Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Réunion du 19 mai 2016 à 10h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • air
  • polluants
  • pollution
  • pollution de l'air
  • valeurs
  • émission

La réunion

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La réunion débute à dix heures quarante.

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Le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a décidé de réaliser l'évaluation des politiques publiques de lutte contre la pollution de l'air à la demande du groupe Écologiste. Il a été fait appel à l'assistance de la Cour des comptes, dont l'étude a été présentée par son Premier Président le 21 janvier dernier ; nos deux rapporteurs sont Jean-Louis Roumégas et Martial Saddier, à qui je donne la parole.

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Avec Martial Saddier, nous présentons ce rapport à deux voix ; je tiens d'ailleurs à dire que ce travail a été réalisé dans une parfaite entente, dans un état d'esprit pragmatique et optimiste. Sur ce sujet très technique, nous avons trouvé beaucoup de points d'accord, nos divergences ne transparaissant que dans quelques-unes des propositions.

Nous tenons à saluer une nouvelle fois le travail remarquable de la Cour des comptes. Pour notre part, nous avons entendu plus de cent personnes : chercheurs, représentants d'association et responsables du monde de l'entreprise et d'administration.

Nos travaux nous ont conduits à un constat à la fois optimiste et volontariste. La lutte contre la pollution de l'air est efficace, le rapport de la Cour en atteste. Elle constitue avant tout une nécessité sanitaire, et c'est pourquoi nous avons voulu traiter ensemble ses deux dimensions inséparables : la pollution de l'air extérieur – qui a fait l'objet des travaux de la Cour des comptes – et la pollution de l'air intérieur.

Les outils de lutte contre la pollution de l'air existent, ils restent à perfectionner afin de les rendre encore plus efficaces, ce à quoi visent plusieurs de nos propositions.

En premier lieu, nous avons constaté que la pollution de l'air est un sujet mal connu : seuls une quinzaine de polluants sont surveillés, et encore sont-ce les concentrations de polluants qui sont étudiées, et non l'exposition des individus à ces substances. Les interactions entre polluants – le fameux « effet cocktail » – sont elles aussi largement inconnues. Le coût de la pollution de l'air est tout aussi méconnu et sous-évalué : son coût sanitaire et social, mais aussi ce que l'on appelle le coût de l'inaction – le nombre des décès prématurés qui lui sont imputables –, ne cessent d'être réévalués.

Dans le même temps, paradoxalement, le citoyen commence à être inondé d'informations plutôt brouillonnes sur la qualité de l'air, des opérateurs privés développant une offre dans ce domaine, qui consiste surtout à recycler les données publiques disponibles.

Pour toutes ces raisons, il faut approfondir nos connaissances métrologiques, épidémiologiques et économiques sur ce phénomène. À cette fin, nous proposons d'établir un indice synthétique de la qualité de l'air qui soit à la fois commun à toutes les associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) et de compréhension aisée, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Nous proposons aussi de mettre à la disposition du grand public un indice individualisé d'exposition à la pollution de l'air, par exemple par le biais d'une application sur les téléphones portables.

Nous proposons également de créer des pôles de compétitivité dédiés à l'innovation en matière de pollution de l'air dans les régions les plus touchées par ce phénomène.

Enfin, nous proposons de constituer une structure de recherche interdisciplinaire sur les coûts tangibles et intangibles de la pollution de l'air, financée par un appel à projets de l'Agence nationale de la recherche (ANR).

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Comme mon collègue Jean-Louis Roumégas, je tiens à souligner que nous avons travaillé pour l'intérêt général et pour l'amélioration de la santé publique. Nous avons tenté de réaliser un travail de fond qui englobe l'ensemble des composantes de la pollution de l'air. En tant que président du Conseil national de l'air (CNA) depuis huit ans, sous cinq ministres successifs, de sensibilités politiques diverses, j'ai vu plusieurs rapport sur le sujet et, je crois pouvoir dire que celui que nous vous présentons aujourd'hui fera date.

Ce rapport se veut en effet transversal, simple et lisible ; il dresse un véritable état des lieux et trace un certain nombre de perspectives. Je remercie le président du groupe Les Républicains, Christian Jacob, qui m'a demandé de représenter ma famille politique pour être co-rapporteur. Je m'associe par ailleurs aux remerciements adressés aux magistrats de la Cour des comptes.

Jean-Louis Roumégas a retracé la première phase de nos travaux, qui concerne le diagnostic, préalable indispensable à toute perspective, quel que soit le sujet étudié. Le deuxième aspect sur lequel nous avons souhaité insister est celui de la gouvernance, qui reste à construire. Il nous faut en effet aborder ensemble l'enjeu de la qualité de l'air et celui du climat – je rappelle que l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité, mardi dernier, la ratification de l'accord de Paris. Comme le démontre le rapport, agir sur un levier a une incidence sur tous les autres, qu'il s'agisse des transports, du chauffage, de l'industrie ou de la biomasse. Une action influant de façon positive sur les émissions de gaz à effet de serre peut avoir des effets négatifs sur d'autres éléments, déterminants pour la qualité de l'air, et inversement.

À dire vrai, depuis une dizaine d'années, c'est-à-dire depuis le départ du contentieux européen, les gouvernements successifs n'ont pris de mesures en faveur de la qualité de l'air qu'en urgence, lorsque la Commission européenne leur écrivait. Il convient de sortir de cette gestion conjoncturelle pour mener une politique durable et permanente. Cela suppose que soit réduit le nombre des outils : chaque fois que la Commission européenne se manifeste, nous avons le réflexe, typiquement français, d'inventer un nouveau dispositif. Aux plans de protection de l'atmosphère (PPA) s'ajoutent les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), les schémas régionaux climat-air-énergie (SRCAE) et les schémas régionaux d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT), si bien que personne n'y comprend plus rien.

À nos yeux, les trente-cinq PPA, qui couvrent 46 % de la population, sont de loin les outils les plus efficaces, mais ils sont insuffisamment déployés ; il faut réaliser une nouvelle expertise du territoire, élargir le champ des PPA et en élaborer de nouveaux là où c'est nécessaire car, en dix ans, la qualité de l'air a évolué.

La gestion des pics de pollution n'est plus adaptée. On se focalise trop sur eux, alors que chacun s'accorde aujourd'hui à dire qu'il faut agir sur la pollution de fond, ce qui n'allait pas de soi il y a dix ans. Il convient de revoir les procédures de déclenchement des alertes et abandonner la circulation alternée dans les grandes villes, qui n'est pas une solution.

Nos propositions, communes, sont les suivantes.

Il nous faut mettre en cohérence les politiques de lutte contre le changement climatique et contre la pollution de l'air.

Il nous faut également décentraliser davantage les politiques publiques : s'il revient à l'État de déterminer les grandes orientations, c'est aux régions et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) d'élaborer et de mettre en oeuvre les PPA.

Il convient aussi de mieux évaluer les résultats de la lutte contre la pollution de l'air : toute politique publique et tout argent engagé doivent faire l'objet d'une évaluation.

Nous devons encore simplifier le déclenchement des procédures de gestion des pics de pollution. Nous avons conscience que la procédure d'information du public a connu deux modifications, dont la dernière, très lourde, est récente. Reste que le dispositif n'est pas assez visible : nous proposons de nous appuyer sur les alertes météo, dont chaque Français a l'habitude, à 20 heures 30, de voir les images expliquant que l'on se trouve en zone jaune, verte, orange ou rouge ; elles sont très visibles et facilement compréhensibles.

Enfin, dans les grandes villes, il faut recourir à la circulation graduée ou partagée. Dans beaucoup de villes du monde, des caméras permettent d'identifier les véhicules les moins polluants afin de les favoriser ; pour ce faire, la loi doit être modifiée afin créer un statut juridique pour la vidéo-verbalisation.

Aujourd'hui, à Paris, les autorités sont multiples : préfet de police, préfet d'Île-de-France, Ville de Paris, Métropole du Grand Paris, Gouvernement. Il y a trop d'acteurs pour une seule politique, et nous considérons qu'il faut clarifier le rôle de chacun.

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Nous abordons maintenant les politiques sectorielles, en commençant par le secteur routier.

Ce secteur a progressé dans le domaine de l'émission de polluants, principalement du fait de l'évolution des motorisations, mais il demeure l'un des principaux contributeurs à la pollution de l'air, particulièrement en ce qui concerne les oxydes d'azote (NOx) et, dans une moindre mesure, les particules fines.

Cinq facteurs contribuent à cette situation.

Premièrement, la fiscalité des carburants, notamment le taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) en faveur du gazole, subventionne l'achat des voitures diesel, qui émettent plus de NOx et de particules fines que les voitures à essence. Notre système est ainsi plutôt vertueux en ce qui concerne le climat, mais pas dans le domaine de la pollution de l'air.

Deuxièmement, la dernière version du bonus-malus et la prime de conversion créée en 2015 sont axées sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais n'aident quasiment pas les consommateurs à acheter les voitures à essence les moins polluantes.

Troisièmement, le transport routier de marchandises a réduit fortement ses émissions, mais continue de polluer, surtout au cours du dernier kilomètre de livraison. Les solutions alternatives, telles que camions et véhicules utilitaires légers (VUL) roulant au gaz ou à l'électricité, existent, mais elles sont encore trop coûteuses, et les plateformes de transfert permettant de passer d'un véhicule à l'autre ne sont pas assez nombreuses.

Quatrièmement, l'un des outils les plus efficaces, permettant d'agir sur le nombre et la qualité des véhicules en circulation – les zones à basses émissions –, n'a toujours pas été mis en oeuvre en France. Vingt villes se sont engagées à le faire, mais les premières zones ne pourront pas voir le jour avant 2017, alors que Londres, Milan et Berlin se sont dotées de cet outil il y a environ dix ans.

Cinquièmement, le scandale Volkswagen a mis en lumière les failles des tests d'émission des véhicules en laboratoire. En conditions réelles d'utilisation, la plupart des véhicules aux normes Euro 4, 5 et 6 ne respectent pas leurs valeurs limites d'émission, les valeurs réelles étant parfois quatre à cinq fois supérieures.

Nous proposons de rendre plus incitatives les aides au renouvellement du parc en créant, à côté du bonus-malus centré sur le changement climatique, un bonus-malus « pollution atmosphérique » basé sur les émissions de NOx et de particules, et en instituant une prime à la casse ciblant les véhicules très polluants : poids lourds, VUL et autocars anciens.

Nous recommandons aussi de développer l'offre de poids lourds et de VUL roulant à l'électricité ou au gaz naturel pour véhicules (GNV) et de faciliter les ruptures de charge permettant l'utilisation de tels véhicules pour effectuer le dernier kilomètre de livraison, celui-ci étant souvent situé en centre-ville.

Nous préconisons également d'agir sur le nombre de véhicules en circulation, en instaurant des zones à faibles émissions grâce à l'identification obligatoire des véhicules en fonction des normes Euro, en octroyant des facilités de circulation aux véhicules les moins polluants, en incitant les entreprises à mettre en place le covoiturage et en assurant la prise en charge par l'employeur de la moitié des frais engagés par les intéressés, comme il est pratiqué pour les abonnements aux transports en commun.

Nous proposons enfin d'appliquer, dans des délais resserrés, le nouveau cycle d'essai des véhicules en conditions d'usage réelles et de créer une autorité européenne de surveillance des niveaux d'émission des véhicules, qui soit indépendante des États membres et des constructeurs et procède à des contrôles aléatoires sur le parc roulant.

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Un autre secteur contribuant largement à la pollution de l'air est celui de l'industrie, mais il est satisfaisant de constater que, lorsque la France et l'Europe prennent des décisions, les résultats concrets sont au rendez-vous. C'est très encourageant, à la fois pour nos concitoyens et pour les partenaires, publics et privés, avec lesquels nous travaillons pour relever ce défi.

Depuis vingt ans, les baisses d'émissions les plus importantes concernent les polluants d'origine industrielle. Elles ne sont moins liées à la désindustrialisation qu'aux efforts importants réalisés par les industriels. Les résultats sont probants : – 97 % pour le chrome, – 89 % pour le cadmium, – 78 % pour le dioxyde de soufre, – 71 % pour l'arsenic, – 48 % pour le NOx.

Cet élan doit être poursuivi, sans pour autant pénaliser ce secteur soumis à une forte compétition internationale. Nous proposons en premier lieu d'améliorer l'information sur les installations classées, car les données obtenues ne sont pas systématiquement transmises, singulièrement dans les zones ou des PPA sont en place. Il faut faire circuler l'information entre ces établissements, les maires et les préfets.

Par ailleurs, sur la base du volontariat, et en se fondant sur le modèle du fonds « Air Bois », qui est en voie de généralisation, nous proposons d'expérimenter, dans les règles communautaires, un fonds « Air Industrie » qui accompagnerait les industries concernées, sur la base du volontariat, pour qu'elles modifient leurs techniques de filtration afin d'aller au-delà de la norme.

Une des novations de notre rapport réside dans une approche transversale liant l'agriculture, l'industrie, le trafic routier et le résidentiel tertiaire.

Nous avons abordé la question de l'agriculture avec réalisme, car les agriculteurs ignorent largement qu'ils sont susceptibles d'être à l'origine de la détérioration de la qualité de l'air. Il s'agit de réactions physico-chimiques assez complexes, puisque les émissions d'origine agricole, notamment lors de l'épandage des engrais, deviennent dangereuses lorsqu'elles viennent se combiner à l'air des zones urbaines proches. Le phénomène est notable à Paris et en région parisienne, celle-ci étant en partie constituée de grandes zones agricoles.

Nous proposons tout d'abord d'informer les agriculteurs, de les inciter à renouveler le matériel d'épandage et à utiliser des engrais non nocifs et d'approfondir la recherche sur l'épuisement des sols.

S'agissant du secteur résidentiel, les mentalités ont beaucoup évolué. La biomasse constitue une énergie renouvelable présentant de grandes qualités environnementales, à condition d'être correctement utilisée. Beaucoup de travail reste à faire en matière de performance énergétique des logements et des appareils de chauffage, ainsi que de diagnostic de performance énergétique. Nous soutenons activement la généralisation du fonds « Air Bois », né dans la vallée de l'Arve en Haute-Savoie, et qui s'est étendu à Grenoble et à la région parisienne, une quatrième expérimentation étant en cours.

Il s'agit de remplacer les appareils de chauffage au bois les plus anciens, qui ne sont plus performants, et de favoriser le brûlage de bois sec et le bon entretien des appareils. Nous n'avons pas souhaité aller jusqu'au contrôle intrusif de ces appareils dans les propriétés privées, mais nous proposons que les responsables du ramonage puissent délivrer, lors de leur passage, des fiches d'information relatives à la bonne utilisation de ces appareils. C'est particulièrement important en milieu urbain – il ne faut pas oublier que 7,5 millions de Français utilisent une cheminée.

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Sur ce dernier point, nous considérons que, dans les zones sensibles, il ne devrait plus être permis, à terme, de vendre des foyers ouverts.

Nous avons également étudié la pollution de l'air intérieur, qui résulte de la combinaison de polluants extérieurs et de polluants propres à l'air intérieur. Rappelons qu'un individu passe, en moyenne, plus de 80 % de son temps à l'intérieur !

La France a été pionnière dans ce domaine en créant l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur (AQAI), qui est probablement une conséquence du scandale de l'amiante. La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a ensuite inscrit dans le code de la santé publique le plan national santé environnement (PNSE), d'une durée de cinq ans, et dont une partie est consacrée à l'air intérieur. La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « Grenelle 2 », a alors créé une section consacrée à la qualité de l'air intérieur dans le code de l'environnement, confiant à l'État la responsabilité de l'identification des facteurs de pollution et de l'évaluation des risques sanitaires issus de l'exposition des populations. Enfin, le PNSE 3, qui couvre la période 2015-2019, intègre le plan pour la qualité de l'air intérieur (PQAI).

Les études portant sur la pollution de l'ait intérieur sont nombreuses. Après une étude portant sur 567 logements, réalisée entre 2003 et 2005, et qui a révélé la nécessité d'agir, l'OQAI a lancé des campagnes concernant successivement les lieux de vie des enfants, dont 300 écoles, puis les bureaux, les hôpitaux et maisons de retraite, les bâtiments performants en énergie et les établissements recevant du public. L'étude internationale ISAAC – acronyme de International Study of Asthma and Allergies in Childhood in France – constate, au vu d'un échantillon national réparti entre six villes de France, que 30 % des élèves sont exposés à des niveaux supérieurs aux valeurs recommandées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). L'étude longitudinale française depuis l'enfance (ELFE) et l'étude de santé sur l'environnement, la biosurveillance, l'activité physique et la nutrition (ESTEBAN), qui porte sur 18 000 enfants de 500 familles, s'attachent à suivre des individus de la naissance à l'âge adulte pour étudier l'influence du mode et du milieu de vie sur la santé.

Dans le domaine de la réglementation par seuil, des valeurs guides réglementaires pour l'air intérieur (VGAI) sont définies pour le formaldéhyde et le benzène 2. À partir des valeurs établies par l'ANSES, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) propose des valeurs d'action rapide pour le formaldéhyde, le benzène, le naphtalène, le trichloréthylène et le tétrachloréthylène, ainsi que pour les particules fines ; des valeurs d'information et de recommandation pour le formaldéhyde ; enfin, des valeurs repères et des valeurs cibles qui constituent respectivement un objectif intermédiaire et un objectif final. Les valeurs repères proposées par le HCSP pour le formaldéhyde et le benzène sont amenées à évoluer pour atteindre les valeurs guides définies par l'ANSES tandis que le dépassement des valeurs d'action rapide doit déclencher une expertise immédiate, préalable à des mesures correctrices.

S'agissant de l'information du public et des professionnels, l'étiquetage des matériaux de construction et de décoration, en vigueur depuis le 1er janvier 2013, tient compte du formaldéhyde et des composants organiques volatils, mais aussi d'autres substances toxiques. Il complète l'interdiction de fabrication de produits cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR).

De plus, des fiches de déclaration environnementale doivent étayer les déclarations des fabricants et la base qui les recense : la base INIES, créée par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), est à la disposition des professionnels. Une déclaration annuelle des fabricants, importateurs et distributeurs de nanomatériaux est également prévue si les quantités traitées dépassent 100 grammes.

Enfin, l'accompagnement des malades par des conseillers médicaux en environnement intérieur est partiellement financé par le PNSE 2. À Paris, la visite est remboursée si elle est prescrite par un spécialiste. À Tours, les associations visitent les patients admis aux urgences pour une crise d'asthme sévère. De cette façon, les bonnes pratiques peuvent se diffuser.

Contrairement à l'idée reçue, l'air intérieur est plus pollué que l'air extérieur, du fait de la conjonction de divers facteurs : meubles en bois collé ou en aggloméré, matériaux de construction ou de décoration, appareils de chauffage mal réglés – l'intoxication à l'oxyde de carbone fait encore une centaine de victimes par an –, cheminées à foyer ouvert, stockage de déchets, particules dégagées par les activités domestiques comme la cuisson, le bricolage ou le ménage – en raison des produits d'entretien –, présence d'animaux au poil allergisant, fumées de tabac, d'encens ou de bougies parfumées.

Les sources de pollution de l'air intérieur sont multiples : des produits, inoffensifs lorsqu'on les prend séparément, cessent de l'être lorsqu'ils se combinent, notamment dans les habitations les mieux isolées, où l'air est le plus confiné.

La démarche scientifique doit dès lors comprendre quatre étapes. La première consiste en l'identification du danger, c'est-à-dire des sources polluantes intérieures. La seconde est l'estimation de la relation dose-effet, qui vise à quantifier les effets sur l'organisme. La troisième est l'évaluation et la quantification de l'exposition. La quatrième consiste à estimer la probabilité et la gravité du risque sanitaire ainsi que des effets indésirables susceptibles de se produire. Pour étiqueter les matériaux de construction et de décoration, il a fallu établir une grille de classement adaptée, comportant une pondération des différentes substances identifiées, acceptable par les fabricants, et suffisamment discriminante pour que tous les produits ne figurent pas dans la même classe. Le défi est tel que l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) préconise même un étiquetage des produits d'entretien, rappelant les bonnes conditions d'utilisation.

La gouvernance de la pollution de l'air intérieure est touffue, car de nombreux acteurs interviennent : l'ANSES, l'INERIS, le CSTB, l'OQAI, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et les AASQA, et il convient d'éviter les doublons.

Des zones d'ombre subsistent, notamment à propos du radon dont le risque a été réévalué par la Commission internationale de protection radiologique (CIPR).

Enfin, la lutte contre la pollution de l'air intérieur doit être conciliée avec d'autres exigences. Ainsi, la campagne de mesures menée dans les établissements scolaires montre que les contrôles risquent de coûter très cher là où des mesures simples à concevoir, sinon à mettre en oeuvre, suffiraient : ouverture des fenêtres avant et après la classe, choix des matériaux et respect des conditions d'utilisation, respect d'un délai entre la fin d'un chantier et l'entrée des enfants dans les lieux, formation du personnel d'entretien. En outre, le souci de la qualité de l'air intérieur va à l'encontre des mesures de simplification des normes en matière de construction et de logement.

En tout état de cause, il importe de sensibiliser les particuliers comme les professionnels à l'importance de l'aération et de la ventilation dans le cadre des travaux de rénovation énergétique, par exemple en étendant le diagnostic de performance énergétique (DPE) au contrôle de la qualité de l'air intérieur.

J'en viens à nos propositions relatives à la fiscalité environnementale sur laquelle nous avons des divergences de vues.

En ce qui concerne la fiscalité des carburants, je considère que la moindre taxation du gazole constitue une subvention indirecte dommageable à l'environnement. Elle doit être supprimée, en annulant le différentiel de taux de TICPE en faveur du gazole, voire en taxant davantage le gazole que l'essence, le premier émettant plus de polluants que la seconde. Le rééquilibrage du prix à la pompe pourrait être facilité par le caractère relativement faible du prix actuel des produits pétroliers. Il devrait être étalé dans le temps et s'appuyer sur un mécanisme compensateur pour des activités comme le transport routier de marchandises, qui recourt exclusivement au gazole.

S'agissant de ce dernier secteur, il convient d'internaliser davantage les coûts environnementaux, et je déplore l'abandon de l'écotaxe qui pénalise les investissements des infrastructures de transport et favorise l'abandon du « tout routier ». Je suis donc favorable au rétablissement des taux de la taxe à l'essieu qui avaient été diminués dans la perspective de l'entrée en vigueur de l'écotaxe.

Les montants actuels de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) « air » appliquée aux émissions atmosphériques, sont trop faibles, inférieurs à ceux pratiqués par certains pays voisins. Pour que cette taxe ait un effet incitatif à la réduction des émissions, il faut augmenter ses taux afin de les rendre supérieurs au coût marginal de dépollution.

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Sur ce sujet, M. Roumégas et moi-même avons des approches différentes.

Je suis défavorable à un alourdissement de la fiscalité. S'agissant de la réduction du nombre de moteurs diesel au sein du parc automobile, j'observe que ce mouvement est amorcé, puisque la part des véhicules diesel a diminué de quinze points en quelques années, et qu'il se vend aujourd'hui plus de voitures roulant à l'essence qu'au gazole.

La Cour des comptes a appelé notre attention sur le fait que, lorsque l'on actionne un levier, par exemple celui du CO2, afin de contenir le réchauffement climatique, on risque de le faire au détriment d'autres actions, celles portant par exemple sur les NOx ou les particules fines. Il faut faire l'analyse d'ensemble de la chaîne des conséquences.

Ainsi, chacun s'accorde à considérer que les véhicules électriques sont « propres », mais, en l'absence d'analyse complète de la filière, incluant notamment le recyclage de la batterie, l'innocuité environnementale de ces automobiles n'est pas prouvée.

Par ailleurs, nous remplaçons, dans les villes, les petits véhicules diesel par des véhicules équipés de moteurs essence à trois cylindres qui ne sont pas nécessairement équipés de filtres à particules. La question est donc posée : le fait de privilégier un aspect ne risque-t-il pas d'en détériorer d'autres ?

Il faut encore rappeler que nos constructeurs se sont donné pour objectif de ramener d'ici à 2020 leur taux d'émission à 95 grammes de CO2 par kilomètre. Or, de telles transitions industrielles ne se font pas d'un claquement de doigts, et la disparition accélérée du diesel pourrait remettre en cause cet objectif et, partant, la politique de lutte contre le réchauffement climatique.

J'ajoute qu'environ dix millions de véhicules très anciens sont encore en circulation en France et que leurs propriétaires, qui les utilisent tous les jours pour aller travailler, ne disposent pas forcément des moyens financiers de les remplacer du jour au lendemain.

Je souhaite donc que, comme avec les fonds « Air Bois » et « Air Industrie », nous privilégiions l'incitation, et que toute hausse de la fiscalité des carburants soit restituée aux particuliers pour les aider à changer les véhicules les plus anciens.

S'agissant des poids lourds, je rappelle qu'ils font l'objet de tests en conditions réelles, qu'ils sont à la norme Euro 6 depuis plus de deux ans, et que les véhicules utilitaires en centre-ville posent des problèmes de pollution bien plus importants. Je suis donc défavorable, compte tenu des efforts d'ores et déjà réalisés, à une hausse de la fiscalité appliquée aux poids lourds.

Enfin, l'industrie est le secteur qui a fourni le plus d'efforts au cours des vingt dernières années. Augmenter la fiscalité qui pèse sur elle serait injuste et méconnaîtrait le contexte de compétition internationale auquel elle est confrontée. Une approche incitative est donc préférable, à l'instar de ce que nous proposons avec l'expérimentation d'un fonds « Air Industrie » qui aiderait financièrement, sur une base volontaire, les industries ayant encore des marges de progrès, dans les zones où des PPA sont en cours, c'est-à-dire dans celles où un enjeu important existe.

Au-delà de ces divergences de vues portant sur la fiscalité, je tiens encore à remercier M. Roumégas, avec qui nous avons pu dégager des perspectives communes, et je ne désespère pas que les pouvoirs publics se saisissent de notre rapport afin de relever le double défi de la qualité de l'air dans notre pays et de la lutte contre le réchauffement climatique.

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Merci pour cet excellent rapport. Je déplore que les travaux du CEC ne connaissent pas une meilleure publicité, car ils sont d'une grande qualité. Nous serons à vos côtés pour que certaines de vos propositions soient traduites dans les lois à venir, notamment la loi de finances.

Lors de l'examen de la loi de finances pour 2016, les AASQA avaient fait part de leurs inquiétudes quant à leur financement. Comment envisagez-vous l'attribution des moyens nécessaires au fonctionnement de ces associations dont vous avez démontré l'utilité ?

La préoccupation de la qualité de l'air intérieur s'impose désormais au grand public. Or nos concitoyens sont assez perplexes sur les actions à entreprendre. Quels outils pourraient être mis à leur disposition pour les éclairer ? Les normes ne sont pas toujours aisées à comprendre, que ce soit lorsque l'on achète un meuble ou des produits d'entretien. Comment, d'autre part, mesurer soi-même la qualité de l'air dans son logement ou son entreprise ?

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La qualité de l'air intérieur constitue un sujet « émergent ». C'est l'une des causes majeures d'affections telles que les allergies, l'asthme et les maladies respiratoires. Nous manquons de données sanitaires en longue période pour les maladies plus graves, comme les cancers, mais de fortes suspicions existent.

C'est pourquoi nous demandons des recherches supplémentaires sur la qualité de l'air intérieur ainsi qu'une meilleure information du public, car les sources de pollution sont assez bien identifiées. Les mesures de concentration globale de polluants sont aisées à réaliser et peu onéreuses ; il est donc tout à fait opportun de les généraliser.

S'agissant du financement des AASQA, notre rapport formule des propositions. Il pourrait être justifié d'étendre les contributions à tous ceux qui participent à la pollution de l'air, y compris les secteurs de l'agriculture et du logement, car les AASQA ne sont actuellement financées que par l'industrie. Par ailleurs, une fraction de la TICPE pourrait être affectée à la couverture des besoins du réseau. Enfin, on pourrait s'appuyer sur les négociations entre l'État et les collectivités, dans le cadre des transferts de compétences organisés par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), afin de sanctuariser le financement des AASQA par les régions et départements. Nous proposons par ailleurs que le couple région-métropole ou région-agglomération soit chef de file de la lutte contre la pollution de l'air.

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M. Roumégas a souligné qu'il existait un foisonnement d'informations et que l'ensemble était peu lisible. La qualité des mesures de la pollution de l'air ne doit pas être susceptible de contestations sur le plan scientifique. Je rappelle que nous proposons un dispositif s'appuyant sur la présentation des bulletins météo pour informer les Français.

Nous considérons que les AASQA sont les mieux placées pour ce faire, car elles disposent des compétences nécessaires, mais je suis bien placé, en tant que président du Comité national de l'air (CNA), pour savoir qu'elles doivent courir chaque année après les financements, ce qui, d'une part, mobilise leur énergie au détriment de l'activité qui constitue leur raison d'être, et, d'autre part, risque de les rendre quelque peu « frileuses » au moment de mettre sur la place publique le résultat de leurs travaux.

Or la qualité de l'air, demain plus que jamais, a besoin de transparence, de mesures de qualité diffusées quotidiennement à nos concitoyens. La vérité sur l'air qu'ils respirent leur est due. À cette fin les AASQA doivent être autonomes et jouir d'un financement pérenne, pluriannuel.

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C'est un sujet important. Nous voyons bien, en Île-de-France, la course aux subventions à laquelle Airparif est contrainte de se livrer auprès de la région ou des départements. Cette situation nuit au crédit des instruments de mesure de la qualité de l'air qu'utilisent ces associations.

Le rapport qui vient de nous être présenté est à la fois bien conçu est enrichissant, et certains de ses éléments gagneraient à être popularisés. Un certain nombre des thèmes abordés étaient latents, comme l'impact de la qualité de l'air sur le développement économique ; on sait par exemple qu'un certain nombre d'entreprises ne peuvent plus envoyer de cadres supérieurs à Shanghai, car ceux-ci mesurent le risque que représente la pollution pour la santé de leurs enfants.

L'enjeu industriel est réel, quelles que soient les différences susceptibles d'exister entre les rapporteurs au sujet de la fiscalité. La perspective d'une destruction massive de véhicules l'illustre à l'envi : nous devons réinventer la destruction massive aidée en période de paix – nous savons trop ce qu'elle représente en temps de guerre ! – et ce sans aggraver les inégalités.

J'ai été très intéressé par les développements relatifs aux réflexes quotidiens à acquérir, comme celui d'aérer les locaux d'habitation ou de travail, ainsi qu'à l'apparition de certains risques, souvent mal connus, comme celui résultant des bougies parfumées : qui, parmi ceux qui en achètent pour les offrir, sait qu'elles sont susceptibles de dégrader l'air ?

Je souhaite remercier une nouvelle fois nos rapporteurs pour la qualité de leurs travaux. Leur divergence de points de vue en matière fiscale ne fera qu'enrichir le débat, et je propose au Comité d'autoriser la publication du rapport.

Le Comité autorise la publication du rapport.

La réunion s'achève à onze heures trente.