Intervention de Martial Saddier

Réunion du 19 mai 2016 à 10h30
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartial Saddier, rapporteur :

Sur ce sujet, M. Roumégas et moi-même avons des approches différentes.

Je suis défavorable à un alourdissement de la fiscalité. S'agissant de la réduction du nombre de moteurs diesel au sein du parc automobile, j'observe que ce mouvement est amorcé, puisque la part des véhicules diesel a diminué de quinze points en quelques années, et qu'il se vend aujourd'hui plus de voitures roulant à l'essence qu'au gazole.

La Cour des comptes a appelé notre attention sur le fait que, lorsque l'on actionne un levier, par exemple celui du CO2, afin de contenir le réchauffement climatique, on risque de le faire au détriment d'autres actions, celles portant par exemple sur les NOx ou les particules fines. Il faut faire l'analyse d'ensemble de la chaîne des conséquences.

Ainsi, chacun s'accorde à considérer que les véhicules électriques sont « propres », mais, en l'absence d'analyse complète de la filière, incluant notamment le recyclage de la batterie, l'innocuité environnementale de ces automobiles n'est pas prouvée.

Par ailleurs, nous remplaçons, dans les villes, les petits véhicules diesel par des véhicules équipés de moteurs essence à trois cylindres qui ne sont pas nécessairement équipés de filtres à particules. La question est donc posée : le fait de privilégier un aspect ne risque-t-il pas d'en détériorer d'autres ?

Il faut encore rappeler que nos constructeurs se sont donné pour objectif de ramener d'ici à 2020 leur taux d'émission à 95 grammes de CO2 par kilomètre. Or, de telles transitions industrielles ne se font pas d'un claquement de doigts, et la disparition accélérée du diesel pourrait remettre en cause cet objectif et, partant, la politique de lutte contre le réchauffement climatique.

J'ajoute qu'environ dix millions de véhicules très anciens sont encore en circulation en France et que leurs propriétaires, qui les utilisent tous les jours pour aller travailler, ne disposent pas forcément des moyens financiers de les remplacer du jour au lendemain.

Je souhaite donc que, comme avec les fonds « Air Bois » et « Air Industrie », nous privilégiions l'incitation, et que toute hausse de la fiscalité des carburants soit restituée aux particuliers pour les aider à changer les véhicules les plus anciens.

S'agissant des poids lourds, je rappelle qu'ils font l'objet de tests en conditions réelles, qu'ils sont à la norme Euro 6 depuis plus de deux ans, et que les véhicules utilitaires en centre-ville posent des problèmes de pollution bien plus importants. Je suis donc défavorable, compte tenu des efforts d'ores et déjà réalisés, à une hausse de la fiscalité appliquée aux poids lourds.

Enfin, l'industrie est le secteur qui a fourni le plus d'efforts au cours des vingt dernières années. Augmenter la fiscalité qui pèse sur elle serait injuste et méconnaîtrait le contexte de compétition internationale auquel elle est confrontée. Une approche incitative est donc préférable, à l'instar de ce que nous proposons avec l'expérimentation d'un fonds « Air Industrie » qui aiderait financièrement, sur une base volontaire, les industries ayant encore des marges de progrès, dans les zones où des PPA sont en cours, c'est-à-dire dans celles où un enjeu important existe.

Au-delà de ces divergences de vues portant sur la fiscalité, je tiens encore à remercier M. Roumégas, avec qui nous avons pu dégager des perspectives communes, et je ne désespère pas que les pouvoirs publics se saisissent de notre rapport afin de relever le double défi de la qualité de l'air dans notre pays et de la lutte contre le réchauffement climatique.

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