Quel plaidoyer, Madame la présidente ! Si l'article 38 a rapidement fait l'objet d'un assez large consensus, il n'en va pas de même pour l'article 43. Nous sommes tous attachés au Made in France (fabriqué en France) artisanal, au travail qualifié, à la reconnaissance des milieux populaires… En revanche, personne ne peut affirmer ici que les questions posées par le rapport Barbaroux sur l'évolution des métiers et l'inclusion des milieux défavorisés ou le nouvel entreprenariat sont des légendes. Personne ne peut soutenir non plus que le recrutement dans l'artisanat et la satisfaction de la demande ne sont pas des sujets de préoccupation. Il faut donc faire bouger les lignes, ce qui ne signifie pas mettre tout à plat et créer le désordre partout.
La proposition de M. Emmanuel Macron laissait au Gouvernement un pouvoir considérable en rebattant les cartes d'une situation qui reposait sur le résultat des travaux de M. Laurent Grandguillaume et les dispositions de la loi Pinel. Cette proposition a créé le désordre partout, et pas seulement chez les coiffeurs et chez les ramoneurs. Dans le bâtiment notamment, tout le monde s'est senti menacé par l'insécurité juridique et la concurrence déloyale. L'intention du ministre doit donc être encadrée, ce que je propose de faire avec des amendements qui tendent à poser trois jalons.
En premier lieu, il s'agit de réparer un oubli du Gouvernement, en rétablissant la concertation, qui est pourtant fondamentale, avec les branches et les responsables professionnels. Le ministre nous a d'ailleurs montré, s'agissant de l'onglerie et de la coiffure, que c'est le seul dialogue avec la profession qui a permis de déterminer si la coiffure africaine relevait de telle ou telle catégorie. La concertation avec les organisations professionnelles représentatives et les organisations consulaires, comme préalable à la publication des décrets, doit donc être inscrite dans la loi.
En deuxième lieu, il s'agit d'aider les personnes mentionnées par le rapport Barbaroux, qui n'ont réussi ni par l'école, ni par l'apprentissage, mais par leur énergie et les savoir-faire qu'elles ont acquis ailleurs, et qui voudraient réintégrer le monde du travail, passant pour certaines de l'économie informelle à l'économie formelle – ces personnes dont on dit qu'elles ont un talent fou mais aucun diplôme pour le certifier. Je propose donc que la validation des acquis de l'expérience (VAE), que ce soit dans le secteur de la mécanique ou dans le second oeuvre du bâtiment, puisse accélérer la reconnaissance de leur qualification, jeter des passerelles entre exclus et intégrés. En effet, les procédures en vigueur sont laborieuses, culturellement inadaptées à ces publics.
Tout à l'heure, j'ai proposé à M. Emmanuel Macron qu'une cellule de volontaires réfléchisse à ce que pourrait être une VAE « nouvelle formule », qui réponde au désir d'agilité, d'inclure des gens dans la société, de leur offrir une seconde chance en les qualifiant sans qu'ils doivent forcément en passer par l'école ou l'appareil consulaire tels qu'ils fonctionnent aujourd'hui. Inventons un nouveau modèle !
En troisième lieu, il faut éviter de créer un sous-artisanat – ce serait catastrophique. Reste que les lois Borloo et Pinel ont reconnu le secteur des « hommes toutes mains ». Souvent assimilé au bricolage, il correspond pourtant à une demande réelle de services ponctuels et limités, la plupart du temps non concurrents de l'artisanat plus traditionnel. Qui plus est, cette demande est croissante au sein d'une population vieillissante, débordée ou dépendante.
Une extension, avec discernement, du domaine d'activité de ces hommes toutes mains me paraît le compromis acceptable. Autrement dit, nous n'aurions pas demain, d'un côté, une population « uberisée » dans un univers informel et, de l'autre, les ressortissants de la vieille économie, enfermés dans un univers normalisé comme dans une forteresse. Une passerelle serait jetée entre les deux mondes. Le périmètre des métiers qui bénéficient souvent du chèque emploi service universel (CESU) et qui relèvent des services à la personne et du bricolage pourrait être redéfini. Nous ne serions ni dans l'incertitude, ni dans une disqualification du monde de l'entreprenariat, mais dans sa requalification. Tel est le compromis que nous avons proposé à M. Emmanuel Macron et qu'il a, je crois, entendu – d'autant mieux que Mme la présidente laisse planer la menace de son amendement qui obligerait à renoncer à toute réforme en la matière.
Entre le conservatisme et le désordre, nous choisissons la réforme.