Intervention de Hosham Dawod

Réunion du 6 avril 2016 à 16h15
Mission d'information sur les moyens de daech

Hosham Dawod, anthropologue au CNRS :

Dans la réalité, la plupart des États distinguent la partie sacrale et la partie mondaine de la charia. Il y a quelques 57 États musulmans dans le monde qui forment ce qu'on appelle l'Organisation de coopération des pays musulmans. Parmi eux, il n'y a que peu d'États qui ont recours systématique à la charia comme référence absolue et unique. La société locale pratique une pression sur l'instance politique et sur l'instance religieuse pour repenser certaines choses. Par exemple, faut-il couper systématiquement la main d'un voleur ? Si on appliquait cette règle à chaque fois, je suis sûr qu'on verrait la moitié de la population avec une seule main.

Il y a de vraies réflexions dans les pays sunnites mais également chiites. Ce sont des choses à saluer. Mais ces réflexions se passent dans des conditions très difficiles. Nous sommes dans une période où la contradiction sociale et politique est telle quelle c'est utilisé par les mouvements islamistes. Ces difficultés s'inscrivent par ailleurs dans une période complexe qui vient après l'échec du soulèvement des printemps arabes et dans une situation économique très dures. L'islamisme social se trouve en position de force en tant que relève politique.

Malgré tout, il y a des efforts dans des pays comme l'Égypte et l'Iran, efforts qui existaient déjà en Turquie et ailleurs. On se focalise davantage sur quelques pays où la charia constitue l'unique référence mais je crois que la situation est différente en Malaisie, en Indonésie, dans les républiques d'Asie centrale, en Tunisie, au Maroc... Même en Arabie Saoudite, il y a de féroces débats à ce sujet. Les pays musulmans savent qu'ils font face à un défi et doivent s'adapter.

En tant qu'anthropologue, j'ai effectué six fois le pèlerinage de la Mecque. Je voulais savoir ce qui changeait et comment ce pèlerinage s'adaptait dans des pays possédant un système de pensée religieuse qualifié de wahhabisme et qu'on considère immuable. Le pèlerinage est vécu comme un sacrifice et permet de suivre les pas d'Abraham. À l'époque du prophète, 2000 à 3000 personnes participaient au sacrifice consistant à égorger un mouton. Aujourd'hui, ils sont quelque trois millions dans la même vallée. On ne peut plus pratiquer le pèlerinage de la même façon. On accepte donc des modifications : au lieu d'égorger un mouton, on pousse les gens à aller dans une banque et à payer 120 dollars. Le sacré est là mais on a déplacé les symboles. Si nous devons continuer à avoir un regard critique – c'est une nécessité –, il faut aussi accompagner ces transformations.

Sur le réseau des mosquées, je peux parler de ce qui se passe sur place. Sur le terrain, certaines mosquées échappent à tout contrôle, surtout dans certains pays du Golfe. Certaines mosquées sont là pour recruter, recueillir des aumônes qui circulent vers des pays où il y a le djihad le plus actif...

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