J’entends bien cette expression qui fut la sienne dans cette fameuse circulaire – cet « asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas » que devait être l’école. Néanmoins, quelle que soit l’admiration que nous ayons pour le grand homme, la vérité nous oblige à admettre que les querelles des hommes pénètrent aujourd’hui dans l’école. Vous l’avez d’ailleurs illustré en évoquant la radicalisation, la délicate question de la laïcité, etc.
Sur ces difficultés et ces enjeux, il convient d’abord et surtout de ne pas fermer les yeux. Il faut faire en sorte que les enseignants soient bien formés et bien accompagnés, notamment en ressources pédagogiques, pour évoquer ces sujets avec les élèves et pour y apporter des réponses.
C’est la raison pour laquelle, notamment lors de la grande mobilisation de l’école pour les valeurs de la République qui a suivi les attentats contre Charlie Hebdo de janvier 2015, nous avons décidé de former 300 000 enseignants à la laïcité, mais aussi de prodiguer un enseignement moral et civique aux élèves. Cet enseignement a vu le jour à la rentrée de cette année scolaire. À raison d’une heure par semaine dans le primaire et d’une heure tous les quinze jours dans les collèges et les lycées, c’est un moment unique où les élèves peuvent débattre de certains sujets d’actualité que, jusqu’à présent, ils gardaient pour eux, souvent dans la plus totale désinformation de l’internet. Ils disposent aujourd’hui d’un cadre au sein duquel ils peuvent confronter des opinions et aiguiser leur esprit critique. C’est une vraie nouveauté et c’est extrêmement important que cet enseignement moral et civique.
Pour en venir à la question de la radicalisation, je me réjouis tout d’abord que votre assemblée ait organisé aujourd’hui même, à l’initiative du député Guy Delcourt et en ma présence, une projection du très beau film Ne m’abandonne pas, sur la lutte contre la radicalisation, suivie d’une rencontre avec l’équipe du film. Au sein de l’école, nous avons amélioré substantiellement nos dispositifs de signalement. Il est important – et c’est le sens du livret « Prévenir la radicalisation des jeunes » que nous avons édité – que les chefs d’établissement, les conseillers principaux d’éducation et les enseignants aient un regard qui leur permette d’appréhender les changements de comportement et sachent qui informer, qui prévenir pour qu’une cellule de suivi se mette rapidement en place avec la préfecture et gère l’enfant et sa famille.
Mais il convient également de prévenir de tels phénomènes, donc faire en sorte que nos élèves comprennent les valeurs de la République et comprennent pourquoi il faut y adhérer, et qu’ils apprennent à se méfier, notamment par l’éducation aux médias et à l’information, de tout ce qui peut les entraîner vers les dérives de la radicalisation, en particulier tous les éléments non sourcés et non fiables que l’on trouve sur l’internet.
Telle est, en quelques mots, notre action. Il s’agit évidemment d’un travail qui mérite d’être poursuivi et amplifié.