Intervention de Jean-Louis Roumegas

Réunion du 19 mai 2016 à 10h30
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Roumegas, rapporteur :

Sur ce dernier point, nous considérons que, dans les zones sensibles, il ne devrait plus être permis, à terme, de vendre des foyers ouverts.

Nous avons également étudié la pollution de l'air intérieur, qui résulte de la combinaison de polluants extérieurs et de polluants propres à l'air intérieur. Rappelons qu'un individu passe, en moyenne, plus de 80 % de son temps à l'intérieur !

La France a été pionnière dans ce domaine en créant l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur (AQAI), qui est probablement une conséquence du scandale de l'amiante. La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a ensuite inscrit dans le code de la santé publique le plan national santé environnement (PNSE), d'une durée de cinq ans, et dont une partie est consacrée à l'air intérieur. La loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « Grenelle 2 », a alors créé une section consacrée à la qualité de l'air intérieur dans le code de l'environnement, confiant à l'État la responsabilité de l'identification des facteurs de pollution et de l'évaluation des risques sanitaires issus de l'exposition des populations. Enfin, le PNSE 3, qui couvre la période 2015-2019, intègre le plan pour la qualité de l'air intérieur (PQAI).

Les études portant sur la pollution de l'ait intérieur sont nombreuses. Après une étude portant sur 567 logements, réalisée entre 2003 et 2005, et qui a révélé la nécessité d'agir, l'OQAI a lancé des campagnes concernant successivement les lieux de vie des enfants, dont 300 écoles, puis les bureaux, les hôpitaux et maisons de retraite, les bâtiments performants en énergie et les établissements recevant du public. L'étude internationale ISAAC – acronyme de International Study of Asthma and Allergies in Childhood in France – constate, au vu d'un échantillon national réparti entre six villes de France, que 30 % des élèves sont exposés à des niveaux supérieurs aux valeurs recommandées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES). L'étude longitudinale française depuis l'enfance (ELFE) et l'étude de santé sur l'environnement, la biosurveillance, l'activité physique et la nutrition (ESTEBAN), qui porte sur 18 000 enfants de 500 familles, s'attachent à suivre des individus de la naissance à l'âge adulte pour étudier l'influence du mode et du milieu de vie sur la santé.

Dans le domaine de la réglementation par seuil, des valeurs guides réglementaires pour l'air intérieur (VGAI) sont définies pour le formaldéhyde et le benzène 2. À partir des valeurs établies par l'ANSES, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) propose des valeurs d'action rapide pour le formaldéhyde, le benzène, le naphtalène, le trichloréthylène et le tétrachloréthylène, ainsi que pour les particules fines ; des valeurs d'information et de recommandation pour le formaldéhyde ; enfin, des valeurs repères et des valeurs cibles qui constituent respectivement un objectif intermédiaire et un objectif final. Les valeurs repères proposées par le HCSP pour le formaldéhyde et le benzène sont amenées à évoluer pour atteindre les valeurs guides définies par l'ANSES tandis que le dépassement des valeurs d'action rapide doit déclencher une expertise immédiate, préalable à des mesures correctrices.

S'agissant de l'information du public et des professionnels, l'étiquetage des matériaux de construction et de décoration, en vigueur depuis le 1er janvier 2013, tient compte du formaldéhyde et des composants organiques volatils, mais aussi d'autres substances toxiques. Il complète l'interdiction de fabrication de produits cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR).

De plus, des fiches de déclaration environnementale doivent étayer les déclarations des fabricants et la base qui les recense : la base INIES, créée par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), est à la disposition des professionnels. Une déclaration annuelle des fabricants, importateurs et distributeurs de nanomatériaux est également prévue si les quantités traitées dépassent 100 grammes.

Enfin, l'accompagnement des malades par des conseillers médicaux en environnement intérieur est partiellement financé par le PNSE 2. À Paris, la visite est remboursée si elle est prescrite par un spécialiste. À Tours, les associations visitent les patients admis aux urgences pour une crise d'asthme sévère. De cette façon, les bonnes pratiques peuvent se diffuser.

Contrairement à l'idée reçue, l'air intérieur est plus pollué que l'air extérieur, du fait de la conjonction de divers facteurs : meubles en bois collé ou en aggloméré, matériaux de construction ou de décoration, appareils de chauffage mal réglés – l'intoxication à l'oxyde de carbone fait encore une centaine de victimes par an –, cheminées à foyer ouvert, stockage de déchets, particules dégagées par les activités domestiques comme la cuisson, le bricolage ou le ménage – en raison des produits d'entretien –, présence d'animaux au poil allergisant, fumées de tabac, d'encens ou de bougies parfumées.

Les sources de pollution de l'air intérieur sont multiples : des produits, inoffensifs lorsqu'on les prend séparément, cessent de l'être lorsqu'ils se combinent, notamment dans les habitations les mieux isolées, où l'air est le plus confiné.

La démarche scientifique doit dès lors comprendre quatre étapes. La première consiste en l'identification du danger, c'est-à-dire des sources polluantes intérieures. La seconde est l'estimation de la relation dose-effet, qui vise à quantifier les effets sur l'organisme. La troisième est l'évaluation et la quantification de l'exposition. La quatrième consiste à estimer la probabilité et la gravité du risque sanitaire ainsi que des effets indésirables susceptibles de se produire. Pour étiqueter les matériaux de construction et de décoration, il a fallu établir une grille de classement adaptée, comportant une pondération des différentes substances identifiées, acceptable par les fabricants, et suffisamment discriminante pour que tous les produits ne figurent pas dans la même classe. Le défi est tel que l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) préconise même un étiquetage des produits d'entretien, rappelant les bonnes conditions d'utilisation.

La gouvernance de la pollution de l'air intérieure est touffue, car de nombreux acteurs interviennent : l'ANSES, l'INERIS, le CSTB, l'OQAI, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et les AASQA, et il convient d'éviter les doublons.

Des zones d'ombre subsistent, notamment à propos du radon dont le risque a été réévalué par la Commission internationale de protection radiologique (CIPR).

Enfin, la lutte contre la pollution de l'air intérieur doit être conciliée avec d'autres exigences. Ainsi, la campagne de mesures menée dans les établissements scolaires montre que les contrôles risquent de coûter très cher là où des mesures simples à concevoir, sinon à mettre en oeuvre, suffiraient : ouverture des fenêtres avant et après la classe, choix des matériaux et respect des conditions d'utilisation, respect d'un délai entre la fin d'un chantier et l'entrée des enfants dans les lieux, formation du personnel d'entretien. En outre, le souci de la qualité de l'air intérieur va à l'encontre des mesures de simplification des normes en matière de construction et de logement.

En tout état de cause, il importe de sensibiliser les particuliers comme les professionnels à l'importance de l'aération et de la ventilation dans le cadre des travaux de rénovation énergétique, par exemple en étendant le diagnostic de performance énergétique (DPE) au contrôle de la qualité de l'air intérieur.

J'en viens à nos propositions relatives à la fiscalité environnementale sur laquelle nous avons des divergences de vues.

En ce qui concerne la fiscalité des carburants, je considère que la moindre taxation du gazole constitue une subvention indirecte dommageable à l'environnement. Elle doit être supprimée, en annulant le différentiel de taux de TICPE en faveur du gazole, voire en taxant davantage le gazole que l'essence, le premier émettant plus de polluants que la seconde. Le rééquilibrage du prix à la pompe pourrait être facilité par le caractère relativement faible du prix actuel des produits pétroliers. Il devrait être étalé dans le temps et s'appuyer sur un mécanisme compensateur pour des activités comme le transport routier de marchandises, qui recourt exclusivement au gazole.

S'agissant de ce dernier secteur, il convient d'internaliser davantage les coûts environnementaux, et je déplore l'abandon de l'écotaxe qui pénalise les investissements des infrastructures de transport et favorise l'abandon du « tout routier ». Je suis donc favorable au rétablissement des taux de la taxe à l'essieu qui avaient été diminués dans la perspective de l'entrée en vigueur de l'écotaxe.

Les montants actuels de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) « air » appliquée aux émissions atmosphériques, sont trop faibles, inférieurs à ceux pratiqués par certains pays voisins. Pour que cette taxe ait un effet incitatif à la réduction des émissions, il faut augmenter ses taux afin de les rendre supérieurs au coût marginal de dépollution.

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