Intervention de Thierry Mandon

Séance en hémicycle du 24 mai 2016 à 9h30
Questions orales sans débat — Arrêt du réacteur orphée

Thierry Mandon, secrétaire d’état chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche :

Monsieur le député, vous m’avez déjà interrogé récemment, par écrit, sur la stratégie française en matière de diffusion neutronique. Ma réponse vous a permis de disposer de certains éléments, mais il est utile que nous poursuivions cet échange à propos de cette technologie extrêmement importante tout autant pour la recherche que pour l’industrie françaises.

La France s’honore, en effet, d’avoir été capable de mener un véritable travail de prospective scientifique en s’appuyant sur le Comité des très grandes infrastructures de recherche, organisme indépendant formé de scientifiques de haut niveau très expérimentés. À l’issue de ce travail approfondi, et en étroite concertation avec les organismes de recherche concernés, il a en effet été décidé – vous l’avez rappelé – dès 2013 d’arrêter l’exploitation du réacteur Orphée à la fin de cette décennie, c’est-à-dire en 2020 environ.

Cette décision a été difficile à prendre, mais elle a été mûrement réfléchie et concertée. Elle laisse le temps aux acteurs impliqués de se repositionner et de se tourner vers l’avenir puisque cette échéance n’interviendra que dans six ou sept ans.

L’avenir des installations de la neutronique française repose désormais sur l’ILL, société civile localisée à Grenoble, première source de neutrons au monde en termes de nombre annuel de publications scientifiques. Il repose également sur l’ESS, la source européenne à spallation de neutrons basée à Lund, en Suède, dont la France est actionnaire et qui ne sera, elle, opérationnelle que vers 2028.

Cet avenir se prépare donc dès aujourd’hui. La contribution française à l’ESS, qui s’élève à environ 150 millions d’euros, sera apportée en nature à hauteur de 90 %, notamment par la fourniture de la partie accélérateur ainsi que de différents instruments.

Il s’agit d’une situation très favorable pour nos industriels et nos laboratoires, dont le LLB. Savez-vous, par exemple, que l’expertise française est telle que la direction de l’ESS a récemment sollicité le Commissariat à l’énergie atomique – le CEA – ainsi que le CNRS afin qu’ils réalisent des éléments supplémentaires de la machine ?

Finalement, malgré les craintes qui demeurent et qu’il faut entendre, l’engagement français dans l’ESS pourrait constituer une chance pour la filière industrielle des accélérateurs, que vous avez évoquée, et offrir de nouvelles opportunités à nos laboratoires. Il s’agit à présent de savoir les saisir.

Le LLB remplit ainsi une mission essentielle de coordination de la construction d’instruments scientifiques, éléments stratégiques de la contribution française en nature à l’ESS.

Au-delà du respect de nos engagements internationaux, cette contribution française est la meilleure façon de s’approprier – en partie – la nouvelle machine de l’ESS et, ainsi, de maintenir la neutronique française au meilleur niveau mondial.

Par ailleurs, le LLB, en tant que centre de recherche d’excellence, poursuivra ses travaux après l’arrêt d’Orphée en accédant aux différentes sources européennes de neutrons. Nous savons, à cet égard, que des négociations – qui sont également en cours avec d’autres sources de neutrons – ont abouti avec l’ILL.

Quant à la deuxième partie de votre question, monsieur le député, soyons bien clairs : la stratégie de recherche en matière de sources de neutrons a été élaborée avec une vision à vingt ans.

Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, et alors que d’autres projets nationaux d’infrastructures ambitieux se préparent, il ne peut être envisagé que soit construite, à brève ou moyenne échéance, une nouvelle source de neutrons à des fins de recherche, en lieu et place du site d’Orphée.

En revanche, nous savions, au moment où la décision d’arrêter le réacteur a été prise, que des industriels bénéficiaient de la source d’Orphée pour réaliser différents diagnostics critiques pour leurs activités : c’est notamment le cas dans le secteur de l’aéronautique.

Il est possible qu’une petite source de neutrons compacte, que vous avez également évoquée, réponde de façon adaptée à ces besoins industriels. En effet, une telle source pourrait être réalisée à partir de l’injecteur de protons à haute intensité construit dans le cadre d’une collaboration entre le CEA, le CNRS et l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, le CERN. Cet équipement est en cours de test. Il faut donc suivre avec la plus grande attention les réflexions qui sont en cours.

Vous comprendrez aisément qu’il n’est pas du rôle de mon ministère de financer la construction d’installations à caractère industriel même si, bien entendu, le savoir-faire très pointu requis pour la construction de telles infrastructures pourrait être apporté par les ingénieurs de très haut niveau en poste dans nos laboratoires.

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