associe par ailleurs aux remerciements adressés aux magistrats de la Cour des comptes.
Jean-Louis Roumégas a retracé la première phase de nos travaux, qui concerne le diagnostic, préalable indispensable à toute perspective, quel que soit le sujet étudié. Le deuxième aspect sur lequel nous avons souhaité insister est celui de la gouvernance, qui reste à construire. Il nous faut en effet aborder ensemble l'enjeu de la qualité de l'air et celui du climat – je rappelle que l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité, mardi dernier, la ratification de l'accord de Paris. Comme le démontre le rapport, agir sur un levier a une incidence sur tous les autres, qu'il s'agisse des transports, du chauffage, de l'industrie ou de la biomasse. Une action influant de façon positive sur les émissions de gaz à effet de serre peut avoir des effets négatifs sur d'autres éléments, déterminants pour la qualité de l'air, et inversement.
À dire vrai, depuis une dizaine d'années, c'est-à-dire depuis le départ du contentieux européen, les gouvernements successifs n'ont pris de mesures en faveur de la qualité de l'air qu'en urgence, lorsque la Commission européenne leur écrivait. Il convient de sortir de cette gestion conjoncturelle pour mener une politique durable et permanente. Cela suppose que soit réduit le nombre des outils : chaque fois que la Commission européenne se manifeste, nous avons le réflexe, typiquement français, d'inventer un nouveau dispositif. Aux plans de protection de l'atmosphère (PPA) s'ajoutent les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), les schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE) et les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT), si bien que personne n'y comprend plus rien.
À nos yeux, les trente-cinq PPA, qui couvrent 46 % de la population, sont de loin les outils les plus efficaces, mais ils sont insuffisamment déployés ; il faut réaliser une nouvelle expertise du territoire, élargir le champ des PPA et en élaborer de nouveaux là où c'est nécessaire car, en dix ans, la qualité de l'air a évolué.
La gestion des pics de pollution n'est plus adaptée. On se focalise trop sur eux, alors que chacun s'accorde aujourd'hui à dire qu'il faut agir sur la pollution de fond, ce qui n'allait pas de soi il y a dix ans. Il convient de revoir les procédures de déclenchement des alertes et abandonner la circulation alternée dans les grandes villes, qui n'est pas une solution.
Nos propositions, communes, sont les suivantes.
Il nous faut mettre en cohérence les politiques de lutte contre le changement climatique et contre la pollution de l'air.
Il nous faut également décentraliser davantage les politiques publiques : s'il revient à l'État de déterminer les grandes orientations, c'est aux régions et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d'élaborer et de mettre en oeuvre les PPA.
Il convient aussi de mieux évaluer les résultats de la lutte contre la pollution de l'air : toute politique publique et tout argent engagé doivent faire l'objet d'une évaluation.
Nous devons encore simplifier le déclenchement des procédures de gestion des pics de pollution. Nous avons conscience que la procédure d'information du public a connu deux modifications, dont la dernière, très lourde, est récente. Reste que le dispositif n'est pas assez visible : nous proposons de nous appuyer sur les alertes météo, dont chaque Français a l'habitude, à 20 heures 30, de voir les images expliquant que l'on se trouve en zone jaune, verte, orange ou rouge ; elles sont très visibles et facilement compréhensibles.
Enfin, dans les grandes villes, il faut recourir à la circulation graduée ou partagée. Dans beaucoup de villes du monde, des caméras permettent d'identifier les véhicules les moins polluants afin de les favoriser ; pour ce faire, la loi doit être modifiée afin créer un statut juridique pour la vidéo-verbalisation.
Aujourd'hui, à Paris, les autorités sont multiples : préfet de police, préfet d'Île-de-France, Ville de Paris, Métropole du Grand Paris, Gouvernement. Il y a trop d'acteurs pour une seule politique, et nous considérons qu'il faut clarifier le rôle de chacun.