Pour répondre à vos questions sur la régularisation des comptes en Suisse, je commencerai par le petit bout de la lorgnette : celui de la rémunération. Les avocats fiscalistes ont élaboré le mode d'emploi des régularisations, qui a permis à tous ceux qui sont intervenus dans ce processus d'expliquer à leurs clients combien cela allait leur coûter. C'est la première question à laquelle il faut répondre pour convaincre quelqu'un de régulariser, c'est donc grâce à notre travail que tous les intervenants ont pu convaincre les détenteurs de compte de régulariser leur situation.
Malgré cela, ce ne sont pas les avocats français qui ont fait le plus de régularisations. Beaucoup d'experts-comptables se sont positionnés sur ce secteur qu'ils ont estimé porteur. Avantagés par la grande taille de leurs cabinets et les moyens importants dont ils disposent, ils ont été capables de fournir la même prestation que les avocats pour un tarif moindre. Ils ont donc pris une part non négligeable du marché.
D'autre part, les avocats suisses pratiquaient des tarifs plus élevés que les nôtres, mais ils ont un avantage concurrentiel : ils ne facturent pas de TVA. Ils ont donc également pris une part non négligeable du marché.
Enfin, ceux des avocats français qui ont traité des régularisations se sont fait rémunérer de façon très variable. Certains ont pris un pourcentage, d'autres des forfaits, d'autres ont facturé au temps passé. La facturation au temps passé est celle que le bâtonnier applique en cas de litiges afin de déterminer le juste honoraire.
Oui, nous nous sommes félicités d'avoir participé au succès de ces régularisations. Et à cette occasion, certains d'entre nous – moi le premier – ont réalisé que quelques-uns de leurs clients avaient des comptes en Suisse dont ils n'avaient jamais parlé. Ils connaissaient la réponse qui leur aurait été apportée : nous ne pouvons pas accepter de compter dans notre clientèle des personnes détenant un compte non déclaré, car nous risquons d'être pénalement sanctionnés pour complicité de blanchiment de fraude fiscale.
Pour améliorer la manière dont se déroulent les contrôles fiscaux, la seule solution est le dialogue. Un certain nombre d'outils peuvent le favoriser, mais c'est le respect mutuel qui permet un bon dialogue. Nous nous félicitons que les inspecteurs des impôts respectent notre profession, mais nous constatons malheureusement une utilisation un peu trop systématique des pénalités pour manquement délibéré – 40 % – qui aboutissent trop souvent à exercer une forme de chantage sur le contribuable : il lui est proposé l'abandon de ces pénalités en contrepartie de l'acceptation du redressement. De notre point de vue d'avocats, ce n'est pas acceptable : un redressement critiquable doit pouvoir être critiqué en toute sérénité, et pas sous la menace de pénalités fiscales.
En réponse à M. Le Fur, nous avons en effet constaté une systématisation des contrôles fiscaux pour les régimes de faveur, et c'est normal. L'impôt est déclaratif, mais en contrepartie l'administration a un pouvoir de contrôle. Lorsqu'un régime de faveur est utilisé pour faire des économies d'impôts, il est normal que l'administration vienne le vérifier. À nous, avocats, d'aider les contribuables à bénéficier de ces régimes de faveur en toute sécurité, conformément à notre interprétation de la loi, qui n'est pas toujours celle de l'administration. Nous avons vu récemment des instructions annulées par des recours en excès de pouvoir devant le Conseil d'État. Je peux parler d'un d'entre eux, puisqu'en j'en suis l'auteur. Il contestait l'instruction administrative prétendant appliquer les abattements pour durée de détention aux moins-values de cession de titres et a fait l'objet d'une décision du Conseil d'État du 12 novembre 2015.