Intervention de Bertrand Pancher

Séance en hémicycle du 31 janvier 2013 à 15h00
Indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et protection des lanceurs d'alerte — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

Elles ressentent le besoin de dire la vérité, ou du moins la leur. Il convient donc de répondre et de s'informer.

La France ne possède pas actuellement dans son arsenal juridique de système protecteur des lanceurs d'alerte, contrairement aux États-Unis et leur Whistleblower Protection Act ou à la Grande-Bretagne et son Public Interest Disclosure Act, dont la portée est d'ailleurs beaucoup plus étendue que la loi qui nous est proposée. La loi américaine permet ainsi à tout citoyen de dénoncer, sans risque de représailles, ce qu'il considère comme une atteinte à l'intérêt général.

Ce constat établi, on voit bien que c'est un corpus juridique fondamental qu'il convient de constituer, protecteur de la santé et de la liberté de nos concitoyens. D'ailleurs, l'article 52 de la loi « Grenelle I » recommandait une loi instituant la protection des lanceurs d'alerte, tout comme le rapport d'étape des travaux de la Commission Lepage sur la gouvernance, installée à la demande de la précédente majorité. Ce rapport n'avait cependant pas été transformé en projet de loi, le statut des lanceurs d'alerte qu'il préconisait ne faisant pas l'unanimité en raison de sa lourdeur.

C'est la raison pour laquelle l'ancien Président de la République m'avait confié une mission plus large visant à traiter de la question de la démocratie environnementale dans son ensemble. Dans ce cadre, il m'avait semblé nécessaire de ne pas déconnecter l'alerte de l'information, de la participation des acteurs concernés aux décisions, de la gouvernance des agences sanitaires, mais également de l'analyse d'impact. Régler une seule question sans résoudre les autres manquait singulièrement de cohérence. Comment, par exemple, généraliser le suivi d'une alerte si nos concitoyens sont mal informés ? N'est-ce pas créer des goulots d'étranglement et des frustrations et alimenter une machine administrative lourde et inefficace ? La qualité des informations mises à disposition du public pose problème dans notre pays.

De même, il m'a semblé indispensable de travailler à la généralisation de la concertation avec les acteurs et le grand public au cas par cas, lors de décisions sujettes à de grandes controverses sociotechniques, souvent complexes lors de la mise sur le marché de certains produits. L'exemple des vaccins est révélateur : si le risque existe toujours, l'avantage global est avéré, mais que répondre à la famille dont un membre vient de décéder ?

Largement remaniée par nos collègues sénateurs, votre proposition de loi est incontestablement le fruit d'un travail sérieux, même si elle ne répond que très partiellement et de façon un peu trop orientée aux questions posées. Vous suspectez les entreprises et faites porter sur elles seules ce qui pourrait aller mal. C'est votre choix, il peut faire débat. La pertinence de la question n'emporte pas nécessairement celle de la réponse. « Le mauvais choix des moyens, disait Edgar Faure, est le seul véritable choix contre l'idéal ».

Ce texte fait le choix de proposer un statut protecteur pour nos sentinelles citoyennes et de créer une structure nationale pour en assurer le respect, la commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d'environnement. L'idée de faire participer le public à la vigilance sanitaire et à la contribution aux décisions publiques n'appelle aucune objection de notre part. Il va de soi que c'est la société toute entière qui doit être gagnante si chacun de ses membres devient acteur de son destin.

Nous formulons cependant deux objections majeures au dispositif qui nous est proposé.

La première est celle de la charge liée à l'existence de ce droit. C'est d'abord une charge morale. Elle ne pèse que sur les entreprises, implicitement désignées comme le mauvais objet, celui dont il convient de se protéger, au motif que leurs intérêts économiques feraient nécessairement obstacle à la manifestation de la vérité. Le monde de demain est incontestablement un monde de règles adossées à nos valeurs et il est en effet indispensable de contrôler la qualité des biens et des services. Nous ne croyons pas non plus en la « main invisible » du marché. Cependant, nous ne pensons pas qu'il soit souhaitable de faire peser sur le seul monde du travail des procédures trop draconiennes.

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